Déclaration de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur les questions agricoles au sein de l'Union européenne, à Bruxelles le 20 novembre 2023.

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  • Marc Fesneau - Ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Circonstance : Arrivée au Conseil Agriculture et Pêche

Texte intégral

"Je suis très heureux d'être là pour ce Conseil des ministres de l'agriculture. Je voudrais relever trois points importants de ce Conseil. On aura un très gros conseil au mois de décembre comme vous le savez.

D'abord, le point qui est porté sur la question des NBT et des NGT, qui est évidemment un point d'étape avant ce qui sera dit et ce qui sera exprimé en décembre. Je voudrais saluer le travail de la présidence espagnole qui est un travail précieux d'accélération, d'engagement pour ces outils, qui sont des outils d'alternative, en particulier pour la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, mais aussi des outils précieux pour lutter contre les effets du dérèglement climatique. Je pense à ce que peuvent produire ces nouvelles techniques génomiques pour avoir des variétés plus résistantes à la sécheresse ou à la chaleur. La position française, c'est de faire en sorte que nous ayons des outils qui permettent et qui soient au service de cette transition sur les phytos et de cette transition qui nous est beaucoup plus imposée encore, celle du dérèglement climatique. Deuxième élément, disons que la proposition telle qu'elle a été posée par la Commission est dans ses grandes lignes satisfaisantes. On a des questions, il y aura un débat aujourd'hui, il y aura des débats dans les semaines qui viennent : Qui va dans quelle catégorie ? Quelles sont les contraintes et notamment la question de l'information du consommateur ? On verra à ce moment-là ce qui pourra être dit dans ce domaine et la place du bio là-dedans. Et puis deuxième sujet, c'est la question de la propriété intellectuelle. Il me semble qu'il faut qu'on ait des dispositions qui garantissent aussi la propriété des grandes entreprises comme des plus petites pour favoriser l'innovation. C'est sur la question NBT-NGT, ça nous paraît un élément important.

Il y a un deuxième point qui est un point forestier. Il n'est pas forcément de coutume que nous ayons un point forestier, et je trouve cela bien. Nous travaillons beaucoup avec nos collègues Autrichiens par exemple sur ces sujets-là, avec les Finlandais, les Suédois, parce que la forêt fait partie de l'équation de lutte contre le dérèglement climatique et de stockage du carbone. Il faut qu'on ait une approche forestière qui ne soit pas une approche uniquement sur la question environnementale. C'est une question environnementale, c'est une question économique, c'est une question sociétale comme on le sait, parce que ce sont ces trois fonctions-là qui sont exercées par la forêt. Mais il n'y aura pas de renouvellement forestier, il n'y aura pas de stockage du carbone si on ne trouve pas une équation économique aux forêts. Je pense que c'est bien que ça soit traité en format ministres de l'Agriculture, parce que c'est dans ce format là qu'on pourra combiner comme on le fait pour d'autres activités - les activités agricoles - les impératifs économiques, les impératifs environnementaux, les impératifs sociaux et sociétaux. Donc je suis très heureux qu'on puisse évoquer cette question forestière lors de ce Conseil des ministres de l'agriculture.

Troisième élément, la proposition française - cosigné par quasiment une dizaine de pays qui sera soutenu, je crois, par de nombreux autres - de réfléchir sur l'année 2024 à quelque chose qui n'est pas une dérogation comme celle qui a été produite en 2022, en 2023, mais qui est plutôt une question de bon sens : on sait très bien qu'on ne peut pas produire trois années de suite la même dérogation compte tenu de ce que sont les textes. Donc nous avons cherché une proposition qui permet à la fois de maintenir les objectifs en termes de biodiversité, et en même temps - parce qu'à un moment, ça ne peut pas être un vain mot et simplement être du discours - de maintenir des objectifs de production sur le continent européen. Je vais vous donner un seul chiffre qui justifierait à lui seul la proposition française, et qu'elle soit travaillée approfondie au niveau de la Commission : l'importation de céréales (blé, orge, maïs) en 2022, c'est 22 millions de tonnes. Cette année ce sera 40 millions de tonnes. Ne serait-ce que ça, Cela prouve qu'on a quand même un sujet qui est lié en partie d'ailleurs aux événements climatiques que nous avons connus sur le continent. Et je ne parle que de l'espace européen. Alors désarmer sur la question de la production, simplement parce qu'on aurait aucune volonté d'agilité dans le domaine, il me semble que ça serait une erreur tragique. C'est tragique pour l'Europe, c'est tragique pour les agriculteurs et c'est tragique à l'extérieur de nos frontières, parce que ce que nous prenons en importation, c'est aussi une tension qu'on met sur les marchés et sur la sécurité alimentaire mondiale. Donc on a besoin de poser cette question-là, ce n'est pas une question de production versus environnement. Justement, on a essayé de trouver un point d'équilibre qui est de dire dans la BCAE, puisqu'il s'agit d'elle, on groupe les 7 % en disant que tout élément qui permet de favoriser la biodiversité sans forcément passer par la jachère peut être comptabilisé, comme les haies, la rotation des cultures et les légumineuses, bref, les cultures dérobées. Je crois qu'on a essayé de poser une équation qui soit respectueuse de la philosophie qui a été portée lors du renouvellement de la PAC, respectueuse aussi du travail de la Commission. Et puis quand même axée aussi sur ce qui est un élément important : la sécurité et la souveraineté alimentaire. Je pense qu'on coche un certain nombre de cases et j'espère que nous aurons un débat qui permettra de commencer à compter. Et puis il faut écouter : quand vous avez autant de pays européens aussi divers du Nord comme du Sud, de l'Est comme de l'Ouest qui posent ces questions-là, c'est que sans doute il y a une question. Donc il serait bien qu'on essaie d'entendre la position qui est portée par la France. Et moi, je la porte avec grande résolution parce que je pense que c'est une question vraiment de crédibilité de la parole sur la question de la souveraineté alimentaire.

Voilà les trois sujets. Nous aurons un gros conseil dans un mois, mais celui-là l'est déjà avec quelques sujets qui sont des sujets intéressants.


Q - Sur les jachères, avez-vous avez déjà eu un premier retour de la Commission ?

M. Marc Fesneau : On va voir les retours, on va voir ce que dira le commissaire. J'attends de voir sa position, je n'ai pas d'éléments précis à date. Je souhaite qu'on puisse examiner sur le fondement de ce que je vous ai dit, notamment sur les questions d'importation, la réalité des choses. Les marchés restent profondément déstabilisés par la guerre en Ukraine - on en parle quasiment tous les mois en Conseil - et les marchés restent profondément et durablement déstabilisés par les sujets climatiques. Il suffit de voir la sécheresse en Espagne, la sécheresse et les inondations en Italie et dans beaucoup de pays d'Europe, plus une incertitude sur l'année 2024, quand on voit ce qui se passe, en particulier en France, en Belgique ou ailleurs. C'est donc la raison qui doit l'emporter, me semble-t-il. Alors s'il faut prendre un peu de temps pour y réfléchir, pas de difficultés. On verra ce que nous dit la Commission, mais la réalité s'impose à nous comme à tout le monde. Quand vous êtes-vous êtes ce haut degré d'importation et que l'Europe n'est pas capable de couvrir ses besoins en céréales à ce point-là, c'est un sujet qui doit vous interroger sur la jachère sans aucune vocation, alors qu'on peut très bien avoir des cultures qui aient des vocations de biodiversité, de stockage du carbone, de stockage de l'azote, pour faire en sorte qu'on tienne aussi nos objectifs. J'ai tenu à avoir une proposition qui tienne des objectifs environnementaux - et je ne crois pas qu'on puisse dire que ce n'est pas le cas - mais qui tienne aussi les objectifs de souveraineté. Cela montre bien que ça peut être compatible.

Q - Sur les MBT, est-ce que vous pouvez résumer les positions françaises sur les deux points que vous avez évoqué : étiquetage et identification, coexistence...

M. Marc Fesneau : Je réitère ce que j'ai dit, c'est à dire la question de l'ouverture de la propriété au plus grand nombre, parce qu'il nous semble qu'il ne faut pas freiner la capacité de recherche et d'innovation des grands groupes, évidemment, mais aussi des plus petits, parce que c'est là aussi qu'on trouvera beaucoup d'innovation. Et puis sur la question de l'étiquetage, avec des débats divers et variés. On a un sujet sur le bio, effectivement. Un certain nombre de gens de la filière bio disent, qu'il ne faut pas qu'on puisse faire du bio avec ça parce que ça sera indistinct avec des NBT-NGT. C'est intéressant d'ailleurs, parce que cela veut dire que ça n'est pas une modification si substantielle, puisque manifestement on pourrait la retrouver dans la nature. C'est quand même un élément qui va dans le sens de la crédibilité de notre parole sur NBT-NGT, puisqu'on ne pourrait pas les distinguer. D'autre part, il faut regarder avec la filière bio. Je vois aussi des impasses en bio, des impasses techniques. Comme vous le savez, le bio utilise des produits non chimiques, il utilise des produits non phytopharmaceutiques, mais il utilise des produits. Mais après les acteurs de la filière bio au niveau européen au niveau français diront ce qu'ils ont à dire sur le sujet, mais en tout cas je pense que c'est une bonne question qui est posée".


Source https://ue.delegfrance.org, le 21 novembre 2023