Texte intégral
ALIX BOUILHAGUET
Philippe VIGIER, bonjour !
PHILIPPE VIGIER, MINISTRE DELEGUE CHARGE DES OUTRE-MER DE LA FRANCE
Bonjour !
ALIX BOUILHAGUET
On va, je venais de le dire, évoquer très largement la situation en Outre-Mer. Mais vous êtes ancien député du MODEM, et j'imagine que vous êtes proche de Sandrine JOSSO. Cette députée de votre parti accuse le Sénateur Joël GUERRIAU de l'avoir droguée à son insu pour abuser d'elle. Est-ce que vous avez de ses nouvelles ? Est-ce que vous savez comment elle va aujourd'hui ?
PHILIPPE VIGIER
Ecoutez, d'abord, c'était un véritable drame. Je connais très bien Sandrine JOSSO puisque d'ailleurs, elle est venue avec moi au groupe démocrate à l'Assemblée nationale. J'ai échangé avec elle, un moment très difficile, naturellement. Chacun le comprend bien. Et je souhaite que la justice fasse son travail jusqu'au bout parce que ce qui est arrivé est totalement inacceptable. Il va falloir qu'elle se reconstruise, et ça lui sera difficile.
ALIX BOUILHAGUET
Vous avez été surpris par cette affaire ? Qu'est-ce que ça révèle, ce genre de… ?
PHILIPPE VIGIER
C'est une affaire… Bien sûr, surpris. Mais il faut dire que malheureusement, on retrouve chez les parlementaires, dans la classe politique, ce qu'on retrouve dans la société française, et ces violences que l'on voit, les violences faites aux femmes. Vous savez, samedi, j'irai faire une marche blanche pour une femme qui a été victime d'un féminicide que je connaissais bien, puisqu'elle travaillait avec moi dans mon laboratoire médical à Châteaudun.
ALIX BOUILHAGUET
C'est l'heure du bilan d'Etat pour le Comité interministériel des Outre-Mer qui s'est déroulé le 18 juillet. 72 mesures concrètes. Un mot pour commencer sur l'eau. Les habitants de Mayotte subissent une sécheresse exceptionnelle, l'eau du robinet ne coule que 18 heures consécutives tous les trois jours. Où est-ce que vous en êtes dans la distribution de l'eau dans l'Archipel ?
PHILIPPE VIGIER
D'abord, le Gouvernement a pris à bras-le-corps ce sujet de l'eau. Rappelons une chose. L'eau, normalement, comme l'assainissement, comme les déchets, c'est l'affaires des élus locaux. Vous voyez, l'ancien maire que je suis, pendant de longues années, le sait, et puis je l'ai mis en application. Qu'est-ce que nous faisons ? Nous sommes là, d'abord, pour secourir celles et ceux qui ont le plus besoin d'eau, donc les personnes les plus fragiles. Depuis le 2 septembre, 51 000 personnes sont destinataires de bouteilles d'eau. Depuis deux jours, le 20 novembre dernier, c'est toute la population à qui nous distribuons de l'eau. Et puis…
ALIX BOUILHAGUET
Combien ? C'est un litre d'eau ?
PHILIPPE VIGIER
Oui, c'est très simple, c'est 350 000 litres par jour qui sont distribués avec une chaîne de solidarité formidable. Il y a les pompiers qui sont là, le centres communaux d'action sociale, des centaines de bénévoles, des jeunes du… ce qu'on appelle le service militaire adapté. Bref, on a réussi à organiser cela en quelques semaines. Pari tenu. Engagement respecté.
ALIX BOUILHAGUET
Certains disent qu'on aurait pu éviter la distribution de bouteilles en plastique, parce qu'effectivement, ça engendre de la pollution, et qu'il aurait fallu mettre en place une unité de dessalement de secours.
PHILIPPE VIGIER
Alors ceux qui disent ça ne connaissent pas du tout la question. Je les invite à venir avec moi la semaine prochaine à Mayotte, puisque j'y retourne pour la quatrième fois. Vous expliquez…
ALIX BOUILHAGUET
Vous serez avec Elisabeth BORNE aussi ?
PHILIPPE VIGIER
Elisabeth BORNE y retournera, et je l'accompagnerai, naturellement, le 8 décembre. Mais revenons une seconde sur les bouteilles d'eau. On a mis en place quelque chose d'important. Je vous donne une bouteille d'eau, vous me rendez la bouteille vide. Donc vous voyez ? Donc le fait d'une catastrophe écologique qu'on peut engendrer, c'est faux. C'est annoncé, une fois de plus, ce sont ceux qui sont toujours là en train de commenter le désastre et d'expliquer qu'on va faire des choses abominables. Je vais vous dire qu'on n'a pas fait que cela sur l'eau. Depuis le 2 septembre, nous en sommes à plus de 7500 mètres cubes d'eau par jour en plus produits. Ceux qui parlent de désalinisation, il y a une petite unité, vous voyez, - Je vais très précisément vous dire les choses. - qui va permettre d'augmenter la désalinisation. Dans trois jours, elle sera opérationnelle. Et surtout…
ALIX BOUILHAGUET
Pourquoi elle a pris du retard, cette unité de dessalement ? Parce que…
PHILIPPE VIGIER
Mais elle n'a pas pris de retard du tout. Simplement, il y a déjà une petite unité qui existait, et en moins de trois mois, on augmente sa capacité de production. Et puis on a une grande unité qui doit être… cette grande unité qui va être mise en place.
ALIX BOUILHAGUET
C'est celle-ci qui a pris du retard, cette grande unité de dessalement ?
PHILIPPE VIGIER
Mais oui, mais une fois de plus, c'est le syndicat qui, normalement, doit gérer ce problème-là. Nous avons déployé des techniciens qui viennent soutenir, que nous finançons d'ailleurs sur les fonds du ministère, et qui sont en train d'élaborer à la fois l'analyse des offres avec le syndicat de manière à ce que cette unité, mais entendez la date, elle ne sera pas opérationnelle avant le printemps 2025. Le printemps 2025 parce que…
ALIX BOUILHAGUET
Donc, d'ici là, cela veut dire quoi pour la population ? C'est-à-dire qu'elle peut se retrouver dans des situations de crise comme celle-là ?
PHILIPPE VIGIER
Vous savez, j'ai déjà eu l'occasion de le dire sur tous les plateaux, qu'est-ce qui se passe ? La saison des pluies arrive. Ça veut dire que l'eau, comme elle va tomber par définition, va tomber dans les bassines et ça nous permettra ensuite, ces grandes bassines, il y a deux très grandes bassines à Mayotte il devrait y en en avoir trois, mais comme il y a eu un blocage politique pendant plus de dix ans, ça n'a jamais été fait, ça y est, la troisième maintenant, l'enquête publique est lancée… Et l'eau qui coule, le robinet, elle vient de ces grandes bassines. Or, on ne va pas chercher de l'eau dans le sous-sol, j'ai décidé d'accélérer le nombre de forages, nous y sommes, on lutte contre les fuites, on fait de l'interconnexion. Bref, nous sommes un peu les ouvriers de l'eau pour améliorer et faire en sorte que, dès le mois de février 2024, il devrait y avoir de l'eau qui coule normalement au robinet des Mahoraises et des Mahorais. Pour autant, pour autant, je le redis avec force avant le printemps 2025, on n'aura pas de sécurité 24h/24 comme vous l'évoquiez.
ALIX BOUILHAGUET
Donc, encore, une période peut être éventuellement compliquée pour les Mahorais ?
PHILIPPE VIGIER
Mais avec les financements de l'Etat, pardonnez-moi mais avec les financements de l'Etat, l'Etat met d'ici le 31 décembre, près de cent millions d'euros à Mayotte pour l'eau ; mettra pour les quatre prochaines années, 400 millions d'euros, c'est l'Etat qui finance. Vous voyez, l'État est là.
ALIX BOUILHAGUET
Je reste sur cette problématique de l'eau, vous avez créé la polémique en Guadeloupe, qui est aussi actuellement confrontée à des problèmes de pollution d'eau du robinet. En résumé, vous avez dit aux habitants en tout cas, c'est comme cela qu'ils l'ont compris : « Il suffit de faire bouillir de l'eau et tout va s'arranger ».
PHILIPPE VIGIER
Pas du tout. Alors, je vais vous dire, c'est un de nos confrères…
ALIX BOUILHAGUET
Est-ce que vous regrettez ces propos qui sont en tout cas un peu simplistes ?
PHILIPPE VIGIER
Je vais vous expliquer, les propos ne sont pas simplistes, simplement, quand vous enlevez simplement une phrase d'un paragraphe, vous le vider de son sens. Vous avez devant vous quelqu'un qui est biologiste, 35 ans d'analyse d'eau, donc je sais à priori de quoi je parle. Qu'est-ce que j'ai dit ? En Guadeloupe, qu'est ce qui se passe ? L'eau qui coule à votre robinet, il vient d'où ? C'est de l'eau qu'on va chercher dans les rivières. Or, il se trouve qu'il pleut beaucoup parce qu'il y a beaucoup d'eau en Guadeloupe et lorsqu'il pleut beaucoup, la rivière, elle est trouble. Très bien, et après la pluie, pour qu'elle ne soit plus trouble, elle part d'un système de filtration qui ne marche pas. Pourquoi ? Là encore, là encore, non mais j'explique, il faut aller jusqu'au bout de la pédagogie, je ne lâcherai rien passer là-dessus, pourquoi ? Parce que c'est tout, il faut bien la filtrer. Or, les unités de filtration ne fonctionnent pas. Donc, j'ai simplement dit que pour un usage sanitaire, qu'est-ce que c'est " sanitaire " ? Par exemple, le lavage des mains, il fallait la faire bouillir. Pourquoi ? Parce que lorsque vous faites chauffer l'eau, mais là, Non mais attendez, non, non, c'est trop important pour que je laisse dire n'importe quoi là-dessus. Lorsque vous faites bouillir l'eau, vous tuez les bactéries, c'est le principe de la pasteurisation. Moi, mon cousuet (phon), c'est protéger les populations pour l'usage sanitaire. Donc je vais tout expliquer simplement, un de vos confrères enlevait une phrase. Donc, vous voyez, quand je fais une explication et en ce moment même…
ALIX BOUILHAGUET
Mais ça pouvait donner l'impression que c'était une forme de situation pour pérenniser les choses et se dire : " Ecoutez, vous avez de l'eau contaminée, vous la faites bouillir et puis et puis basta ".
PHILIPPE VIGIER
Ça, c'est votre interprétation. C'est faux. Ça me permet de dire que j'ai imposé, je dis bien imposé le fait que les analyses d'eau soient faites tous les jours, mais attendez, plus que cela, transparence sur les résultats, on les a donnés aux mairies. Donc, j'espère que vous êtes définitivement convaincus…
ALIX BOUILHAGUET
Ça va s'arranger donc ? L'eau ne sera plus contaminée parce que c'est ça l'objectif ?
PHILIPPE VIGIER
Mais ce n'est pas contaminé, elle n'est pas contaminée. C'est pour éviter tout risque de contamination. Les mots ont leur sens. Avec la médecine, on ne peut pas faire de l'à peu près, on doit dire les choses extrêmement précisément. En Guadeloupe, oui, ça va s'arranger pour une autre raison, c'est qu'on a signé un contrat de 320 millions d'euros et donc vous voyez, c'est très bien que vous me posez cette question, l'Etat, nous nous mettons cent millions dans la région, mais 80 millions le département, met vingt millions…. On a des retards considérables. Donc, nous, vous voyez, il y a une fois de plus sur une compétence qui n'est pas la nôtre, nous mettons les financements sur la table pour faire en sorte que les Guadeloupéens et les Guadeloupéennes, les Mahoraises et les Mahorais, mais ce sujet-là vous savez, je vais vous dire pourquoi j'en parle avec cœur, parce que pendant vingt ans, j'ai fait ça dans mon territoire, en Eure-et-Loir, donc je sais de quoi je parle.
ALIX BOUILHAGUET
Vous savez de quoi vous parlez ?
PHILIPPE VIGIER
Et moi je ne veux surtout pas, et je ne veux surtout pas que des Mahorais et des Mahorais et des Guadeloupéennes et les Guadeloupéens aient de l'eau qui ne soit pas de bonne qualité.
ALIX BOUILHAGUET
Il y a un deuxième problème majeur dans les territoires ultramarins, c'est la cherté de la vie. Il y a un exemple, à La Réunion, par exemple, selon l'INSEE, les produits alimentaires sont 37% plus cher que dans l'Hexagone. Concrètement, comment vous pouvez faire ? Quelle est votre marge de manœuvre pour faire baisser ces prix ?
PHILIPPE VIGIER
Ce n'est même pas 37%, c'est 42%. Et pourquoi ? Alors on a mis en place déjà ce qu'on appelle un bouclier qualité prix qui permet sur un ensemble de produits, donc, notre panier de la ménagère, de faire en sorte de le stabiliser. Ça a marché, ça a été mis en place en 22, en 23, Ça marche. Deuxièmement, j'ai lancé avec Bruno Le MAIRE, avec Gérald DARMANIN, une commission d'enquête avec l'Assemblée nationale et la Commission du développement économique une mission gouvernementale pour connaître les raisons de cette vie chère et notamment lutter contre les monopoles.
ALIX BOUILHAGUET
Vous avez saisi la commission des affaires économiques à l'Assemblée, justement pour décortiquer la formation des prix, savoir où il y avait de la marge.
PHILIPPE VIGIER
Absolument.
ALIX BOUILHAGUET
Alors, quelles sont ses marges possibles ?
PHILIPPE VIGIER
Mais attendez…
ALIX BOUILHAGUET
Vous attendez le retour ?
PHILIPPE VIGIER
On a signé… La mission, c'est un engagement qu'on avait pris avec Gérald DARMANIN cet été en Polynésie, vous voyez, il est tenu cet engagement est signé, la lettre de mission est signée. Guillaume KASBARIAN, président de la Commission économique, de façon Trans partisane va pouvoir faire ce travail. Il nous rendra ses conclusions…
ALIX BOUILHAGUET
Donc vous pouvez rassurer aujourd'hui les ultramarins, non mais juste leur dire que : « Oui, les prix vont finir par baisser ? ».
PHILIPPE VIGIER
Evidemment, on va tout faire pour que les prix baissent. Mais il n'y a pas que ça, je veux dire, en matière de gaz, en matière d'électricité. Le bouclier fonctionne pour les particuliers et les entreprises. Ils payent l'énergie le tiers du prix réels.
ALIX BOUILHAGUET
Et les carburants ? Parce que là aussi, En Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, c'est beaucoup plus cher qu'en Métropole.
PHILIPPE VIGIER
C'est 18 centimes de plus. Il y a une compagnie qui s'appelle la SARA, et donc on va tout faire pour transformer cette raffinerie de manière à ce qu'elle continue de travailler dans des bonnes conditions, et que ça permette naturellement, derrière, d'avoir un prix inférieur pour les Guadeloupéens, pour les Guyanais et les Martiniquais. Alors vous voyez, nous sommes, sur ce sujet de la vie chère, sur tous les fronts et sur tous les sujets importants. C'est le problème de la souveraineté économique, plus vous produisez sur place, moins vous importez ; et moins vous importez, et moins il y a de coûts. Vous voyez, on va aller beaucoup plus loin, c'est quelque chose dont il faut parler. Ça fait 25 ans qu'on en parle, on va le résoudre. Printemps prochain, c'est quoi ? Les normes sur les matériaux ne seront plus les normes de l'Union Européenne mais les normes des régions ultrapériphériques, donc on pourra utiliser des matériaux différents, donc moins chers. Donc vous voyez que la vie chère est pour nous un sujet majeure dans les territoires ultramarins.
ALIX BOUILHAGUET
Eh ben on se reverra, et on prend date. Merci beaucoup Philippe VIGIER.
PHILIPPE VIGIER
Merci beaucoup.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Merci beaucoup Monsieur le ministre.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 novembre 2023