Déclaration de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 , au Sénat le 31 octobre 2023

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Circonstance : Audition devant la Commmission des affaires sociales du Sénat

Texte intégral

M. Philippe Mouiller, président. - Monsieur le ministre, vous allez nous présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (PLFSS), en particulier ses équilibres généraux et les mesures envisagées en matière de recettes. À cet égard, notre commission s'interroge sur la trajectoire financière quadriennale que présente ce projet de loi et sur sa compatibilité avec une extinction de la dette sociale à l'horizon 2033.

Nous aurons aussi l'occasion d'évoquer votre position quant aux autres régimes d'assurance sociale, en particulier l'Unédic et l'Agirc-Arrco.

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics. - J'insisterai sur les grands équilibres financiers du PLFSS et sur quelques mesures essentielles relatives aux recettes de la sécurité sociale.

Le cadrage financier prévu dans ce texte s'inscrit dans une trajectoire plus large, que nous avons proposée au travers du projet de loi de programmation des finances publiques. L'objectif est de parvenir d'ici à 2027 à une réduction de notre déficit en deçà du seuil de 3%. Il en va de la soutenabilité de notre système, et l'ensemble des administrations, dont la sécurité sociale, doivent y contribuer. C'est la raison pour laquelle le PLFSS qui vous est proposé poursuit l'investissement massif pour la sécurité sociale, notamment dans les champs de la santé, de l'accès aux médicaments et de l'autonomie. Ainsi prévoit-il plus de 640 milliards d'euros de dépenses, en hausse de 30 milliards d'euros par rapport à 2023. Cette augmentation s'explique en particulier par le mécanisme protecteur d'indexation des prestations sur l'inflation, qui représente 14 milliards d'euros pour les retraites.

Tout en poursuivant cet investissement pour la sécurité sociale, le PLFSS prévoit d'importantes économies. La construction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2024 en est une parfaite illustration.

Nous prévoyons en effet une rectification de l'Ondam 2023 de 2,8 milliards d'euros, et une progression de l'Ondam 2024 de 3,2%, soit un niveau très largement supérieur à l'inflation, laquelle devrait s'élever à 2,5%.

La hausse des dépenses en 2024 concernera en particulier le secteur hospitalier puisque, pour la deuxième année consécutive, l'Ondam hospitalier dépassera les 100 milliards d'euros, soit un niveau historique. L'Ondam médico-social représentera, quant à lui, plus de 30 milliards d'euros.

Plus précisément pour 2023, la rectification de l'Ondam permettra de financer les revalorisations salariales en faveur des professionnels de nos établissements sanitaires et médico-sociaux. Il s'agit d'un effort inédit. La révision à la hausse de l'Ondam permettra aussi d'abonder le fonds d'urgence pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), annoncé par la Première ministre l'été dernier, qui disposera ainsi de 100 millions d'euros pour accompagner les établissements en difficulté. Pour 2024, les revalorisations salariales prendront effet toute l'année et représenteront 6,2 milliards d'euros, qui viennent s'ajouter aux 10,9 milliards d'euros déjà prévus par le Ségur de la Santé.

L'Ondam permettra aussi de soutenir la branche autonomie en prévoyant les moyens nécessaires à la création des 6 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires en Ehpad. Il s'agira aussi de financer la mise en place progressive des 50 000 solutions pour les personnes en situation de handicap, dont le coût sera de 1,5 milliard d'euros d'ici à 2030.

Pour la branche autonomie, nous créons enfin, en 2024, les plateformes de repérage et d'orientation précoce des enfants en situation de handicap.

Il s'agit donc non pas de diminuer les dépenses, mais de maîtriser leur progression.

Cette maîtrise des dépenses sera assurée par plusieurs leviers, qui représentent 3,5 milliards d'euros d'économies au titre d'un effort partagé entre tous les acteurs du système de santé. Des économies à hauteur de 1,3 milliard d'euros sont attendues du secteur des produits de santé, soit 1 milliard d'euros au titre de la baisse des prix négociés avec les industriels, et 300 millions d'euros du fait de la baisse des volumes. Pour y parvenir, plusieurs mesures sont prévues au niveau législatif dans le PLFSS, telles que, par exemple, la délivrance par les pharmaciens de certains médicaments, sous réserve de la réalisation d'un test en confirmant l'utilité.

Par ailleurs, des économies à hauteur de 1,3 milliard d'euros correspondent aux efforts demandés aux assurés et à leurs complémentaires dans une logique d'efficience, mais aussi de lutte contre les gaspillages. Différentes options peuvent être envisagées et nécessitent encore d'être discutées et concertées.

Enfin, 900 millions d'euros d'économies sont liés aux soins de ville, à l'hôpital et aux établissements médico-sociaux. En particulier, l'amélioration de l'efficience à l'hôpital et dans le secteur médico-social, via la politique d'achat et d'amélioration de la pertinence et de l'efficience des soins, devra permettre de réaliser 600 millions d'euros d'économies.

Ces économies répondent à des enjeux financiers, mais aussi sanitaires et environnementaux. Les médicaments, par exemple, représentent 4% des émissions de carbone en France. La réduction de leur consommation constituera donc aussi un levier pour notre combat en faveur de la transition écologique.

Nous construisons ainsi une trajectoire graduelle de rétablissement des comptes, qui passe aussi par des mesures en recettes et par la préservation des économies issues des réformes passées ; je pense notamment aux réformes de l'assurance chômage et des retraites portées par mon collègue Olivier Dussopt.

Je souhaite, à ce titre, refaire le point sur les mesures du texte et évoquer l'impact de mesures nouvelles introduites à l'Assemblée nationale.

S'agissant de l'Agirc-Arrco, comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, nous conservons l'objectif de sanctuariser les économies pour financer des dispositifs de solidarité du système de retraite, et souhaitons avancer par la voie du dialogue social sur la base de l'article 9 de l'accord national interprofessionnel (ANI). Je me réjouis d'ailleurs fortement que les organisations patronales, dans leur ensemble, aient désormais fait part de leur souhait d'ouvrir les discussions sur le sujet.

L'article 8 du PLFSS revient sur le transfert aux Urssaf du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire, qui devait avoir lieu en 2024. Vous en aviez d'ailleurs souligné les risques dans un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) en 2022. Après le report que vous aviez préconisé, et que nous avons mis en œuvre en 2023, nous avons désormais fait le choix du maintien d'un circuit spécifique.

La discussion à l'Assemblée nationale nous a permis d'introduire deux mesures très importantes, sur lesquelles je souhaite revenir : le gel des points de sortie des allègements généraux, et la réforme de l'assiette des cotisations et contributions des travailleurs indépendants. Nous allons d'ailleurs nous attacher à déposer un amendement portant actualisation des annexes financières du PLFSS, pour que vous ayez une vue juste de l'impact financier de ces mesures.

Pour sécuriser la réduction de notre déficit public dès 2024, nous avons ainsi introduit, à l'occasion des débats à l'Assemblée nationale, une mesure visant à geler les barèmes des allègements généraux. Nous stabiliserons les barèmes à leur niveau de 2023 s'agissant des bornes de 2,5 Smic et 3,5 Smic, ce qui évitera une perte de recettes de l'ordre de 600 millions d'euros pour la sécurité sociale.

Comme vous le savez, nous sommes très prudents sur l'évolution de ces exonérations. En effet, il s'agit d'un déterminant essentiel du coût du travail, que nous avons cherché à abaisser autant que possible dans une logique, à la fois, de compétitivité et d'amélioration du revenu net des salariés. Aujourd'hui, cependant, compte tenu de la très forte dynamique du Smic en relation avec l'inflation, le montant des allègements a augmenté de manière considérable : ils devraient coûter 80 milliards d'euros en 2024. La structure de ces allègements s'est également déformée au profit des salaires moyens ou élevés dans la distribution, alors même que leur efficacité est plus élevée pour les salaires les moins élevés.

Ainsi, le dispositif de gel permettra, d'une part, de modérer la dynamique d'exonération et, d'autre part, de préserver le montant global des réductions accordées aux employeurs, ainsi que la répartition entre les secteurs économiques concernés, ce qui donne toute la visibilité et la prévisibilité nécessaires aux entreprises.

La deuxième mesure que nous avons introduite est la réforme de l'assiette des cotisations et contributions des travailleurs indépendants. Il s'agit d'une grande réforme de simplification administrative, mais surtout d'une réforme créatrice de droits sociaux nouveaux. L'ambition est d'améliorer les droits à la retraite des travailleurs indépendants, du fait de la reconfiguration des contributions et cotisations. Leur contribution sociale généralisée (CSG) diminuera et leur assiette de cotisation augmentera. C'est pourquoi, d'ailleurs, cette réforme a recueilli le plein soutien de l'Union des entreprises de proximité (U2P) et de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), qui ont été étroitement concertées.

Le projet qui vous est soumis est le fruit d'échanges nombreux, et correspond à des modifications substantielles de la proposition initiale du Gouvernement. Ce gain sera fonction de la majoration des cotisations de retraite complémentaire à laquelle procéderont les différents régimes professionnels et du rendement des droits acquis au sein de ces régimes.

Le cadrage de la réforme impose une neutralité financière globale. Elle illustre notre capacité à conduire des réformes complexes qui permettent, à la fois, l'acquisition de droits nouveaux et la préservation de notre trajectoire financière. Elle démontre qu'il est possible d'avancer et d'améliorer la vie de nos concitoyens sans dégrader les déficits.

Au-delà de ces deux mesures, nous avons plus largement eu le souci d'enrichir le texte à l'Assemblée nationale à partir des propositions des parlementaires.

Nous avons ainsi, sur proposition du groupe Les Républicains, sécurisé l'affiliation des commissaires aux comptes aux dispositifs spécifiques de la caisse nationale des professionnels libéraux pour l'assurance vieillesse et les indemnités journalières maladie. Les mécanismes de clause de sauvegarde visant à réguler les dépenses de produits de santé ont également été retouchés sur la base d'amendements de la majorité et des Républicains.

Dans sa troisième partie, le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité reprend plusieurs propositions transpartisanes, dont l'élargissement de la campagne de vaccination contre le papillomavirus aux jeunes accueillis dans les établissements médico-sociaux, qui avait fait l'objet d'amendements du groupe Socialistes et apparentés et du groupe Les Républicains, ou la prise en compte des bilans de santé réalisés à l'entrée dans les dispositifs de l'aide sociale à l'enfance (ASE) pour faciliter le repérage précoce des situations de handicap dans le cadre des nouvelles plateformes créées par le PLFSS, à la suite du dépôt d'amendements des Républicains, du groupe Socialistes et apparentés, de la Gauche démocrate et républicaine comme des Écologistes, ou encore la suppression de l'article 39 relatif à l'indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), comme l'ont demandé les différents groupes de l'Assemblée nationale, en accord avec les partenaires sociaux.

Nous avons aussi retenu des amendements déposés par les groupes de la majorité en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, comme la généralisation du dépistage du cytomégalovirus pendant la grossesse, ou les mesures d'ajustement des financements de certaines activités hospitalières comme la dialyse et la radiothérapie.

Le PLFSS que nous vous présentons dans cette version enrichie par l'Assemblée nationale est donc à la fois un texte créateur de droits nouveaux, un texte qui investit massivement dans la santé et nos politiques sociales, mais aussi un texte qui assure la soutenabilité à long terme de notre système.

M. Philippe Mouiller, président. - Je me permets de vous faire, en préambule, une remarque de méthode concernant l'actualisation des annexes financières. L'exercice est à chaque fois particulier, à une semaine de l'examen du PLFSS en commission. Cette actualisation ne dépend pas que des évolutions qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ; elle correspond aussi à un travail de fond. J'avoue que cela nous gêne toujours de ne récupérer ces informations que très peu de temps avant leur examen. Cette remarque est en rapport avec notre capacité à disposer, en bonne et due forme, des informations nécessaires pour juger les évolutions proposées.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Monsieur le ministre, j'ai un doute : parlons-nous de la même trajectoire des déficits ? Vous parlez de " maîtrise ", mais il me semble qu'à partir de 2025 les déficits augmenteront fortement, et je n'y vois pas l'ombre d'une maîtrise ou du remboursement de la dette sociale.

J'ai plusieurs questions portant sur la revue de dépenses. L'article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit que le dispositif de revue des dépenses permettra 6 milliards d'euros d'économies par an entre 2025 et 2027, répartis entre les dépenses des différentes administrations de sécurité sociale. La rédaction du rapport annexé suggère qu'il ne s'agira pas de réaliser 6 milliards d'euros d'économies supplémentaires chaque année, mais de réaliser 6 milliards d'euros d'économies en 2025, maintenus les années suivantes. Confirmez-vous ce point ? A-t-on une idée de la répartition de ces 6 milliards d'euros d'économies entre les régimes obligatoires de base et les autres administrations de sécurité sociale ? Nous ne disposons que de très peu de détail : on nous annonce des économies, on avance un chiffre, mais nous ne savons pas quelle sera la répartition.

Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit dans son rapport annexé que l'excédent des régimes complémentaires de retraite, actuellement de 0,3 point de PIB, soit près de 10 milliards d'euros, restera à ce niveau jusqu'en 2027. Pourtant, les prévisions à l'horizon de 2037 récemment transmises à la commission par l'Agirc-Arrco anticipent un déficit technique permanent au moins jusqu'en 2037. Cet objectif d'excédent des régimes complémentaires est-il toujours d'actualité, alors que l'Agirc-Arrco représente actuellement 80% des dépenses des régimes complémentaires et de leurs excédents ? Si oui, comment prévoyez-vous d'y parvenir ?

Concernant le financement de la dette sociale, la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie a autorisé le transfert de 136 milliards d'euros de dette de l'Urssaf Caisse nationale à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Il ressort des montants déjà transférés qu'il n'est plus possible de transférer que 8,8 milliards d'euros en 2024. Si rien n'était fait, les déficits s'accumuleraient à l'Urssaf Caisse nationale. Selon vous, quel encours maximal de dette l'Urssaf Caisse nationale peut-elle gérer dans de bonnes conditions, et quelles seraient les conséquences concrètes d'une accumulation de dette au-delà de ce seuil ? Que prévoit de faire le Gouvernement pour sécuriser le financement de la dette sociale ? Envisage-t-il, par exemple, de modifier l'article 4 bis de l'ordonnance de 1996, pour repousser une nouvelle fois l'échéance de l'amortissement actuellement fixé à 2033 ?

Mon dernier point portera sur la fiscalité nutritionnelle. Il s'agit d'un levier mobilisé dans plusieurs pays afin de dégager des recettes nouvelles, la France apparaissant nettement en retard. En France, seules les boissons sucrées et édulcorées font l'objet d'une taxation spécifique à visée comportementale, qui a rapporté 600 millions d'euros en 2022. En juillet 2023, le Conseil des prélèvements obligatoires recommandait notamment de réformer la fiscalité actuelle sur les boissons sucrées et édulcorées, d'augmenter les barèmes de contribution sur ces produits, et d'étudier l'extension de cette fiscalité aux produits sucrés ou contenant des additifs nocifs pour la santé. Le Gouvernement travaille-t-il à de telles mesures, et des hypothèses de recettes ont-elles été étudiées et chiffrées ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - S'agissant des mesures d'économies structurelles inscrites dans la loi de programmation des finances publiques, nous devons trouver 12 milliards d'euros d'économie d'ici 2025, 6 milliards pour l'État et 6 milliards pour le champ des administrations de sécurité sociale (Asso), dont la sécurité sociale. Nous n'avons pas défini de sous-objectifs ; à ce stade, c'est bien l'exercice de revue des dépenses, que nous avons relancé avec la Première ministre, qui doit nous permettre de documenter ces réformes, qui ne sont donc pas connues à cette heure, puisque nous menons dès maintenant ce travail en préparation du budget pour 2025. Je le précise, même si je n'ai pas de répartition des montants à vous indiquer à ce stade : le niveau d'économie attendu est ambitieux, tant pour l'État que pour la sécurité sociale.

Concernant les capacités de la Cades de continuer à amortir le transfert de la dette de l'Urssaf, j'aurais pu commencer mon propos en indiquant que la trajectoire est effectivement dégradée. Le déficit de la sécurité sociale en 2027 sera de 17,5 milliards d'euros : j'en conviens avec vous, c'est important. En tant que ministre des comptes publics, je défends l'idée qu'un système qui n'est pas financé est un système en danger. Pour cette raison, nous nous attelons avec beaucoup d'ambition à ce programme de revue des dépenses, car nous devons identifier les mesures non de baisse, mais de maîtrise de la dépense pour garantir le financement de notre régime.

La Cades amortit chaque année entre 15 et 20 milliards d'euros de dette sociale ; elle a déjà amorti plus que le déficit de la sécurité sociale. Il reste près de 9 milliards de dette que l'on peut transférer à la Cades, et les futurs déficits seront donc maintenus à l'Urssaf Caisse nationale, anciennement Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Durant la période de la covid-19, l'Acoss avait déjà géré un haut niveau d'endettement, et nous n'avons aucune inquiétude pour 2024. Nous travaillons pour ajuster nos outils afin de rendre finançable et soutenable la dette sociale au sens large. Ce travail est en cours, et nous regardons avec attention les années qui viennent.

En réponse à votre interpellation sur l'actualisation tardive des annexes du PLFSS, Monsieur le président, vous connaissez le calendrier. Nous avons pris l'engagement de vous transmettre ces annexes avant le débat en séance publique, afin d'intégrer les nouvelles données. Les grands équilibres et les trois parties du texte viennent d'être arrêtés il y a quelques jours. Nos services sont extrêmement mobilisés pour éclairer au mieux la représentation nationale, et vous donner dans les meilleurs délais toutes les informations vous permettant de vous prononcer.

Un mot enfin sur la fiscalité comportementale. Nous avons pris l'engagement de ne pas augmenter les impôts, ce qui concerne également les sujets de fiscalité comportementale. Au moment de se battre pour le pouvoir d'achat, nous ne souhaitons pas grever le pouvoir d'achat des Français par un alourdissement de la fiscalité. Je le dis en tant que ministre des comptes publics, au risque de susciter le débat : tous les problèmes de politique publique ne trouvent pas leur réponse au moyen de la fiscalité. Par exemple, les politiques de lutte contre les addictions ne passent pas nécessairement par l'arme fiscale. Nous devons utiliser tous les leviers, tout en tenant notre engagement pris devant les Français de ne pas alourdir la fiscalité.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je rejoins l'inquiétude de la rapporteure générale et ses doutes concernant la soutenabilité à long terme du système. Avec un déficit de 9 milliards d'euros pour l'assurance maladie jusqu'en 2027, un déficit qui croît de 6 milliards jusqu'à 14 milliards en 2027 pour l'assurance vieillesse, je ne vois pas comment faire. Vous nous dites que vos services y travaillent : nous n'en doutons pas, mais il nous aurait paru utile que vous nous donniez quelques informations, quelques pistes de propositions détaillées sur lesquelles vous comptez.

Pour ma part, je vous donnerai quelques pistes : les fraudes sociales. Vous faites un effort : par une lettre de mission, votre prédécesseur M. Dussopt avait demandé à chaque caisse de sécurité sociale de fournir une estimation précise des montants constatés des fraudes, pour faire une estimation des récupérations possibles. Certaines caisses ont réalisé ce travail, mais l'assurance maladie, prétextant la complexité de ce calcul, est en retard de deux ans. Il s'agit pourtant de dépenses de 250 milliards d'euros ; les estimations corroborées par la Cour des comptes avancent que, suivant les professions, entre 2,5% et 6% des opérations sont frauduleuses ou erronées, ce qui aboutit à un chiffre approximatif d'une dizaine de milliards d'économies à opérer, uniquement pour la fraude à l'assurance maladie.

Le montant des fraudes aux cotisations de l'Urssaf est estimé, par la Cour des comptes, entre 6 et 8 milliards d'euros. Que fait-on, de façon intensive, volontariste, pour résoudre ces problèmes et le réduire ? Des pistes réelles permettent de rechercher non pas 1 milliard, mais peut-être 15, voire 20 milliards d'euros. Je doute de la volonté de certaines caisses, et non de celle du ministre... Mais le ministre est là pour exiger que des réponses précises soient apportées à la lettre de mission cosignée par le Premier ministre de l'époque !

Un autre sujet, c'est celui de la pertinence des actes. Selon l'OCDE, 25% des soins sont inutiles, car redondants. Nous l'avons plusieurs fois vérifié lors de nos auditions. La ministre de la santé d'alors, Mme Buzyn, corroborant ce chiffre, indiquait qu'un travail de la Haute Autorité de santé (HAS) était en cours. C'est insuffisant : lors de notre audition de la présidente de la HAS, son directeur a indiqué que nous n'arriverions pas à récupérer ces 25 % avec les médecins. Je parle non de les récupérer d'un coup, mais de faire un effort pour aller dans ce sens ! Pour cela, il faut prendre des dispositions, établir des moyens de contrôle : l'investissement dans le contrôle est un investissement productif. On ne fait pas les efforts nécessaires, alors qu'il y a là des milliards à glaner avant de penser à chercher ces sommes chez les salariés.

Concernant la vieillesse, j'avais proposé qu'on augmente la cotisation vieillesse des entreprises, ce qui n'a malheureusement été accepté ni par le Gouvernement ni par le Sénat. Pour moi, l'effort demandé aux entreprises concernant la vieillesse est insuffisant, pour ne pas dire inexistant. Nous attendons toujours les suites des propositions et des décisions prises sur les seniors. Augmenter cette cotisation d'un demi-point représenterait 300 euros par salarié par entreprise et par an. C'est peu, cela ne met pas les entreprises en faillite, mais cela permettrait 4,5 milliards d'euros de recettes supplémentaires si on l'appliquait à toutes les entreprises et aux 30 millions de salariés. On pourrait d'ailleurs envisager un taux plus progressif, avec une augmentation commençant par 0,25 point.

Vous appliquez une doxa parfaitement claire, selon laquelle vous ne voulez pas augmenter les impôts. Je vous livre ainsi une petite idée, parce que j'ai entendu parler d'un swap possible autour des cotisations de l'Agirc-Arrco - pourquoi pas, temporairement, à la condition que cela soit négocié avec les partenaires sociaux. Notre groupe tient beaucoup au paritarisme. Des pistes importantes et fructueuses mériteraient d'être considérées.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Monsieur le ministre, je ne suis absolument pas convaincue par vos propos. Qu'entendez-vous par l'expression " pertinence des soins " ?

J'ai également une suggestion pour vous permettre de faire des économies dans le budget de la sécurité sociale : la part des cotisations sociales dans les recettes de la sécurité sociale est passée de 90% à la fin des années 1980 à 50 % depuis 2019. Ne pensez-vous pas qu'il faut agir pour que des cotisations sociales plus justes permettent de renflouer les caisses de la sécurité sociale ?

Je reconnais au Gouvernement, même si le ministre change, une certaine constance au sujet des transferts précipités du recouvrement des cotisations de l'Agirc-Arrco vers l'Urssaf. Vous y avez renoncé, certes, mais pas tout à fait : ce leitmotiv revient. Votre décision est-elle définitive, ou poursuivez-vous l'ambition de transférer les cotisations de l'Agirc-Arrco vers l'Urssaf, en remettant ce transfert sur le tapis non lors de ce PLFSS, mais par la suite ? Le sujet nous inquiète toujours beaucoup.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour la branche autonomie. - Je vous poserai deux questions concernant la branche autonomie. Nous en avons parlé précédemment avec la ministre Aurore Bergé, la branche autonomie verse aux départements douze concours financiers, pour un montant total de 4 milliards d'euros. Le système est assez complexe. Les départements, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), les représentants du secteur médico-social sont favorables à une réforme. Quels sont les obstacles actuels à cette réforme ?

Une deuxième question concerne la fusion entre les sections des soins et de la dépendance. Quelles seront les modalités de la compensation financière des départements qui auront opté pour la fusion ? Disposeront-ils bien de toute l'information nécessaire pour éventuellement choisir cette fusion ?

M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Il me semble que ce texte est un PLFSS de transition. Nous abordons une période différente sur le plan économique et financier : nous ne sommes plus du tout dans une période sans inflation, où l'argent n'était pas cher, où les taux d'intérêt étaient parfois négatifs, où M. Amghar nous disait lors d'une audition que l'Urssaf Caisse nationale bénéficiait d'une provision positive, car l'Acoss avait beaucoup emprunté. Il me semble que nous n'anticipons pas beaucoup ces changements économiques et l'augmentation des taux. Vous avez abordé la trajectoire pour 2025, mais qu'en est-il durablement ? M. Amghar nous l'a dit lors de sa dernière audition, 80 % de notre dette est financée par les marchés, et cette situation n'est pas soutenable durablement. Quelle est votre vision sur ce point, dans ce PLFSS ?

Cela étant, ma situation est paradoxale, car je suis rapporteur pour la branche famille, qui elle est excédentaire depuis plusieurs années. Quelle est votre lecture de cet excédent ? Les recettes sont-elles mal calibrées ? Y a-t-il un manque de volonté politique ?

Malheureusement, nous ne pourrons pas tout de suite corriger le tir concernant la baisse de la natalité dans notre pays. Avez-vous des éléments pour déterminer son impact financier sur les comptes de la sécurité sociale ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche maladie. - Je vous prie de m'excuser si je suis un peu longue, mais la branche maladie pèse presque 255 milliards d'euros, et j'ai plusieurs questions à vous poser.

Je commencerai par l'Ondam. Vous nous demandez de rectifier l'Ondam pour 2023 et d'approuver celui pour 2024. Pouvez-vous préciser les hypothèses sur lesquelles sont établies les prévisions pour 2024, et comment a été révisée la base pour 2023 ? Les prévisions du Gouvernement semblent largement éloignées des besoins effectifs des établissements de santé. Le ministre Aurélien Rousseau a indiqué que le Gouvernement ne laisserait pas les hôpitaux basculer dans le rouge à la fin de l'année, alors que le déficit des hôpitaux publics atteint 1 milliard d'euros. Comment le Gouvernement compte-t-il effectivement couvrir les conséquences de l'inflation pour les établissements ? Cela relèvera-t-il de crédits nouveaux, annoncés au Sénat et servant de base pour 2024, ou n'y aura-t-il qu'un tour de passe-passe du fait du déblocage du gel prudentiel ?

Nous avons atteint 284,9 milliards d'euros de dette. Votre collègue Aurélien Rousseau disait la semaine dernière devant notre commission qu'il fallait que l'Ondam redevienne ce qu'il doit être, un instrument de pilotage et une norme de dépense. Comment faire ? Les instruments de prévision de la direction de la sécurité sociale sont-ils dépassés, ou les dépenses sont-elles devenues ingérables ?

De plus, comment faire de l'Ondam un moment de sanction parlementaire de l'autorisation des dépenses publiques ? Quand construirez-vous des sous-objectifs ne dépassant pas 100 milliards d'euros, somme dépassée par les dépenses des soins de ville comme par le financement des hôpitaux ? Pourrait-on disposer d'une vision plus fine de ces dépenses ? Êtes-vous prêts à faire voter les parlementaires, comme nous le demandions lors de la révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (Lolfss), sur les dotations qui ne relèvent pas du remboursement des prestations sociales ?

Au début de votre propos, vous annonciez avoir inclus dans le texte transmis au Sénat des mesures introduites à l'Assemblée nationale, mais je constate que le montant de l'Ondam reste inchangé. Les montants de ces dépenses se chiffrent peut-être en dizaines de millions d'euros, et n'apparaissent peut-être pas dans le tableau, mais de combien sont dégradés l'Ondam et le déficit de la branche maladie, du fait de ces mesures retenues ?

Je terminerai avec trois questions : la réforme du financement des activités de médecine, de chirurgie et d'obstétrique ne serait pas coûteuse : dès lors, quels en seront les gagnants et les perdants ?

L'article 27 du PLFSS vise à réguler les dépenses d'indemnités journalières (IJ) maladie. Le ministre de la santé a indiqué qu'il était ouvert à la négociation sur cet article, et qu'il n'était pas certain qu'il faille porter, politiquement et symboliquement, la responsabilité de l'explosion des IJ sur le patient. Partagez-vous son avis ?

Enfin, une question au sujet d'une disposition qui ne figure pas dans le texte, mais dont on a beaucoup parlé avant la présentation du PLFSS, qui concerne les franchises médicales. Quelles sont les réelles intentions du Gouvernement en la matière ? L'Ondam de ville 2024 est-il bien assis sur une hypothèse d'augmentation de ces franchises et participations forfaitaires, pour un rendement de 800 millions d'euros, à rapporter aux 3,5 milliards d'économies dont vous parliez tout à l'heure ? Pourquoi ne pas avoir préféré un report sur l'assurance maladie complémentaire, plutôt qu'une franchise qui ne peut être couverte par ces dernières ? Pourquoi ne pas avoir soumis cette mesure à la représentation nationale, même si j'entends bien que la création d'une nouvelle franchise peut relever du domaine réglementaire ?

Mme Annie Le Houerou. - Concernant la branche famille, excédentaire, le PLFSS prévoit une augmentation des prestations familiales seulement à compter du 1er avril 2024, date tardive pour prendre en compte l'inflation subie par les familles. Le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) suggère une indexation des prestations en cas de dépassement de l'inflation de 2% à compter de la dernière revalorisation. Cette proposition est-elle étudiée, et a-t-elle une chance d'aboutir ?

À plusieurs reprises, vous avez répété votre leitmotiv de ne pas augmenter les impôts. Est-ce pour autant raisonnable, alors que la Fédération hospitalière de France (FHF) réclame 2 milliards d'euros supplémentaires pour les hôpitaux, et après avoir, lors de la précédente audition, longuement parlé des grandes difficultés des Ehpad, le vieillissement supposant un accompagnement des familles, y compris au niveau financier ? Je m'interroge sur cet Ondam, comme sur la sincérité de ce budget.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Monsieur Vanlerenberghe, ce PLFSS porte 3,5 milliards d'euros d'économies, que j'ai détaillées dans mon propos liminaire. Telle est notre conviction : nous devons continuer à avoir un système protecteur, mais les économies sont légitimes pour garantir à long terme la protection sociale, un haut niveau de services, et une sécurité sociale de qualité.

Nous l'avons fait dans ce texte pour 2024, autour des sujets comme la dépense des produits de santé, l'efficience à l'hôpital, la politique des achats. Nous devons continuer à bâtir ces mesures qui nous permettront de faire d'autres économies. Par exemple, je suis attaché à la prescription à l'unité des médicaments. Je suis frappé par le gaspillage dans nos armoires à pharmacie. J'entends les difficultés, je vois ce qui se passe dans d'autres pays, y compris pour garantir la traçabilité des médicaments : est-on capables de prescrire la juste dose pour éviter ce gaspillage ? Il y a là un sujet logistique, industriel, mais aussi un sujet de prescription. Le rapport portant sur la régulation des produits de santé, récemment remis au Gouvernement, évoque les budgets de prescription des professionnels de santé. Dans d'autres pays, comme en Allemagne, on regarde les volumes de prescription en fonction de la typologie de la patientèle, de son âge ou de sa localisation géographique. Dans l'ouverture de la négociation conventionnelle conduite par le ministre de la santé, peut-on s'engager sur des mesures de régulation des prescriptions de dépenses de médicaments, qui progressent de 4 % chaque année ? Si l'on veut continuer à couvrir les protocoles les plus coûteux et les plus innovants, pour accroître les chances des malades, nous devons aussi faire des économies là où cela est possible. Oui, nous devons faire des économies. Je reviendrai sur le sujet des indemnités journalières ; nous avons un champ très large à explorer.

Sur la fraude sociale, ce PLFSS, tout comme le projet de loi de finances (PLF), prévoit déjà certaines mesures importantes. Je suis disposé à écouter vos propositions, car je pense qu'il faut aller plus loin. Mais rappelons-nous que le PLFSS contient une mesure pour mieux sécuriser le crédit d'impôt services à la personne comme les prélèvements de cotisation sur les travailleurs des plateformes, et que les caisses de sécurité sociale se sont engagées à recruter 1 000 ETP d'ici 2027 pour lutter contre la fraude sociale. Il y va de notre cohésion sociale. Un véritable effort est fait, selon l'orientation fixée aux caisses de sécurité sociale, pour renforcer la lutte contre la fraude. Le PLFSS introduit un délit d'incitation à la fraude sociale, par parallélisme avec le délit d'incitation à la fraude fiscale. Ceux qui font la promotion de la fraude sociale portent un coup de canif à notre contrat social, et il faut pouvoir traiter la fraude à la source. Nous devons être intransigeants sur ce sujet. Chaque caisse de sécurité sociale a des plans d'action, certaines ont des moyens renforcés pour lutter contre la fraude. En présence de la rapporteure générale, j'ai participé à l'installation du Conseil d'évaluation des fraudes, soulignant alors qu'il faut mieux évaluer. Certes, nous disposons des rapports de la Cour des comptes, mais nous devons, pour mieux lutter contre la fraude, y voir plus clair. C'est tout le mandat que nous avons fixé aux administrations dans le cadre de cette instance.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - C'était déjà fait !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Non, il y a des manques, d'importants trous dans la raquette. L'assurance maladie était d'accord pour mieux évaluer le montant des fraudes, et il y a un travail à conduire. Je suis par ailleurs ouvert à toutes les propositions des parlementaires à ce sujet : je suis prêt à porter un projet de loi dédié à la lutte contre les fraudes si l'on constate que des dispositifs législatifs sont nécessaires pour la muscler. Je suis à l'écoute des propositions de la commission et des sénateurs sur ce sujet.

Je vous ai déjà partiellement répondu au sujet des dispositifs médicaux. Nous faisons une baisse de prix de 1 milliard d'euros, et une économie en volume à hauteur de 300 millions d'euros, notamment au travers de sujets très concrets comme les tests rapides d'orientation diagnostique (Trod) sur les angines ou les cystites. J'insiste sur la prescription à l'unité en cas de risque de rupture d'approvisionnement, mais je suis convaincu que nous pourrions en faire autant dans d'autres cas de figure, car il s'agit d'un bon instrument de régulation de la dépense.

En revanche, je ne vous suis plus au sujet de l'augmentation des cotisations vieillesse des entreprises. Un des leviers très importants pour garantir la viabilité et la pérennité de notre modèle social est le niveau d'emploi, le niveau d'activité, et donc la croissance. Tout ce qui ampute le soutien à la création d'emplois joue finalement contre le redressement de nos finances sociales. Depuis 2017, nous avons créé 2 millions d'emplois supplémentaires grâce à notre action économique parce que nous avons assumé des politiques de baisse d'impôt, paradoxalement bonnes pour les finances publiques. Je suis très vigilant sur l'augmentation des cotisations des entreprises : le but n'est pas d'accroître le coût du travail, car il faut continuer d'inciter les entreprises à créer le plus d'emplois possible.

Madame Apourceau-Poly, la pertinence des soins suppose de travailler avec les professionnels de santé pour se poser la question de la juste prescription, d'une meilleure prescription, et parfois d'une moindre prescription, notamment pour les médicaments. Nous avons reçu des propositions concrètes, notamment dans le rapport récemment remis que je mentionnais. Cela nous aide non pas à baisser la dépense, mais à la maîtriser.

J'ai cru un instant que vous alliez saluer la décision du transfert de recouvrement...

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je la salue pour cette année !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je vous invite alors à la saluer pour les années qui viennent ! L'objectif, vu de l'entreprise, c'est que ces réseaux se parlent, pour simplifier la situation des entreprises. Cette coordination pour simplifier les démarches, c'est tout le travail qui doit être mené entre l'Urssaf et l'Agirc-Arrco. Je pense que vous avez été entendue.

Mme Deseyne m'a interpellé sur les douze concours financiers versés aux départements. Ce sujet doit être discuté, mais après une concertation préalable qu'il faut mener avec les départements. Il faut écouter les difficultés et essayer de bâtir : il n'y a pas d'obstacle de principe de la part du Gouvernement.

La fusion des sections, notamment celles du soin et de l'hébergement, est attendue en matière de simplification. Le travail est en cours, et les modalités de financement seront précisées dans le PLF pour 2025. Les départements seront informés pour faire des choix éclairés. La voie de l'expérimentation a été retenue. Les concours de la CNSA aux départements nécessitent également une concertation.

Monsieur Henno, vous avez raison : l'augmentation des taux d'intérêt a changé beaucoup de choses. Pour le budget de l'État, la charge des intérêts de la dette va passer de plus de 40 milliards d'euros cette année à quasiment 75 milliards. Je défends un projet de loi de fin de gestion dans lequel on doit ouvrir 3,8 milliards d'euros en plus au titre de la charge des intérêts de la dette. Bien sûr, cela change la donne, et cela exige que nous soyons d'autant plus ambitieux sur la dépense et sur les économies, qui constituent autant de marges de manœuvre.

Vous m'interpellez sur l'excédent de la branche famille, qui va diminuer progressivement, des mesures importantes ayant été prises. Pour encourager la natalité, il faut accompagner l'arrivée des jeunes enfants. La loi de financement de la sécurité sociale de 2023 comporte des mesures importantes : le recours aux assistantes maternelles a été facilité, le complément mode de garde a été étendu, l'allocation de soutien familial pour les familles monoparentales a été revalorisée. Ce projet de loi va indexer les prestations familiales sur l'inflation, ce qui représente un effort de plus de 1 milliard d'euros. La ministre chargée des solidarités et de la famille travaille à ces sujets, comme elle a pu vous l'exposer lors de l'audition précédente.

L'Ondam pour 2023 prévoyait déjà un financement des charges non salariales liées à l'inflation, à hauteur de 800 millions d'euros. Entend-on les fédérations dire qu'elles rencontrent des problèmes pour boucler les budgets ? Le ministre de la santé a lancé un travail avec elles pour estimer l'impact de l'inflation sur leurs situations financières, en prenant en compte le bouclier énergétique et l'ensemble des mesures prises. L'Ondam doit-il redevenir ce qu'il doit être ? Oui, mais rappelons-nous que nous venons de traverser des périodes qui nous ont bousculés, et que l'Ondam lui-même a été bousculé, tant par la crise du covid que par la crise inflationniste. Je souhaite qu'il redevienne une ancre très importante dans le pilotage de nos finances sociales : sa progression de 3,2 %, nettement supérieure à l'inflation, lui permet de redevenir cette ancre de nos finances sociales.

Faut-il aller plus loin dans les sous-objectifs ? En la matière, les annexes du PLFSS offrent en la matière un niveau de détail beaucoup plus important que celui des sous-objectifs, ce qui devrait répondre à vos questions. Quant aux mesures arrêtées dans la version de la P3 proposée par le Gouvernement, elles ont peu d'impact sur l'Ondam.

Par ailleurs, la réforme de la tarification à l'activité (T2A) est engagée dans ce PLFSS. Des études sont en cours avec les fédérations hospitalières pour apprécier qui en seraient les gagnants et les perdants. La dotation créée dans ce PLFSS a fait l'objet d'une large concertation avec les fédérations.

Sur les indemnités journalières, on doit avoir un vrai travail : ce sujet n'est pas de la seule responsabilité des salariés, il faut le regarder de manière très large. C'est pourquoi nous avons invité les partenaires sociaux à en négocier. Les IJ se développent en lien avec le vieillissement de la population et l'élargissement du marché du travail, mais certains comportements doivent être regardés de près, car cette dépense progresse extrêmement vite.

Madame Le Houerou, l'inflation dans les établissements de santé a été prise en compte dès 2022, à hauteur de 887 millions d'euros dans l'Ondam. L'Ondam pour 2023 prévoit déjà le financement des coûts liés à l'inflation sur les charges non salariales, ce travail se poursuit avec les fédérations.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Concernant la réindexation au 1er avril des prestations familiales, que pensez-vous de la proposition du HCFEA d'instaurer une augmentation mécanique des prestations familiales à partir d'un certain niveau d'inflation, un peu comme cela se fait pour le Smic ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - On a en France une myriade d'aides, qui ont toutes des règles de revalorisation différentes. Le travail est engagé sur la solidarité à la source, réforme structurelle importante pour redonner de la visibilité ; il faut se poser ces questions, mais cela doit se faire au sein de ce chantier titanesque.

Enfin, en réponse à madame Imbert sur les franchises et la participation forfaitaire, nous avons prévu un objectif de 1,3 milliard d'euros d'économies, à réaliser par un ensemble de mesures en cours de discussion ; ainsi, pour le transport sanitaire, le partage de véhicules, quand il est possible, permet d'en limiter le coût, mais aussi l'impact climatique. Un travail est aussi mené avec les organismes complémentaires. La fixation de la franchise ne relève pas du domaine de la loi, mais de discussions obligatoires, engagées par le ministère de la santé.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Une augmentation des franchises, c'est toujours une augmentation d'impôt. Le coût des complémentaires augmente de manière exponentielle. En augmentant les franchises, vous l'augmenterez encore, de façon mécanique, pénalisant ainsi le pouvoir d'achat.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Il est hors de question que les mineurs ou les personnes souffrant d'une affection de longue durée soient touchés par ces augmentations de franchise. Ce dispositif, depuis qu'il existe, n'a été revu ni par la droite ni par la gauche. Mais on ne peut pas résumer tout notre enjeu de maîtrise de la consommation de médicaments à la question des franchises. Il y a un travail colossal à faire avec les professionnels de santé, mais aussi avec les industriels, notamment sur la prescription à l'unité.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous ne voulez pas de fiscalité environnementale, ni de taxation de l'alcool : votre discours sur le pouvoir d'achat est contradictoire !

M. Philippe Mouiller, président. - Nous aurons bientôt ces débats dans l'hémicycle ! Merci pour vos réponses, monsieur le ministre.


Source https://www.senat.fr, le 14 novembre 2023