Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invité politique ce matin, c'est Stanislas GUERINI. Bonjour.
STANISLAS GUERINI
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous ; ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la Presse régionale représentée par Fabrice VEYSSEYRE-REDON du groupe EBRA, les journaux régionaux de l'Est de la France. Bonjour Fabrice.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Oriane, bonjour Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Stanislas GUERINI, on va évidemment parler de la loi immigration, jour J pour la commission mixte paritaire. Vous êtes plutôt un tenant de l'aile gauche, vous, de la majorité. Est-ce que vous redoutez un texte trop à droite ?
STANISLAS GUERINI
Moi, je crois que personne ne comprendrait qu'il n'y ait pas de texte. La semaine dernière, le débat n'a pas pu se faire. C'est quasiment inédit, c'est regrettable, c'est incompréhensible. Maintenant, je crois que les Français attendent qu'il y ait un texte. Il y a des attendus qui sont extrêmement forts sur l'immigration et donc nous devons aboutir. Il y a un travail de fond qui est mené pour essayer de trouver des positions de compromis. C'est ça la politique. J'aurais préféré qu'elle se fasse à travers un débat parlementaire à ciel ouvert, mais la priorité, c'est que nous puissions avoir un texte.
ORIANE MANCINI
Donc vous préféreriez avoir un texte quitte à ce qu'il soit…
STANISLAS GUERINI
Les Français ne comprendraient pas qu'on se passe de mesures qui permettent d'expulser des délinquants, qui permettent de raccourcir des délais, qui permettent au fond d'apporter des solutions aux problèmes que les Français constatent.
ORIANE MANCINI
Mais les discussions se font en majorité avec les Républicains.
STANISLAS GUERINI
C'est vrai.
ORIANE MANCINI
C'est pour ça que je vous demande, est-ce que vous ne craignez pas trop à droite ? Vous dites qu'il vaut mieux un texte à droite plutôt que pas de texte ?
STANISLAS GUERINI
C'est la position qui résulte des débats. Nous repartons du texte de la majorité sénatoriale.
ORIANE MANCINI
Durci.
STANISLAS GUERINI
C'est la démocratie parlementaire que cela est, donc il faut la respecter. Il faut essayer de trouver les bonnes positions sur chacun des sujets. Il y a un énorme travail qui est mené, un énorme travail par le ministre de l'Intérieur, par la première ministre elle-même en première ligne, pour trouver dans notre vie parlementaire les compromis nécessaires pour que nous puissions avoir un texte efficace sur l'immigration. Il y a un certain nombre de sujets qui étaient sur la table, qui étaient des sujets les plus difficiles celui de l'AME, celui de l'accès aux aides sociales, celui du droit du sol, celui de l'hébergement d'urgence sur tous ces sujets-là. Vous l'avez entendu, avant moi était présent Philippe BONNECARRERE, qui est un des sénateurs qui sera présent dans cette commission mixte paritaire. Il y a un travail de fond, minutieux, utile dans l'intérêt général du pays qui est mené. Et moi, je crois qu'on peut aboutir, qu'on doit aboutir et qu'ensuite, si l'étape de ce soir, cette commission mixte paritaire est passée, il faudra voter ce texte. Moi, je le dis... Vous me mentionnez, je ne sais pas si c'est tellement vrai de dire " il y a l'aile gauche et il y a l'aile droite. En tout cas, je crois pouvoir dire que je suis là depuis le début et je le dis à mes amis politiques que d'abord, ils devront regarder le contenu de ce qui sort de cette commission mixte paritaire et devront le faire comme chaque parlementaire, dans un esprit de responsabilité. Parce qu'encore une fois, j'insiste sur un point, personne ne comprendrait, les Français ne comprendraient pas que nous ne puissions pas aboutir et que, à la fin de cette semaine, il n'y ait pas de texte voté sur les migrations.
ORIANE MANCINI
Donc, vous dites à vos parlementaires que s'il y a accord ce soir, il faut voter le texte ?
STANISLAS GUERINI
Bien entendu.
ORIANE MANCINI
Il ne peut pas manquer une voix à la majorité demain, lors du vote.
STANISLAS GUERINI
Avec la plus grande clarté. Je le dis parce que c'est insupportable parfois, quand on est parlementaire, de se voir mettre une forme de pression morale. Je le dis sans se défaire de ce qui est son rôle de parlementaire, c'est-à-dire de regarder les choses au fond, c'est-à-dire de regarder point par point, sujet par sujet, quelles sont les positions parfois de compromis qui ont été trouvées, avec notamment la majorité sénatoriale qui avait fait le travail, contrairement à l'Assemblée nationale, où les oppositions unies ont fait le choix de ne pas avoir ce débat-là. Mais je leur dis de regarder les positions au fond, mais en responsabilité, il nous faut un texte sur l'immigration.
ORIANE MANCINI
Et vous pensez qu'ils vous suivront ? Est-ce que vous pensez vraiment qu'il nous manquera aussi une voix demain s'il y a un vote ?
STANISLAS GUERINI
Vous savez, je ne suis jamais là pour ni faire madame Irma, ni pour commenter le verre à moitié vide, ou à moitié plein.
ORIANE MANCINI
Mais vous les connaissez ces parlementaires, les tenants de l'aile gauche existent.
STANISLAS GUERINI
Je suis là pour essayer d'aider à remplir le verre d'une certaine façon et donc faire en sorte que, à la fin, on puisse collectivement avancer. Mais j'ai déjà vécu, à 20 ans de vie politique, mais beaucoup de fois ces situations où on nous annonce que la majorité va exploser, qu'elle est profondément fracturée. C'est vrai qu'il peut y avoir des débats et ils sont sains. Et le sujet de l'immigration n'est pas un sujet facile à appréhender parce que c'est un sujet qui est profondément humain, parce qu'on doit regarder des situations de personnes qu'on connaît dans sa propre circonscription. Ce n'est pas un sujet facile. Mais à chaque fois qu'on nous a annoncé l'explosion de la majorité, moi, j'ai plutôt constaté que la majorité a toujours été au rendez-vous, y compris dans les moments difficiles, y compris quand on a traversé quelques tempêtes. Et depuis six ans, il y en a eu ; et donc je suis certain qu'à nouveau nous serons au rendez-vous, au rendez-vous de l'intérêt général et de la responsabilité, parce que nos concitoyens nous le demandent.
ORIANE MANCINI
Sur les points à trancher, il y a notamment la question de l'aide médicale d'Etat qui pourrait être remise à plus tard. Gérald DARMANIN a redit hier qu'il promettait un texte en début d'année. Est-ce que vous êtes favorable à cette solution ? Est-ce que ce n'est pas un peu mettre la poussière sous le tapis ?
STANISLAS GUERINI
Non. On a toujours été clairs de dire que ce sujet-là n'avait pas sa place dans le texte immigration pour toutes les raisons, y compris législatives. Donc il n'y a pas de raison à ce que, à l'occasion de la CMP, l'aide médicale d'État revienne dans ce texte-là. Il y a un travail qui a été mené, un travail très utile, un travail transpartisan. C'est le travail de monsieur STEFANINI et de monsieur EVIN, qui viennent d'horizons politiques différents et qui ont formulé un certain nombre de propositions que nous pourrons examiner de façon pragmatique. Moi, je pense que... Vous savez, c'est un sujet, l'immigration sur lequel il faut appliquer de la mauvaise idéologie. Il ne faut pas essayer d'avoir des réflexes pavloviens sur cette question, il faut être très pragmatique : partir du réel et viser à chaque fois des solutions qui visent l'efficacité. Et c'est d'ailleurs la ligne produite…
ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'il faut restreindre le panier de soins comme l'a voté le Sénat ?
STANISLAS GUERINI
Je ne suis pas sur cette position-là. Je crois que l'aide médicale d'Etat, la démonstration a été faite que c'est utile à la fois pour ceux qui en bénéficient, mais plus globalement pour notre pays, que ça répond à l'aspiration première des soignants dans notre pays, c'est-à-dire de soigner ceux qui en ont besoin. C'est une position qui est très claire, qui n'est pas remise en cause d'ailleurs par le rapport qui a été rendu, que j'évoquais à l'instant…
ORIANE MANCINI
Mais qui n'est pas remise en cause par le Sénat, qui a restreint le panier de soins sans supprimer l'aide médicale d'Etat.
STANISLAS GUERINI
Donc on doit avancer de façon constructive. Mais une chose est sûre, ce sujet-là ne doit pas venir perturber le travail, encore une fois d'intérêt général qui est mené autour du texte que nous avons avec les parlementaires auront à voter et que nous avons apporté.
ORIANE MANCINI
Il y a un autre sujet qui fait débat, c'est la question des prestations sociales et du délai pour accorder certaines prestations sociales, celles qui sont non contributives. Les Républicains ont voté un délai de cinq ans ici au Sénat. Est-ce que vous accepteriez de lâcher là-dessus ?
STANISLAS GUERINI
Oui, moi, je ne vais pas faire la CMP avant la CMP, je n'y participe pas. Et en tant que ministre, je n'ai pas de mandat, ce n'est pas moi qui mène cette négociation. Mais je crois que les choses ont été très bien dites, là encore, à l'instant, par le sénateur qui m'a précédée. Là aussi, ça faisait partie des points qui posaient problème, objectivement, pour notre majorité, sur lequel un travail est nécessaire, là aussi, pour trouver une position de compromis. Moi, je crois que la position telle qu'elle avait été exprimée était difficilement acceptable. Je pense que… Le ministre de l'Intérieur l'a dit hier d'ailleurs, il y a un distinguo qui doit être fait entre ceux qui travaillent, ceux qui ne travaillent pas. On doit pouvoir, de façon assez raisonnable, exclure du champ de cette discussion ceux qui ont un statut de réfugiés, ceux qui ont un handicap qu'ils subissent, qu'ils n'ont pas choisi. Et donc on voit bien que grâce à l'excellent travail qui est en train d'être mené, certes un peu en coulisse, parce que c'est ça, une Commission Mixte Paritaire, certes, de façon accélérée, parce qu'il faut tout faire en trois jours, là où peut-être quelques semaines de débats auraient permis de mieux éclairer les choses. Eh bien, je pense que là aussi, sur ce sujet, nous sommes en position, en capacité de trouver le bon compromis.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que ça vous coûterait ? C'est ce qu'a dit Yaël BRAUN-PIVET.
STANISLAS GUERINI
Si la position demeurait celle adoptée au Sénat, la réponse, c'est oui. Mais depuis, un travail de fond a été mené, là encore, pour que ça puisse ne pas être cette position qui peut-être, on verra bien, c'est à la fin du bal qu'on paiera les musiciens, figurer en sortie de Commission Mixte Paritaire.
ORIANE MANCINI
Sacha HOULIE, c'était le premier à fustiger le texte des Républicains. Lui aussi tenant de l'aile Gauche, président de la commission des lois. Est-ce qu'aujourd'hui, vous lui dites : " Eh bien, il va falloir céder sur certains points pour aller dans le sens des LR " ?
STANISLAS GUERINI
Mais attendez, je n'ai pas à lui dire ça. Sacha HOULIE, il va présider la Commission Mixte Paritaire, donc il fait partie des parlementaires qui se sont engagés plus qu'aucun autre sur ce texte de loi, qui travaille depuis la première minute avec le ministre de l'Intérieur justement pour bâtir, là aussi, des compromis. Et donc il a…
ORIANE MANCINI
Mais ce n'est pas compliqué quand on a, un temps, critiqué le texte du Sénat, de bâtir un compromis aujourd'hui ?
STANISLAS GUERINI
Plus que moi encore. Plus que moi encore. Assister à tous les débats, présider aux débats. Et donc par nature, quand on est président de la Commission des lois, qu'il aura le grand honneur de présider la Commission Mixte Paritaire. Il est tout entier dans justement ce travail de responsabilité parlementaire. Donc moi, je n'ai pas de leçon ou même de conseil à lui donner. Il en est un des acteurs centraux, et donc je crois qu'il fera partie non seulement de ceux qui accepteront le compromis, mais qui le construiront. Et c'est plus important encore.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous avez fait partie de ceux, au sein de la majorité, qui pensent qu'il ne faut pas trop céder aux Républicains parce qu'il y a danger à un texte trop à Droite ?
STANISLAS GUERINI
J'essaye, vous le voyez, d'exprimer les choses avec beaucoup de clarté ce matin. Je vous le dis sans aucune ambiguïté, les Français attendent un texte sur l'immigration. Les Français ne comprendraient pas que nous ne votons pas un texte sur l'immigration qui répond à des questions d'intérêt général, à des questions vitales pour notre pays. Et donc nous devons aboutir… Voilà quelle est ma position. Et sincèrement, je crois qu'aucun ne souffre d'aucune ambiguïté.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous dites la même chose que Gérald DARMANIN qui disait il y a quelques heures, en gros : " S'il n'y a pas de texte d'immigration, on prend le risque de Marine Le PEN à l'Élysée en 2027 ". Ce n'est pas un peu risqué quand même ? Est-ce que vous ne lancez pas, d'une certaine manière, vous-même la campagne de Marine Le PEN ?
STANISLAS GUERINI
Vous ne m'avez pas entendu parler de Marine Le PEN. Ce matin…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Mais votre collègue, ministre de l'Intérieur…
STANISLAS GUERINI
Oui, je crois, et je partage ce point de vue avec Gérald DARMANIN que les extrêmes, et singulièrement le Rassemblement National, se nourrissent des difficultés. À chaque fois qu'il y a des difficultés, c'est leur fonds de commerce. Et on voit bien, d'ailleurs, qu'ils ne souhaitent en aucun cas régler les difficultés, parce qu'on efface leur fonds de commerce. Et donc ne pas aboutir sur un texte qui apporte des solutions… J'insiste sur ce point-là parce qu'on finit quasiment parfois par s'éloigner du fond des débats, qui permet de raccourcir des délais.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Ce que vous nous dites, c'est que vous n'auriez pas cité Marine Le PEN ? Vous n'auriez pas cité Marine Le PEN, c'est ce que vous nous dites ?
STANISLAS GUERINI
Moi, je ne donne pas les bons points et les mauvais points. Je dis que nous devons, de façon obsessionnelle, apporter des solutions aux problèmes qui se posent dans la vie des Français. Et si nous le faisons, alors nous ferons reculer le Rassemblement National. Moi, je suis convaincu que si Emmanuel MACRON a battu pour une deuxième fois Marine Le PEN lors de l'élection présidentielle, c'est parce que dans le premier quinquennat, nous n'avons pas tous bien fait, c'est évident. Mais nous avons apporté des solutions, notamment sur le sujet économique, nous avons enclenché la bataille du plein emploi, nous avons fait reculer le chômage de masse. Et ceci, à la fin, c'est reconnu par nos concitoyens. La situation du pays, elle est suffisamment tendue et suffisamment conflictuelle pour qu'on ne remette pas de l'huile sur le feu systématiquement, mais qu'on garde cette stratégie des solutions. J'entends cette petite musique qui consisterait à dire, au fond : « Il faut tourner le dos à la politique des solutions. Ce n'est pas ça qui fonctionne contre le Rassemblement National ». Moi, je crois que c'est ça qui fonctionne. Et il faut à chaque fois aller montrer la vérité des prix, d'une certaine façon. Vous voyez, sur le sujet de l'immigration, c'est intéressant de constater qu'on a à la fois un débat national et puis un débat à l'échelle européenne, qu'aujourd'hui même est mis en discussion un texte sur justement le pacte sur l'asile et sur l'immigration en Europe. Qui ne veut pas faire aboutir ce pacte-là ? Les amis de Marine Le PEN, Jordan BARDELLA et son groupe parlementaire au Parlement européen. Pourquoi ? Parce que cela apporterait des solutions. Et on voit qu'ils sont d'ailleurs à rebours des Etats mêmes - Je pense à Madame MELONI, par exemple. - qui sont de la même famille politique, mais une fois en responsabilité, voient à quel point on a besoin de porter des solutions. Donc vous voyez, il faut qu'on mette le doigt sur l'imposture que représente le Rassemblement National. Et à chaque fois qu'on le fait, eh bien, on se donne une chance de les faire reculer. Mais il ne faut pas partir battu dans ces débats-là, il faut mener ce combat politique.
ORIANE MANCINI
Justement, sur l'Europe et sur la question européenne, les Républicains ont remis sur la table leur idée de réforme constitutionnelle. Ils ont écrit une lettre à Emmanuel MACRON, avec notamment leur volonté de faire primer le droit national sur le droit européen. Hier, il y avait un sondage dans le Journal du dimanche qui disait qu'une majorité des Français était favorable à cette primauté du droit national sur le droit européen en matière d'immigration, y compris chez les sympathisants Renaissance. Est-ce qu'il faut mettre ce débat sur la table ?
STANISLAS GUERINI
Moi, je crois… Aucun débat n'est tabou. Voilà. Je le dis de façon très claire. Et à chaque fois qu'on donne l'impression, d'une certaine façon, de détourner le regard, je ne suis pas sûr qu'on en sorte gagnant. Donc ayons les débats. Mais ma conviction la plus profonde, c'est qu'en matière d'immigration, ce qu'attendent nos concitoyens, c'est de l'efficacité. Voilà, ce n'est pas de l'idéologie, c'est de l'efficacité et du pragmatisme.
ORIANE MANCINI
Oui, mais les RLR, ils disent que l'efficacité passe par-là.
STANISLAS GUERINI
En l'occurrence, le débat constitutionnel, il nous porterait bien loin des semaines, ou des mois, qui sont devant nous. Il y a des élections européennes, c'est un bon débat pour ces élections européennes. Encore une fois, dans ces élections, parlons du fond. Nous avons là l'occasion assez historique pour l'Europe de se doter de nouveaux outils, d'adopter un pacte sur l'asile et l'immigration qui remet à plat les règles du jeu en Europe. Vous m'avez déjà entendu dire sur votre plateau à quel point le système européen dysfonctionne aujourd'hui sur les questions d'immigration, à quel point notre système dit de DUBLIN dysfonctionne aujourd'hui et crée un système où, au fond, les individus sont baladés d'un pays à un autre avec des règles qui sont complètement dysfonctionnelles. Nous remettons ces questions-là au coeur et sur la table. Ayons ce débat. Les élections européennes, c'est un bon moment pour parler de fond, pour parler des grands sujets qui structurent la vie des Etats et la vie de notre Union Européenne. Et je peux vous garantir une chose, c'est que quand on rentre dans le débat sur le fond, alors il n'y a plus grand monde du côté du Rassemblement National. Allons leur demander quelles sont leurs solutions. Mettons en évidence quelles sont leurs contradictions. Ça, c'est le combat que nous devons mener absolument et sans aucune ambiguïté.
ORIANE MANCINI
Est-ce qu'en cas d'échec, que ce soit en CMP, soit demain lors du vote, la question de l'avenir du quinquennat sera posée, pour vous ?
STANISLAS GUERINI
Je pense que vu l'importance du sujet, l'attendu de la part de nos concitoyens d'aboutir, c'est une question qui est structurante dans notre quinquennat. C'est une question qui est structurante tout simplement pour la vie du pays, et c'est ça qui doit compter. Ne faisons pas ce que les politiques ont fait pendant trop longtemps, c'est-à-dire de faire en sorte que les Français ne soient pas le coeur de la vie politique, mais soient le décor de la vie politique. Ce texte, il est important, non pas pour la majorité, non pas pour le Gouvernement, il est important pour la vie des gens.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que ce sera la fin du quinquennat ?
STANISLAS GUERINI
Il est important parce que les gens veulent qu'on trouve des solutions.
ORIANE MANCINI
Est-ce que ce sera la fin du quinquennat ?
STANISLAS GUERINI
Je ne suis pas venu faire des phrases grandiloquentes. C'est, d'une certaine façon, un point secondaire que l'organisation de la majorité ou des conséquences politiques, etc.…
ORIANE MANCINI
Il ne faudra pas une dissolution derrière, pour vous ?
STANISLAS GUERINI
Le point premier, ce sont les enjeux sur le fond, encore une fois. Et ils sont, je ne crois pas détourner le regard, ce matin très importants.
ORIANE MANCINI
Il ne faudra pas une dissolution ?
STANISLAS GUERINI
Donc oui, c'est un moment politique très important. Moi, je ne crois pas tellement à cette question de la dissolution. Je crois, encore une fois, qu'il y a un an et demi maintenant, les Français ont fait à nouveau confiance au Président de la République Emmanuel MACRON qu'il a un cap pour notre pays et que ce qui est l'attendu, c'est que nous puissions mettre en oeuvre pour le plein emploi, pour l'immigration, pour le retour des services publics sur nos territoires, les solutions que nos concitoyens attendent.
ORIANE MANCINI
On va parler de votre dossier.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, absolument. Vous parlez de services publics. Moi, je voudrais vous parler de services publics dans nos territoires avec cette problématique des secrétaires de mairie, l'attractivité est devenue de plus en plus difficile pour les mairies. Est-ce que vous êtes favorable à l'augmentation des salaires, des traitements des secrétaires de mairie ? Et si oui, avec quel argent ?
STANISLAS GUERINI
Oui, et je crois en avoir fait la démonstration. Moi, vous savez, j'ai fait de cette question des secrétaires de mairie… Et je vous remercie d'en parler parce qu'on n'en parle pas. Vous en parlez beaucoup tous les jours sur les plateaux de télévision, et pourtant, ce métier-là des secrétaires de mairie, c'est un métier qui est essentiel dans les 29 000 communes dans lesquelles il y a des secrétaires de mairie. Le boulot ne pourrait pas se faire sans les secrétaires de mairie. Et c'est un des métiers les plus en tension, peut-être le plus en tension de toute la fonction publique territoriale.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Qu'est-ce qu'on peut faire pour eux ?
STANISLAS GUERINI
Et donc moi, je me suis engagé, et c'est le travail que nous avons mené dans la loi avec les parlementaires…
ORIANE MANCINI
Et là, la CMP aboutit ?
STANISLAS GUERINI
Exactement. Voilà une CMP qui aboutit pour un sujet qui est essentiel, qui est certes peut-être… qui concerne moins de gens, mais quoique, parce que ce sont, derrière, les services publics du quotidien pour tous ceux qui habitent dans des communes de petite taille, dans les zones rurales notamment. Et donc cet engagement, c'est un engagement de revalorisation du métier des secrétaires de mairie, de reconnaissance que leur métier, ce n'est pas un métier de catégorie C, - Pardon pour cet aspect qui ne parlera peut-être pas à tout le monde. – mais en tout cas qui est un métier à forte responsabilité, à fort engagement, qui doit trouver une reconnaissance professionnelle dans la fonction publique. Je me suis engagé pour qu'on puisse promouvoir les secrétaires de mairie par la formation, par la reconnaissance des acquis de l'expérience, qu'on puisse mieux les rémunérer et faire en sorte qu'elles franchissent des échelons, qu'elles avancent plus vite dans leur carrière.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Qui paye dans cette… ? Vous êtes dans une situation tendue quand même, les communes, les taxes d'habitation, pardon, ont explosé.
STANISLAS GUERINI
Bien sûr.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Qui paie ?
STANISLAS GUERINI
Je voudrais d'abord vous répondre sans ambiguïté sur le fait que oui, il faut revaloriser leur métier et c'est l'engagement, je crois, que nous avons tous pris. Et si le Sénat et l'Assemblée, ce soir, le concluent, nous allons transcrire dans la loi. Ensuite, il y a des employeurs territoriaux que sont les mairies qui d'ailleurs ne discutent pas la nécessité de revaloriser le secrétaire de mairie. Il faut accompagner les employeurs publics, non pas en découpant les sujets ; une fois sur le secrétaire de mairie, une autre fois pour revaloriser les ATSEM. C'est un autre engagement que nous devons prendre. Mais nous devons avoir ce débat budgétaire systématiquement. Les mairies, elles, ont un certain nombre de coûts par l'inflation, par les revalorisations salariales que j'assume parfaitement, des recettes. La majorité est venue mettre non seulement fin à la baisse des dotations générales de fonctionnement, mais nous avons redonné des moyens. Et donc c'est à travers ces moyens-là que nous devons donner les moyens aux employeurs de mieux rémunérer leurs agents. Mais vous savez, au-delà de cette question, je prépare un projet de loi pour la Fonction publiques.
ORIANE MANCINI
Mais j'allais vous poser la question.
STANISLAS GUERINI
Pardon, je vous ferais votre transition, mais d'un mot, et je vous laisse (promis) m'interroger là-dessus. Il faut redonner des marges de manoeuvre aux employeurs. Moi, ce que je souhaite, c'est qu'on puisse avoir un choc de confiance et de responsabilité. Ce qui est très difficile à expliquer aujourd'hui à des employeurs territoriaux, mais aussi des directrices ou des directeurs d'hôpitaux ou même des manageurs dans les administrations déconcentrées, c'est qu'ils n'aient aucune marge de manoeuvre. C'est que tout soit décidé d'en haut, depuis Paris. Moi, je crois qu'il faut faire confiance aux agents de la fonction publique, mais il faut faire confiance aussi aux employeurs qui prennent leurs décisions sur les promotions, sur les recrutements, sur les rémunérations. Je veux redonner des marges de manoeuvre à ceux qui sont près du terrain.
ORIANE MANCINI
Sur votre projet de loi à la fonction publique, il sera toujours présenté en janvier, en Conseil des ministres ?
STANISLAS GUERINI
On a toujours évoqué le premier trimestre. La Première ministre a évoqué le mois de février, la fin du mois de février, pour présenter ce texte important pour l'efficacité de notre fonction publique, c'est-à-dire de nos services publics. Et donc nous tiendrons ce calendrier.
ORIANE MANCINI
Donc fin février en Conseil des ministres ?
STANISLAS GUERINI
Oui, c'est le calendrier que nous avons construit avec la Première ministre.
ORIANE MANCINI
Et au Parlement avant l'été ?
STANISLAS GUERINI
Et au Parlement avant l'été. Je souhaite pouvoir présenter ce texte à la représentation nationale, le mettre au débat dans le premier semestre de l'année, donc c'est-à-dire avant l'été.
ORIANE MANCINI
C'est un texte qui vise à remettre totalement à plat le statut de fonctionnaire et de quelle manière ?
STANISLAS GUERINI
C'est un texte, je le disais, qui vise à redonner des marges de manoeuvre et à faire confiance à ceux qui sont près du terrain. Moi, je veux redonner beaucoup plus de mobilité dans la fonction publique. Je souhaite qu'on puisse rentrer plus facilement dans la fonction publique. Je souhaite qu'on puisse évoluer plus facilement dans la fonction publique. Je souhaite parfois qu'on puisse aussi sortir plus facilement de la fonction publique. Je souhaite qu'on puisse valoriser le travail davantage encore, récompenser ceux qui s'engagent individuellement, collectivement, que cette question de la rémunération au mérite, fasse partie des débats qu'on doit avoir. Ce n'est pas un gros mot dans la bouche du ministre de la Fonction publiques que de parler de mérite, que de parler de valeur, de talent.
ORIANE MANCINI
Donc, uniquement…
STANISLAS GUERINI
C'était d'ailleurs des termes qui étaient dans le statut de la fonction publique. Vous m'interrogez sur le statut.
ORIANE MANCINI
Oui.
STANISLAS GUERINI Quand on relit le statut tel qu'il a été pensé par Maurice THOREZ en 1946.
ORIANE MANCINI
Donc plus uniquement, d'automaticité d'augmentation avec des échelles et des points, mais aussi une valorisation du mérite.
STANISLAS GUERINI
Vous savez ce qui est structurant dans le statut ? Et moi, je ne souhaite pas remettre en cause le statut de la fonction publique. Je crois qu'il a sa singularité au fond, et que travailler dans la fonction publique, être agent public, ce n'est pas travailler pour une entreprise, c'est un certain nombre de droits et de devoirs, c'est l'égalité d'accès aux emplois, c'est la neutralité du service public, c'est l'adaptabilité aussi des services publics. Tout ça, il faut le conserver ; mais ça ne veut pas dire que le statut, c'est le statu quo. Ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas bouger des lignes…
ORIANE MANCINI
Mais ça veut dire rémunérer au mérite ceux qui travaillent. Est-ce que ça veut dire aussi…
STANISLAS GUERINI
La notion de mérite, pardon, mais elle était strictement inscrite dans le statut tel qu'il a été pensé après la Seconde Guerre mondiale par ceux qui l'ont construit. Et donc encore une fois…
ORIANE MANCINI
Ce n'est pas le truc le plus mis en oeuvre, vous reconnaissez ?
STANISLAS GUERINI
Je le regrette aujourd'hui parce que…
ORIANE MANCINI
Mais est-ce ça veut dire aussi sanctionner ceux qui ne travaillent pas ?
STANISLAS GUERINI
Ce que je vois, c'est que sur le terrain, les agents publics sont formidablement engagés. Vous me parlez des secrétaires de mairie, vous me parlez des agents qui dans nos communes, dans nos administrations, se décarcassent pour qu'on puisse rendre des services publics et qui vivent toutes les crises de la société, qui sont d'ailleurs en première ligne, souvent exposés aussi aux dérives et aux risques dans nos sociétés. Et donc oui, moi je souhaite qu'on puisse davantage récompenser cet engagement, rémunérer une équipe qui, par exemple, se fixerait des objectifs en termes de qualité, d'efficacité, de service public, qui s'engagent dans des projets de transition écologique, c'est-à-dire dans tout ce qui constitue les grands défis de notre société. Mais aujourd'hui, le constat que je fais, c'est que les employeurs publics, les managers dans la fonction publique... Là non plus, ce n'est pas un gros mot ; ce n'est pas parce qu'on est dans le service public qu'un manager, subitement, ça devrait être un petit chef ; qu'on puisse leur donner les outils et les marges de manoeuvre pour justement mieux rémunérer leurs agents à partir d'objectifs de terrain. C'est là aussi un attendu très fort de la part de nos concitoyens que de redonner plus d'efficacité à nos services publics.
ORIANE MANCINI
Merci Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI
Merci à vous.
ORIANE MANCINI
On suivra la présentation de ce texte en février, donc vous viendrez nous en reparler.
STANISLAS GUERINI
Avec plaisir.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été avec nous. Merci Fabrice.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Merci et bonne semaine.
ORIANE MANCINI
Bonne semaine à vous, On passe au club des territoires tout de suite.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 décembre 2023