Texte intégral
Monsieur le président,
Monsieur le président de la commission des finances,
Monsieur le rapporteur général,
Tout d'abord, je tiens à saluer Raphaël Zahiri, qui m'accompagne dans le cadre de la semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées.
L'insertion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail, et plus largement dans la société, est un enjeu majeur. Je le dis à Raphaël, et à travers lui, à toutes les personnes porteuses d'un handicap : vous avez toute votre place dans notre société et, pour cela, vous pouvez compter sur notre engagement total.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je m'exprime devant vous dans une période complexe.
La conjoncture économique internationale ralentit. Plusieurs de nos partenaires connaissent aujourd'hui un ralentissement de leur croissance.
L'inflation continue de pénaliser nos compatriotes, en particulier les plus modestes, malgré les mesures prises ces derniers mois, et le début de ralentissement des prix.
Des inquiétudes fortes demeurent, liées à la situation au Proche Orient et à la situation en Ukraine.
1. Dans cette période, je veux dire ma confiance dans la capacité de l'économie française à tenir et à dégager des perspectives pour l'avenir.
Nous avons de la croissance et nous en aurons davantage l'année prochaine :
• Nous ferons 1% de croissance en 2023 ;
• La Commission européenne vient de réévaluer ses prévisions pour 2024 à 1,2%, en se rapprochant des 1,4% qui ont été retenus par le Gouvernement pour le PLF 2024. L'inflation reflue en France et dans la zone euro. Nous sommes en train de gagner le combat contre l'inflation en deux ans seulement, alors qu'il nous avait fallu dix ans dans les années 1970-1980.
L'emploi marque certes le pas, mais nous avons encore des perspectives de créations d'emplois dynamiques pour les années qui viennent, avec de beaux projets industriels.
Nous devons donc regarder la réalité et l'avenir avec confiance, pour peu que l'on mesure à quel point les mois et les années qui viennent sont décisifs pour définir la France des prochaines décennies.
Il faut donc tenir une ligne de très grande clarté et de très grande fermeté.
Quelle est cette ligne ?
2. D'abord, une ligne de clarté et de fermeté sur les comptes publics.
Ce projet de loi de finances garantit un déficit de 4,4% pour 2024.
Nous avons toujours tenu nos objectifs de déficit, à l'exception de la période exceptionnelle du Covid, et nous tiendrons cet objectif de 4,4%.
Nous le ferons en premier lieu en sortant des boucliers tarifaires sur l'électricité et sur le gaz.
Je rappelle que nous continuons à assumer une partie de la facture de nos compatriotes sur l'électricité, mais que nous devrons progressivement abandonner les dispositifs de soutien pour les ménages et les entreprises.
Faut-il accélérer la sortie du bouclier électricité comme le propose le Rapporteur général Jean-François Husson ? Je le remercie d'avoir fait cette proposition utile, intéressante et justifiée – du moment que les tarifs n'augmentent pas de plus de 10% en février 2024, comme je m'y suis toujours engagé.
J'ajoute que nous ferons aussi des économies sur la politique de l'emploi et le retrait des dispositifs à destination des entreprises.
Nous respecterons en deuxième lieu notre engagement sur le déficit grâce aux revues des dépenses voulues par la Première ministre.
Nous avons déjà engagé certaines de ces revues de dépenses. Elles permettront de dégager 2 Md€ d'économies à terme sur le PINEL et le PTZ et plusieurs centaines de millions d'euros sur les politiques de l'emploi.
Enfin, nous y parviendrons en troisième lieu par les économies supplémentaires proposées par les parlementaires.
Je salue le travail qui a été fait par la majorité à l'Assemblée nationale, et notamment par le Rapporteur général Jean-René Cazeneuve en ce sens, avec 1 Md€ d'économies supplémentaires qui ont été trouvées – dont 600 M€ sur le gel des allégements de charge et la reconduction de la contribution sur la rente infra-marginale.
Le temps des économies est venu.
Nous tiendrons l'objectif de 4,4% en 2024 mais nous tiendrons aussi notre objectif de revenir sous les 3% en 2027.
Pour cela, nous inscrirons le sérieux budgétaire dans la durée.
Nous devrons notamment poursuivre chaque année les revues de dépenses, en ciblant une dizaine de secteurs.
Pour être efficaces et durables, ces revues de dépenses doivent aussi s'inscrire dans une réflexion globale sur les missions de l'Etat, sur le périmètre de l'action publique et sur nos choix fondamentaux de politique sociale. L'organisation administrative de la France doit être organisée : c'est le sens de la mission confiée à Eric Woerth et je souhaite qu'il soit auditionné dans le cadre du Haut Conseil aux Finances Publiques Locales.
3. Après les comptes publics, nous avons besoin d'une ligne de clarté et de fermeté sur la croissance.
Car le plus important, au bout du compte, c'est la croissance. C'est elle qui permet de créer des emplois et de la richesse pour nos compatriotes.
C'est pour cette raison que nous maintiendrons la politique de l'offre qui a fait notre succès ces six dernières années.
Grâce à elle, nous avons créé 2 millions d'emplois dont 100 000 emplois industriels, ouvert 300 usines, relancé des filières industrielles et fait de la France le pays le plus attractif en Europe.
Notre détermination à maintenir la politique de l'offre se lit d'ailleurs dans ce budget 2024 avec la baisse d'1 Md€ des impôts de production, qui doit nous amener à supprimer définitivement la CVAE dans les meilleurs délais.
Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, la seule baisse d'impôts majeure en 2024 est faite pour les PME, pour le monde industriel, pour les entreprises.
On ne peut exprimer plus clairement notre détermination à tenir notre ligne de politique économique.
Nous renforcerons par ailleurs cette politique de l'offre dans les prochains mois avec un effort massif de simplification de la vie des entreprises.
Nous devons simplifier les règles, les normes, les contraintes pour leur permettre de se concentrer sur leur développement économique.
Nous continuerons aussi à viser le plein-emploi, ce qui n'est pas arrivé depuis un demi-siècle.
Mais je veux être très clair : nous n'y arriverons pas à modèle constant, sans mesures fortes sur quatre chantiers prioritaires.
Donnons-nous les moyens de nos ambitions, comme le président de la République l'a rappelé.
• Le premier chantier, c'est l'assurance-chômage.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire de 7% de taux de chômage ; le plein emploi c'est 5%. Pour cela, nous devons poursuivre la transformation de notre modèle économique et sociale.
Il y a une réalité inavouable : les portes des entreprises se ferment devant les plus de 55 ans, c'est insupportable. Je suis favorable à aligner la durée d'indemnisation chômage des plus de 55 ans, qui est de 27 mois, sur celle des autres chômeurs, qui est de 18 mois. On ne peut transformer l'assurance-chômage en retraite ; l'économie française ne peut être privée de compétences précieuses pour elle, celles des plus de 55 ans.
La différence de traitement actuelle ne rend pas justice au savoir-faire, à l'expérience et à l'utilité de ceux que l'on appelle à tort " les seniors " dans le monde du travail. Ce sont des travailleurs comme les autres et qui doivent être traités comme tel.
La responsabilité des entreprises, c'est de garder les plus de 55 ans et d'en embaucher, plutôt que d'utiliser l'assurance-chômage comme un moyen de préparer leurs retraites.
Il n'y a pas de fatalité. Je rappelle que le taux d'emploi des plus de 55 ans est de 16 points supérieur en Allemagne.
Assez d'hypocrisie, modifions l'assurance-chômage et allons vers les 5% de taux de chômage en France.
• Le deuxième chantier, c'est le logement.
Nous devons permettre aux Français de pouvoir se loger dans les zones où il y a du travail. Cela peut sembler être une évidence mais nous sommes loin du compte.
Nous avons besoin de mesures fortes.
C'est ce que nous avons commencé à faire avec un plan en faveur du logement social et du logement intermédiaire annoncé par la Première ministre.
C'est également le cas avec la refonte du prêt à taux zéro, dont le nouveau barème va bénéficier à 6 millions de ménages éligibles supplémentaires.
Nous devons enfin aller plus loin sur la simplification des normes qui alourdissent la construction et la mobilité résidentielle. C'est le but du futur projet de loi logement que le Gouvernement portera en 2024.
• Le troisième chantier, c'est la productivité par l'éducation et l'innovation.
Quand la nation fait face à une révolution technologique majeure, qui va définir les nouveaux rapports entre puissances, il est essentiel d'investir dans l'éducation et l'innovation.
L'éducation est le premier enjeu économique de la nation. Une grande nation doit miser sur son avenir. C'est pourquoi nous avons augmenté le budget de l'Education nationale et revalorisé les enseignants.
L'innovation est également clef. La France est à la croisée des chemins. Ou bien elle laisse les autres prendre de l'avance et elle rate le tournant de l'intelligence artificielle comme elle a raté le tournant numérique il y a vingt ans. Ou bien elle innove en s'appuyant sur les meilleurs ingénieurs, les meilleures données, des fleurons comme Dassault et des pépites comme Mistral IA. La France se doit aussi de féminiser ses écoles d'ingénieurs : je le rappelle, je suis pour les quotas dans ces écoles.
• Le quatrième chantier, c'est la réindustrialisation.
Nous devons redevenir une grande nation de production industrielle et agricole. Et par ailleurs, la première économie décarbonée en Europe à horizon 2040.
Là encore, nous avons marqué des points mais nous sommes à un tournant : il faut accélérer si nous voulons transformer l'essai.
Pour cela nous devons saisir une opportunité historique : la transition climatique.
J'ai porté il y a quelques mois une grande loi "industrie verte", adoptée largement par le Parlement. Je salue une nouvelle fois la qualité de nos débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle.
Elle permettra de réduire les délais d'installation d'usines, de faciliter l'accès au foncier ou encore de mieux flécher les investissements pour produire des éoliennes, des panneaux solaires, des batteries électriques, des pompes à chaleur…
Dans le même esprit, nous mettons en place dans ce budget 2024, pour la première fois en Europe, un crédit d'impôt vert pour encourager le développement de nouvelles filières industrielles et répondre à l'IRA américain.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 28 novembre 2023