Texte intégral
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous commençons nos auditions budgétaires par celle de M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui vient nous présenter son projet de budget pour 2024.
Monsieur le ministre, puisque vous vous exprimez pour la première fois devant notre commission, je me permets de rappeler rapidement votre parcours. Vous êtes né à Dunkerque, ville dont vous avez été adjoint, puis maire pendant plus de vingt ans, faisant preuve d'un bel enracinement avant votre entrée au Gouvernement en juillet dernier. Vous êtes aussi ingénieur X-Ponts et économiste, spécialiste des questions du marché du travail et de la politique de la ville, ce qui vous a conduit à travailler à l'OCDE, puis auprès de notre collègue Jean-Pierre Sueur pour son important rapport " Demain la ville ", ainsi qu'au sein des cabinets de Martine Aubry et de Claude Bartolone.
Dans un contexte marqué par une crise du logement particulièrement grave, vous nous présentez un budget s'inscrivant dans le prolongement des évolutions des dernières années. La dotation des programmes 109, 135 et 177, dédiés au logement, est en progression de plus de 8% pour 2024.
Il convient de distinguer l'évolution des programmes 109 et 177, qui progressent moins vite que l'inflation, de celle du programme 135. Le programme 109 porte les aides personnelles au logement (APL) et représente l'essentiel des dépenses avec près de 14 milliards d'euros. Le programme 177 permet d'assurer le financement de l'hébergement d'urgence et du plan " Logement d'abord ". Il pèse désormais près de 3 milliards d'euros, mais reste sous-doté d'environ 200 à 250 millions d'euros.
Enfin, le programme 135 porte notamment la subvention à l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Il atteint 1,5 milliard d'euros, soit une augmentation de près de 100% cette année pour assurer la transformation de MaPrimeRénov' et la création de MaPrimeAdapt'.
Au-delà de ces données, la question que l'on doit se poser est celle de savoir si ce budget est à la hauteur de la crise du logement que nous affrontons.
Élisabeth Borne s'était engagée, dans son discours de politique générale, à conclure un pacte de confiance avec le mouvement HLM, mais cet engagement est resté lettre morte. Alors que l'explosion des taux d'intérêt remet clairement en cause la réduction de loyer de solidarité (RLS), le relèvement de la TVA sur le logement social ou la réduction des APL, l'équation maastrichtienne reste la seule boussole. Pourtant, la Caisse des dépôts et consignations vient d'estimer, dans ses Perspectives, que la capacité de construction des bailleurs sociaux pour le futur s'élève à 66 000 logements neufs par an, soit la moitié de l'objectif affiché !
Le Gouvernement promeut également les logements locatifs intermédiaires (LLI). Si cette catégorie de logement n'est pas négligeable dans des territoires sous tension, nous avons en priorité besoin de logements sociaux les plus accessibles, et plus particulièrement de prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI).
De la même manière, le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 met en oeuvre, dans le secteur privé, les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement. Celles-ci drapent du voile de l'écologie des coupes budgétaires déclinant la vision selon laquelle la France dépense trop et construirait encore trop de logements, bien loin de la réalité vécue dans nos territoires. Dans ces derniers, l'accès au logement devient un sujet d'inquiétude croissante, voire une " bombe " sociale et politique - la formule est de votre prédécesseur - risquant d'alimenter le vote extrême. À ce jeu des vases budgétaires communicants, c'est aussi tout un secteur économique qui trinque : la rénovation ne remplit pas les carnets de commandes des promoteurs et du secteur du bâtiment.
Sachez donc, monsieur le ministre, que nous serons particulièrement attentifs aux inflexions que vous donnerez et à la manière dont vous pourrez répondre aux besoins des Français dans le domaine prioritaire qu'est celui du logement.
Je vous laisse maintenant présenter les grandes lignes de votre budget pour 2024 et répondre à ces premiers éléments, avant de donner la parole à Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission pour les crédits du logement, puis à Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis des crédits du programme 177 au titre de la commission des affaires sociales, et enfin aux collègues qui le souhaiteront.
Ceux-ci ne manqueront pas de vous interroger, non seulement sur le PLF pour 2024, mais aussi, plus largement, sur la politique que vous entendez mener afin d'atténuer les effets de la crise actuelle et de permettre à nos concitoyens d'accéder à nouveau à un parcours résidentiel aujourd'hui bloqué. Ceux-ci devraient pouvoir trouver, autant que faire se peut, un logement abordable et conforme à leurs attentes.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. - Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous apporter en préambule quelques compléments sur mon parcours au sein d'institutions auxquelles je tiens. Ainsi, j'ai également été président de France Ville Durable (FVD). J'ai par ailleurs présidé la Fédération nationale des agences d'urbanisme (Fnau), ainsi que l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France). Enfin, j'ai occupé la fonction de chargé du logement et de la politique de la ville au sein du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), devenu ensuite l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD). J'ai notamment eu l'occasion, après ma thèse portant sur les dispositifs d'aide fiscale à l'investissement locatif, de travailler à l'évaluation de la politique du logement.
Je souhaite, au-delà de la présentation du PLF pour 2024, dresser des perspectives pour la politique du logement pour les mois à venir.
Celle-ci s'articule autour de quatre grands objectifs : un objectif économique, lié à l'emploi et à l'enjeu de l'accessibilité au logement ; un objectif environnemental, puisqu'il convient de s'assurer que l'ensemble du parc de logements s'inscrive dans la transition écologique ; un objectif social, englobant les problématiques de l'hébergement d'urgence comme les enjeux de dignité et de décence des logements ; un objectif territorial, consistant à mener une politique du logement adaptée aux spécificités locales.
Ces quatre axes subissent actuellement les contrecoups d'une crise aux multiples facettes.
Sur le versant économique, celle-ci se traduit par la forte croissance des taux : pour l'illustrer simplement, le passage d'un taux de 1,2% à un taux de 4,2% équivaut à une diminution du montant de prêt que l'on peut obtenir de 180 000 euros à 130 000 euros. S'y ajoute l'inflation du coût des matériaux, ainsi qu'une forme d'attentisme dans les achats immobiliers. Un chiffre me paraît intéressant à ce sujet : sur une baisse des crédits immobiliers de l'ordre de 40%, le refus de prêts pèse à hauteur de 15%, mais, pour les 25% restants, c'est le simple fait de ne pas prendre rendez-vous avec son banquier, dans l'attente d'une baisse des prix, qui entre en jeu. Cet attentisme amplifie la crise économique.
La crise revêt aussi un caractère plus structurel : l'épisode du covid-19 a profondément modifié les attentes placées dans le logement, avec des problématiques telles que le télétravail ou l'accès à un espace extérieur. Il faut y ajouter une différenciation territoriale qui s'est accentuée, avec des disparités plus marquées entre, par exemple, la région parisienne et des villes comme Montluçon ou Lunéville. En outre, l'acceptabilité des constructions par les populations a elle aussi évolué. Enfin, aux enjeux liés à la transition écologique et énergétique, s'ajoute la problématique du vieillissement de la population : un tiers de nos concitoyens aura plus de 60 ans en 2050, alors qu'une faible partie du parc de logements est adaptée à cette réalité. Peu abordée, cette crise démographique sera pourtant l'une des plus aiguës à l'avenir.
Face à ce défi, des réponses de court terme doivent être apportées pour amortir le choc de la crise économique et limiter les dégâts, notamment en termes de production de logements. C'est la raison pour laquelle le prêt à taux zéro (PTZ) se voit à la fois élargi grâce à une révision de la liste des territoires en tension et renforcé dans la mesure où les barèmes ont été revus et les publics bénéficiaires étendus.
Nous menons également, en lien avec Bruno Le Maire et le gouverneur de la Banque de France, une réflexion sur les modalités d'évolution des critères d'octroi des crédits immobiliers, plus particulièrement au niveau des sous-critères.
Une autre idée consiste à soutenir le LLI, secteur qui sera ouvert aux fonds d'investissement. Nous menons par ailleurs une réflexion sur la fiscalité locative au travers d'une mission parlementaire : initialement dédiée à la fiscalité des meublés touristiques, celle-ci a aussi pour vocation d'identifier les moyens permettant d'inciter nos concitoyens à investir dans le parc locatif privé. Ses conclusions, qui seront rendues dans le courant du mois de février, nous guideront dans l'élaboration d'une réforme de la fiscalité locative très attendue.
Le logement locatif social a, pour sa part, fait l'objet d'un accord signé à Nantes avec le mouvement HLM, autour de l'idée de concilier la poursuite de la rénovation énergétique et la production de logements. Si les bailleurs sociaux sont plutôt en avance par rapport au parc privé sur le terrain de la rénovation énergétique, il convient de maintenir ce rythme sans entraver la production, d'où la mise en place d'un fonds dédié à cette rénovation et de prêts renforcés de la Caisse des dépôts et consignations.
Le PLF pour 2024 contient en outre des premières mesures relatives au foncier, avec une série d'abattements sur les plus-values de cessions foncières. Il ne s'agit cependant que d'une première étape et nous poursuivons notre réflexion quant à la manière de mobiliser le foncier pour des coûts pertinents dans les années à venir. Le renforcement de l'action des établissements publics fonciers figure parmi les pistes envisagées.
Par ailleurs, un plan dédié au logement étudiant est en cours d'élaboration, avec pour objectifs une meilleure mobilisation du foncier universitaire, le développement des colocations étudiantes chez les bailleurs sociaux ou encore la transformation de bureaux en logements étudiants.
En cours également, le plan de soutien à la production, au travers du rachat de 47 000 logements, dont 17 000 par la Caisse des dépôts et consignations et 30 000 par Action Logement.
Au-delà de ces mesures d'amortissement de la crise, nous cherchons également à mieux mobiliser le parc existant, ce qui m'amène à la question des meublés touristiques, particulièrement attractifs pour les investisseurs et dont le développement a nui à celui des logements étudiants. Au mois de décembre, une proposition de loi sera présentée à l'Assemblée nationale et visera à mettre à la disposition des collectivités locales, en particulier des communes, un outil de régulation de ce marché.
Cette orientation me semble particulièrement pertinente, à la fois pour les communes qui en ont le plus besoin - la ville de Saint-Malo, par exemple, agit actuellement sur les meublés touristiques via le mécanisme du quota, mais n'est pas sûre de gagner en justice - et pour celles qui n'ont en ont pas besoin, puisqu'elles n'utiliseront pas cet outil, permettant de maintenir une différenciation. La question de la fiscalité pourra quant à elle être posée après la présentation des conclusions de la mission parlementaire que j'évoquais précédemment.
J'ajoute, parmi cet ensemble de mesures, la poursuite d'un travail de lutte contre la vacance au moyen d'une taxe sur les logements vacants, le PTZ en zone détendue sur l'ancien rénové ou encore la start-up « Zéro logement vacant », qui permet aux maires de connaître les propriétaires des logements vacants et d'intervenir directement.
Comme je l'ai indiqué dans mon discours de Nantes lors du congrès du mouvement HLM, je souhaite également insister sur la mobilité au sein du parc social. Un certain nombre de bailleurs ont adopté des politiques de mobilité particulièrement pertinentes et ont mis au point de bonnes pratiques qui pourraient être utilement partagées. Je n'oublie jamais qu'un tiers des 2,4 millions de demandeurs du parc social y sont déjà installés, d'où un fort enjeu de mobilité.
Pour ce qui concerne l'habitat indigne, le rapport pour accélérer la résorption de l'habitat indigne et dégradé, remis par Michèle Lutz et Mathieu Hanotin, en octobre 2023 nous sert de référence, pour préparer à la fois un plan à caractère réglementaire et financier d'ici à la fin de l'année et un projet de loi qui vous sera présenté au premier trimestre 2024, afin d'accélérer et de simplifier l'action contre les copropriétés dégradées.
Citons, enfin, la lutte contre les passoires thermiques via MaPrimeRénov', avec 5 milliards d'euros dédiés à la rénovation énergétique des logements en 2024, dont 4,6 milliards d'euros sur le parc privé sous la supervision de l'Anah et 400 millions d'euros sur le parc social. Le dispositif MaPrimeAdapt' doit quant à lui permettre une adaptation du parc au vieillissement et au handicap. Le parc d'hébergements d'urgence devra, quant à lui, être maintenu à un très haut niveau.
Toutes ces mesures de court terme s'accompagnent d'une ambition globale, à savoir la préparation d'une loi sur le logement à l'horizon du printemps 2024 qu'a évoquée le Président de la République. L'idée consiste à adapter les outils de la politique du logement au nouveau modèle de développement territorial que nous souhaitons pour l'avenir.
La transition écologique, le vieillissement ou encore le lien emploi-logement sont autant de nouveaux enjeux qui remettent en cause le modèle de développement fondé sur une énergie peu chère qui a prévalu pendant plus de sept décennies.
Cette nouvelle réalité, qui nous conduit à repenser l'urbanisme du territoire, implique davantage de différenciation territoriale et pose la question de la décentralisation : un chapitre du futur projet de loi y sera consacré, afin de déterminer les niveaux de compétences pertinents, les ressources et les outils de régulation du marché du logement à utiliser. Nous pourrons aussi nous interroger sur le sens du logement social et sur la pertinence d'un modèle français généraliste : la loi Logement pourrait permettre d'adapter, par exemple, les modalités d'attribution du logement.
Parmi les questions connexes, le foncier deviendra un élément-clé des stratégies de la politique du logement dans les années à venir. Actuellement, les outils ne sont pas à la hauteur de cet enjeu, il faudra donc en concevoir d'autres dans le cadre du futur projet de loi afin que les collectivités soient en mesure de mieux adapter leur développement.
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis. - Nous avons entendu en audition une série d'acteurs du logement et un rapport suivra prochainement. Par ailleurs, les nouvelles dispositions concernant le dispositif Pinel et le PTZ ne sont pas sans susciter un certain nombre d'interrogations.
Ma première question porte sur la situation des enfants à la rue : les associations en ont dénombré 2 822 en octobre 2023, soit 50% de plus que l'an passé. Ce chiffre correspond au nombre de demandes infructueuses adressées aux services intégrés d'accueil et d'orientations (SIAO). Les mineurs vivant véritablement dans la rue seraient beaucoup moins nombreux - 200, selon le décompte des Nuits de la solidarité -, mais le nombre d'enfants placés dans des situations d'hébergement extrêmement préoccupantes, dans des bidonvilles, chez des tiers ou encore cachés, serait peut-être cinq fois plus élevé que les estimations des associations.
Sur un sujet qui me paraît humainement trop grave pour polémiquer sur des chiffres, quelles sont vos solutions ? Une augmentation du nombre de places d'hébergement est-elle, par exemple, une option que vous pourriez retenir ?
Ma deuxième question a trait à la crise de la construction neuve. La situation des promoteurs, à l'image de l'ensemble du secteur du bâtiment, est extrêmement préoccupante -vous l'avez fort bien décrite - avec un effondrement des ventes et des mises en chantier. À un horizon de deux ans, 300 000 emplois sont menacés et de nombreuses entreprises risquent de faire faillite, sans compter les répercussions pour les Français qui ne trouveront pas à se loger.
Face à cette situation, les promoteurs proposent de rééditer, sur un ou deux ans, la mesure Balladur adoptée dans la loi de finances de 1993, afin d'exonérer de droits de transmission des logements neufs achetés pour en faire une résidence principale. Que pensez-vous de cette proposition, qui pourrait stimuler de nouveau la construction de logements ?
Ma dernière question concerne le LLI. Au-delà des assouplissements que vous entendez apporter, ne serait-il pas temps qu'il soit comptabilisé dans l'ensemble des logements sociaux ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - La question de l'hébergement d'urgence rejoint à l'évidence celle des enfants à la rue. Depuis un certain nombre d'années, nous avons collectivement fait le choix d'augmenter le nombre de places d'hébergement d'urgence, passé en dix ans de 93 000 places à 203 000 places, malgré la réussite - reconnue par toutes les associations - du plan " Logement d'abord " : mis en oeuvre durant le précédent quinquennat, celui-ci a permis à 440 000 personnes qui étaient à la rue de retrouver un logement.
Nous sommes actuellement confrontés à des situations dans lesquelles les personnes restent trop longtemps en hébergement d'urgence. Le rythme des entrées ne se conjugue pas avec un flux de sorties suffisant, d'où mon annonce, ce matin, d'un renfort des effectifs dédiés à la veille sociale à hauteur de 500 postes, soit une augmentation d'un tiers. Cette hausse vise à répondre aux besoins du service du numéro d'urgence du 115, qui peinait à suivre la croissance du parc d'hébergement d'urgence, mais aussi et surtout à améliorer les maraudes, tout comme l'accompagnement social et l'orientation des personnes à la rue. J'ai été choqué de constater, à l'occasion d'un reportage réalisé par France 2 au sujet d'une famille gabonaise avec plusieurs enfants scolarisés, que des personnes pouvaient vivre cinq ans dans un hôtel.
La problématique de fond réside dans l'amélioration de cet accompagnement : au-delà de la réponse d'urgence qui peut consister à augmenter le nombre de places d'hébergement d'urgence, il faudrait être en mesure de proposer des solutions diverses face à l'hétérogénéité des situations. Le Gouvernement prévoit ainsi, de nouveau, une hausse du nombre de places d'hébergement d'urgence, notamment pour les femmes à la rue ; à terme, j'insiste cependant sur la nécessité de concevoir une nouvelle méthode de gestion de la sortie de ce mode d'hébergement. Le renforcement des effectifs de la veille sociale doit ainsi nous permettre de disposer d'une meilleure visibilité sur les solutions de nature à nous permettre de diminuer le " stock " - l'expression est malvenue, mais reflète une réalité - de l'hébergement d'urgence.
Concernant la production neuve, je pense que nous n'aurons plus jamais de solution miracle à notre disposition. En 2008, le dispositif Scellier, très incitatif, avait certes permis d'écouler la production neuve, mais avait abouti dans certaines métropoles à des programmes de promotion immobilière parfois dédiés à hauteur de 80% à l'investissement locatif. Le refus obstiné de dégonfler la bulle des prix de l'immobilier a conduit à entretenir celle-ci et à léguer ensuite une situation encore plus dégradée, avec un prix du foncier très élevé et en total décrochage par rapport au pouvoir d'achat des Français.
Une fois cette absence de solution miracle actée, il nous faut travailler dans plusieurs directions, d'où mon évocation de l'accession à la propriété et de l'investissement locatif. Je crois encore dans les potentialités de ce dernier, tant pour les acteurs institutionnels que pour les particuliers, la réforme de la fiscalité locative devant nous permettre de mettre l'accent sur les seconds.
En lieu et place d'un produit dominant censé remédier à toutes les difficultés, recherchons désormais un équilibre dans les programmes de promotion. La mesure Balladur, elle, n'a pas nécessairement abouti aux résultats escomptés et je doute qu'elle puisse résoudre la crise actuelle. Différentes mesures du même acabit peuvent être envisagées, mais nous ne pourrons pas toutes les mettre en oeuvre, nous tentons actuellement d'encourager le développement du LLI.
Concernant d'ailleurs l'éventuelle intégration du LLI dans le décompte du logement social prévu par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), je rappelle que ce texte visait à développer et à rééquilibrer le logement social à l'échelle nationale. Cette loi a produit, année après année, ses effets puisqu'un logement social sur deux en est issu. S'il est toujours possible de juger cette production insuffisante, nous disposons là d'un outil précieux au développement du logement social.
Prenons donc garde à ne pas ouvrir la boîte de Pandore en multipliant les dispositifs dérogatoires à la loi SRU, sachant qu'une commission nationale examine déjà les situations particulières. Je suis pour ma part très favorable à l'exonération d'une partie de leurs responsabilités les communes qui jouent le jeu en s'inscrivant dans une logique de développement du logement social. Nous avons besoin de cette catégorie de logements, distincte du LLI à mon sens.
Cela n'empêche pas d'engager une réflexion, dans la perspective de la future loi, sur la pertinence de la coexistence de plusieurs produits, dont le PLAI et le prêt locatif social (PLS). Il n'est pas en tout cas pas prévu d'intégrer le LLI dans le décompte de la loi SRU.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous avions réussi, à l'occasion du vote de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), à intégrer le bail réel solidaire (BRS) dans le quota des logements sociaux, mesure qui était particulièrement attendue par les maires.
Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Monsieur le ministre, je me réjouis de l'importance que vous accordez à l'hébergement des personnes vulnérables.
En revanche, je m'interroge quant à la création de 40 000 nouvelles places en intermédiation locative grâce à la mobilisation des collectivités et des associations spécialisées. Ne craignez-vous pas que ces nouvelles places ne soient soustraites de l'offre accessible à un public déjà en butte à des difficultés dans la recherche d'un logement ?
Je pense, par exemple, aux logements communaux : si les collectivités locales jouent le jeu et les mettent à disposition des populations vulnérables via l'intermédiation locative, ils seront de fait retirés de la location pour d'autres populations. Le problème ne serait, dans cette hypothèse, que transféré, avec des tensions accrues pour tous.
Je prends note, par ailleurs, de l'effort budgétaire consenti avec la création de 500 postes pour la veille sociale. Cela étant, la trajectoire des crédits pour la période 2025-2026 est orientée à la baisse. Anticipez-vous une stabilisation de la situation qui justifierait cette trajectoire ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Nous ne pouvons pas nous satisfaire de 203 000 places d'hébergement d'urgence, ni de toutes ces personnes qui restent parfois plusieurs années dans ces hébergements. Une tendance baissière signifierait que nous aurions réussi à mieux intégrer ces personnes dans le logement. Cela suppose un meilleur accompagnement vers le logement, notamment à travers ces 500 effectifs complémentaires, ainsi qu'un meilleur fonctionnement de nos services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) et un meilleur accompagnement social.
Aujourd'hui, l'ambition affichée par le Gouvernement est de construire davantage de logements, notamment de logements locatifs sociaux. Le traitement sera différencié : dans certains territoires où les vacances sont nombreuses, il conviendra de privilégier le recyclage ; dans d'autres, il faudra construire de manière importante.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Au-delà de l'accompagnement social, il s'agit de proposer à ces familles qui peuvent rester plusieurs années à l'hôtel une offre de logement adaptée à leurs ressources. On en revient au point de départ : il faut continuer à construire, en s'appuyant notamment sur les PLAI.
M. Guislain Cambier. - Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur l'objectif d'adaptation à la réalité du territoire. La politique du logement néglige trop souvent la ruralité au profit des zones urbaines. Le logement dans la ruralité ne se résume pas à la maison individuelle en zone détendue ; ce sont des spécificités particulières, des problématiques d'habitats vacants, d'indivision, de succession, de bâtis anciens dégradés, de friches, etc. Tout cela a naturellement un impact sur la vie de la commune, sur son dynamisme et son renouvellement.
Les financements publics pour le logement en milieu rural sont rares et, très souvent, correspondent à deux ou trois fois le prix du bien, parfois même davantage dans les zones en déprise. Il s'agit toujours de batailler afin que les dispositifs puissent s'appliquer ; je pense notamment au dispositif Denormandie en faveur du logement ancien.
La politique de zéro artificialisation nette (ZAN) accentue l'urgence de la réhabilitation du bâti ancien et freine les constructions nouvelles. En territoire rural, la revitalisation des bourgs doit être une priorité.
Beaucoup de territoires en déprise n'auront peut-être plus l'occasion de construire ou de se renouveler. Le coût des réhabilitations rend souvent plus facile la création de lotissements ; il s'agit donc de trouver les moyens pour accompagner les réhabilitations et la transformation des friches. Monsieur le ministre, quels outils d'accompagnement et d'incitation directe mettez-vous à disposition des élus dans les territoires ruraux ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Je partage totalement cette analyse. Nous ne disposons pas des bons outils pour répondre aux nouveaux enjeux. Pendant 70 ans, nous avons fonctionné avec un modèle économique et de développement territorial basé sur le pétrole, l'usage de la voiture, la consommation foncière, qu'il s'agit aujourd'hui de remettre en cause.
La loi sur le Logement a vocation à inventer ces nouveaux outils qui permettront de lutter contre les vacances, les dents creuses, les friches, etc. Sans doute faudra-t-il renforcer les outils d'ingénierie ; je pense notamment à ce qui a pu être initié dans le cadre du plan France Ruralités. Sans doute faudra-il également mobiliser les établissements publics fonciers et trouver de nouveaux moyens d'intervention sur ces territoires ruraux et dans les petites villes.
Il ne s'agit pas d'opposer la ruralité à la ville, ou les petites villes aux métropoles ; tous ces territoires nécessitent des outils différents, en termes aussi bien de financement que d'ingénierie. Je viens de donner quelques pistes qui seront approfondies durant les six prochains mois de concertation.
M. Yves Bleunven. - Les entreprises s'intéressent de plus en plus à la problématique du logement car, pour pouvoir embaucher, il faut des solutions de logement.
Concernant le " 1% logement " collecté par Action Logement, la redistribution demeure très opaque. Les territoires ruraux ont le sentiment d'être oubliés et les entreprises commencent à s'en plaindre. Pour y voir plus clair, il serait temps de territorialiser cette cotisation.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué les opérations mises en place en 2008 concernant le déstockage. Ne pourrait-on pas favoriser le logement locatif intermédiaire en impulsant un démembrement des stocks restants, ou encore en permettant l'achat de la nue-propriété par les entreprises ? Sur cette problématique du logement, nous avons besoin d'être imaginatifs et innovants. Aujourd'hui, les entreprises sont prêtes à investir avec les collectivités.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Concernant la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec), je me méfie toujours quand on touche au paritarisme. Comme je l'ai précisé lors du congrès de Nantes, je privilégie l'écriture de conventions territorialisées pour deux raisons : premièrement, je souhaite des objectifs de production de logements sociaux à l'échelle territoriale ; deuxièmement, je pense que cela peut renforcer les liens entre Action Logement et les collectivités. Cette semaine, je vais à Dijon pour commencer à signer ces conventions territorialisées qui, pour Action Logement, seront l'occasion de décliner ses actions dans les territoires ; cela concerne la redistribution de la Peec, mais aussi le programme à destination des saisonniers.
Concernant la nue-propriété prise en charge par les entreprises, la réflexion est en cours ; le député Dominique Da Silva est notamment mobilisé sur cette question. Je suis favorable à des réflexions permettant, au-delà de la Peec, de renforcer l'engagement des entreprises. La question du démembrement est aussi intéressante. Le bail réel solidaire est une bonne idée, j'aurais même voulu aller plus loin concernant le financement de l'accession à la propriété, en jouant sur la distinction entre nue-propriété et foncier. Si les entreprises ont l'envie de se mobiliser, il y a beaucoup de travaux à initier.
Mme Sylviane Noël. - Monsieur le ministre, vous avez évoqué les enjeux de transition énergétique liés au logement. Le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) issu de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi Climat et résilience) vise à exclure du parc locatif de nombreux appartements jugés énergivores à partir de 2025. Ce nouveau DPE pénalise les logements anciens chauffés à l'électricité, en multipliant par 2,3 la consommation réelle affichée au compteur. Les autres énergies, comme le fioul ou le gaz, ne subissent en revanche aucune pénalité, alors qu'elles émettent de fortes quantités de gaz à effet de serre.
Cette pénalité infligée aux logements chauffés à l'électricité semble d'autant plus incohérente que 90 % de notre production électrique est aujourd'hui décarbonée. Malgré cela, avec ce nouveau DPE, un logement chauffé au gaz sera mieux noté qu'un logement chauffé à l'électricité. Envisagez-vous une évolution sur ce sujet ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Les passoires thermiques ne seront pas exclues du parc locatif, mais les locataires auront la possibilité d'attaquer les propriétaires au moment de la relocation, à partir de 2025, en s'appuyant sur le critère de la décence. Actuellement, environ 140 000 logements classés G+ continuent d'être loués.
Au total, 673 000 logements du parc locatif privé sont classés G ou G+. Dès ma prise de fonction, on m'a sollicité sur la question du calendrier et sur le DPE. Concernant le calendrier, j'ai voulu savoir si une impossibilité matérielle pouvait empêcher la réalisation des travaux dans les délais impartis ; les professionnels m'ont indiqué que 90% des logements concernés ne nécessiteraient pas de travaux de copropriété pour passer de G à F d'ici au 1er janvier 2025. Par ailleurs, le montant moyen de l'investissement ne semble pas excessif.
Actuellement, nous réfléchissons à renforcer le dispositif d'accompagnement des propriétaires bailleurs, par exemple en améliorant MaPrimeRénov' et Mon Accompagnateur Rénov'. L'objectif lié à la transition écologique est que 90% de ces 673 000 logements soient classés F au 1er janvier 2025.
Le passage de F à E est prévu pour 2028, ce qui laisse le temps de réaliser des travaux de copropriété. Nous réfléchissions à la mise en place de " prêts copro " qui permettront une simplification des procédures et un accompagnement financier.
La transition écologique n'est pas une option. Si l'on déplace le calendrier du 1er janvier 2025 au 1er janvier 2028, le risque est de se retrouver d'ici à la fin de l'année 2026 à répéter exactement la même chose. Alors certes, l'investissement locatif doit être favorisé, mais il est nécessaire de maintenir la pression sur les propriétaires bailleurs.
Concernant le DPE, le mécanisme semble donner des résultats insatisfaisants pour les petites surfaces ; nous réfléchissons à une évolution sur ce point. Pour le reste, il n'est pas souhaitable de changer la règle du jeu, d'autant plus à l'approche des dates limites.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - En plus des petites surfaces, il y a également la question du confort d'été. Demain, nos concitoyens auront peut-être plus à souffrir de la chaleur que du froid, et ce paramètre doit être pris en compte dans le mode de calcul du DPE. À cela s'ajoute aussi la problématique particulière du bâti ancien, d'avant 1948.
Mme Amel Gacquerre. - Au sujet du PTZ, vous proposez de proroger ce dispositif de quatre ans, et vous préconisez également de le recentrer, en excluant les logements collectifs dans les zones tendues et les maisons individuelles. Cela signifie-t-il que le modèle de la petite maison avec petit jardin, dont rêvent beaucoup de familles modestes, est désormais abandonné ?
Je sais, monsieur le ministre, que le sujet du logement étudiant vous tient à coeur. Les étudiants sont les principales victimes du marché de l'immobilier. En septembre 2023, 15 000 étudiants supplémentaires ont effectué leur rentrée par rapport à septembre 2022, pour un chiffre total de 3 millions d'étudiants. Les résidences étudiantes ont quelque peu atténué ce fort déséquilibre entre l'offre et la demande. Autre point : les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) n'accueillent qu'un quart de la population boursière.
Aujourd'hui, des étudiants arrêtent leurs études car ils ne peuvent pas se loger, certains deviennent même sans domicile fixe (SDF). Ma question est simple : quelles mesures comptez-vous proposer pour répondre à ces difficultés ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Le PTZ fait partie de ces outils qui doivent s'adapter et se différencier en fonction des territoires. Après, il a été ajouté des éléments sur la forme urbaine... Dont acte.
On a pu lire dans un journal que 12% des étudiants renonceraient à leurs études ou changeraient leurs études pour des problèmes liés au logement mais je ne sais pas d'où ce chiffre vient. Dès ma prise de fonction, j'ai pris à bras-le-corps cette question et je me suis beaucoup démené pour que ce plan dédié au logement étudiant voie le jour. La Première ministre et ma collègue Sylvie Retailleau s'en sont saisies, nous sommes aujourd'hui en posture de combat.
La priorité est de développer le logement social étudiant. Nous disposons pour cela de beaucoup de foncier universitaire. Sans doute faudra-t-il revoir les règles et simplifier les procédures concernant le foncier universitaire, en plaçant des opérateurs performants et compétents sur le sujet.
Dans ce plan dédié au logement étudiant, nous explorons beaucoup de pistes. On sait, par exemple, que certaines agglomérations disposent de grands logements vides. Nous avons pris contact avec l'association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) pour pouvoir organiser des colocations étudiantes. Dans le cadre de la diversification portée par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), il serait également très utile d'avoir des logements étudiants dans ces quartiers qui ont besoin de retrouver une mixité sociale.
Autre piste à laquelle je crois beaucoup : la transformation de bureaux en logements. Un outil déployé par Action Logement vise à accélérer le travail sur ce sujet. Le LLI peut également s'ouvrir à la résidence étudiante.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Avez-vous envisagé la solution du logement temporaire via des containers ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Beaucoup d'idées circulent ; je pense notamment à celle des tiny house. Toutes les pistes, y compris celle du logement temporaire, sont à explorer.
M. Bernard Buis. - Ma question porte sur la régulation des compléments de loyer dont doit s'acquitter un locataire au titre d'une ou plusieurs caractéristiques exceptionnelles de localisation ou de confort de son logement. Si ces compléments ne sont applicables que dans certaines grandes villes et sous certaines conditions, la régulation actuelle est-elle suffisante ? Comment peut-on l'améliorer ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Beaucoup d'associations de locataires ont évoqué des abus sur cette question des compléments de loyer. Sans doute faudra-t-il réguler et, surtout, donner une définition plus précise pour mieux cadrer le sujet.
Cela renvoie à un autre débat, qui doit faire l'objet d'une réflexion collective. Nous voulons soutenir l'investissement locatif par le particulier et, dans le même temps, nous devons affronter la question de la transition écologique et du DPE, ou encore celle des compléments de loyer. Il y a un juste équilibre à trouver afin de ne pas décourager l'investissement locatif tout en assumant certaines contraintes au regard des enjeux futurs.
Mme Viviane Artigalas. - L'accès au logement est devenu un problème à la fois pour les locataires et pour ceux qui souhaitent devenir propriétaires. Ce problème concerne désormais tous les territoires, y compris les territoires ruraux. Les causes sont multiples, je souhaite insister sur deux d'entre elles : le coût du foncier et la fiscalité locative.
Concernant le coût du foncier, nous attendons avec impatience des outils de régulation. Quant à la fiscalité locative, elle s'effectue au profit des meublés touristiques et au détriment des logements à l'année. Alors que le nombre de résidences louées sur les plateformes ne cesse d'augmenter chaque année au détriment du marché locatif transitionnel, les ajustements que vous proposez dans le projet de loi de finances pour 2024 ne permettront pas d'inverser la tendance, d'autant plus que les mesures ne concernent que les zones tendues.
Monsieur le ministre, pourquoi attendez-vous 2025 pour lancer cette réforme de la fiscalité locative, alors que des propositions existent déjà à l'Assemblée nationale ?
Vous avez évoqué un outil de régulation des meublés touristiques. Pourquoi ne pas élargir le décret dédié aux zones touristiques tendues, mais sans appliquer la méthode des prix hédoniques, choisie pour le premier élargissement, qui a parfois donné des résultats surprenants ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Je me suis déjà exprimé sur les outils de régulation du foncier. Je partage votre analyse, il faudra inventer de nouveaux outils. Au niveau des collectivités, nous ne pouvons même pas user d'un droit de préemption pour lutter contre la spéculation foncière.
Concernant les meublés touristiques, il y a deux sujets : celui de la fiscalité et celui de la régulation du développement par la commune. Le deuxième sujet me semble le plus urgent à traiter. Avec un outil de régulation, les communes qui le souhaitent auraient les moyens, par exemple, de fixer des quotas, voire d'interdire le développement. Tel est le sens de la proposition de loi de M. Inaki Echaniz et Mme Annaïg Le Meur qui doit arriver en décembre à l'Assemblée nationale, donc au premier trimestre de 2024 au Sénat. Au mois de mars 2024, si tout va bien, nous pourrons mettre cet outil de régulation à la disposition des communes.
Mme Viviane Artigalas. - Les zones tendues seront-elles les seules concernées ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Toutes les communes le seront. Lorsque nous disposerons de cet outil de régulation, l'autre sujet, celui de la fiscalité, pourra être posé. À mes yeux, il s'agit avant tout d'une question de justice fiscale. Est-il légitime qu'une personne louant un meublé bénéficie d'une aide publique supérieure à une personne louant un non-meublé ? D'un côté, nous ne devons pas décourager les investisseurs ; de l'autre, nous devons pouvoir réguler un certain nombre de marchés quand ils génèrent une attrition de logements, empêchant les étudiants, les saisonniers, voire certains résidents du territoire d'accéder au logement.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Il faut aussi intégrer les logements touristiques dans le calendrier de la loi Climat et résilience, car même ceux qui sont étiquetés F ou G ne sont pour l'instant pas concernés.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - La mesure figure dans la proposition de loi Le Meur-Echaniz, mais sa mise en oeuvre reste difficile à cause du principe de décence. En effet, le locataire d'un logement classé G attaquera probablement son propriétaire en justice, sauf s'il s'agit d'un meublé touristique. Le système prévu pour la location de longue durée ne fonctionne pas pour les meublés touristiques. Il reste donc à l'adapter en exploitant par exemple l'outil de régulation dont dispose la commune, celle-ci pouvant refuser l'agrément aux propriétaires de meublés touristiques classés G. Toutefois, dans la mesure où le dispositif ne s'appliquera pas de la même manière sur le territoire national, nous nous heurtons à un problème d'ordre juridique.
M. Rémi Cardon. - Vous vous êtes prononcé à plusieurs reprises, dans la presse, en faveur de l'alignement de la fiscalité des meublés touristiques sur celle des meublés traditionnels et des locations vides. Vous avez également précisé qu'il fallait laisser la main aux parlementaires.
Toutefois, à l'Assemblée nationale, quelque 312 députés, soit la majorité absolue, ont proposé, dans le cadre d'un amendement au PLF 2024, d'harmoniser les abattements fiscaux des revenus des meublés touristiques avec ceux de la location de longue durée, en prévoyant un taux unique de 40 % pour tous les types de logements, ce qui mettrait fin à la niche fiscale Airbnb. Il semble que le recours à l'article 49.3 vous ait fait rentrer dans le rang, même si vous envisagez désormais des perspectives de réflexion pour 2025.
Comment expliquez-vous votre impuissance, monsieur le ministre ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Je ne suis pas impuissant et je donne raison à la Première ministre. Certes, j'ai pu livrer une position personnelle, mais j'ai toujours précisé qu'il était plus urgent de doter les collectivités d'un outil de régulation plutôt que de travailler sur la fiscalité. C'est ainsi que l'on pourra arrêter l'explosion du phénomène de la location des meublés touristiques.
Le système de la fiscalité locative est d'une grande complexité, car plusieurs régimes différents coexistent. En outre, nous avons besoin que les investisseurs particuliers continuent de développer le parc locatif privé.
La Première ministre a souhaité soutenir la proposition de loi sur l'outil de régulation pour les collectivités, dont le parcours législatif est en cours et qui pourra être mise en oeuvre dès le mois de mars prochain - je l'espère, du moins.
Nous aurons ensuite à réfléchir sur la fiscalité locative dans sa globalité, en prenant en compte l'ensemble des régimes et des problématiques. Nous prendrons le temps d'examiner tous les effets de bord et toutes les conséquences d'un alignement des régimes, avec pour objectif de procéder à une réforme globale de la fiscalité locative.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Vous connaissez la situation de crise du logement à La Réunion. On recense 41 000 demandes de logement, dont 80% concernent des logements sociaux ou très sociaux. Or, la construction de ce type de logement n'a pas cessé de ralentir au cours des dernières années.
En outre, quelque 135 immeubles vieux de moins de dix ans sont jugés indécents. En effet, alors que nous vivons sous un climat tropical, nous produisons des logements qui répondent aux normes européennes, de sorte que les familles se retrouvent après dix ans dans des logements indécents, pleins de moisissures, au sein desquels elles développent des problèmes de santé. L'engrenage est infernal.
À quelle logique obéit la politique du logement en outre-mer, en particulier à La Réunion ?
Sur une île, la rareté du foncier constitue un problème encore plus criant qu'en métropole, car il faut préserver les terres agricoles, favoriser le développement économique et résoudre les difficultés de déplacement. La construction de logements coûte de plus en plus cher et la répercussion sur le prix des loyers est immédiate.
À cela s'ajoute une situation sociale inquiétante : 36% de la population vit sous le seuil de pauvreté contre 14 %, en moyenne, dans l'Hexagone, et un enfant sur deux est concerné.
Le département de La Réunion est l'un des plus touchés par le phénomène des violences faites aux femmes : 98% des familles monoparentales sont à la charge des femmes. Le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre avait pour sous-titre " Le mal logement des femmes ". Le cumul de toutes ces difficultés laisse entrevoir un avenir sombre pour ces familles.
Enfin, la loi Pinel arrivera à expiration en 2024, ce qui rendra encore plus difficile le développement de la production de logements privés à La Réunion, d'autant que les banques acceptent de moins en moins facilement d'accorder des prêts. Nous ne faisons que nous enfoncer dans la crise du logement.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - L'île de La Réunion est très belle. Toutefois, j'ai pu y constater, dans le cadre de mes travaux de thèse, toutes les aberrations du dispositif d'aide fiscale : des quincaillers devenus du jour au lendemain promoteurs, construisaient des logements de bien piètre qualité pour des métropolitains soucieux du seul avantage fiscal, qui n'avaient jamais mis les pieds à La Réunion. J'ai vu tout le mal que pouvait faire une aide fiscale mal régulée et mal contrôlée, au point que je ne suis pas certain que la fin du dispositif Pinel soit une mauvaise nouvelle pour votre territoire.
Nous travaillons à renforcer le financement des bailleurs sociaux à La Réunion, notamment dans le cadre de l'Anah. En outre, votre département pourrait très bien intégrer le programme Territoire engagé pour le logement, destiné à accélérer la production de logements dans certains sites : il faut y réfléchir.
Enfin, la situation que vous nous avez décrite est un exemple parfait du besoin de différenciation des outils de la politique du logement. L'adaptation des normes est une nécessité évidente pour les territoires d'outre-mer. Ne l'est-elle pas aussi en métropole, dès lors que Dunkerque subit des tempêtes quand Nîmes souffre de la canicule ? Faut-il suivre les mêmes normes de construction dans ces deux villes ? La métropole peut tirer des leçons de la situation en outre-mer, en matière de différenciation des normes de construction. C'est un sujet qu'il faudra prendre en compte dans le cadre de la loi Logement.
M. Daniel Salmon. - La rénovation des logements sociaux a bien progressé, ce qui montre que les bailleurs sociaux sont capables de faire ce qu'il faut quand on leur en donne les moyens. Vous avez mentionné des fonds d'aide à la rénovation. Quel sera leur montant et sous quelle forme seront-ils attribués aux bailleurs sociaux ?
Vous envisagez d'ouvrir le parc des logements intermédiaires aux fonds d'investissement. Quel rendement attendent-ils ? En outre, qu'en est-il de la valeur travail quand un couple d'ouvriers est désormais incapable de faire construire son logement comme c'était encore le cas il y a quelques décennies ? Il faut recourir à des fonds d'investissement pour produire de la construction neuve, car les individus n'ont plus la capacité d'investir.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Le fonds dédié à la rénovation énergétique pour les bailleurs sociaux bénéficiera d'une enveloppe de 1,2 milliard d'euros sur trois ans, soit 400 millions d'euros par an, et fonctionnera sur opération, sous forme de subventions.
La part des institutionnels dans le logement locatif intermédiaire est passée de 30% à 1%. Certes, l'investisseur particulier doit rester dominant, mais rien n'empêche que des fonds d'assurance vie ou d'épargne retraite, à vocation longue, puissent détenir de l'immobilier résidentiel dans leurs actifs, ce qui permettrait d'augmenter la part des institutionnels à 3% ou 4%. Si l'on peut construire quelques milliers de logements grâce à l'assurance vie ou à l'épargne retraite, pourquoi s'en priver ?
Nous devons inventer le modèle de demain, qui ne peut pas être celui d'hier. Auparavant, chacun pouvait aller construire sa maison sur un champ de betteraves et le modèle économique, fondé sur une énergie peu chère, permettait de s'acheter une voiture. Les Français habitaient à 50 kilomètres, voire à 100 kilomètres, de leur lieu de travail. Or ce modèle est en crise et l'éloignement entre le logement et le lieu de travail pose problème. Est-il en effet encore acceptable qu'un salarié vive à 100 kilomètres de son travail et mette une heure pour s'y rendre ?
Il faut inventer un nouveau modèle, dans lequel la valeur travail s'incarnera différemment en lien avec l'emploi. En effet, il ne s'agit plus de savoir si l'on peut avoir accès à la propriété grâce à son travail, mais si l'on peut avoir un logement proche du lieu de son emploi. La conciliation entre l'emploi et le logement devient l'enjeu principal. Dans cette perspective, le logement social peut être un outil intéressant : en y favorisant une répartition équilibrée entre les travailleurs clés et les personnes les plus démunies, on renforcerait la mixité sociale tout en répondant à l'enjeu de conciliation entre l'emploi et le logement. Nous pourrons en débattre dans le cadre de la loi Logement.
Mme Anne-Catherine Loisier. - L'enveloppe du fonds d'aide aux bailleurs sociaux serait de 400 millions d'euros par an. Doit-elle servir à la construction neuve ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Il s'agit d'un fonds pour la rénovation énergétique.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Les bailleurs sociaux sont pris dans un étau entre les obligations de rénovation énergétique et leur dette qui ne cesse de croître. Quels leviers mettrez-vous en oeuvre pour les inciter à relancer la construction de logements ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Le Congrès HLM de l'Union sociale pour l'habitat (USH) qui s'est tenu à Nantes avait précisément pour enjeu de déterminer les moyens de tenir à la fois la rénovation énergétique et la construction de logements sociaux. L'accord trouvé avec le mouvement HLM visait un juste équilibre entre les deux.
Pour encourager la rénovation, il a été décidé de mettre en place ce fameux fonds de 1,2 milliard d'euros sur trois ans ; de prévoir des prêts bonifiés de la Caisse des dépôts et consignations, pour un montant de 6 milliards d'euros ; de prévoir des prêts de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) pour des changements de vecteurs énergétiques ; de mettre en oeuvre le dispositif sur la seconde vie.
Pour relancer la production de logements sociaux, l'accord prévoit notamment des prêts bonifiés de la Caisse des dépôts et consignations, d'un montant de 8 milliards d'euros. En outre, l'aide à la rénovation énergétique devrait permettre de remobiliser des fonds propres sur la production de logements.
Nous avons sans doute besoin de retravailler aussi les équilibres d'opérations et je tiens à vous le dire, car vous avez l'oreille des maires. Or, ils n'acceptent pas toujours de les faire évoluer, alors qu'il suffit parfois d'augmenter la part de prêt locatif social ou celle du logement locatif intermédiaire pour les relancer. Il faut aussi que les maires acceptent de travailler avec les promoteurs, car la moitié de la production des logements locatifs sociaux se fait dans le cadre d'une vente en l'état de futur achèvement (Vefa). Certaines opérations de promotion peuvent ne pas aboutir parce qu'un maire a refusé de modifier les équilibres.
Compte tenu de l'évolution des taux d'intérêt, il est nécessaire de revoir les équilibres économiques sur lesquels reposent les produits et d'adapter les programmes de promotion.
M. Frédéric Buval. - J'espère que les annonces que vous venez de faire porteront jusqu'à la Martinique, malgré la distance qui nous sépare de la métropole.
Les îliens ont tout ce qu'il faut pour ne pas être à l'aise avec la production de logements. Le foncier est une préoccupation importante sur notre île de 1 100 kilomètres carrés, dont la surface est à 80 % en zone agricole, alors qu'un tiers du territoire est en zone de prévention des risques majeurs et un autre tiers est soumis aux aléas climatiques, du fait de la montée des eaux. On nous propose de déplacer des quartiers entiers vers les mornes. Mais comment faire quand les mornes sont en zone agricole ?
La commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) empêche les maires qui voudraient réviser leur plan local d'urbanisme (PLU) de toucher aux zones agricoles et bloque les opérations immobilières.
Les outils permettant aux maires de travailler sur la rénovation urbaine, comme le programme Petites Villes de demain (PVD), se résument à des appels à projets qui ne peuvent satisfaire que 4 ou 5 communes sur les 34 communes que compte notre île. Certes, ils permettent de gagner en technicité, mais les maires se heurtent à un manque de financement pour assurer le suivi du programme.
Quant à la résorption de l'habitat insalubre (RHI), elle ne peut aboutir car les problèmes financiers s'accumulent. Les entrepreneurs finissent par tourner le dos quand il s'agit de mettre en place une opération de logement locatif social (LLS) ou de logement locatif très social (LLTS), car ils ne s'y retrouvent pas financièrement et que les délais de paiement peuvent atteindre six mois.
Comment comptez-vous nous aider à répondre à la demande importante de logements sociaux que nous connaissons à la Martinique ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - La situation que vous décrivez renvoie à la logique de différenciation que j'évoquais précédemment. Pour renforcer l'ingénierie et pour trouver des outils adaptés à une situation très spécifique, la solution ne peut être que locale. L'État mettra en place des mesures d'accompagnement financier, mais la solution est dans la stratégie d'aménagement urbain local.
Mme Marianne Margaté. - La flambée des taux d'intérêt renouvelle la question de l'aide à la pierre. En Seine-et-Marne, j'ai inauguré une opération de douze logements sociaux en tissu urbain, que l'État a contribué à financer à hauteur de 0,8%. Les bailleurs sociaux peinent, voire échouent, à mener à bien les constructions qu'ils entreprennent. La disparition de l'aide à la pierre remet en question l'équilibre économique du secteur.
Le département que je représente est à la fois très urbain et très rural, et comprend aussi une partie en développement. Le dispositif du prêt à taux zéro pourrait être mieux différencié, notamment en zone tendue, où l'on devrait pouvoir l'activer pour construire des logements individuels neufs pour les bénéficiaires du RSA (BRSA), ainsi que dans le cadre d'un prêt social location-accession (PSLA). Il s'agit là d'une attente clairement exprimée par la population. Cette possibilité contribuerait en outre à fluidifier le parcours résidentiel que nous souhaitons développer.
Il convient également de prévoir l'élargissement du PTZ dans les zones non tendues pour la construction de logements neufs lorsqu'il n'y a pas de logement ancien disponible. La situation est parfois en forte tension dans la grande couronne de l'Île-de-France.
Enfin, la présidente de la région Île-de-France, Mme Pécresse, souhaite imposer un seuil minimal de 30% de logements sociaux en PLAI et en prêt locatif à usage social (PLUS). À défaut, les communes ne pourraient pas construire de logement social. Une telle mesure interroge, car elle porte atteinte à la libre administration des communes. Comment analysez-vous la situation ? Il semble que les services de l'État soient réticents face à cette mesure dite " antighetto ".
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Lors du Congrès HLM de Nantes, j'ai annoncé que des crédits restaient disponibles au titre du Fonds national des aides à la pierre (Fnap) et qu'ils devaient être utilisés en priorité pour débloquer les opérations qui n'avaient pas pu aboutir. Vous pourrez m'envoyer la liste de celles auxquelles vous faites référence.
Le PTZ est ouvert à l'ensemble de l'accession sociale sur tout le territoire national et quelle que soit la zone.
Mme Marianne Margaté. - Même pour l'individuel et en zone détendue ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Si, les dispositifs d'accession sociale à la propriété comme le bail réel solidaire d'activité (BRSA) et le prêt social location-accession (PSLA) sont éligibles.
Quant à la décision de la présidente de la région Île-de-France, j'aspire surtout à ce que nous ayons un débat sur l'avenir du logement social. Si l'on considère, comme je le proposais précédemment, que le logement social doit fonctionner autour d'une répartition équilibrée entre les travailleurs clés, les soignants et les ménages précaires, je ne suis pas certain que la présidente de la région Île-de-France maintiendra sa décision.
Nous devons définir la vocation du logement social selon une conception à laquelle tous les élus de la République pourront se rallier. Les maires doivent se réapproprier le modèle du logement social plutôt que s'y opposer. Ils doivent pouvoir le développer sans contrainte.
Parvenir à dépassionner le logement social pour ne faire valoir que la nécessité qu'il représente pour nos concitoyens, tel est le rêve sur lequel j'aimerais conclure.
M. Daniel Gremillet. - En réalité, l'envolée des prix des matériaux a pour conséquence que de nombreuses communes renoncent à la rénovation énergétique faute de pouvoir la financer. Nous manquons d'une politique d'accompagnement pour permettre aux familles de faire face à l'accroissement des coûts de rénovation.
La loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux a pour effet de restreindre la possibilité de construire de nouveaux logements. Il faut donc reconquérir du bâti qui n'a plus de vocation, comme d'anciennes fermes, par exemple, en milieu rural. Or, la fiscalité est différente selon que l'on rénove la partie logement ou le bâti correspondant à une ancienne étable, quand bien même il servira à créer du logement. C'est une difficulté de plus pour les familles qui souhaitent investir dans la rénovation.
En outre, dans les communes, certains biens n'ont plus de vocation économique. Or, comme ils ne sont soumis à aucune fiscalité, personne ne les vend. Pour inciter les propriétaires à vendre, la fiscalité reste le moyen le plus efficace.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Dans le cadre du dispositif MaPrimeRenov', le Gouvernement a prévu en 2024 une aide à hauteur de 90% pour les ménages très modestes.
M. Daniel Gremillet. - Il n'y a pas que les ménages très modestes.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - J'entends bien. Nous avons prévu une enveloppe de 5 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024 pour la rénovation énergétique des logements dans le cadre des aides de l'Anah. Rien n'empêche de poursuivre dans cette voie.
Dans mon territoire, je constate que le facteur de blocage est moins dans le financement que dans la filière économique à monter. Certes, le coût est un obstacle, mais il y en a d'autres. Par exemple, dans les logements locatifs, l'isolation par l'intérieur, faute de technologie avancée sur les isolants minces, risque de faire perdre de la surface, donc du loyer. Le modèle économique de la rénovation énergétique n'est pas parfaitement abouti. En revanche, son évolution est positive et favorise les ménages les plus modestes.
En outre, lorsqu'un logement passe d'un DPE G à un DPE E ou D, la facture énergétique du locataire diminue, ce qui lui garantit un gain de pouvoir d'achat. L'aide de l'État ne sera sans doute jamais à la hauteur des attentes, mais elle progresse et le processus de la rénovation énergétique n'en est qu'à ses débuts.
Enfin, il existe une taxe sur les logements vacants. Pourquoi ne pas envisager de l'étendre ? C'est un sujet dont nous pourrons débattre dans le cadre de la loi Logement. Je vous livre une autre question sur laquelle il faudrait ouvrir la réflexion : faut-il déplafonner la taxe sur les logements vacants et donner la possibilité aux autorités organisatrices de l'habitat de la fixer librement ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci, monsieur le ministre, pour ces échanges passionnants et pour tous les sujets de réflexion que vous nous avez soumis. Nous aurons l'occasion d'en débattre avec vous très bientôt, notamment dans le cadre de la grande loi Logement que vous nous avez annoncée.
Source https://www.senat.fr, le 16 novembre 2023