Déclaration de M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 consacré à la mission des affaires sociales, le 26 octobre 2023.

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Circonstance : Audition devant la Commission des affaires sociales, au Sénat le 26 octobre 2023

Texte intégral

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous recevons ce matin M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024.

Monsieur le ministre, je vais tout d'abord vous laisser présenter le volet « santé » du PLFSS, qui, comme à l'accoutumée, est important. Vous pourriez aussi évoquer la situation financière de la branche maladie, toujours préoccupante. Peut-être pourriez-vous également indiquer à notre commission les amendements déposés à l'Assemblée nationale que le Gouvernement pourrait retenir dans l'hypothèse où il recourrait à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter la troisième partie du PLFSS.

Les membres de la commission pourront ensuite vous interroger, à commencer par notre rapporteure de branche, Corinne Imbert, et notre rapporteure générale, Élisabeth Doineau.

M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention. - Mesdames, messieurs les sénateurs, je souligne que certains sujets du PLFSS s'articulent avec la proposition de loi portant sur l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, que vous avez examinée hier, mais aussi avec les négociations conventionnelles avec les médecins libéraux. Ces trois leviers de transformation formeront, je l'espère, un ensemble cohérent.

Je salue la qualité des débats qui se sont déroulés au sein de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, mais, paradoxalement, le rejet du PLFSS par celle-ci a conduit à ne pas placer les améliorations apportées au texte au cœur du débat. Dans les délais qui sont les nôtres, je tiens à vous faire part de ma disponibilité afin d'échanger au sujet des différentes mesures, qu'elles figurent dans le texte initial ou dans celui qui sortira de l'Assemblée nationale.

Avant de détailler précisément les mesures contenues dans le PLFSS, je veux rappeler le contexte qui a sous-tendu sa construction. Après trois, voire quatre exercices qui ont vu le déploiement de moyens inédits pour protéger notre pays face à la crise de la covid, puis face à l'inflation - celle-ci devrait être bien moindre l'année prochaine -, il faut désormais que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) redevienne un cap à tenir pour le ministère de la santé et de la prévention, puisqu'il s'agit de la seule autorisation parlementaire dont il dispose.

Cela permettrait d'éviter de reproduire la situation dans laquelle nous nous trouvons cette année : l'obligation de demander au Parlement de constater des dépassements majeurs de l'Ondam dans les première et deuxième parties du PLFSS. Vous aurez ainsi à vous prononcer sur une rectification de cet objectif à hauteur de 2,8 milliards d'euros, une décision qui intervient en fin d'exercice. S'il nous était impossible de procéder autrement, un tel mode de fonctionnement n'est guère satisfaisant sur le plan démocratique. Je souhaite donc, en assumant les contraintes que cela induit, que l'Ondam redevienne un véritable objectif national de dépense, que nous devrons tâcher de respecter.

Si le dérapage budgétaire pouvait être justifié devant le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie pendant les périodes de crise sanitaire et de forte inflation, la bienveillance dont celui-ci a fait preuve n'aura plus cours et cédera la place à une plus forte exigence.

Le contexte global reste marqué par l'aggravation du déficit de la branche maladie : si ce dernier s'élève à 9 milliards d'euros en 2023, contre 21 milliards d'euros en 2022, nous sommes bien conscients que le chemin menant à des dépenses soutenables reste long et ardu. Cette soutenabilité doit rester notre objectif, et pas uniquement pour des raisons budgétaires. En effet - c'est un aspect auquel je suis très attaché -, nous examinons, au travers du PLFSS, un système de protection qui appartient aux assurés sociaux et dont nous ne sommes, d'une certaine manière, que les régulateurs et les garants. Je tiens à mettre en exergue les performances de ce système, capable d'encaisser des coups tels que l'épidémie de covid et d'enregistrer un déficit qui reste malgré tout limité en proportion, surtout si on le compare à celui de l'État.

Cette soutenabilité des dépenses constitue aussi, à mes yeux, le moyen de maintenir un niveau très élevé de socialisation de la dépense de santé, qui atteint 82 % pour la seule dépense d'assurance maladie obligatoire et 96 % si l'on y ajoute la part de l'assurance maladie complémentaire. Ce cap de la soutenabilité sera suivi au travers de la maîtrise des dépenses, engagement que nous devons tenir auprès des Français au même titre que la transparence sur les causes de la dynamique des dépenses d'assurance maladie.

Une fois ces postulats énoncés, l'équation que doit résoudre le Gouvernement et que nous allons discuter devient politiquement complexe, puisque nous ne saurions amoindrir notre soutien aux plus fragiles ni repousser les investissements indispensables à la consolidation de notre système de santé, qu'il s'agisse des projets immobiliers ou des dépenses visant à assurer l'attractivité des métiers de la santé et la fidélisation des personnels.

Les priorités portées dans le PLFSS restent la facilitation de l'accès aux soins et aux produits de santé, la revalorisation des soignants et la poursuite du virage vers la prévention. Parallèlement, le texte vise aussi à renforcer la pertinence des dépenses et à mieux responsabiliser l'ensemble des acteurs face à la croissance des dépenses de santé.

Afin de concrétiser ce double engagement, le PLFSS intègre la rectification de l'Ondam pour 2023 que j'évoquais précédemment, étant précisé que ces 2,8 milliards d'euros intègrent à la fois les revalorisations salariales accordées aux personnels de santé et la dynamique des soins de ville, sans oublier l'impact de l'inflation. Nous avions sous-estimé ce dernier, puisque le PLFSS initial tablait sur un montant de 750 millions d'euros, qui a, en réalité, été bien plus élevé.

Par ailleurs, l'Ondam progresse de 3,2 % hors dépenses liées à la crise sanitaire, une hausse supérieure à l'inflation prévisionnelle, qui devrait s'établir aux alentours de 2,5 %, hors tabac. Au total, les moyens progressent à hauteur de 8 milliards d'euros, ce qui empêche de qualifier cette trajectoire d'austéritaire.

Par rapport à la hausse tendancielle des dépenses, cette trajectoire induit, cependant, pour 2024, la réalisation d'économies à hauteur de 3,5 milliards d'euros. Il s'agit bien de modérer la progression et la dynamique de certaines dépenses, avec notamment des efforts sur les volumes et les prix destinés à limiter la hausse des dépenses engagées pour les produits de santé. Celles-ci ont augmenté de 7 % l'an dernier et ont été le premier facteur de progression des dépenses.

En outre, des efforts d'efficience et de pertinence devront être fournis, tant pour les soins de ville que pour l'hôpital. J'assume ici de dire que ce sujet de la pertinence concerne également la délivrance de médicaments à l'hôpital. Les efforts porteront, enfin, sur la responsabilisation des assurés : toutes les pistes sont ouvertes, y compris celle de la mise en place de franchises médicales.

En conclusion, le texte contient deux objectifs majeurs, à commencer par le virage irréversible vers la prévention. Celui-ci ne résume pas à la prise en charge à 100 % de la vaccination contre les infections à papillomavirus, à la gratuité des préservatifs pour les 18-25 ans ou aux dispositifs dédiés à l'activité physique adaptée. L'innovation me semble ainsi être un élément plus structurant et pourrait même devenir synonyme de prévention. Je pense ici, par exemple, aux progrès exceptionnels accomplis en matière de repérage et de traitement anticipé du cancer.

Le second objectif consiste à moderniser le fonctionnement du système de santé afin de faciliter l'accès aux soins, en continuant à améliorer la répartition des compétences entre les différents acteurs de la santé. L'élargissement des compétences des pharmaciens en matière de prescription d'antibiotiques, avec la possibilité d'effectuer des tests rapides d'orientation diagnostique (Trod) pour les angines et les cystites, illustre cette démarche.

Je rappelle, d'ailleurs, que l'angine représente 6 millions de consultations chez un médecin chaque année, et la cystite 3 millions. Sans prétendre qu'il s'agit d'une solution miracle, une coopération efficace et encadrée par un protocole validé par la Haute Autorité de santé (HAS) permet au pharmacien qui aurait un doute quant à la nature de la cystite de trouver un rendez-vous adapté chez un médecin.

L'élargissement des compétences vaccinales des personnels de proximité est également prévu, sans oublier la création d'un forfait pluriacteurs permettant de financer des équipes de soins, dans une logique de généralisation d'une partie des expérimentations figurant à l'article 51 de la LFSS pour 2018. Plus concrètement, certaines expérimentations semblent mûres pour un financement qui se ferait davantage à la capitation qu'à l'acte. Des dispositifs appuyant des parcours de coopération et un financement adaptable aux besoins des patients s'apprêtent donc à entrer dans le droit commun.

Enfin, le PLFSS organise la réforme du financement des établissements de santé, avec la fin du caractère central de la tarification à l'activité (T2A). Précisons néanmoins qu'il s'agit non pas d'abandonner les objectifs chiffrés par établissement, mais plutôt d'un changement au niveau des typologies d'activités. Ainsi, les établissements dont l'activité première est la chirurgie encadrée resteront essentiellement financés par la T2A, tandis qu'un centre hospitalier universitaire (CHU) ou un hôpital de la proximité assument d'autres responsabilités, qui les empêchent d'être financés pour l'essentiel via ce mécanisme.

Le texte prévoit aussi une meilleure articulation entre la complémentaire santé solidaire (C2S) et certains minima sociaux, dont l'allocation aux adultes handicapés (AAH), afin de faciliter l'accès à une complémentaire santé.

S'y ajoutent des mesures relatives à l'accès aux médicaments, afin de compléter les outils de gestion visant à mieux anticiper et remédier aux pénuries que nous connaissons périodiquement. Il faut d'ailleurs adopter une approche de terrain dans ce domaine et ne pas se borner à considérer les stocks nationaux de médicaments, alors qu'une partie de nos concitoyens est confrontée à des pénuries dans certains territoires. Toujours à ce sujet, je pense qu'il faut distinguer, dans cet ensemble, les produits plus matures, essentiels pour soigner les Français.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir commencé par rappeler les conclusions du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie, auxquelles mes collègues pourront se référer.

Ma première interrogation porte sur les revues de dépenses : l'article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) prévoit que les économies issues du dispositif de revue des dépenses instauré par l'article 167 de la loi de finances pour 2023 et par l'article 21 de la LPFP représentent un effort de 6 milliards d'euros par an pour les années 2025 à 2027, répartis entre les différentes administrations de sécurité sociale. La rédaction du rapport annexé suggère néanmoins qu'il s'agirait non pas d'un effort de 6 milliards d'euros chaque année, mais d'une économie pour l'année 2025 seulement : pouvez-vous éclaircir ce point ?

Par ailleurs, comment le ministère de la santé a-t-il été associé aux revues de dépenses ? Un objectif global d'économies lui a-t-il été assigné dans ce cadre ?

Dans une note thématique relative à la médecine de ville en juillet 2023, la Cour des comptes a préconisé, afin de maîtriser les dépenses, une réforme des modalités de négociations de l'assurance maladie avec les professionnels de santé. Il s'agirait notamment de donner au ministre le pouvoir de prendre les mesures nécessaires, en cas d'échec des négociations, dans tous les champs conventionnels, et d'inscrire les dépenses de soins de ville dans une stratégie et des trajectoires pluriannuelles. Quelle appréciation portez-vous sur ces propositions ?

J'en viens ensuite à la clause de sauvegarde. La décision commandée par la Première ministre a récemment préconisé de ramener, à moyen terme, le produit de cette taxe à environ 0,5 milliard d'euros. Nous en sommes loin, puisque le produit de ladite clause a explosé, pour atteindre 1,6 milliard d'euros en 2023. La commission d'enquête du Sénat sur les pénuries de médicaments avait souligné que ce dispositif, conçu comme une corde de rappel budgétaire, n'était pas taillé pour devenir un outil fin de régulation des dépenses. Il frappe ainsi tous les médicaments, indépendamment de leur intérêt thérapeutique ou de leur criticité industrielle.

Seriez-vous favorable à ce que la régulation des dépenses liées aux médicaments intègre mieux les enjeux d'approvisionnement, qui deviennent majeurs dans notre pays ? Faut-il mieux protéger les médicaments essentiels à la prise en charge des patients, ou ceux dont la chaîne de production et le niveau de rentabilité apparaissent particulièrement fragiles ?

Ma dernière interrogation porte sur la fiscalité nutritionnelle : celle-ci pourrait constituer une source de recettes intéressante et contribuer à une politique de santé publique, par un travail de prévention des maladies cardiovasculaires, du diabète, du surpoids et de l'obésité.

Seules les boissons sucrées et édulcorées font l'objet d'une taxation spécifique à visée comportementale, cette dernière ayant rapporté 600 millions d'euros en 2022. Réformée en 2018, elle devait donner lieu à une évaluation cordonnée par la direction générale de la santé (DGS) pour l'automne 2023, afin d'apprécier ses impacts sur les choix des consommateurs.

En juillet 2023, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a encouragé la mise en oeuvre d'une telle fiscalité, en formulant deux recommandations. La première consiste, à court terme, à réformer la fiscalité actuelle sur les boissons sucrées et édulcorées, en augmentant les barèmes des contributions sur ces produits et en élargissant l'assiette aux boissons à base de soja, voire aux sirops. La seconde recommandation, sur le moyen terme, est d'étudier l'extension de cette fiscalité aux produits sucrés ou contenant des addictifs nocifs pour la santé. Une telle mesure est-elle étudiée par le Gouvernement ? Pouvez-vous nous communiquer les différentes hypothèses étudiées et chiffrées en termes de recettes ?

M. Aurélien Rousseau, ministre. - Concernant les revues des dépenses, le niveau de l'Ondam pour les années à venir est fixé dans le cadre de la LPFP. Les économies prévues d'ici à 2025 sont bien comprises entre 5 milliards d'euros et 6 milliards d'euros, toujours, je le rappelle, dans le cadre d'une progression tendancielle des dépenses de santé.

Une partie de l'effort s'effectuera au moyen de travaux de revue des dépenses stricto sensu, sous la forme de lettres de mission adressée par la Première ministre à des inspections, afin de creuser certaines pistes. Je pense, entre autres, aux travaux que nous engagerons sur les dispositifs médicaux en ville et à l'hôpital, dans la perspective d'évaluer leur efficience et leur pertinence en continu.

Au-delà des discussions sur le PLFSS, je souhaite travailler avec les parlementaires, le plus en amont possible, sur cinq sujets. Le premier d'entre eux concerne le remboursement des médicaments présentant un faible service médical rendu, ce sujet s'imbriquant avec celui du rapport avec les laboratoires. Lorsque les dépenses de médicaments progressent de 7 % en un an, la question ne peut être écartée.

Le deuxième élément a trait à la pertinence des prescriptions, axe que j'ai fait figurer dans la lettre de cadrage adressée au directeur général de l'assurance maladie, car j'estime que nous avons encore des progrès à accomplir dans ce domaine.

Ce travail sera engagé dans le cadre de la négociation conventionnelle : si nous retenons la revendication d'un C à 30 euros, je souhaite, au nom du Gouvernement, inciter à la responsabilisation dans la prescription. Des outils peuvent être mobilisés à cet effet, alors qu'une partie des professionnels de santé signalent des excès.

J'en viens à présent aux fraudes. Les plus massives d'entre elles suivent parfaitement la courbe des revenus. Autrement dit, les plus gros fraudeurs sont aussi les plus gros bénéficiaires. Je ne traiterai pas ici, à l'occasion d'une revue des dépenses, le sujet particulier des professionnels de santé : il doit se régler essentiellement dans le cadre conventionnel. L'assurance maladie dispose aujourd'hui d'outils lui permettant de repérer les parcours de soins anormaux. Lorsque, au sein du même département, on constate que mille patients suivent exactement le même parcours de soins, cela mérite de s'y intéresser. La fraude est un poison pour notre contrat social ; il faut la combattre.

Si nous parvenons à prendre le virage structurel de la prévention que j'appelle de mes voeux, notre outil de financement et de pilotage de la dépense, l'Ondam, continuera de buter sur cette réalité : la prévention représente un bénéfice à moyen terme, mais des dépenses à court terme. Il nous faut donc aujourd'hui inventer un dispositif de pilotage de la dépense de prévention.

Dans le cas du Beyfortus - nous saurons rapidement si des hospitalisations massives ont pu être évitées -, le pilotage semble assez simple. Il en va autrement pour des dispositifs comme la « vaccination HPV » - contre les infections à papillomavirus humains -, qui ne produira ses effets que sur l'Ondam 2050.

La question se pose également de la contribution des organismes complémentaires à la prévention. Au-delà des quelques dispositifs vertueux qui ont été mis en place, je souhaite que nous sortions de la facilité qui consiste, pour le Gouvernement, à ponctionner les complémentaires pour véritablement les embarquer sur ce sujet.

S'agissant maintenant de la maîtrise des dépenses de médicaments, nous avons deux leviers à notre disposition : la négociation sur les prix et le dispositif de clause de sauvegarde. Si nous laissions jouer à plein ce dernier, il « rapporterait » à l'État jusqu'à 1,8 milliard d'euros en 2023 et 2,4 milliards d'euros en 2024. Il me semble clair, dès lors qu'un dispositif de sauvegarde atteint de tels rendements, que nous avons un problème de conception. Il nous faut donc le refonder, d'autant que les laboratoires sont dans des situations très différentes.

Le PLFSS pour 2024 comporte un plafonnement de la clause de sauvegarde à 1,6 milliard d'euros. Cela nous oblige, parallèlement, à davantage d'exigence sur les questions d'accès aux médicaments essentiels et de pénurie, lesquelles touchent l'ensemble des pays européens. En la matière, nous avons mis en place une sorte de fonds de souveraineté. Il permet, pour certains médicaments, de proposer ponctuellement aux laboratoires une augmentation du prix, en échange de livraisons à la France. Nous l'avons activé dès cette année par le biais du Comité économique des produits de santé (CEPS), et certains laboratoires ont répondu présents. Je rappelle que, contrairement à ce que le lobby des laboratoires prétend, nous ne sommes pas en retard sur les médicaments innovants : la hausse de 7,7 % de la dépense de médicaments est tirée par ces médicaments, et les comparaisons internationales qui ont été faites portent sur des médicaments qui n'ont même pas fait l'objet de demande d'autorisation de mise sur le marché en France...

Certes, le dispositif actuel n'est pas satisfaisant à ce stade. Nous devons donc le restructurer. Parallèlement, l'industrie pharmaceutique française, comme celle des dispositifs médicaux, est puissante et disséminée sur notre territoire. Notre pays est aussi confronté à l'enjeu de la réindustrialisation. Nous devons ainsi gérer des contraintes qui sont parfois contradictoires. Imaginons que, demain, Pierre Fabre décide de quitter le Tarn ; cela poserait un léger problème !

En ce qui concerne, enfin, la fiscalité nutritionnelle, je suis à l'écoute des propositions du Sénat. Il faut trouver l'équilibre entre la liberté des Français de vivre et de s'alimenter comme ils l'entendent et l'impératif de santé publique. Je regrette que les propositions de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale n'aient pas pu aboutir. Je suis donc ouvert sur le sujet, même si je reste convaincu que le principe du volontariat - on le voit avec le Nutriscore, qui bénéficie de l'engagement des industriels - doit être maintenu.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - L'Ondam atteint, pour 2024, un montant vertigineux, dépassant pour la première fois 250 milliards d'euros. Je partage avec vous l'idée qu'il doit redevenir ce qu'il doit être : une autorisation parlementaire de dépenses.

Le Sénat n'oublie pas le comité d'alerte. Dans le cadre de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale de 2022, nous avions souhaité instaurer une clause de retour devant le Parlement dès lors que la correction de l'Ondam dépasserait 1 %, soit, en l'espèce, 2,5 milliards d'euros. Or vous vous apprêtez à nous présenter une correction de l'Ondam 2023 de 2,8 milliards d'euros !

Les sous-objectifs atteignent également des montants importants : les dépenses de soins de ville approchent 110 milliards d'euros, le financement des établissements publics et privés dépasse 105 milliards d'euros. Monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous nous présenter plus en détail ces sous-objectifs, de sorte que nous ayons une vision plus affinée des 200 milliards d'euros cumulés que représentent ces deux enveloppes.

Ma première question est la suivante : comment expliquez-vous l'état de notre système de santé et la crise dans laquelle ce dernier s'enfonce ? Je suis convaincue que, si nous faisions un sondage, peu de gens seraient satisfaits de telles dépenses.

Ma deuxième question porte sur la soutenabilité financière de l'assurance maladie. Comment éviterons-nous la banqueroute ?

J'en viens à l'hôpital, sujet que connaît bien la commission des affaires sociales, son ancienne présidente Catherine Deroche ayant présenté l'an dernier le rapport de la commission d'enquête sur la situation de l'hôpital et le système de santé en France. Le Gouvernement prévoit une réforme, à budget constant, des modalités de financement du champ médecine-chirurgie-obstétrique (MCO). De deux choses l'une : soit il s'agit d'une réforme cosmétique qui se borne à modifier le nom de compartiments de financement et qui créera une usine à gaz - auquel cas nous pourrions peut-être nous en passer -, soit il s'agit d'une réforme aux effets redistributifs. Dans ce dernier cas, quels seront les gagnants et les perdants ?

Dans son rapport remis l'été dernier, la commission d'enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française avait préconisé plusieurs mesures. Je n'ai trouvé, dans ce PLFSS, aucune disposition relative à la liste de près de 450 médicaments essentiels établie par les sociétés savantes et publiée par le ministère l'été dernier, rien non plus qui permette d'améliorer vraiment l'anticipation des ruptures. Quelle est la stratégie du Gouvernement en la matière et où en est la feuille de route du Gouvernement ?

L'article 27 du PLFSS vise à réguler les dépenses d'indemnités journalières (IJ) maladie. Pensez-vous qu'il soit réaliste de réduire ces dépenses par un contrôle accru des prescriptions, dès lors que la hausse des dernières années - +3,8 % en moyenne annuelle depuis 2010 - est, en partie, portée par des déterminants exogènes sans lien avec des arrêts non justifiés ? Je pense au vieillissement de la population active, à l'ouverture, en 2021, des indemnités journalières aux professions libérales, à la double grippe saisonnière en 2022 et, bien sûr, à la progression des pathologies liées à la santé mentale.

Les syndicats de médecins libéraux voient dans la suspension automatique des indemnités journalières après contre-visite médicale des médecins contrôleurs une remise en cause de leur compétence de prescription. Ne craignez-vous pas que cette mesure ne détériore davantage le climat des relations conventionnelles ?

Vous avez indiqué à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que le doublement de la franchise médicale et de la participation forfaitaire était « sur la table » et constituait une option qui serait « sans doute retenue » dans le cadre du budget de la sécurité sociale pour 2024. La mesure, qui semble être de nature réglementaire, n'est pas inscrite dans le projet de loi. Avez-vous pris votre décision et comptez-vous la mettre en oeuvre ?

Enfin, vous avez évoqué d'éventuels déremboursements de médicaments qui sont aujourd'hui remboursés à 15 % par l'assurance maladie. Je vous invite à veiller aux effets de bord. Il ne faudrait pas que cela entraîne des reports de prescription vers des médicaments qui seraient remboursés à 30 % par l'assurance maladie. Cela coûterait plus cher et encouragerait les complémentaires santé à proposer à leurs assurés de nouveaux forfaits annuels prenant en charge des paniers de soins non remboursés par la sécurité sociale. Nous accentuerions alors la dégradation de notre système solidaire de sécurité sociale.

M. Aurélien Rousseau, ministre. - Je répondrai à vos questions en commençant par la dernière. Je n'ai pas annoncé le déremboursement des médicaments à 15 %. J'ai simplement indiqué que la question méritait réflexion. Dans une perspective de soutenabilité, le fait de revenir à l'intérêt médical d'un médicament pour justifier de la socialisation de son coût me semble plutôt sain. Cela étant, les effets de bord que vous avez cités existent bel et bien. J'y ajouterai le cas particulier de médicaments prescrits en masse, qui seraient fabriqués par des laboratoires français installés dans une seule usine dans un seul département. Le problème saute aux yeux...

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement et le Parlement devraient travailler ensemble, de manière approfondie et tout au long de l'année sur cette question. Il n'est pas concevable de mener une réforme d'une telle ampleur, qui touche d'aussi près nos concitoyens, sans un débat démocratique transparent. La réflexion est ouverte, mais je n'ai pas présenté cette mesure comme une solution miracle.

Vous avez raison, madame la rapporteure, de souligner que la forte hausse des indemnités journalières est d'abord tirée par l'augmentation de la population active. C'est une bonne nouvelle, puisque c'est le corollaire de la baisse du chômage. Soyons clairs : les indemnités journalières les plus coûteuses sont celles qui sont liées aux maladies de longue durée. Cela renvoie donc aux questions de la qualité de vie au travail, de la prévention et de la reconversion professionnelle. L'explosion du volume des IJ parmi les plus jeunes de nos concitoyens est frappante, même si en coût, ces dernières ne représentent que 5 % du total.

Au fond, il est important de comprendre le sens de cette évolution : il y a là un signal sur le rapport au travail. Ma préoccupation principale est le sort des personnes qui, à 50 ans, sont fracassées par le travail ou par la vie. Elles doivent pouvoir se reconvertir et se dire qu'elles ont le choix, le cas échéant, de ne pas rester en catégorie active jusqu'à la fin de leur carrière. En la matière, il faut des mesures de prévention beaucoup plus fortes. Ces axes figurent dans la réforme des retraites, mais concernent également directement la santé publique.

Oui, certains médecins prescrivent trois ou quatre fois plus d'IJ que leurs confrères. Que l'assurance maladie, dans un dialogue confraternel et après redressement de patientèle, aille y regarder de plus près ne me choque pas. À l'inverse, nous avons tous croisé un jeune médecin qui, ayant prescrit de bonne foi des médicaments pour soulager les douleurs de ses patients, s'est senti en quelque sorte empêché de soigner lorsqu'il a reçu la lettre de l'assurance maladie lui reprochant de trop nombreuses prescriptions. À l'évidence, le sujet n'est pas simple. Nous avons, par ailleurs, engagé un chantier avec l'assurance maladie, de manière à retravailler ses correspondances, qui sont parfois comminatoires.

Madame la rapporteure, je suis ouvert à la discussion sur l'article 27 et sur la suspension automatique des IJ sans repasser par le médecin de l'assurance maladie. C'est une mesure identifiée comme irritante, mais elle a également valeur de symbole, en ce qu'elle réaffirme la notion de contrôle.

Le ministère de la santé ainsi que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) suivent avec attention la liste des médicaments essentiels que vous avez évoquée. J'en ai discuté ce matin même avec la présidente de l'Ordre national des pharmaciens : il y a un décalage entre l'état des stocks nationaux, qui sont de 20 % plus élevés que l'an dernier, et la réalité du terrain dans les pharmacies.

À ce sujet, j'ai tenu des propos qui étaient maladroits, puisqu'ils ont été mal compris. Nous avons constaté que les plus grosses pharmacies, notamment les groupes, avaient tendance à passer outre les grossistes-répartiteurs et à commander directement auprès des industriels afin de constituer leurs stocks. C'est un comportement tout à fait rationnel quand on a connu des pénuries, mais qui a des conséquences sur les petites et moyennes pharmacies. J'ai donc demandé à l'ANSM de remettre un peu d'ordre dans le circuit des médicaments.

J'ai déjà évoqué le fonds de souveraineté. Je citerai également le dispositif DP-Ruptures, grâce auquel les pharmaciens font remonter les ruptures. Je souhaite que cet outil soit généralisé, et je soutiendrai une éventuelle proposition de loi en ce sens. Nous devons pouvoir en permanence confronter ce que nous disent les industriels avec la situation réelle. En tout état de cause, nous sommes mobilisés au quotidien sur la question des stocks. À la fin, c'est la violence des épidémies hivernales qui fera la différence. Aujourd'hui, je me garde bien de dire à nos concitoyens que le niveau des stocks nous protège : rien n'est pire, quand vous vous êtes rendu en vain dans trois pharmacies à la recherche d'un médicament, d'entendre un ministre nier l'existence de toute pénurie.

J'en viens à la question du financement. Depuis plusieurs années, la T2A est rendue en partie responsable de la dégradation de la situation. Il est, selon moi, possible d'identifier des typologies de soins homogènes - en orthopédie ambulatoire par exemple -, qui se prêtent bien à la T2A. À l'inverse, les CHU ou les gros hôpitaux généraux, qui dispensent des soins de recours ou accueillent les cas les plus lourds, doivent recevoir des dotations publiques, la T2A ne permettant pas la prise en compte de leurs spécificités. S'ajoutent à cela les enjeux de santé publique, pour lesquels nous souhaitons que les établissements s'engagent. Cela implique une présence territoriale et le maintien d'activités qui ne sont pas forcément rentables.

Mon objectif n'est donc pas de tendre au financement de l'ensemble des établissements par une part minoritaire de T2A, mais que chaque établissement soit financé par les différentes dotations qui correspondent à la diversité de son exercice.

Je ne saurais vous répondre sur l'identification des gagnants et des perdants de la réforme. Personne ne crée d'usine à gaz par plaisir. Nous l'avons vu avec les soins de suite et de réadaptation (SSR) et avec la psychiatrie : les effets redistributifs des réformes de tarification sont difficiles à évaluer. En l'espèce, nous savons le faire globalement pour 2024. Pour les années suivantes, nous suivrons la question de près. La mise en oeuvre de la réforme sera progressive. Elle doit permettre un meilleur ajustement à la situation des différents hôpitaux, mais je ne doute pas qu'elle fera des perdants que nous n'aurions pas identifiés, comme ce fut le cas à l'occasion d'autres réformes. Il en irait de même, par exemple, si, comme certains le réclament, nous remettions à plat le coefficient géographique applicable outre-mer : cela ferait assurément des perdants.

Je considère, là encore, que le suivi de la réforme de la tarification mérite un échange avec le Parlement qui soit plus approfondi que la simple audition du ministre la veille de l'examen du PLFSS. La remise d'un rapport par le Gouvernement, pour un meilleur rendu compte tout au long de l'année, me semble une bonne idée.

Enfin, votre dernière question - c'est en fait la première - est redoutable. Je serais très inquiet si nous étions les seuls au monde dans cette situation. Ce n'est pas le cas : j'ai rencontré récemment mon homologue allemand : la situation des hôpitaux en Allemagne est catastrophique. Le vieillissement de la population, la prise en charge des maladies chroniques ou encore les progrès de la médecine - dans la lutte contre les cancers pédiatriques ou contre le cancer du sein par exemple - font que les dépenses de santé continueront de progresser.

On peut s'étonner, la Première ministre s'interroge également, que, dans ce contexte de progrès, le mécontentement de la population perdure. Notre système est trop souvent présenté comme à bout de souffle. Certes, dans certains territoires, en particulier dans les déserts médicaux, la situation est dans l'impasse. Mais on voit naître aussi, parfois dans ces mêmes territoires - dans le XVIIIe arrondissement de Paris, en Dordogne ou encore dans le Tarn -, des initiatives ou des coopérations inouïes. Par ailleurs, même s'ils nous coûtent de plus en plus cher, des progrès exceptionnels sont accomplis. Voyez le programme Interception de prévention des cancers de Gustave-Roussy !

Selon moi, la soutenabilité financière de notre système à moyen terme réside dans notre capacité à prendre véritablement le virage de la prévention. Cela va au-delà, par exemple, du site mangerbouger.fr ou d'incitations à la marche. Les uns après les autres, mes prédécesseurs ont tenté en vain de formuler l'idée - cela leur a ensuite collé à la peau - selon laquelle une meilleure santé de l'hôpital passerait par la diminution du nombre de patients qui y arrivent. Mettons plutôt dans la tête de nos concitoyens l'excellence de nos dispositifs de prévention, de médecine personnalisée, de médecine prédictive ou encore d'intelligence artificielle. J'ai obtenu que, dans le cadre de France 2030, une nouvelle ligne budgétaire de 350 millions d'euros environ soit ajoutée pour de l'investissement en prévention santé. En France, nous sommes très bons dans ce domaine, mais ce sont les pays étrangers qui achètent nos produits !

Le problème est donc structurel. Je dis toujours que, en dehors des personnes âgées qui sont mortes en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), le décès de nombreuses personnes en Seine-Saint-Denis pendant la crise de la covid est dû à des déterminants sociaux de santé ou autres comorbidités, par exemple l'obésité. Nous sommes en retard sur la recherche en prévention de l'obésité, et le traitement de cette pathologie connaît d'importants progrès thérapeutiques.

Bien évidemment, je ne peux me satisfaire de vous présenter un budget dont le déséquilibre s'élève à 9 milliards d'euros et pourrait atteindre, à moyen terme, 17 milliards d'euros. Je pense néanmoins que seul l'investissement dans la prévention nous permettra de tenir, compte tenu du vieillissement de la population, de la prévalence accrue des maladies chroniques et des conséquences à venir du réchauffement climatique.

Nos dispositifs de financement doivent être suffisamment agiles pour suivre les évolutions thérapeutiques. Aujourd'hui, lorsque Gustave-Roussy détecte un cancer du sein chez une patiente, cette dernière suit, en tout et pour tout, un traitement de cinq jours consécutifs. Or cela rapporte beaucoup moins à l'Institut que s'il lui proposait trois fois quatre jours de chimiothérapie.

M. Alain Milon. - Merci pour ces réponses détaillées, monsieur le ministre. Un ancien rapporteur général de notre commission, Alain Vasselle, faisait la même comparaison que vous s'agissant des déficits. Il disait, sous forme de boutade, qu'il valait mieux supprimer Bercy et opter pour une gestion paritaire du budget de l'État !

Comme tous mes collègues, je m'inquiète de l'évolution du financement de la sécurité sociale et, de manière générale, du système de santé français, dont la financiarisation s'accélère.

Mes questions portent sur les innovations en santé, qui avancent à un rythme soutenu et constituent un espoir pour les malades. La médecine de demain combinera des technologies de pointe pour apporter aux patients des solutions personnalisées, préventives et prédictives. La France est depuis longtemps reconnue dans ce domaine, pour la qualité de sa recherche en santé et sa capacité à assurer une mise à disposition rapide. Toutefois, les mécanismes régissant l'accès aux innovations ont été mis en place au fil du temps et sont perçus comme complexes par les porteurs de projets. Qu'en pensez-vous ?

Parmi les solutions innovantes, la chirurgie constitue un parfait exemple de l'excellence française. Mais le système actuel d'évaluation n'est pas adapté au rythme de diffusion des innovations. Le forfait innovation mis en place en 2015 n'apparaît pas comme un outil adapté, d'autant que les délais d'instruction et de mise en oeuvre rendent le dispositif peu attractif. Que comptez-vous mettre en place pour amorcer un réel changement, permettant un accès plus rapide aux actes innovants, tout en assurant une traçabilité et un encadrement de la tarification ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je souhaiterais vous soumettre quelques pistes d'économie.

Je pense notamment aux fraudes à l'assurance maladie ou aux anomalies. Bien que celles-ci soient nombreuses, et malgré nos sollicitations, les estimations tardent. Nous ne pouvons pas évaluer et intervenir dans ce domaine sans estimations. Or la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) est très en retard par rapport aux autres caisses. Compte tenu des sommes à récupérer - 5 à 6 milliards d'euros, selon la Cour des comptes -, il faut aller plus vite.

Par ailleurs, on constate un certain nombre d'actes redondants et inutiles dans certaines disciplines médicales, comme la radiologie ou la biologie, et ce, non pas du fait des médecins, mais de l'organisation des parcours. Chacun à leur tour, le médecin généraliste, le spécialiste, l'hôpital vont faire et refaire des radios, notamment au regard de la compétence qu'ils reconnaissent à tel ou tel cabinet de radiologie. C'est un problème à régler.

Enfin, nous sommes quelques-uns ici à nous en souvenir, nous avons un jour auditionné le directeur du centre hospitalier de Valenciennes : celui-ci, grâce au management mis en place, a vu son fonctionnement amélioré. Il ne souffre d'aucune pénurie de personnel et son budget est équilibré. Je vous invite à le visiter et le recommander pour ses bonnes pratiques.

M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - D'un trait d'humour, monsieur le ministre, vous avez relativisé le déficit figurant dans le prochain PLFSS. Pour ma part, je ne me résous pas à voir le système de protection sociale déficitaire : cela revient à reporter son financement sur les générations futures, ce qui ne me paraît ni vertueux ni responsable.

Vous avez formulé une réponse intéressante sur la prévention. La solution que vous préconisez passerait par un changement des comportements. Mais envisagez-vous aussi des changements structurels en matière de régulation ou des augmentations de recettes ? Si oui, lesquels ?

Alors que notre pays est passé du numerus clausus au numerus apertus, pensez-vous que nous formons aujourd'hui assez de médecins ? Si ce n'est pas le cas, que comptez-vous faire ?

M. Bernard Jomier. - Je partage complètement la remarque d'Olivier Henno sur la soutenabilité de notre système de sécurité sociale. Pour nous, le choix politique - cela en est un - de mettre la sécurité sociale en déficit est une question primordiale. Chaque année, par les transferts de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), la sécurité sociale est privée de 10 milliards d'euros ; si une telle mesure n'avait pas été prise, il n'y aurait pas de déficit !

En outre, le décalage entre les données financières et les résultats obtenus a de quoi inquiéter. Un système de santé doit permettre de faire progresser les indicateurs de santé, dont les deux principaux sont le taux de mortalité infantile - la France régresse dans ce domaine - et l'espérance de vie à la naissance - notre pays vient de glisser de la sixième à la treizième place du classement des pays de l'OCDE. Pouvez-vous nous donner votre avis sur la question ?

Vous avez évoqué la problématique de la pertinence, qui avait été très fortement portée par Agnès Buzyn. Comment peut-on garantir la pertinence des soins avec un système de financement favorisant l'activité à l'hôpital et l'acte dans le secteur ambulatoire, et une financiarisation galopante ?

Nous partageons tous votre préoccupation et votre volontarisme en matière de prévention. Toutefois, votre approche semble s'articuler autour de la prévention médicalisée, alors que, dans un rapport récent, deux collègues députés, Cyrille Isaac-Sibille et Ericka Bareigts, ont estimé qu'une telle politique de prévention devait porter sur les déterminants.

Ma dernière question a trait, non pas au PLFSS, mais à un point qui viendra en discussion la semaine prochaine : la fin de l'aide médicale de l'État (AME). Quelle est votre position sur le sujet ?

Mme Jocelyne Guidez. - Le dispositif de l'article 38 du PLFSS ne concerne que les enfants jusqu'à 6 ans. Que faisons-nous pour un enfant ayant 4 ans aujourd'hui et qui en aura 7 au moment de l'entrée en vigueur ? Les frais pour les enfants de 0 à 6 ans sont remboursés de manière forfaitaire, avec une prise en charge partielle par les mutuelles. Que faisons-nous pour ceux qui n'ont pas de mutuelle ? Je pourrai multiplier les interrogations, car je suis assez inquiète sur le sujet, mais j'en reste là, compte tenu du nombre de questions...

Mme Céline Brulin. - La prévention, vous l'avez implicitement dit, est souvent un poncif : on en parle beaucoup, mais, en réalité, il ne se passe pas grand-chose. Vous-même, vous l'évoquez avec force, sans que je voie réellement le début d'une stratégie ou d'un plan qui permettrait d'acter un changement de paradigme.

Je rejoins les propos de la rapporteure Corinne Imbert sur les raisons de l'accroissement des indemnités journalières, qui ne sont pas, selon moi, le fait de prescriptions anormales de médecins. Pensez-vous que faire contrôler les médecins par d'autres médecins « missionnés » par les employeurs est de nature à renforcer la confiance ?

Mesurez-vous l'effet que peut faire, dans une population dont un tiers des membres renoncent à se soigner et font face à des pénuries de médicaments, l'annonce d'une explosion des dépenses et de la nécessité de se serrer la ceinture ?

Enfin, à quoi va servir le débat sur le PLFSS pour 2024, notamment ici au Sénat, quand l'Ondam a été rejeté dès l'examen en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale et que l'article 49 alinéa 3 de la Constitution a dû être activé dès hier soir sur la deuxième partie du texte ? Pour la sincérité de nos débats, pouvez-vous nous éclairer sur les marges de manoeuvre existantes ? Nos discussions pourront-elles avoir un quelconque effet ?

Mme Émilienne Poumirol. - Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos propositions de travail, qui m'apparaissent comme une marque - bienvenue en ces temps difficiles - de considération envers le Parlement.

Nous savons bien, comme vous l'avez souligné, que la prévention est un investissement d'aujourd'hui, dont le résultat ne sera constaté qu'en 2050. Le rapport que Mélanie Vogel avait rendu au nom de notre commission sur la sécurité sociale écologique du XXIe siècle montrait à quel point la prévention devait être intégrée dans toutes nos politiques publiques. Or, à l'heure actuelle, la cohérence entre les actions menées par les différents ministères manque.

S'agissant du médicament, comment justifier des prix allant jusqu'à 1 million d'euros la dose, en particulier dans les thérapies géniques ? Comment contrôler cela ? Aujourd'hui, du fait du secret des affaires, il n'y a aucune transparence sur les prix des médicaments innovants, souvent issus de recherches publiques ou parapubliques. Peut-on avancer sur ce dossier ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse. - Je voudrais revenir sur le prélèvement supérieur à 1 milliard d'euros réalisé sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Au moment où l'on parle de prévention, ne serait-il pas judicieux de laisser cet argent, qui leur appartient, aux entreprises, afin qu'elles fassent davantage de prévention ? Chaque année, l'argument est le même : la sous-déclaration des accidents et maladies professionnels. Mais, dans ce cas, informez mieux les médecins ! Je ne suis plus rapporteur de cette branche, mais je viens du monde de l'entreprise et je peux vous assurer que les efforts faits auprès des salariés et des entreprises, en termes financiers ou d'information, donnent des résultats.

M. Aurélien Rousseau, ministre. - S'agissant de l'accès précoce aux innovations, mon prédécesseur avait demandé une expertise globale, comprenant notamment des éléments de comparaison avec les pays étrangers, pour comprendre l'origine des reproches persistants en matière de délais. Je disposerai d'un retour au premier trimestre de 2024 et, dans l'attente, je ne me sens pas en mesure de réformer ce système d'accès précoce. Cela étant, au regard des discussions que j'ai eues avec le président de la HAS, celui-ci est conscient de la nécessité de travailler sur ce calendrier. Nous avons donc un chantier devant nous. De la même manière, il faut disposer d'une certaine agilité dans la tarification pour pouvoir suivre les innovations.

Par ailleurs, en matière d'évaluation des actes de chirurgie, on sait aussi que certains hôpitaux, pour être attractifs, ont acheté des robots chirurgicaux, lesquels ne se révèlent absolument pas pertinents dans certaines prises en charge de pathologies. L'évaluation dans la durée de la pertinence doit donc aussi englober les achats et l'utilisation de matériel.

Je ferai un détour pour répondre à la remarque du sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe, en soulignant que la réouverture de la négociation conventionnelle permet aussi de banaliser le fait que l'assurance maladie puisse se retourner vers les médecins quand elle repère des actes redondants. La montée en puissance du dossier médical partagé (DMP) devrait être utile sur cette question, tout comme les innovations technologiques liées aux systèmes d'information et à l'intelligence artificielle. Il y a, ensuite, des questions de bonnes pratiques. À ce propos, je me rendrai volontiers au centre hospitalier de Valenciennes, où je ne suis jamais allé.

Contrairement à ce que Bernard Jomier et Olivier Henno semblent avoir compris - j'ai dû mal m'exprimer -, je ne considère pas que la cible d'un déficit à 17 milliards d'euros soit satisfaisante. Je suis aussi, en quelque sorte ministre des comptes sociaux, et je sais que, si notre système socialisé d'assurance maladie ne tient pas, d'autres acteurs privés viendront prendre sa place. C'est pourquoi je suis très engagé sur ce sujet essentiel.

Je souhaite lever toute ambiguïté : je n'estime pas qu'il soit possible de doubler le déficit dans la période qui s'ouvre. Nous devons trouver la manière de le maîtriser, ce qui renvoie à d'autres questions : qu'est-ce qui est maîtrisable ? Qu'est-ce qui ne l'est pas ?

Pour ce qui concerne les infirmières, la situation dépend aussi des territoires. Je rappelle qu'un protocole avait été signé par Jean Castex avec Régions de France. Au comité de pilotage de la semaine dernière, l'association était représentée par Marie-Guite Dufay. Je crois que nous avons levé toute une partie des incompréhensions sur les chiffres de départ, sur l'investissement dans les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Chaque année, plus 17 % d'étudiantes infirmières quittent les écoles en cours de formation. La « réingénierie » du parcours est un sujet majeur. Souvent, dans Parcoursup, aucune préférence géographique n'est mentionnée. Nous devons travailler sur ce sujet, mais je pense que nous sommes sur la bonne voie.

Pour ce qui est des médecins, il faut se parler franchement : il y a nettement plus de médecins en formation qu'auparavant. Dans le secret de mon bureau, certains me disent même que, avec l'intelligence artificielle, on n'aura peut-être plus besoin de radiologues ou de dermatologues dans vingt ans. C'est le même raisonnement qui avait conduit au numerus clausus il y a trente ans. Pour ma part, je pense que l'on aura toujours besoin de médecins. L'université a eu besoin d'un délai d'ajustement pour se mettre en situation de former. Ce qui me préoccupe le plus actuellement, c'est la baisse des étudiants en pharmacie. Cela deviendra un sujet très important.

Par ailleurs, nous savons tous que le manipulateur en électroradiologie, à l'hôpital, a une fonction clé, même si personne n'en parle jamais. Or un tiers seulement des étudiants qui aspirent à exercer cette profession parvient au bout des trois ans de formation.

Il faut prendre garde à ne pas oublier les professions, autres que les médecins, dont il faut maintenir l'attractivité.

Monsieur Jomier, non, je ne crois pas que nous ayons fait le choix du déficit de la sécurité sociale. Je ne fais pas ce choix. Cela dit, pour être très clair, et quitte à faire du « en même temps », si une partie des exonérations de cotisations pèse évidemment sur les ressources de la sécurité sociale, je crois - j'ai évolué sur ce point - qu'elles ont aussi permis de faire baisser le chômage et de disposer d'éléments sur ce qui permet de financer notre modèle social. C'est un débat de fond que nous pouvons avoir.

Comme vous en reparlerez sans doute avec Thomas Cazenave au moment de l'examen du budget, nous allons faire évoluer le « bandeau famille ». Cette évolution est très importante. Dès cette année, 650 millions d'euros seront gelés. Cette exonération concernait des salaires assez élevés et correspondait surtout à une demande de l'industrie, même si le sujet n'est plus aujourd'hui l'attractivité des emplois industriels.

De mon côté, je me battrai avec acharnement pour les compensations pour la sécurité sociale. En 2017, alors que j'étais directeur adjoint du cabinet de Bernard Cazeneuve, la branche maladie était à 400 millions d'euros de l'équilibre, ce qui correspondait exactement à un déficit très clairement identifié de compensations de l'État. C'est l'une des plus grandes tristesses que j'ai connues dans ma vie professionnelle et politique. Je serai très engagé sur ce point, car, je le répète, la sécurité sociale n'appartient pas à l'État.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Bravo !

M. Aurélien Rousseau, ministre. - Monsieur le sénateur Jomier, de nombreux facteurs expliquent la situation en néonatologie. Trois sont clairement identifiés : le caractère plus tardif des grossesses des primoparturientes, avec une mortalité infantile toujours plus forte ; la naissance, grâce aux progrès de la médecine, de bébés qui n'auraient pu naître auparavant, mais qui ne survivent pas au-delà de quelques mois ; l'existence d'une difficulté majeure dans les services de néonatologie à de nombreux endroits.

Cela dit, je pense qu'il s'agit, in fine, en très grande partie, comme sur l'espérance de vie, d'un sujet d'inégalités sociales de santé. Oui, la mortalité infantile n'est pas la même en Seine-Saint-Denis ou dans certains territoires ruraux qu'au coeur de Paris.

Cela m'amène à revenir au sujet de la prévention. Quand j'étais directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), le programme de réduction des inégalités sociales avait permis de faire baisser le risque en néonatologie. Oui, une femme précaire, c'est un risque sanitaire. Cela signifie que l'hôpital va devoir consacrer plus d'argent à sa prise en charge et à son suivi. Finance-t-on les hôpitaux de manière à ce qu'ils puissent consacrer plus d'argent à la prise en charge des plus précaires ? C'est à mes yeux le déterminant central.

Madame la sénatrice Brulin, nous ne l'avons peut-être pas assez formalisé - je suis encore dans ma période d'essai, puisque cela fait trois mois et six jours que je suis ministre -, mais je crois profondément que l'on ne s'en sortira que par la prévention - primaire, secondaire, tertiaire, quaternaire - et la santé publique. Les sujets doivent bouger.

Donc, oui, vous avez raison, nous n'avons pas suffisamment écrit la feuille de route pour embarquer tout le monde. Je suis d'accord avec vous. C'est l'un de mes objectifs. Par exemple, l'assurance maladie a réussi un changement culturel extrêmement fort, en étant beaucoup plus acteur de la prévention, en réinventant certains sujets sur lesquels elle était active il y a vingt ans et auxquels elle a renoncé pour diverses raisons - je pense notamment aux centres de soins, de vaccination, etc.

Je suis tout à fait convaincu que la dégradation actuelle de certains de nos indicateurs est liée au fait que le tout-curatif, qui était notre ADN, est à bout de souffle. Il y a sans doute une dégradation de l'offre, y compris curative, dans certains endroits, mais le problème structurel est que nous sommes culturellement en retard dans la prise en compte de la prévention.

Monsieur Jomier, vous avez raison sur la question de l'acte. C'est pourquoi mon objectif est d'arriver, pour le financement du médecin, aux trois mêmes blocs que pour le financement de l'hôpital. Sans espérer parvenir à un jardin à la française, je pense que le sujet est le même. Vous retrouverez ce point dans la lettre de cadrage.

Madame la sénatrice Guidez, je suis résolument convaincu que l'ensemble de notre système ne pivotera que si l'on consacre à la santé de l'enfant les moyens nécessaires. Un important travail, qui sera présenté dans quelques semaines, a été réalisé par la professeur Gras-Le Guen avec Adrien Taquet. Ces derniers ont formulé 220 propositions.

Vous avez raison, la sensibilisation à l'importance des 1 000 premiers jours a fait progresser les choses, mais je pense que l'on se tromperait en posant une barrière, à 1 000 jours ou à sept ans, parce que certains troubles peuvent être détectés plus tard et doivent pouvoir être remboursés sans recours aux complémentaires santé. Les évolutions de ces dernières années dans la connaissance des troubles du neurodéveloppement (TND) montrent que nous sommes en capacité, si nous disposons de ce dispositif de repérage et de prévention, de faire reculer l'autisme comme jamais. Je suis donc d'accord avec vous pour dire que les frontières d'âge ne sont pas satisfaisantes à ce stade.

Monsieur Jomier, l'aide médicale d'État (AME) est un dispositif indispensable. C'est un dispositif de santé publique. Je crains deux conséquences de l'aide médicale urgente (AMU), que l'on a pu constater dans les pays ayant basculé dans le système que la majorité du Sénat a adopté dans le projet de loi Immigration.

Le premier risque est de déverser sur l'hôpital tous les soins urgents, donc de jeter un voile pudique sur le coût qui en résultera, lequel sera noyé dans les dépenses hospitalières - c'est ce qui se passe dans de nombreux pays. L'AME fait aujourd'hui partie des dépenses suivies de très près, étant payées par l'État. Je pense qu'aucun médecin ne refusera de soigner quelqu'un qui est arrivé aux urgences parce qu'il ne peut attester de son AME ou de son AMU.

Le second risque est, à mes yeux, un sujet de santé publique majeur. Le but de la prise en charge est que l'on intervienne avant que la situation ne soit devenue trop grave. En particulier, si la médecine de ville n'est plus là pour soigner toutes les pathologies infectieuses telles que la tuberculose ou l'hépatite, des pathologies se diffuseront. L'Espagne, qui a tenté cette réforme, est revenue en arrière.

Gérald Darmanin et moi-même avons confié une mission sur ce sujet à Patrick Stefanini et à Claude Évin, qui s'y sont déjà totalement immergés. Quand un dispositif coûte plus de 1 milliard d'euros à la nation, il est normal qu'on le regarde ! Je pense, par exemple, que l'on pourrait mettre certaines opérations sous entente préalable, mais cette piste reste à creuser.

Par ailleurs, je voudrais évacuer une partie des fantasmes. Tout le monde nous parle des oreilles décollées, mais, l'an dernier, il n'y a eu que 35 opérations, pour un coût total de 6 000 euros. Et encore ne parle-t-on que d'organisations humanitaires françaises qui envoient des chirurgiens pour réparer ces difformités à l'étranger ! On ne parle pas d'un soin de confort.

Ma position est simple : il doit être possible de « challenger » tout dispositif auquel le Parlement s'intéresse - ainsi, en 2019, Édouard Philippe a réduit le panier de soins. Je ne suis absolument pas opposé à ce que l'on regarde à nouveau l'AME, mais, j'insiste, je considère qu'il s'agit d'un dispositif de santé publique.

Je suis heureux que ce soit la sénatrice Brulin qui parle de « cocooning » des médecins généralistes libéraux...

Je répète que nous débattrons de l'article 27, qui est une mesure signal. Ce débat n'a pas eu lieu en séance publique à l'Assemblée nationale -  il n'a eu lieu qu'en partie en commission. Je souhaite que nous l'ayons. Franchement, je ne suis pas certain qu'il faille faire porter symboliquement et politiquement la responsabilité de l'explosion des indemnités journalières sur le patient.

Le mot « inflation » n'a pas été prononcé ici, mais, dans leurs critiques sur le PLFSS, toutes les fédérations ont regretté qu'il n'y ait pas de compensation suffisante de l'inflation. Le Gouvernement ne laissera pas les hôpitaux publics ou privés basculer « dans le rouge » du fait de l'inflation sur le terrain. Nous ferons un point à la fin de l'année, mais je pense d'ores et déjà que nous devrons intervenir pour tenir compte de l'inflation dans une nouvelle circulaire tarifaire.

S'agissant des franchises médicales, Jérôme Guedj et Cyrille Isaac-Sibille, qui ont rendu visite à la direction de la sécurité sociale, ont constaté ce que je leur avais dit, à savoir que nous avons travaillé sur ce sujet, notamment sur la question des conditions très précises des franchises médicales et des participations forfaitaires, avec le maintien des deux plafonds à 50 euros. Ce maintien est essentiel pour les personnes en affection de longue durée (ALD), qui atteignent les plafonds. Cette mesure, de nature réglementaire, a été instruite, et sa mise en oeuvre doit être précédée de quatre mois de consultations. Pour être clair, le Président de la République, la Première ministre et moi-même considérons aujourd'hui que la mesure est expertisée et prête à être mise en oeuvre à l'issue de ces quatre mois.

Toutefois, comme je l'ai dit dès que j'ai été nommé, je pense que l'on ne peut pas prendre de décision sans être allé au bout de l'examen parlementaire du projet de loi de finances, dans une période d'aussi grande pression sur le pouvoir d'achat. Il ne faudrait pas qu'à la fin, certains pensent que cette mesure n'aura servi qu'à faire les poches des gens... C'est une responsabilité du pouvoir réglementaire.

Vous avez raison, madame la sénatrice Poumirol, il n'y a pas de transparence des prix. Cependant, il faut savoir qu'une partie des industriels menace de ne pas mettre tel ou tel médicament sur le marché français s'il y a trop de pression sur les prix.

Il y a aussi une dimension de réindustrialisation, s'agissant notamment des médicaments critiques. Nous cherchons donc à atteindre plusieurs objectifs simultanément, le prix n'étant pas la seule variable de discussion avec les laboratoires.

Cela dit, je pense qu'il n'y a plus que trois personnes aujourd'hui qui comprennent comment fonctionne notre système de fixation des prix ! Nous devons le remettre à plat, nous demander quels doivent être ses objectifs, et que ces objectifs soient partagés démocratiquement.

Les dispositions du PLFSS relatives à la branche AT-MP relèvent de la compétence de mon collègue Olivier Dussopt. Je peux néanmoins vous dire que la modification de taux décidée lors de la réforme des retraites visait à répondre à un problème de sous-consommation. Si vous le permettez, j'adresserai ma réponse à cette question au président de votre commission dans le courant de l'après-midi.

M. Philippe Mouiller, président. - Merci, monsieur le ministre, de la qualité de vos réponses. Je vous dis à bientôt, en commission, puis dans l'hémicycle.


Source https://www.senat.fr, le 7 novembre 2023