Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué, chargé du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à BFM TV le 3 novembre 2023, sur les conséquences du passage de la tempête Ciaran, la situation au Proche-Orient, l'antisémitisme, le projet de loi pour contrôler l'immigration et le jugement du ministre de la justice par la Cour de justice de la République pour prise illégale d'intérêts.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM TV

Texte intégral

BENJAMIN DUHAMEL
RMC/BFM TV, mon invité ce matin dans "Le face à face" c'est Olivier VERAN, le porte-parole du Gouvernement, bonjour Olivier VERAN.

OLIVIER VERAN
Bonjour.

BENJAMIN DUHAMEL
Et merci d'avoir accepté notre invitation. On va bien sûr parler de la situation au Proche-Orient, de la loi immigration, mais d'abord les suites de la tempête Ciaran. Hier soir plus de 680 000 foyers étaient encore privés d'électricité, le retour à la normale c'est pour quand, est-ce que la situation sur le terrain s'améliore ?

OLIVIER VERAN
La situation s'améliore grâce à l'action, je le dis, des agents d'ENEDIS et des services de secours. On était ce matin, à 7h30, aux alentours de 523 000 foyers encore coupés d'électricité, plus de 350 000 concernant la Bretagne, dont la moitié dans le Finistère, on a aussi quelques milliers de foyers qui sont encore coupés du courant les Hauts-de-France, avec des situations qui sont assez variables, des endroits où la réparation va pouvoir se faire dans les prochaines heures, et des endroits, notamment dans le Finistère, où d'ailleurs d'après les propos mêmes de la patronne d'ENEDIS, les lignes électriques ont été carrément hachées menu du fait de la tempête, donc ça veut dire que les agents sur le terrain doivent se frayer un passage, enlever les arbres pour pouvoir accéder et continuer.

BENJAMIN DUHAMEL
Donc on peut espérer un retour à la normale d'ici quoi, d'ici la fin du week-end ?

OLIVIER VERAN
On voit que ça s'améliore, on a eu 150 000 Français qui ont retrouvé le courant cette nuit, donc ça va s'amplifier dans les heures qui viennent.

BENJAMIN DUHAMEL
Donc ce nouveau chiffre que vous nous donnez ce matin, 523 000 foyers toujours privés d'électricité, ça va un petit peu mieux. On a appris ce matin que le président de la République allait se rendre sur place dans le Finistère, est-ce qu'il va décréter, est-ce qu'il va annoncer que l'état de catastrophe naturelle a été décrété ?

OLIVIER VERAN
D'abord le président de la République il va saluer l'action des services de secours, de pompiers, on est quand même à plus de 10 000 interventions des services de secours et de pompiers depuis que cette tempête est passée, ce qui est absolument énorme, que les Français se rendent compte ce que ça représente plus de 10 000 interventions, des milliers d'acteurs qui sont mobilisés sur le terrain, donc il va à la rencontre, il va aussi, j'imagine, rencontrer des élus locaux qui font face aux destructions, aux dégradations. Du point des assurances la situation elle est assez claire s'agissant des maisons, des logements, puisque tous les logements sont garantis contre le risque tempête, c'est dans les contrats de base, et donc ça permet de bien rembourser les Français qui ont des dégâts, notamment on paye, les assurances payent le prix des reconstructions, pour que chacun…

BENJAMIN DUHAMEL
Mais il y a quelques situations, au cas par cas, où l'état de catastrophe naturelle est nécessaire, est-ce qu'il sera décrété par le Gouvernement ?

OLIVIER VERAN
Il peut y avoir des situations, notamment pour les véhicules, quand elles ne sont pas garanties tous risques, mais qu'elles sont uniquement garanties risques tiers, où là les assurances peuvent ne pas prendre en charge, donc ce sont les discussions qui seront arbitrées par le président et la Première ministre…

BENJAMIN DUHAMEL
Mais ça fait partie des possibilités…

OLIVIER VERAN
Ça fait partie des choses qui sont discutées et on verra ce que le président annoncera en la matière cet après-midi.

BENJAMIN DUHAMEL
Olivier VERAN, l'armée israélienne a annoncé hier soir avoir achevé l'encerclement de la ville de Gaza après avoir bombardé ces derniers jours le camp de réfugiés de Jabaliya afin de neutraliser un commando du Hamas, dit Tsahal, plusieurs dizaines de civils palestiniens sont morts, par ailleurs quatre écoles de l'ONU ont également été touchées par des bombardements imputés à Israël par le Hamas. La semaine dernière Emmanuel MACRON avait dit "soutenir une lutte", je cite, "sans merci, mais non sans règles", est-ce que ces règles ont été, sont respectées en ce moment par Israël ?

OLIVIER VERAN
C'est aux instances internationales de le déterminer. La France a déjà eu à condamner fermement le bombardement, par exemple, de Jabaliya, avec le campement humanitaire dans lequel se trouvaient des réfugiés. On dit qu'il faut…

BENJAMIN DUHAMEL
Alors, pardon Olivier VERAN, ce n'est pas une condamnation ferme que j'ai entendue moi, j'ai lu un communiqué qui parlait d'une… "profondément inquiète."

OLIVIER VERAN
Non, non. Suite au bombardement du campement où il y avait des réfugiés la France a condamné, évidemment. Il y a trois chantiers, trois lieux d'intervention pour lesquels on est vigilant, il y a d'abord celui de l'humanitaire, il y a celui du militaire et il y a celui du politique, je viens de vous rappeler la position de la France en la matière, elle n'a pas bougé, le droit d'Israël de se défendre et de répondre, sans merci, face à l'agression terroriste, c'est important pour elle de le faire, le respect du droit humanitaire, et la France s'engage notamment pour élargir le corridor humanitaire de Rafah et de permettre à ceux qui doivent être évacués, ceux qui veulent évacuer, ceux qui veulent être protégés, de pouvoir l'être, et l'intervention dans le champ politique, c'est-à-dire il n'y aura pas de paix sans sécurité et donc il nous faut une solution à deux États.

BENJAMIN DUHAMEL
Donc vous dites la France condamne les bombardements de ce camp de réfugiés de Jabaliya ?

OLIVIER VERAN
La France l'a fait, par la voix du Quai d'Orsay.

BENJAMIN DUHAMEL
Moi, pardon Olivier VERAN, mais moi j'ai lu le communiqué du Quai d'Orsay, "la France est profondément inquiète."

OLIVIER VERAN
Je vous le redis…

BENJAMIN DUHAMEL
Ce n'est pas une condamnation.

OLIVIER VERAN
Et les instances internationales l'ont fait également.

BENJAMIN DUHAMEL
D'accord, mais donc la France condamne, vous venez de le dire. Vous avez le sentiment que ces avertissements sont écoutés par Israël, ces appels à respecter le droit international humanitaire, vous avez le sentiment d'être écoutés ?

OLIVIER VERAN
Mais, je ne doute pas une seconde qu'Israël écoute la coordination internationale, les instances internationales, et qu'elle-même est attentive à la situation des civils dans la bande de Gaza. Il y a une situation qui est extrêmement compliquée, Benjamin DUHAMEL, c'est que vous avez des terroristes, par milliers, qui sont revenus dans la bande de Gaza, qui parfois s'entourent de boucliers humains, parfois vont s'installer dans des écoles, vont s'installer dans les hôpitaux, vont parfois planquer des munitions dans les sous-sols de bâtiments publics, de manière à justement éviter d'être touchés et bombardés, et donc cette situation elle est extrêmement compliquée sur place, et ça on peut le comprendre. Ce qu'on dit encore une fois, c'est qu'Israël a vocation à aller chercher ses otages, je voudrais qu'on parle des otages, il y a encore des centaines de personnes qui sont captives dans la bande de Gaza. Israël a vocation à faire en sorte que les terroristes qui se planquent dans la bande de Gaza et dans des bâtiments, entourés parfois de civils, et parfois d'enfants, ne puissent plus réintervenir de la manière dont ils l'ont fait en massacrant la population… les otages.

BENJAMIN DUHAMEL
Vous avez raison sur les otages, mais quand la France, d'autres pays occidentaux appellent à une trêve humanitaire, ou à des trêves humanitaires, vous voyez bien que ce n'est pas suivi d'effet, est-ce que vous prêchez dans le désert, est-ce que vous parlez dans le vide ?

OLIVIER VERAN
À l'heure à laquelle on se parle il y a, par exemple, 600 binationaux, 600 étrangers, qui sont évacués à destination de l'Egypte, il y a des milliers de personnes qui peuvent passer par le corridor humanitaire pour aller se mettre à l'abri, donc ce travail qui est fait, de diplomatie sur place, il permet quand même d'avoir l'organisation de campements humanitaires, de faire venir aussi des ressources, notamment des ressources en médicaments, des ressources logistiques, pour pouvoir construire des hôpitaux de fortune, mais qui sont extrêmement utiles sur place, et la France prend d'ailleurs toute sa place, je vous le redis, nous avons le bâtiment, le navire Tonnerre, qui est capable d'avoir un hôpital militaire pour pouvoir soigner des gens, et donc tout ça se fait aussi par l'action de la coordination internationale et par la voie diplomatique.

BENJAMIN DUHAMEL
Vous évoquiez ces 600 étrangers qui sont en train de sortir de Gaza par le terminal de Rafah, c'est une information que l'on vous révélait sur BFM TV il y a quelques instants, dont des Français et des ayants-droits, en tout une cinquantaine de personnes, est-ce que vous avez des informations sur ces évacuations en cours, est-ce qu'à l'issue de ces évacuations il n'y aura plus de Français dans la bande de Gaza ?

OLIVIER VERAN
En tout cas nous faisons tout en sorte pour que tous les Français présents là-bas et qui souhaitent être évacués puissent l'être, et encore une fois l'action internationale, avec nos alliés, cette coordination de renseignement, logistique, diplomatique, nous permet d'extraire de la bande de Gaza des étrangers, notamment des Européens, et des Américains, qui souhaitent quitter la bande de Gaza, et c'est notamment le cas d'une cinquantaine de Français, et ce sera effectivement une bonne nouvelle lorsque ce sera confirmé.

BENJAMIN DUHAMEL
Olivier VERAN, parmi les conséquences de ce conflit au Proche-Orient il y a les manifestations en faveur de la cause palestinienne qui sont organisées à Paris, à Paris et ailleurs d'ailleurs, il y en avait une hier, il y en a une autre demain à l'appel de plusieurs organisations, la France Insoumise, la CGT notamment, elle n'a pas été interdite, et voici ses mots d'ordre, "Cessez-le-feu immédiat", "arrêt des bombardements et des déplacements forcés de la population", "levée immédiate du blocus et protection du peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie", ces mots d'ordre ils vous posent problème ou vous pourriez les reprendre, voire aller manifester avec eux demain à Paris ?

OLIVIER VERAN
Il ne manque pas des choses ? Il n'y a rien qui vous choque ?

BENJAMIN DUHAMEL
Allez-y, je vous laisse…

OLIVIER VERAN
Eh bien je ne sais pas, il y a des centaines d'otages, il y a des enfants, des femmes, des vieillards, qui sont actuellement des otages israéliens, dans les mains des terroristes à Gaza. Ils en parlent dans leur mot d'ordre ? C'est-à-dire qu'on manifeste pour la paix, pour la survie du peuple palestinien, ce qui est tout à fait légitime, mais on omet ou on oublie ou on veut omettre le principe selon lequel on soutient aussi la vie des otages et des familles qui attendent de retrouver les leurs ? Non mais…

BENJAMIN DUHAMEL
Alors, pour être très précis, pour être très précis…

OLIVIER VERAN
De ce que vous lisez…

BENJAMIN DUHAMEL
Attendez, le Parti socialiste, le Parti communiste, Europe Ecologie les Verts, ont eux, dans leur communication, évoqué et demandé la libération des otages, mais c'est vrai que dans cet appel, n'est pas fait mention de la question des otages, ça c'est vrai.

OLIVIER VERAN
Donc, on a une indignité sélective. Et encore une fois, d'ailleurs ce que vous venez de dire l'illustre, vous avez une partie de la gauche républicaine, qui est pour la solution humaniste, qui est pour sauver des vies, et c'est tout à son honneur…

BENJAMIN DUHAMEL
Donc pour eux, ça vous choque, ça vous choque qu'ils aillent manifester ?

OLIVIER VERAN
Et vous avez une partie de la gauche, la gauche extrême, celle de LFI, qui fait de la politique dans le contexte que nous connaissons. Je vais vous dire aussi autre chose, Benjamin DUHAMEL, on est dans notre pays en train de déplorer quotidiennement des dizaines d'actes antisémites, qui s'additionnent les uns aux autres. On sera sans doute bientôt à 1 000 actes antisémites, on était à plus de 800 en début de semaine. Ça veut dire qu'il y a des gens dans notre pays qui n'osent plus sortir faire leurs courses. Il y a des gens, parce qu'ils sont juifs, qui n'osent plus prendre un Uber. Il y a des gens, parce qu'ils sont juifs, qui hésitent à remettre leurs enfants à l'école à partir de lundi. Il y a des gens qui sortent dans la rue, ils voient marquées des injures au peuple juif. C'est quelque chose que la France n'a plus connu depuis des décennies. Et pour cause, la France n'est pas antisémite. Mais il y a cette espèce d'antisémitisme latent, rampant, qui est en train d'exploser, parce qu'il y a ce conflit israélo-palestinien. Et moi, j'aimerais aussi dire ce matin que je voudrais que nous soyons tous collectivement indignés par cela, et que la France n'est pas un pays dans lequel on peut accepter ou s'habituer à l'antisémitisme. Et je voudrais qu'on se mobilise aussi contre cet antisémitisme.

BENJAMIN DUHAMEL
Mais, Olivier VERAN, je vais vous poser une question très précise dans un instant sur l'antisémitisme, mais juste sur ces manifestations, on peut vouloir soutenir la cause palestinienne, sans pour autant être complice de l'antisémitisme.

OLIVIER VERAN
Ah mais bien sûr. Je ne fais pas le lien entre les deux. Je vous dis juste que j'aimerais aussi que les gens qui se mobilisent, parce que moi j'aime la mobilisation, et quand c'est une mobilisation pour la paix, quand c'est une mobilisation pour…

BENJAMIN DUHAMEL
Mais vous pourriez par exemple vous joindre à cette manifestation ?

OLIVIER VERAN
Je n'irais certainement pas à une manifestation coorganisée par LFI, considérant la position qui n'est même pas trouble, qui est même sans équivoque, de ce parti, dans la période que nous connaissons. Je vous dis juste que la France est un pays qui a toujours su se mobiliser. Vous savez, quand il y avait eu le cimetière profané à Carpentras, pour des tombes profanées, on était 1 million dans la rue. J'avais participé à ces manifestations. Aujourd'hui, ce qui se passe est grave dans notre pays. Ce qui se passe est très grave.

BENJAMIN DUHAMEL
Et il n'y a pas ce genre de manifestation. Comment est-ce que vous l'expliquez ? Vous appelez les Français à descendre dans la rue pour…

OLIVIER VERAN
Non, mais je peux comprendre qu'il y ait une forme de…

BENJAMIN DUHAMEL
Pour montrer leur indignation. Il y a une sorte de mollesse ?

OLIVIER VERAN
Non, ce n'est pas de la mollesse. Je pense qu'il y a de la peur. Je pense qu'il y a la peur, la peur de voir des tensions s'aviver entre communautés. Je pense que les Français, ils ont subi, crise après crise, le Covid, l'inflation, l'Ukraine…

BENJAMIN DUHAMEL
Donc ça les empêche de descendre dans la rue, pour dire leur indignation face à la recrudescence de l'antisémitisme.

OLIVIER VERAN
Je ne dis pas que ça les en empêche. Je dis que nous avons connu des périodes similaires, au cours desquelles on arrivait à se mobiliser collectivement pour rappeler les valeurs fondamentales qui étaient les nôtres. Ce que je dis aussi, c'est qu'évidemment l'État, le Gouvernement, est totalement mobilisé sur la question. On est...

BENJAMIN DUHAMEL
Et donc vous appelez les Français à se mobiliser.

OLIVIER VERAN
On est sans merci contre les actes antisémites. On assure la sécurité des lieux qui sont fréquentés, notamment par les personnes juives ou par toutes les personnes qui sont, qui se sentent menacées dans la période. On condamne à des peines de prison. Je le dis ici. Il y a des gens, qui parce qu'ils ont proféré des menaces antisémites ou qui ont commis des actes antisémites, ont pris 3 mois, 9 mois, un an de prison, souvent avec des sursis, mais enfin, c'est quand même une peine, en comparution immédiate, et on continuera d'être absolument intraitable. Je dis juste : ne nous habituons jamais. Je sais que ce n'est pas le cas. Mais soyons aussi capables de le dire, quand on est capable de se mobiliser, et c'est sans doute que c'est très bien d'être capable de dire, de se mobiliser pour sauver des vies au Moyen-Orient et éviter que des populations civiles soient massacrées, sans doute. C'est aussi, je le redis ici, important de rappeler que la France est un pays de liberté, dans lequel on ne s'habituera jamais à avoir des croix gammées écrites sur les murs. Jamais.

BENJAMIN DUHAMEL
Un mot sur ce sujet encore. Le comédien Philippe TORRETON a pris la parole sur les réseaux sociaux. Il l'écrit : "Je suis juif", à la manière de "Je suis Charlie". Et il rajoute : "Je cherche, je cherche et je ne vois rien. Pas de pancarte, pas de slogan rassembleur, pas de cortèges immenses, de mots d'ordre, pas de concert, rien ou si peu". Est-ce qu'il a raison et de constater une sorte de silence. Vous parlez des Français, pas de silence, mais en tous cas peut être de manque de mobilisation. Il y a aussi des artistes, des sportifs, des grandes figures qui ne s'expriment pas assez sur ce sujet ?

OLIVIER VERAN
En tous les cas, je vous l'ai dit, donc je ne sais pas si je rejoins complètement les propos de Philippe TORRETON, mais cela va dans le même sens. J'ai participé à la mobilisation organisée par le CRIF au lendemain des attentats terroristes en Israël. On était quand même quelques dizaines de milliers dans la rue. La manifestation s'est bien déroulée, pour rappeler que nous sommes opposés aux terroristes et que nous avons les mêmes amis, le terrorisme islamiste, qui tue à l'étranger, qui tue parfois en France, qui ne doit pas nous faire peur et qui ne doit pas nous paralyser. Et qui n'aura jamais le dessus sur nos valeurs.

BENJAMIN DUHAMEL
Un mot rapidement encore sur le débat politique autour des conséquences des attentats du 7 octobre. Un député de votre majorité, Karl OLIVE, a déclaré que Jean-Luc MELENCHON devait être Fiché S. Il doit être Fiché S Jean-Luc MELENCHON ?

OLIVIER VERAN
Non, Jean-Luc MELENCHON est un responsable politique, qui était au deuxième tour d'une élection présidentielle. On peut déplorer…

BENJAMIN DUHAMEL
Pourquoi Karl OLIVE dit ça alors ?

OLIVIER VERAN
Chacun est libre de ses paroles. On peut déplorer l'attitude, la stratégie, les mots, la politique conduite par un opposant politique, mais ce n'est pas pour autant qu'on va le ficher, évidemment.

BENJAMIN DUHAMEL
Enfin, franchement, vous qui ne cessez de critiquer les oppositions qui ne sont pas au niveau, qui manquent de nuances dans le débat. Là, franchement, Karl OLIVE qui dit "Jean-Luc MELENCHON doit être Fiché S", c'est…

OLIVIER VERAN
Moi je vais vous dire une chose, je suis ministre en charge de la question démocratique, et quand je vais rencontrer les Français, je vais le faire après avoir quitté votre plateau, je vais aller en Seine-Saint-Denis et je vais rencontrer des jeunes pour faire le point sur les mesures qui ont été mises en place, annoncées par la Première ministre suite aux émeutes urbaines. Les gens me disent tous : l'image de l'Assemblée nationale et des…

BENJAMIN DUHAMEL
Je ne suis pas sûr que ce genre de propos aide.

OLIVIER VERAN
Je vous dis donc que chacun doit faire cet effort de modération. Il y a beaucoup de violences dans la société, il y a beaucoup de stress et il y a beaucoup de crises. Les Français, ils en ont gros, on le comprend parfaitement. Nous, les responsables politiques, notre rôle, c'est aussi d'apaiser le débat.

BENJAMIN DUHAMEL
Deux sujets encore à aborder avec vous. D'abord, la loi immigration qui arrive donc au Sénat lundi prochain. La situation est totalement bloquée. Gérald DARMANIN tient à l'article 3, celui qui régularise les métiers en tension. Il l'a encore dit à ce micro lundi matin…

OLIVIER VERAN
La majorité, le Gouvernement, la Première ministre, tiennent à l'article 3.

OLIVIER VERAN
Sauf que la droite ne veut pas en entendre parler. Vous foncez droit dans le mur, Olivier VERAN ?

OLIVIER VERAN
Mais, alors, est-ce qu'on peut dire de quoi parle cet article 3 ?

BENJAMIN DUHAMEL
Régulariser ceux qui travaillent dans des métiers en tension.

OLIVIER VERAN
Régulariser des étrangers qui sont en France depuis des années, qui travaillent depuis des années et qui donnent satisfaction à leur employeur et aux usagers et qui demandent à être régularisés.

BENJAMIN DUHAMEL
Et la droite n'en veut pas. Donc vous n'avez pas de majorité absolue. Donc si vous n'avez pas de partenaire pour voter une loi, eh bien c'est compliqué.

OLIVIER VERAN
Benjamin DUHAMEL, il y a le fond et la forme. Quand on a dit ça, quand on a dit le fond de cet article 3, voilà, on a tout dit. Je veux dire, il y a une majorité très large de Français qui comprennent qu'un étranger qui est en France depuis des années, qui travaille depuis des années, qui a un salaire, qui peut faire vivre sa famille…

BENJAMIN DUHAMEL
Olivier VERAN, pardon ce n'est pas un débat politicien, c'est juste que vous voulez faire passer cette mesure et que la droite qui pourrait vous permettre de faire voter cette loi ne veut pas de cette mesure. Comment est-ce que vous sortez de cette contradiction ?

OLIVIER VERAN
La même droite, qui est la première à demander dans ses circonscriptions respectives, à régulariser untel ou untel, parce qu'il rend bien service à l'hôpital du coin ou parce qu'il travaille bien dans la boite de BTP qui est... Donc, je veux dire, le débat parlementaire…

BENJAMIN DUHAMEL
Non, mais est-ce que vous croyez à un compromis ?

OLIVIER VERAN
Le débat parlementaire, il va permettre aussi de faire tomber un certain nombre de masques et de montrer qu'au-delà des postures, il y a la possibilité d'un accord. Je suis assez confiant sur la question.

BENJAMIN DUHAMEL
Est-ce que, par exemple, les modalités de ces régularisations pourraient être renvoyés à une circulaire ? Est-ce que cela fait partie des éléments qui permettraient d'arriver à un accord ?

OLIVIER VERAN
Les modalités de régularisation, telles qu'elles sont proposées, elles relèvent de la loi, et ce qui relève de la loi, doit passer par la loi. Lorsqu'une loi, elle est positive pour le pays, lorsqu'une loi elle permet d'améliorer les conditions d'intégration des étrangers. Lorsqu'une loi elle est adoubée par le…

BENJAMIN DUHAMEL
Donc vous dites : le Gouvernement, l'exécutif, ne bougeront pas sur cet article 3.

OLIVIER VERAN
Lorsqu'une loi est adoubée par une majorité de Français, le débat parlementaire doit permettre de montrer que ceux qui s'y opposent sont parfois, c'est leur droit, mais dans des postures, et je pense que la situation, elle justifie qu'on sorte un peu des postures pour aller vers l'intérêt général. Donc je suis confiant.

BENJAMIN DUHAMEL
Olivier VERAN, dans ce texte sur l'immigration, il est aussi question de l'aide médicale d'État, qui permet, rappelons-le, une prise en charge des soins des étrangers, même quand ils sont clandestins. Gérald DARMANIN soutient la volonté de la droite de la transformer en aide médicale d'urgence. Vous avez dit, vous, avoir un vrai désaccord avec lui à ce sujet. C'est quoi la ligne du Gouvernement ?

OLIVIER VERAN
Alors, il n'a pas dit qu'il soutenait la proposition. Il a dit qu'à titre personnel, il n'était pas défavorable.

BENJAMIN DUHAMEL
Oui, d'accord, mais enfin pardon, quand on est ministre de l'Intérieur, qu'on siège au banc et qu'on n'est pas défavorable, c'est qu'on soutient.

OLIVIER VERAN
La ligne du Gouvernement, Benjamin DUHAMEL, si vous me laissez 30 secondes…

BENJAMIN DUHAMEL
Oui oui oui, je vous laisse.

OLIVIER VERAN
La ligne du Gouvernement, elle est concrète, elle a été annoncée par la Première ministre. Une mission a été confiée à deux experts, Claude EVIN, ancien ministre de la Santé, Patrick STEFANINI, plutôt expert du régalien, qui travaille sur cette question-là. Il y a un rapport intermédiaire qui a été remis hier. Je n'ai pas eu à en avoir la lecture précise, mais de ce que je comprends, ce rapport va dans le sens de rapports précédents, organisés notamment à la demande du Parlement…

BENJAMIN DUHAMEL
À savoir…

OLIVIER VERAN
... notamment quand j'étais ministre de la Santé, à savoir qu'il n'y a pas d'abus de droit, il y a même plutôt des gens qui pourraient en bénéficier, mais qui n'en bénéficient pas. Et quelqu'un qui est à l'AME, ne consomme pas plus de soins que quelqu'un qui n'est pas à l'AME. D'accord ? Ça, c'est le premier truc. Deuxième, c'est la prestation sociale la plus contrôlée de notre pays, la plus contrôlée de notre pays, donc ça veut dire qu'on n'est pas dans quelque chose qui est une espèce de no man's land, et qu'ensuite, comme le dit la Communauté médicale, savoir ce que c'est qu'un soin urgent ou pas urgent, c'est très compliqué, même quand on est médecin. Voyez ? Si moi j'avais 38.5° de fièvre depuis 4 jours, avec une toux un peu grasse, j'aurais plutôt tendance à vous dire comme toubib que ce n'est pas urgent. Mais enfin, si j'étais en contact avec quelqu'un qui avait la tuberculose, ça peut l'être. Donc…

BENJAMIN DUHAMEL
Et donc, Olivier VERAN, si je vous comprends bien, ce pré-rapport, et votre conviction, consistent à dire : l'aide médicale d'État, en l'état, il ne faut pas la transformer en aide médicale d'urgence.

OLIVIER VERAN
Non, mais cela veut dire qu'il y a des choses, toujours qui peuvent être ajustées. D'ailleurs, on l'a fait quand j'étais ministre de la Santé, il y a deux ans et demi, et on peut continuer à le faire. Il y a peut-être des soins qui peuvent être mis sous entente préalable de l'Assurance maladie, ça existe déjà dans le cadre de l'AME, il y a peut-être d'autres soins qui peuvent être…

BENJAMIN DUHAMEL
Mais pas une aide médicale d'urgence. OLIVIER VERAN
Il y a peut-être un certain nombre de prestations annexes qui n'ont rien à voir avec les soins de santé, mais dont bénéficient des gens qui sont à l'AME donc il faut peut-être revoir la portée et la durée, etc. Mais le concept... Je suis toubib, je ne peux pas vous dire autre chose, Benjamin DUHAMEL. Et il vaut mieux qu'on ait des gens…

BENJAMIN DUHAMEL
Qu'ils soient étrangers, clandestins, ou pas ? OLIVIER VERAN
De toute façon, il vaut mieux soigner quelqu'un qui est malade avant que ça dégénère, ça coûte toujours plus cher après et on ne va pas laisser mourir les gens. Donc on contrôle, on régule, on organise. Mais c'est un dispositif qui est nécessaire pour notre pays et pour payer les hôpitaux.

BENJAMIN DUHAMEL
C'est clair. Olivier VERAN, lundi prochain s'ouvrira le procès d'Eric DUPOND-MORETTI devant la Cour de justice de la République. Et on a appris hier qu'il n'y aurait pas d'intérim, que le garde des Sceaux pourrait continuer à exercer sa fonction de ministre. On peut vraiment être ministre de la Justice en procès pendant dix jours, sans que cela n'affecte en rien le travail ministériel ?

OLIVIER VERAN
De ce que je comprends, le procès ne va pas durer dix jours, mais plutôt six jours.

BENJAMIN DUHAMEL
Non mais c'est du 6 au 17 novembre.

OLIVIER VERAN
Et ça va plutôt durer six jours. Donc le ministre de Garde des sceaux, je peux vous dire qu'il travaille beaucoup avec des horaires amplifiés. Mon premier rappel d'Eric DUPOND-MORETTI ce matin était très, très tôt, avant que je ne me réveille moi-même. Parce que dès qu'il y a des dossiers, on en discute.

BENJAMIN DUHAMEL
Est-ce que vous pouvez dire que ça n'impacte pas le travail ministériel ?

OLIVIER VERAN
Oui. Un, qu'est ce qui est prévu dans les règles ? Si le ministre était absolument dans l'impossibilité de répondre à une demande d'urgence, ce qui pourrait être le cas s'il prenait l'avion pour aller dans les outre-mer, par exemple. La Première ministre est totalement fondée à le relayer le temps de. Ensuite, le ministre y travaille tout le reste de la journée. Ça dure six jours. Il pourra même se rendre au Conseil des ministres, pas la première semaine, la deuxième et il m'a dit lui-même qu'il y serait. On ne va pas le suspendre

BENJAMIN DUHAMEL
C'est formidable. Quand on vous écoute, on a l'impression que ça ne change absolument rien et qu'au fond, en termes d'organisation, c'est quasiment comme s'il ne comparaissait pas devant la CJR.

OLIVIER VERAN
Benjamin DUHAMEL, est-ce qu'on va demander à un ministre de ne plus être ministre parce que pendant six jours, il doit rendre des comptes ? Alors qu'il passe certes dans la Cour de justice, mais il n'est condamné à rien. Il n'a été rendu coupable de rien.

BENJAMIN DUHAMEL
Elisabeth BORNE aurait pu par exemple récupérer pendant ces dix jours de procès, six jours effectifs, aurait pu récupérer cette prérogative.

OLIVIER VERAN
D'accord. Le choix qui a été fait pour une période de six jours. Encore une fois, on ne se pose pas la question quand un ministre va prendre l'avion pour aller à l'autre bout du monde pendant 24 heures, puis l'aller-retour, pendant deux jours, trois jours. Je vous dis juste que honnêtement, c'est complètement faisable et la première ministre à estimer que c'était faisable.

BENJAMIN DUHAMEL
Une dernière question : le 8 octobre, au micro de BFM TV, Elisabeth BORNE nous disait qu'en cas de condamnation, la règle générale s'appliquerait au garde des Sceaux, à savoir la démission du Gouvernement. La ligne n'a pas changé ? S'il est condamné, il devra partir ?

OLIVIER VERAN
Le garde des Sceaux a hâte de démontrer que ce qui lui est reproché est excessif et on peut lui faire confiance pour se défendre avec le talent et la vigueur qui est le caractère…

BENJAMIN DUHAMEL
Donc je répète ma question. La ligne n'a pas changé ? Est-ce que s'il est condamné, il devra quitter le Gouvernement ?
Quand j'ai posé la question à la Première ministre, elle m'a répondu.

OLIVIER VERAN
Ok, mais moi, je vous dis que quand quelqu'un va passer devant des magistrats pour répondre à des questions qui lui sont posées, on ne va pas commencer à tirer des plans sur la comète pour savoir s'il est condamné ou pas.

BENJAMIN DUHAMEL
C'est une règle générale qui a été fixée. Donc, elle ne vaut pas cette règle ?

OLIVIER VERAN
Ce n'est pas à moi d'en parler de cette règle. Je vous dis juste qu'on ne va pas commencer à considérer que quelqu'un est condamné parce qu'il est interrogé par la Justice. Vous savez combien de fois on m'a posé cette question depuis que je suis en politique ?

BENJAMIN DUHAMEL
Votre patronne, Elisabeth BORNE, répond.

OLIVIER VERAN
On m'a posé cette question. Ce sont des gens, des ministres qui ont été obligés de démissionner dans la possibilité où ils seraient condamnés, ils ont été innocentés trois mois après. Alors ? Ils ne sont jamais revenus au Gouvernement parce qu'ils avaient dû démissionner. Donc on arrête. On rend des comptes devant la Justice dans ce pays beaucoup plus qu'ailleurs à l'étranger, beaucoup plus. Et c'est normal et ça fait partie du système français. Tant mieux parce que les Français veulent de la transparence et de la probité de la part de leurs élus. Et s'il vous plaît, les élus ont les mêmes droits que les autres. Tant qu'ils ne sont pas condamnés, ils sont innocents. Et donc on n'imagine pas qu'ils sont condamnés.

BENJAMIN DUHAMEL
Merci beaucoup Olivier VERAN, porte-parole du Gouvernement, d'avoir été notre invité.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 novembre 2023