Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, à France Info le 12 décembre 2023, concernant le projet de loi sur l'immigration et le refus de l'Assemblée nationale d'en débattre.

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Média : France Info

Texte intégral

GERALD DARMANIN
Moi, je suis heureux d'être aujourd'hui dans le Val-de-Marne, puisque comme je le fais quasiment tous les jours depuis que je suis ministre de l'Intérieur, je rends visite aux effectifs de police et de gendarmerie. Et ici, heureux d'annoncer des augmentations d'effectifs, puisque c'est 14 policiers en plus dans cette circonscription, ici. Et je veux remercier le député Michel HERBILLON et la maire pour leur travail et les très bons résultats qu'ont le préfet de police et les policiers dans le Val-de-Marne. Puis c'est évidemment une occasion aussi pour moi de continuer à essayer de convaincre, parce que je vous constate nombreux, et je vous en remercie, pour vous dire qu'évidemment, c'est très important de pouvoir continuer à donner des moyens aux policiers et aux gendarmes pour lutter contre l'immigration irrégulière, pour lutter contre la délinquance étrangère. Moi, je regrette profondément que nous perdions du temps pour protéger les Français. Et je veux vous dire la motivation extrêmement forte qui est la mienne pour obtenir des mesures contre l'immigration irrégulière, contre la délinquance étrangère le plus rapidement possible.

INTERVIEWEUSE
Monsieur, quelles sont vos préconisations ? Est-ce que le texte doit retourner devant une Commission mixte paritaire ? Est-ce qu'il faut reprendre la version du Sénat ? Qu'est-ce que vous allez proposer au chef de l'Etat ?

GERALD DARMANIN
Alors d'abord, moi, je veux dire que ce n'est pas un texte pour moi, c'est un texte pour les Français. Ce n'est pas un texte pour les députés, c'est un texte pour les Français, c'est un texte pour la France. C'est un projet de loi qui est soutenu très largement par la population, tous les sondages le montrent. C'est des mesures qu'ont pris beaucoup de pays autour de nous, de fermeté. Et il faut ces mesures. Et donc je souhaite que les mesures de ce projet de loi, les mesures qui sont importantes et plébiscitées, puissent le plus rapidement possible être adoptées. L'Assemblée nationale n'a pas voulu en débattre. Bon, c'est un fait, et je le regrette profondément. Moi-même, étant député, je pense que le rôle des députés est de débattre et de légiférer, mais ils n'ont pas voulu le faire. Effectivement, institutionnellement, le texte est désormais possiblement en Commission mixte paritaire. Quel que soit le chemin… Et nous allons décider dans quelques heures. Quel que soit le chemin que nous emprunterons, moi, je veux très rapidement, pour les policiers, pour les magistrats, pour les préfets, des mesures de fermeté. Et ce texte, j'espère que d'ici la fin de l'année, nous aurons la possibilité de donner ces compétences, ces moyens supplémentaires plébiscités par les Français aux policiers, parce que nous devons lutter fortement contre cette immigration irrégulière.

INTERVIEWEUSE
Est-ce que l'Assemblée nationale va continuer à fonctionner de cette manière ? Est-ce qu'aujourd'hui, vous dites : " La dissolution va, de toute façon, inévitablement arriver " ?

GERALD DARMANIN
Ecoutez. Moi, hier, j'ai regretté la politique politicienne, les alliances contre nature. Et puis pour faire un petit coup, on a finalement joué contre la France, on a joué contre ces fonctionnaires. Donc je ne vais pas moi-même, ce matin, parler ou commenter, aborder des questions qui ne me concernent pas, puisqu'elles appartiennent au Président de la République, et puis ensuite qui relèvent de l'actualité politique. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la protection des Français. Tant que je serai ministre de l'Intérieur, jusqu'à la dernière minute, ce sera la protection des Français. Donc demain, par exemple, je vais aller à Calais rencontrer, toute la journée, les effectifs de police et de gendarmerie qui luttent contre l'immigration irrégulière, auprès d'une population qui connaît ses difficultés, auprès de ma région qui a besoin de ces mesures, je le sais. On a eu beaucoup de retours des habitants de ma région, des Hauts-de-France, beaucoup de regrets que les parlementaires n'aient pas pris leurs responsabilités. Mais je veux dire aux habitants, je veux dire aux Français, je veux dire aux policiers et aux gendarmes, ma grande persévérance et ma grande motivation pour que nous adoptions très rapidement, pour convaincre… Et j'espère retrouver le sens des responsabilités des partis du Gouvernement pour que nous adoptions très rapidement des mesures extrêmement fortes contre l'immigration irrégulière. Ce projet de loi, il est très important pour la protection des Français, donc je propose qu'on fasse une petite pause dans la politique politicienne, qu'on ait compris le sens profond de la mission qui est la nôtre, la protection des Français. Et encore une fois, ces mesures sont très importantes, et je me battrai jusqu'aux derniers instants pour pouvoir l'obtenir.

INTERVIEWEUSE
Certains des députés Républicains disent que vous les avez maltraités, pas assez traité en tout cas. Est-ce que vous avez quelque chose à leur répondre aujourd'hui ?

GERALD DARMANIN
Mais moi je pense qu'il n'y a pas une question personnelle. Je pense que ce qui est important quand on fait de la politique, c'est pour l'intérêt général. Est-ce que ce texte était populaire ? Oui. Est-ce que ce texte était de grande fermeté ? Oui. Est-ce que ce texte méritait qu'on cite, qu'on y travaille, qu'on y mette de l'énergie ? Oui, qu'on dépasse ces clivages politiques ? Oui, bon, ce qui a été fait sur les retraites aurait pu être fait sur la sécurité et l'immigration, ça n'a pas été fait, je le regrette. Ce n'est pas le cas de tous les parlementaires, bien évidemment. J'ai constaté qu'une grande partie malgré tout, des parlementaires de l'opposition ont soutenu le texte. Je rappelle que l'intégralité du groupe Liot, plus de vingt parlementaires du groupe LR n'ont pas souhaité suivre cette motion de rejet contre nature. Moi je pense qu'on peut évidemment continuer à convaincre, c'est très important et de continuer surtout à se battre pour avoir des mesures qui ne désarment pas nos policiers, nos gendarmes. Vous savez, les policiers, les gendarmes, ceux que je viens de rencontrer aujourd'hui, ceux que je rencontrerai demain à Calais, ceux que j'ai rencontré avant-hier à Menton, c'est des gens qui ne font pas de politique politicienne. Tous les jours, ils sont sur le terrain. Tous les jours, ils disent : " Mais, monsieur le Ministre, on n'arrive pas à inspecter les véhicules, on ne peut pas regarder ce qui se passe dans un véhicule à la frontière et vous demandez de maîtriser la frontière, ce n'est pas possible. On ne peut pas prendre les empreintes d'un étranger, ce n'est pas possible. On ne peut pas confondre quelqu'un qui est un passeur de crime alors qu'on sait qu'il exploite des enfants et qu'ils vont peut-être mourir dans la Méditerranée ou dans la Manche. On ne peut pas attaquer des marchands de sommeil, c'est-à-dire ces logeurs qui mettent de la mérule dans leur habitation et qui les louent à des femmes enceintes. On ne peut pas combattre les entreprises qui embauchent des personnes sans papiers qui les exploitent ". Moi, je suis un ministre en responsabilité. Mon travail, c'est de donner les moyens aux policiers, aux gendarmes, indépendamment de la politique politicienne, pour pouvoir avancer. Donc, je veux redire ma grande motivation pour avancer, ma grande persévérance. Je serai sur le terrain tous les jours. J'essaierais de convaincre, les uns et les autres pour pouvoir avoir de ces mesures pour les policiers, pour les gendarmes.

INTERVIEWEUSE
S'agissant d'hier soir, vous avez failli dire : " Motion de censure ", vous l'avez vécu comme ça ?

GERALD DARMANIN
J'ai vu une alliance des contraires. Alors, jusqu'à présent, lorsqu'il y avait des textes difficiles, le Gouvernement présentait un 49.3. Bon, j'étais évidemment solidaire du Gouvernement. Le président de la République et la Première ministre ont souhaité, et vous avez vu, avec mon soutien profond, qu'on ne puisse pas faire un 49.3 et qu'on puisse jouer le jeu démocratique. D'ailleurs, j'en remercie le Sénat qu'il a joué. Je remercie la commission des lois où nous étions minoritaires, qu'il l'a souligné. On constate que là, les oppositions n'ont pas voulu se montrer constructives sur un texte très soutenu par les Français et qui est très important pour la sécurité des Français.

INTERVIEWEUSE
Est-ce que vous, personnellement, vous êtes toujours en capacité d'obtenir une majorité à l'Assemblée ? Ou est-ce que comme certains députés le disent, vous êtes : " Un petit peu cramé ".

GERALD DARMANIN
Mais moi, vous savez, les aventures personnelles m'importent peu. Encore une fois, cela fait sept ans que j'ai l'honneur d'être ministre. J'ai toujours été réélu dans ma circonscription de Tourcoing, quelles que soient les difficultés. Je remercie d'ailleurs mes électeurs de me soutenir et moi, je n'ai jamais peur de retourner devant les électeurs. Je suis un élu dans l'âme et je pense qu'au bout d'un moment, effectivement, c'est aux électeurs de le dire. Il se trouve que depuis sept ans, j'ai toujours été, quelles que soient les élections, élu avec la légitimité de l'élu, je suis un député parmi les autres et j'y retournerai peut-être après. Et ce sera ma vocation, député parmi les autres. Mais ce qui est intéressant, c'est de faire autre chose, me semble-t-il, que ce qui concerne la vie personnelle. Hier, il y a eu des tactiques personnelles, bon, je les écarte, elles n'ont pas beaucoup d'intérêt. Moi, je veux regarder les policiers, les gendarmes jusqu'à la dernière minute dans les yeux pour dire : " Je vais me battre pour vous ". Vous savez, ils font un métier difficile, les policiers, les gendarmes, ceux qui sont en ce moment, en ce moment même, à 7h du matin dans la mer du Nord, en train de sauver des enfants de la noyade parce que des migrants traversent la Manche, ceux qui sont à Briançon, qui touchent 1 500 euros par mois pour pouvoir arrêter des trafiquants, ceux qui sont en police aux frontières à Roissy, à Cayenne ou à Mayotte, parce qu'hier, on a refusé des dispositions extrêmement importantes pour nos compatriotes Mahorais. Moi j'ai… Mon coeur saigne pour Mayotte quand je vois ça et quand je vois la politique l'a emporté sur l'intérêt général, je n'ai pas le droit de me plaindre parce que quand on est ministre, ce n'est évidemment pas la mine, on connaît la responsabilité. Moi, il est normal que j'ai fait cette démarche qui représente…. Du président de la République, parce que j'ai le sens de l'honneur et des responsabilités, que je prends le Parlement au sérieux. Le président a souhaité que je continue ma mission dès ce matin. Évidemment, dès hier soir, j'ai continué ma mission et rien ne m'empêchera de pouvoir apporter les moyens nécessaires aux policiers, aux gendarmes qui sont sous ma responsabilité.

INTERVIEWEUSE
Et alors, comment vous allez continuer à travailler avec les Républicains après le…

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Voilà pour cette déclaration de Gérald DARMANIN en direct de ce commissariat de Maisons-Alfort. Alix BOUILHAGUET, c'est vrai que c'est un ministre affaibli le lendemain de ce camouflet à l'Assemblée nationale qui va tout de suite essayer de reprendre la main, de justifier ce qui s'est passé hier à l'Assemblée nationale ?


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 décembre 2023