Interview de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État, chargée de l'enfance, à France Info le 30 octobre 2023, sur les violences d'avant-match qui ont provoqué l'annulation de la rencontre entre l'Olympique de Marseille et Lyon, le souhait du président de la République d'inscrire l'IVG dans la Constitution, l'impact sur les enfants et les jeunes de la situation au Proche-Orient et le projet de loi pour contrôler l'immigration.

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Média : France Info

Texte intégral

ANTOINE COMTE
Charlotte CAUBEL, bonjour. Merci d'avoir accepté notre invitation.

CHARLOTTE CAUBEL
Bonjour.

ANTOINE COMTE
Une réaction, pour commencer, sur ce match qui devait opposer Marseille à Lyon hier, avec des individus qui ont caillassé le bus lyonnais, un entraîneur qui a été grièvement blessé, et donc un match qui a été arrêté, enfin, qui n'a pas eu lieu. Est-ce que c'est la décision qu'il fallait prendre, ce match, cette rencontre ne devait pas avoir lieu ?

CHARLOTTE CAUBEL
Je crois que oui, il faut arriver à mesurer le désespoir, la tristesse et la colère que nous devons tous avoir face à des images inacceptables. Des images à nouveau qui sont vues par les adultes, les enfants et les jeunes, donc absolument catastrophiques en termes d'éducation quand même des plus jeunes, au respect des valeurs du sport, des valeurs du respect de l'autre. Donc oui, ce match ne pouvait qu'être arrêté. On ne pouvait pas continuer avec un entraîneur, dont on voit, on a vu les images, un visage ensanglanté.

ANTOINE COMTE
Et vous regrettez que ces images, justement, assez choquantes, du visage ensanglanté du coach lyonnais, aient circulé sur les réseaux sociaux ? Justement, les enfants les voient, la jeunesse les voit directement.

CHARLOTTE CAUBEL
C'est toute la difficulté. Il faut à la fois évidemment éduquer tout le monde et montrer évidemment des images inacceptables, pour dire "plus jamais cela", si tant est qu'on puisse espérer cela. Et en même temps, évidemment, des images qui frappent, qui marquent et qui sont absolument catastrophiques pour l'éducation des plus jeunes.

ANTOINE COMTE
Que doit faire le Gouvernement pour éloigner définitivement ces individus violents des stades ? On a l'impression que le Gouvernement est un peu démuni, que cela se reproduit de saison en saison. Qu'est-ce qu'il faut faire ?

CHARLOTTE CAUBEL
Alors, d'abord, continuer à éduquer évidemment tout le monde, en disant que le sport, c'est des valeurs de cohésion, des valeurs de respect des règles. Bien sûr, sanctionner ceux qui sont interpellés. C'est le cas. Un certain nombre de jeunes ont été interpellés. Entre les deux, depuis un certain nombre d'événements, le ministre des Sports, la ministre des Sports et le ministre de l'Intérieur ont fortement renforcé la sécurité. Nous avons tous les textes qu'il faut pour punir le cas échéant. Mais évidemment, là c'est en dehors du stade, donc on se dit qu'il faut remonter jusqu'où, il aurait fallu aller depuis Lyon jusqu'à Marseille pour lutter contre ce type d'événement absolument tragique ? Non, il faut quand même, qu'à un moment, que chacun se remobilise en disant : qu'est-ce que nous voulons ? Est-ce que nous voulons du sport à la hauteur de nos ambitions en matière de sport ? Ou est-ce que nous voulons ces images absolument dramatiques ? En pleine année des JO, en pleine année de Coupe du monde de rugby, mais c'est une honte pour notre pays.

ANTOINE COMTE
Sans transition, un mot sur le souhait d'Emmanuel MACRON d'inscrire dans la Constitution l'IVG. Il faudra pour cela que le chef de l'État obtienne l'approbation des 3/5e des parlementaires, sénateurs et députés. Ça ne semble pas si simple que cela politiquement. Est-ce que vous regrettez que certains s'opposent à ce souhait du chef de l'État ?

CHARLOTTE CAUBEL
On n'en est pas encore là. Moi je crois qu'évidemment, d'abord, nous sommes tous tout à fait ravis que ce droit fondamental reconnu aux femmes, soit inscrit dans la Constitution et devienne, comme l'a dit le Président, irréversible. Vous le savez, dans d'autres pays, cette situation n'est pas le cas. Je rentre des États-Unis où j'étais il y a quelques jours, on voit bien que la Cour suprême est, elle, revenue sur ce droit extrêmement important pour les femmes. Donc, c'est d'abord une excellente nouvelle que ce texte soit proposé, évidemment en ratification au Congrès. Moi, je pense qu'on peut obtenir dans ce pays 3/5e pour préserver ce droit fondamental des femmes.

ANTOINE COMTE
Il y avait vraiment un risque qu'un gouvernement, un jour élu, peut-être populiste, revienne sur ce droit fondamental pour les femmes ? Vous pensez qu'en France, c'est le cas ? Par exemple le Rassemblement national et certains Républicains disent qu'il est hors de question de remettre en cause l'IVG.

CHARLOTTE CAUBEL
Ecoutez, c'est toujours pareil. Les droits les plus importants peuvent tout d'un coup être mis en danger. On voit en Europe que la question de l'IVG n'est toujours pas quelque chose d'unanime, que ce soit la Pologne, que ce soit la Hongrie, bien évidemment. Et puis je le dis, les États-Unis, qui ne sont quand même pas réputés pour ne pas être une grande démocratie, sont aujourd'hui dans une vraie évolution, avec des juridictions qui remettent en cause ce principe fondamental. Il ne faut jamais préjuger de qui que ce soit, et je crois d'ailleurs que les propos de madame LE PEN ont été assez ambigus sur cela, et je pense que l'inscrire dans la Constitution est la plus grande des garanties, en tout cas, c'est le souhait du président qui s'était engagé le 8 mars dernier, et ça devrait être chose faite, j'espère, en début 2024.

ANTOINE COMTE
On va se tourner vers l'étranger, si vous le voulez bien, Charlotte CAUBEL, maintenant, et parler évidemment de la situation au Proche-Orient, avec ce risque d'embrasement de la région, qui est de plus en plus important. Est-ce que le renforcement des frappes israéliennes sur Gaza, on l'a vu ces derniers jours, et cette menace de passer à une offensive terrestre d'ampleur, Benyamin NETANYAHOU l'a encore dit dans ses récentes allocutions. Est-ce que c'est la bonne solution ? Est-ce que c'est ce qu'il faut faire pour ramener le calme, pour calmer tout le monde un peu sur place ?

CHARLOTTE CAUBEL
À l'occasion de son voyage, le président l'a bien dit : il faut une démarche à la fois de sécurité et une démarche de paix. On comprend qu'Israël, à la suite d'attentats absolument ignobles, commis sur son territoire, ait pris les moyens de se protéger. La question aujourd'hui est évidemment de bien préserver, à la fois les ambitions, enfin, les objectifs d'Israël, mais aussi la sécurité des civils. La position du Président de la République, donc de la France et de la plupart des pays de la Communauté internationale est très claire : il faut préserver les populations palestiniennes. Pour autant, il faut évidemment lutter contre le Hamas, qui a conduit, nous le répétons, des crimes, qui ont eu quand même un relent très fort dans notre pays, un écho très fort, à la foi, comme vous le savez, puisque nous avons eu des victimes françaises, que nous avons toujours des otages français, mais aussi parce que cela ressemblait vraiment à des faits que nous avons connus, nous avons tous vécu ça dans notre chair. Donc sécurité et paix, c'est le sens de la démarche du président, quand il s'est déplacé de Cisjordanie en Egypte, en passant bien sûr par Israël et la Jordanie.

ANTOINE COMTE
C'est le sens de la démarche d'Emmanuel MACRON ? On a l'impression que la France a très peu de poids aujourd'hui dans la région, que la voix de la France n'est pas autant entendue qu'avant.

CHARLOTTE CAUBEL
Ce n'est pas le sentiment qu'on a, puisque le président égyptien a salué la démarche évidemment du Président de la République. Le roi de Jordanie aussi. Le président a été accueilli des deux côtés, en Israël et en Palestine, et sa démarche a été saluée par tout le monde. Évidemment, on le sait, ce conflit existe depuis des dizaines d'années. Les faits qui se sont passés, évidemment, ne trouvons pas facilement solution, mais je crois que la position de la France et celle présentée par le président de la République…

ANTOINE COMTE
La France pèse encore dans le monde.

CHARLOTTE CAUBEL
Incontestablement. En tout cas, la démarche du président a été saluée et reprise, et je pense qu'on va pouvoir avancer sur ce terrain, petit à petit, en espérant enfin trouver une issue qui respecte à la fois le droit des Palestiniens et la sécurité des Israéliens.

ANTOINE COMTE
Un mot sur les images qui circulent sur les réseaux sociaux, on en a parlé à l'occasion de ce match annulé hier entre Marseille et Lyon. Il y a aussi des images sanglantes de guerre, qui circulent sur les réseaux sociaux depuis notamment l'attaque du Hamas le 7 octobre dernier. Vous envisagez de mener une campagne de sensibilisation à destination des parents, mais aussi des enfants, est-ce que vous pouvez nous en dire plus, quand est-ce qu'elle sera lancée et en quoi ça consiste vraiment ?

CHARLOTTE CAUBEL
J'ai déjà fait deux démarches. D'une part, aller sur RCJ, redire, en tout cas à la communauté, à l'ensemble des auditeurs de RCJ, qu'il fallait être extrêmement vigilant avec les enfants et les jeunes, et pendant cette période, avoir non seulement peut être une politique familiale un peu plus stricte sur l'accès au téléphone et aux réseaux, et en tout cas avoir des échanges…

ANTOINE COMTE
Concrètement, comment ça se passe ? C'est-à-dire de confisquer le téléphone ?

CHARLOTTE CAUBEL
En tout cas, il faut échanger, il faut dire : "est-ce que tu as vu des images ?", d'ailleurs, qu'on soit issu de la communauté israélienne ou pas, ou israélite ou pas, il faut impérativement échanger avec les enfants, parce qu'ils voient des images, et ils entendent des choses. Donc déjà parler, "as-tu vu, qu'est-ce que tu en penses ?" Etc. D'autre part, nous avons déjà fait une petite communication avec Olivier VERAN, mais que nous allons rediffuser dans le contexte, vraiment, faites attention à ces images, c'est un de mes combats, faire en sorte qu'on contrôle un peu plus l'âge des personnes qui vont sur Internet, pour pouvoir mieux protéger les enfants sur ce type de contenus. Bien évidemment que non seulement c'est percutant, ça les trouble, ça les empêche de dormir pour les plus jeunes, cela les amène à avoir des réflexions, voire à avoir des mots qui dérapent avec leurs camarades de classe. C'est évidemment un enjeu très très fort pour moi. Nous allons refaire une communication avec Olivier VERAN…

ANTOINE COMTE
À partir de quand ?

CHARLOTTE CAUBEL
Très rapidement. De toute façon, ce sujet de l'accès à des contenus inadaptés en fonction de l'âge, on a parlé pendant un certain temps de la pornographie, là, on parle d'images violentes, est un de mes combats. Il faut quand même que les adultes comprennent, que non seulement ils doivent prendre en compte l'enfant et se mettre à hauteur d'enfants sur les réseaux, être attentifs à ce qu'ils y mettent, et peut être accepter le contrôle de l'âge des enfants, donc des adultes, pour éviter que nos enfants aient accès à ce type d'images. J'étais à nouveau aux États-Unis il y a quelques jours, pour discuter de cela avec les autorités américaines. Les plateformes doivent nous aider sur cela. Elles ont fait un certain nombre de démarches au moment des faits, à la demande du ministre de l'Intérieur, elles ont retiré un certain nombre de contenus, de fake news, etc. Mais il faut aller plus loin pour protéger nos enfants.

ANTOINE COMTE
Je voulais avoir aussi un mot de votre part sur la loi immigration, sans transition là encore, qui arrive au Sénat la semaine prochaine. Franchement, ça va être quand même extrêmement compliqué d'obtenir une majorité sur ce texte. Est-ce qu'on va tout droit vers un nouveau 49.3 sur ce texte, cette loi immigration ?

CHARLOTTE CAUBEL
Alors, c'est une loi extrêmement importante pour notre pays, avec la reprise des flux migratoires à l'issue de la crise sanitaire. Elle est effectivement extrêmement politique et on peut le comprendre, puisque sur ces enjeux migratoires, on a des oppositions extrêmement virulentes sur ce sujet-là. La voie de cette loi est effectivement très étroite, mais Gérald DARMANIN y travaille avec beaucoup d'application. Je pense que lui n'est pas favorable à un 49.3, parce que c'est un véritable débat que nous devons avoir pour la sécurité de notre pays, pour la lutte contre l'immigration clandestine, et en même temps pour la cohésion et la solidarité aussi de notre pays avec les personnes migrantes qui sont arrivées sur notre territoire. Evidemment, la voie politique est étroite, mais la majorité est engagée et essayera d'obtenir un vote positif plutôt qu'un 49.3 sur ce sujet-là.

ANTOINE COMTE
Charlotte CAUBEL, merci beaucoup.

CHARLOTTE CAUBEL
Merci.

ANTOINE COMTE
Bonne journée à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 novembre 2023