Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, à LCI le 18 décembre 2023, concernant le projet de loi sur l'immigration.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : LCI

Texte intégral

JULIEN ARNAUD
Bonjour à tous. Place à l'invité politique du 08h30. Bonjour Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

JULIEN ARNAUD
Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer. Merci d'être avec nous ce matin sur LCI. Alors, les heures qui viennent seront cruciales pour votre projet de loi sur l'immigration. A 17h00, la fameuse Commission mixte paritaire qui se réunira. Et hier soir, vous étiez aux côtés de la Première ministre, à Matignon, avec Les Républicains. 2 heures 30 de réunion. Est- ce que ce matin, vous pouvez nous dire accord, pas accord, ça passe ou ça casse ?

GERALD DARMANIN
Pour l'instant, on travaille, et c'est la Commission mixte paritaire, sept députés, sept sénateurs, qui vont décider. Mais disons que nous avons balisé le chemin pour trouver, à partir du texte du Sénat, les moyens, la possibilité de nous mettre d'accord, même si évidemment, il y a encore beaucoup de détails à régler. A ce stade, on ne peut pas parler d'accord, mais on peut dire que ça avance positivement.

JULIEN ARNAUD
Donc, à ce stade, pas d'accord entre le gouvernement et Les Républicains, sur ce texte.

GERALD DARMANIN
D'abord, parce que c'est la Commission mixte paritaire qui décide, c'est-à-dire le Parlement, l'Assemblée et le Sénat, leurs délégations, qui se mettent d'accord. Et encore une fois, nous avançons positivement. Mais il y a encore beaucoup de choses. Il y a plus de 100 articles sur ce projet de loi, beaucoup de détails encore à régler. Disons que nous sommes plus près d'un accord, que d'un désaccord.

JULIEN ARNAUD
Donc, vous n'êtes pas encore arrivé à ce que le président de la République, Emmanuel MACRON, je cite, appelait " un compromis intelligent ".

GERALD DARMANIN
Eh bien, c'est difficile, parce que c'est un texte évidemment très important, forcément un peu polémique, avec des mesures extrêmement fortes, la lutte contre les étrangers délinquants, la simplification administrative, l'intégration. Et on voit bien que c'est un sujet qui peut être aussi censuré par le Conseil constitutionnel. Derrière tout ça, il y a des femmes et des hommes, énormément de moyens budgétaires à débloquer. Donc ce n'est pas un petit texte, c'est un des grands textes de ce quinquennat. Je peux dire qu'avec la réforme des retraites, c'est le deuxième grand texte de ce quinquennat. Donc il est normal qu'en quelques jours, en quelques heures, on ne remplace pas les 15 jours de débat qu'on aurait dû avoir à l'Assemblée nationale. Chacun comprendrait que ce ne serait pas normal. Donc on continue à discuter jour et nuit.

JULIEN ARNAUD
Alors, si vous dites ce matin que vous n'êtes pas arrivé à un accord, ça veut dire quoi ? Entre hier soir et cet après-midi 17h00, les LR font monter les enchères ?

GERALD DARMANIN
Non. Nous avons aussi nous, nos lignes rouges. On ne veut pas accepter n'importe quoi. On est d'accord pour partir à partir du texte du Sénat. Ce texte du Sénat, c'est quoi ? C'est les 27 articles initiaux du projet de loi du gouvernement. On ne change rien à ce qu'a fait le gouvernement. Evidemment, on peut changer à l'intérieur, c'est le principe du débat parlementaire. Par exemple, sur l'article des régularisations des personnes qui sont dans des métiers en tension, évidemment c'est plutôt la version du Sénat que la nôtre que nous prenons. Mais enfin, il y en a quand même un. Il y a beaucoup de dispositifs qui ont été rajoutés par le gouvernement et par le Sénat lors du débat au Sénat, plus de 60 articles. Donc, il faut regarder si ces articles sont bien écrits, en légistique comme on dit. C'est-à-dire, est-ce que ce droit est conforme à la constitution ? Et puis ensuite, il y a des sujets beaucoup plus politiques. Voilà. Nous ne souhaitons pas avoir l'AME dans ce texte, mais on souhaite avoir des mesures extrêmement fortes contre les étrangers délinquants.

JULIEN ARNAUD
On va y venir en détail.

GERALD DARMANIN
Voilà. Eh bien voilà, il y a des discussions autour de cela.

JULIEN ARNAUD
Vous êtes plutôt confiant. Vous, vous êtes plutôt confiant, ministre de l'Intérieur, ce matin ?

GERALD DARMANIN
Disons que nous devons, je pense, que tout le monde a conscience qu'on doit travailler pour l'intérêt général, pour la protection des Français, pas pour la petite politique, et qu'on ne comprendrait pas, dans une démocratie comme la France, alors que partout autour de nous, les gens légifèrent, qu'on n'ait pas un texte fort sur l'immigration, un texte ferme contre l'immigration irrégulière, et un texte qui permet d'intégrer et avoir des exigences d'intégration pour les étrangers qui viennent chez nous.

JULIEN ARNAUD
Alors, on va venir dans un second temps sur les conséquences politiques, on va dire globales, adoption ou rejet de votre texte. Mais on va entrer, je dirais dans le fond, sur quelques points précis, ces points d'achoppement ou de friction, notamment avec Les Républicains. Si on prend une des mesures qui suscite pas mal de réactions, c'est la fameuse mesure des allocations familiales pour les étrangers qui sont en situation régulière, on le précise bien, et faire la distinction entre ceux qui travaillent ou ceux qui ne travaillent pas, et qui pourraient ou pas toucher des prestations familiales. Où en est-on ce matin ? On se rappelle que les LR avaient dit : " Nous, on aimerait que ce soit 5 ans ". Et puis finalement peut être + 3 ans, peut-être 30 mois, ce matin, on entend un petit peu tout et son contraire. Est-ce que vous pouvez nous dire clairement où vous en êtes, ce matin à 08h34 sur LCI ?

GERALD DARMANIN
Initialement, le gouvernement n'avait pas prévu de dispositif pour distinguer les étrangers des autres, sur ce qu'on pourrait appeler de manière générale les prestations sociales. Et puis Les Républicains au Sénat, avec les Centristes, il faut le dire, ce n'est pas Les Républicains seuls, donc le Sénat a décidé de mettre un dispositif qui prévoit de décaler de 5 ans toutes les prestations sociales. Alors là, il y a des difficultés, parce qu'ils y mélangent les prestations qu'on appelle contributives, « je paie des cotisations pour avoir ce droit », et des prestations qui ne sont pas contributives, " J'ai la solidarité nationale tout court ". Alors, le décalage des prestations sociales, en général par rapport à votre arrivée en France, ce n'est pas gênant, le RSA c'est 5 ans après votre arrivée en France. Vous ne touchez pas le RSA quand vous arrivez en France immédiatement, et c'est 15 ans à Mayotte. Bon. Ce qu'on pourrait appeler la prime d'activité, c'est-à-dire le fait que quand vous travaillez, l'Etat, vous aide, c'est là aussi 5 ans quand vous êtes étranger. Donc en soit, le décalage n'est pas gênant. J'entends crier ici ou là des responsables de l'opposition. Ce n'est pas vrai. Ce décalage existe. Nous, on ne souhaitait pas que ce décalage soit trop important. Et surtout, on souhaitait regarder quel public on touchait et quelles prestations on mettait. Donc on a souhaité sortir de ces prestations, la prestation par exemple handicapés. Il ne s'agit pas de pouvoir sanctionner des étrangers qui seraient handicapés et de dire " ils attendent 5 ans pour avoir une prestation ".

JULIEN ARNAUD
Ça, ça ne sera pas dans le panier.

GERALD DARMANIN
Eh bien, ce ne serait pas, et les Républicains en ont convenu, ce ne serait pas très humain, ce ne serait pas convenable, une personne qui est handicapée, elle est handicapée, elle ne fait pas le choix de l'être. Alors il y a la question des allocations familiales. Donc c'est ce sujet sur lequel nous discutons, c'est la prestation sur laquelle nous discutons. Effectivement, Les Républicains avaient évoqué 5 ans. Nous, on leur a dit : attention, il y a des gens qui contribuent à ces allocations familiales en travaillant. Et quand vous travaillez, vous payez des cotisations, vous ouvrez des droits et donc vous avez le droit à ces cotisations. Vous ne pouvez pas les aligner sur le même temps pour avoir ces prestations, que ceux qui ne travaillent pas. Et donc, ce que nous avons proposé avec Les Républicains, c'est : ceux qui ne travaillent pas, un décalage plus long. Ceux qui travaillent, les étrangers qui travaillent et qui font vivre leur famille, qui puissent bénéficier des allocations familiales évidemment plus rapidement. C'est pour ça qu'il y a une proposition, 30 mois pour ceux qui travaillent, 5 ans pour ceux qui ne travaillent pas.

JULIEN ARNAUD
Quand vous entendez le patron de France Fraternité, Pierre HENRY, qui hier disait " Quelle honte ! Elisabeth BORNE, la préférence nationale, c'est dans votre programme. La duplicité, ça va 5 minutes ". En gros, il dit : vous choisissez les mots, la même idéologie que le Rassemblement national, préférence nationale égale RN. Vous lui répondez quoi ce matin ?

GERALD DARMANIN
Mais, les Français qui reviennent de l'étranger, qui sont expatriés, quand ils reviennent en France, ils ont un décalage. Ils n'ont pas les prestations familiales immédiatement. Ce n'est une question de préférence nationale, ils sont français. Donc je pense qu'il faut qu'on arrête avec les, je pense, les discours définitifs et parfois excessifs. Je pense que ce que veulent les Français, c'est qu'on essaie d'accueillir sur notre sol les étrangers qui veulent venir travailler, respecter les règles de la République, et pas ceux qui viennent commettre des actes de délinquance ou profiter d'un système. Donc voilà, je pense qu'on peut y travailler. Bien sûr que ce n'est pas le texte parfait, mais ce n'est jamais le texte parfait. Il n'y a que dans les livres ou dans les rêves qu'il y a des textes parfaits. La politique, c'est savoir mettre de l'énergie pour faire porter ses convictions. Le Général de GAULLE disait « La politique, c'est un idéal à travers des réalités » ; eh bien on a un idéal, on l'a présenté. Et puis y a les réalités. Il y a une majorité relative à l'Assemblée nationale. Les Français ont fait le choix de ne pas donner tous les pouvoirs à la majorité présidentielle. Il faut le respecter. Mais dans ces cas-là, il ne faut pas nous reprocher de trouver un compromis, de trouver un accord avec ceux qui veulent travailler avec nous.

JULIEN ARNAUD
Sur la table, pour trouver un compromis, il y a aussi ce sujet de la régularisation des travailleurs clandestins dans les métiers en tension, fameux article 3, rebaptisé 4 bis ensuite, à l'issue au Sénat. Ça donne quoi finalement, avant cette Commission mixte paritaire et ce qui sera certainement mis sur la table de la CMP tout à l'heure. On en est où ? Qu'on comprenne bien.

GERALD DARMANIN
Oui, le gouvernement et la majorité y tiennent beaucoup. Et Les Républicains ont ré-accepté que cet article de régularisation des personnes qui travaillent dans les métiers dits en tension, puisse exister. Pourquoi ? Nous, ce que l'on souhaite, c'est être méchant avec les méchants, et gentil avec les gentils.

JULIEN ARNAUD
C'est votre phrase il y a quelques…

GERALD DARMANIN
Oui, mais c'est très important. Les étrangers en tant que tels, ne sont évidemment pas un problème. Mes deux grands-pères viennent de l'autre côté de la Méditerranée. Ils ont fait un petit-fils, je crois, éminemment patriote et français, qui a le bonheur et l'honneur d'être ministre de l'Intérieur de la République française. Mais, mes deux grands-pères ont respecté la loi, les étrangers qui respectent la loi et qui travaillent, sont les bienvenus dans la communauté nationale. Les étrangers qui ne respectent pas la loi, qui sont des tueurs, qui ne respectent pas les lois de la République, doivent être exclus du territoire national.

JULIEN ARNAUD
Ça, ça sera à la discrétion du préfet.

GERALD DARMANIN
Il faut que l'on régularise. Il faut qu'on accompagne ceux qui veulent travailler en France, qui travaillent dans nos restaurants, qui travaillent dans le BTP, qui travaillent durement dans l'agriculture. Ceux-là, je pense qu'ils sont les bienvenus dans la Communauté nationale. Et effectivement, ce sera à la discrétion du préfet. Et dans les métiers dits en tension, on voit qu'il y a des endroits où on n'arrive pas assez à recruter, et dans des zones géographiques spécifiques. Et puis tous ceux qui ne respectent pas les règles de la République, doivent être exclus. Ce texte il prévoit quoi ? Qu'on puisse régulariser la nourrice, celle qui travaille auprès de vos enfants, l'ingénieur, le serveur, le médecin, et puis qu'on puisse exclure enfin le criminel. Aujourd'hui, on est assez dur administrativement avec la nourrice, avec le salarié, avec le serveur. On est un peu tatillons administrativement et on a l'impression que les criminels ne sont finalement pas très châtiés. Eh bien voilà, ce texte qui remet, si j'ose dire, l'église au milieu du village. Il permet à la fois de donner un message de soutien à ceux qui respectent les règles de la République et de très grande dureté à ceux qui ne les respectent pas.

JULIEN ARNAUD
Donc ça, sur ce point c'est à peu près réglé on va dire, vous vous êtes mis d'accord avec les Républicains.

GERALD DARMANIN
Alors notamment sur un point qui est très important, c'est qu'aujourd'hui, pour être régularisé, il faut que votre employeur soit d'accord, donc si l'entreprise X, le chef d'entreprise X, ne signe pas la demande de régulariser de l'employé, on ne peut pas le régulariser, ce n'est pas normal, c'est une sorte de domination entre l'employeur et l'employé. Donc, l'essentiel de cet article c'est de permettre, permettre, pas de faire, de permettre - on parle de quelques milliers d'emplois par an, ce n'est pas grand-chose – de permettre à l'employé d'être régularisé sans son employeur.

JULIEN ARNAUD
Dernier point que j'ai choisi, qui était un point de friction, vous allez d'ailleurs le dire si c'est toujours le cas après ces heures de discussions et de rencontres, l'AME, l'Aide Médicale d'Etat, si j'ai bien compris vous le sortez de ce texte asile-immigration, ce cavalier législatif, ça aurait été retoqué par le Conseil constitutionnel, et vous en ferez un texte, j'allais dire spécifique. Est-ce que, un, c'est toujours le cas, quand, surtout que les Républicains, Eric CIOTTI, a demandé, après la réunion à Matignon hier soir, d'avoir " un calendrier précis de cette réforme… ", sous-entendu en gros pour dire " banco " à tout l'accord sur la loi asile et immigration ?

GERALD DARMANIN
En effet, les Républicains l'ont demandé à la Première ministre, et notamment le président du Sénat Gérard LARCHER, avec qui nous avions très bien travaillé depuis le début de ce texte. Comme on l'a toujours dit, vous m'avez toujours entendu le dire, que l'Aide Médicale d'Etat la question pouvait se poser, comme toutes politiques publiques, comment on pouvait améliorer les choses, éviter des fraudes. Et puis, elle est très importante, 25% d'enfants y sont, donc il faut faire attention à ce qu'on fait, et en même temps on voit bien qu'il peut y avoir un facteur, ici ou là, d'amélioration bien évidemment, le gouvernement n'a jamais dit le contraire, mais pas dans ce texte. Ce texte ce n'est pas un texte sur la santé, ce texte c'est un texte sur la fermeté envers les étrangers, délinquants notamment, donc effectivement il faut le sortir de ce texte. En échange, les Républicains ont demandé en effet qu'il y ait un calendrier, donc la Première ministre s'est engagée à ce qu'au premier trimestre de l'année prochaine, donc avant le mois de mars prochain, le gouvernement présente des textes, puisque nous avons commandé un rapport, vous le savez bien, qui est en ligne d'ailleurs sur le site du ministère de l'Intérieur…

JULIEN ARNAUD
Patrick STEFANINI et Claude EVIN.

GERALD DARMANIN
Exactement.

JULIEN ARNAUD
Un homme de droite, un homme de gauche.

GERALD DARMANIN
Un de droite, un homme de gauche, qui ont fait un constat, très intéressant, pour dire qu'il y a des choses qui vont bien et puis des choses qui ne vont pas bien dans l'Aide Médicale d'Etat, et donc on en parlera à partir

JULIEN ARNAUD
Et ça servira de base donc, à ce futur texte législatif.

GERALD DARMANIN
Exactement, ou réglementaire, il y a aussi des mesures qui sont prises par le règlement, mais en effet ça c'est au premier trimestre de l'année prochaine.

JULIEN ARNAUD
Vous disiez il y a quelques instants ce n'est pas un texte parfait, est-ce qu'au final c'est plus le texte de Gérald DARMANIN, revu et corrigé, ou ça devient le texte de la Première ministre plus que la petite musique qui est lancée ces derniers jours, c'est-à-dire regardez, ça se passe à Matignon, c'est Elisabeth BORNE qui a pris les commandes, et plus le ministre ?

GERALD DARMANIN
Ce qui compte c'est que ce soit un texte pour les Français, ce n'est pas un texte pour Elisabeth BORNE, pour Gérald DARMANIN ou pour Eric CIOTTI, c'est un texte pour les Français, donc il faut des mesures très fortes. Aujourd'hui c'est un texte avec les 27 articles du gouvernement, on y rajoute les mesures du Sénat, donc c'est un texte qui est coconstruit à partir du texte du Sénat, il faut bien l'avouer, mais dont les 27 premiers articles sont toujours initiaux. Ce qui compte c'est avoir des mesures fortes. Et, vous savez, moi je me bats, alors parfois on fait des erreurs, parfois on réussit, mais je fais toujours ce qui me paraît juste. C'est très dur de faire adopter un texte sur l'immigration, Monsieur COLLOMB, qui avait une majorité absolue…

JULIEN ARNAUD
En 2018.

GERALD DARMANIN
Oui, mais il a eu beaucoup de gens qui ont voté contre son texte, pourtant la majorité était à la fois très importante et incontestable. Il y a toujours eu des débats, j'ai vu sur vos chaînes de télévision, des retours à la loi Debré, la loi Pasqua, la loi Chevènement, il y a toujours… l'immigration, c'est normal, ça crée des polémiques parce que derrière ce n'est pas un taux de croissance, ce n'est pas des subventions, c'est des femmes et des hommes et des enfants, donc c'est normal qu'il y ait de la sensibilité, et tout le monde savait que c'était très difficile. Au début on m'a dit « tu n'y arriveras pas », après on m'a dit « tu vas fissurer la majorité », eh bien non seulement on est en train d'y arriver, et en plus la majorité est restée unie, jusqu'à présent, sur l'intégralité des mesures que nous avons pu proposer. Moi, ce qui compte, c'est que les policiers, les gendarmes, qui font un travail difficile, formidable, puissent avoir les armes pour lutter contre l'immigration irrégulière, ce qui compte pour moi c'est lutter contre les marchands de sommeil, vous savez, ces gens qui, dans les centres-villes, je prends l'exemple Tourcoing ou d'Halluin dans ma circonscription, logent dans des conditions insalubres des étrangers en situation irrégulière, ça crée de la violence intrafamiliale, ça crée de la prostitution, ça crée parfois de la délinquance. Ce qui m'intéresse c'est de pouvoir faire que les passeurs, ceux qui marchandent la mort, qui marchandent les gens, des enfants, qui sont payés en argent liquide pour leur commerce de mort, puissent être sanctionnés non pas en délit aujourd'hui c'est cinq ans de prison, mais en crime, c'est 20 ans de prison, grâce à une mesure proposée par le garde des Sceaux. Ce qui m'intéresse c'est d'aider mon pays, et qu'importe qui est l'auteur, quand le bébé sera beau on dira qu'il a plusieurs pères.

JULIEN ARNAUD
On va imaginer plusieurs scénarios parce qu'avant cette CMP on est un peu, je dirais, dans une zone d'attente, dans un entre-deux. Si pas de fumée blanche ce soir, s'il n'y a pas d'accord, comme on dit, une CMP conclusive, une commission mixte paritaire, vous direz quoi, c'est la faute aux LR - c'est peut-être un peu facile – la faute à nous, gouvernement, à moi, ministre de l'Intérieur, qui n'ai pas su aller trouver ce compromis ?

GERALD DARMANIN
Ecoutez, moi je ne me place pas dans cette position de politique fiction, sinon je dormirais plus la nuit et je travaillerais moins, nous travaillons et je mets toute mon énergie, avec d'autres…

JULIEN ARNAUD
Mais c'est un scénario, c'est une hypothèse, plus probable, enfin possible en tout cas.

GERALD DARMANIN
J'entends, mais vous êtes commentateur, c'est normal que vous commentiez, moi je suis acteur, je n'imagine pas quand je commence quelque chose que je vais le rater, quand on commence un match de football et qu'on se dit on va le perdre, ce n'est pas très bon pour le moral.

JULIEN ARNAUD
Bien sûr, mais vous pouvez envisager toutes les tactiques, tous les scénarios du match.

GERALD DARMANIN
Non…ce n'est pas un jeu, j'ai entendu " le jeu parlementaire " dans les débats, ce n'est pas un jeu, c'est la sécurité des Français. Moi je pense que nous serions tous très touchés… les Français, vous savez, je pense, en tout cas ceux que je connais, qui m'ont élu à plusieurs reprises député chez moi, je l'ai vu ce week-end dans ma circonscription, je me rappelle, à Neuville-en-Ferrain il y a une dame qui m'a dit " on ne comprendrait pas que vous ne preniez pas de mesure. " Bon, à Paris c'est un peu " le bordel ", voilà, c'est le mot qu'ils ont utilisé. On voit bien que c'est parfois n'importe quoi, l'Assemblée ne veut pas discuter, pourquoi on les a élus, bon, mais en tout cas vous ne devez pas lâcher, vous devez avoir un accord, donc moi je me place dans cette situation où on doit avoir un accord sur ce texte et je pense que si nous avons un accord, vous pourriez aussi dire finalement bravo, vous avez réussi, malgré les difficultés, à trouver, avec un parti d'opposition, responsable, les moyens de protéger les Français. Je pense que les Français ne nous pardonneraient pas de ne pas les protéger.

JULIEN ARNAUD
Justement, vous diriez quoi à cette dame que vous avez croisé ce week-end si au final le texte, Ok, il y a une CMP finalement conclusive, ça arrive au Sénat et à l'Assemblée, vous cherchez une majorité, cela doit être adopté, et si au final pas de majorité, le texte n'est pas adopté, vous lui dites quoi à cette dame, vous dites aux Français ?

GERALD DARMANIN
Que j'ai été jusqu'au bout de mon combat, que j'ai mis toute mon énergie, qu'importe les attaques personnelles, les difficultés, ce qui compte c'est d'essayer, voilà, j'espère que l'Assemblée et le Sénat me suivra. Après, vous savez, c'est le principe de la séparation des pouvoirs, on apprend ça à la première année de fac, le pouvoir exécutif, le gouvernement, fait son travail, il propose, le pouvoir législatif, l'Assemblée, le Sénat, votent ou pas les textes, c'est leur droit le plus strict, mais je vois mal comment nous pourrions nous mettre d'accord sur un texte, avec les Républicains et les centristes, dans des conditions de grande tension internationale, dans des conditions d'augmentation de l'immigration irrégulière, dans les conditions où les faits divers se multiplient à la télévision, et ne pas, quand on est député ou sénateur, adopter un texte qui protège les Français. Ce serait évidemment un magnifique booster pour madame LE PEN, qui dirait « regardez tous ces gens qui ne sont pas responsables », nous avons pris nos responsabilités. Ce n'est pas facile de faire un texte sur l'immigration, il vaut mieux faire un texte sur le bonheur en général, sur la bonne vie économique, c'est difficile l'immigration, bien sûr que c'est difficile. Je pense que nous arrivons, grâce au soutien qu'a apporté le Président de la République, à la fois à aboutir au niveau européen, parce qu'on ne dit pas assez qu'il y a un magnifique projet européen avec enfin un asile à la frontière, enfin la possibilité de nous mettre d'accord, tous les pays européens, ce sera voté dans quelques jours, pour pouvoir avoir une politique commune d'immigration, et des mesures françaises. Je pense que la dame de Neuville-en-Ferrain que j'ai croisée, je pense qu'elle ne comprendrait pas que nous soyons moins-disant que l'Europe.

JULIEN ARNAUD
Je veux m'arrêter juste, quand vous dites si finalement il n'y a pas de texte sur l'immigration ce serait un booster pour Marine LE PEN, vous pouvez aller un peu plus loin, ça veut dire quoi, ça veut dire la voie, le chemin, tout tracé 2027 ?

GERALD DARMANIN
Madame LE PEN et Monsieur BARDELLA ils vivent des problèmes. Pourquoi ils n'ont pas voulu débattre à l'Assemblée nationale ? Regardez quelques instants, c'est quand même intéressant. Voilà des gens qui se sont présentés aux élections législatives, pour être députés, en faisant campagne pour dire « avec nous l'immigration, vous allez voir ce que vous allez voir », et quand le texte arrive, qu'on soit pour ou qu'on soit contre, il est très ferme ce texte, mais imaginons, quand ce texte arrive, " ah non, surtout on ne veut pas en discuter, cachez-moi ce sein que je ne saurai voir, cachez-moi ce texte que je ne saurai voir ", parce que, évidemment, dans ce projet loi, il y a beaucoup de solutions aux problèmes des Français, quand on expulse 4000 étrangers délinquants de plus grâce à ce texte, c'est une solution pour les Français. Madame LE PEN elle vit des problèmes, le Rassemblement national il vit des problèmes, ce qu'il veut c'est des problèmes. Moi je ne connais pas quelqu'un de très heureux, dans sa vie, dans son couple, dans sa famille, qui n'a aucun problème de sécurité, qui n'a aucun problème de pouvoir d'achat, dont la vie lui sourit, il dit " tiens, je vais aller voter Rassemblement national ", non, il le fait parce qu'il a une colère, parce qu'il a une insécurité, parce qu'il a une difficulté, donc quand les gens sont…

JULIEN ARNAUD
Pas parce qu'il a une adhésion ?

GERALD DARMANIN
Je pense que ce n'est pas la majorité des électeurs du Rassemblement national, quand il y a 35, 40% de Français qui votent pour le Rassemblement national, je ne pense pas qu'il y a 35, 40% des Français qui pensent comme Madame LE PEN, je ne le pense pas, d'ailleurs le fait est que quand elle se présente aux élections chez moi, par exemple à Tourcoing, elle fait un très gros score, quand quelqu'un apporte des solutions localement, à la mairie de Tourcoing par exemple, elle fait un très petit score, c'est bien les mêmes électeurs, c'est qu'il y a des gens qui ont compris qu'il y avait des gens qui pouvaient apporter des solutions, voilà, et donc madame LE PEN elle ne veut pas de ces solutions, elle veut des problèmes, elle veut la politique du pire, parce que le pire ça la sert. Après on constate, regardez autour de nous, Madame MELONI en Italie, est-ce qu'elle a réglé le problème de l'immigration ?. Non. Le Brexit, on nous a vendu la sortie de l'Europe des jours, des jours et des jours, est-ce que ça marche ? Non, regardez en Angleterre, il n'y a jamais eu autant d'immigrés clandestins. Donc je pense que les solutions que nous apportons vont permettre très fortement, très concrètement, de protéger les Français, et ça, ça dérange un peu le Rassemblement national.

JULIEN ARNAUD
Comment se porte votre majorité, est-ce que vous comptez sur tous les députés, quand je dis majorité, c'est Renaissance, Horizons, MoDem, François BAYROU, Edouard PHILIPPE, leurs partis, lorsque le texte arrivera dans l'hémicycle, dans les hémicycles, au Sénat et à l'Assemblée, vous serez tous unis, tous derrière ce projet, ce qui sera sorti de la CMP, s'il sort un texte ?

GERALD DARMANIN
Alors d'abord j'ai vu que François BAYROU s'était exprimé on ne peut plus clairement, dans le soutien de ce texte, et moi je l'en remercie…

JULIEN ARNAUD
Avec quelques points de friction sur quelques sujets.

GERALD DARMANIN
Oui, on a tous, même moi le texte ne me convient pas à 100%, mais c'est ça la politique, au bout d'un moment il faut savoir faire un accord. On ne décide jamais tout seul, le principe de la délibération c'est de le faire à plusieurs, donc oui moi je respecte les convictions bien sûr du MoDem et de François BAYROU, mais il soutient ce texte, je le remercie, Edouard PHILIPPE a déjà dit qu'il soutenait ce texte, donc la majorité oui, pour répondre à votre question, soutient ce texte. Après, est-ce qu'il y a unanimité ? Je n'en sais rien. Il y a toujours des voix sur tous les textes, moi-même quand j'étais député il m'est arrivé de voter différemment de mon parti, parce que, voilà, on a des convictions, des sensibilités, un territoire qui répond à des choses différentes, mais dans l'immense majorité des cas ce sera le cas.

JULIEN ARNAUD
C'est quoi, c'est une quinzaine de voix qui pourraient manquer ?

GERALD DARMANIN
Je ne sais pas, nous verrons bien, en tout cas notre travail à nous c'est de convaincre, c'est de parler avec les parlementaires, d'essayer de répondre à leurs questions et de les amener vers ce vote, jamais par la force, toujours par l'écoute et la conviction. Il y a des gens qui ont des sensibilités un peu différentes, moi je le respecte parfaitement, après je pense qu'il y a une grande solidarité, un grand soutien au président de la République, à la Première ministre, au gouvernement que nous sommes, et les gens voient bien que c'est difficile. C'est difficile parce que les temps sont très difficiles et que par ailleurs les Français ont voulu une majorité relative. Alors, on ne peut pas dire " on vous envoie une majorité relative, il faut que vous discutiez ", et puis quand on discute dire " là c'est trop long et c'est compliqué, et quand on arrive – moi je n'ai pas proposé de 49.3, j'ai dit je veux discuter avec l'Assemblée…

JULIEN ARNAUD
Et vous n'en voulez toujours pas ?

GERALD DARMANIN
Mais non, mais bien sûr. Si nous ne sommes pas capables de choisir, sur des sujets aussi importants, un débat et un accord, ça veut dire qu'on ne peut plus continuer comme ça. Si on multiplie les 49.3, on interdit le débat, là on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de débat, le gouvernement l'a voulu, l'Assemblée ne l'a pas voulu, mais ça fait des semaines qu'on en parle, donc démocratiquement je dis aux Français regardez, nous travaillons, devant vous, c'est difficile, parfois on a des échecs, parfois on a des réussites, parfois on souffre un peu, mais c'est ce que vous souhaitiez, on va arriver à un accord.

JULIEN ARNAUD
Et si pas de 49.3, comme vous le dites, et comme a priori c'est vers cela que se dirige le gouvernement, si le texte est rejeté, ça serait la plus sévère, j'allais dire défaite, du président de la République depuis son arrivée à l'Elysée. Comment, vous majorité, vous vous relevez de ça et est-ce que, j'allais dire dans la séquence plus globale depuis une semaine, depuis le rejet de cette motion, rejet préalable, à l'Assemblée nationale, vous parlez de crise politique aujourd'hui ?

GERALD DARMANIN
Vous avez une tendance au pessimisme, ça c'est quand même intéressant.

JULIEN ARNAUD
Ah...

GERALD DARMANIN
Ça fait deux fois que vous voyez des scénarios que noirs. Bon. Non, la politique, c'est au contraire, se dire qu'il faut se battre pour avoir des scénarios qui ne soient pas noirs. C'est la différence peut-être…

JULIEN ARNAUD
Vous êtes un peu trop optimiste peut-être.

GERALD DARMANIN
Non, c'est les acteurs, entre les acteurs et les commentateurs. Il y a ceux qui commentent le match de football et puis il y a ceux qui jouent au football. Bon, on sait tous que c'est plus difficile de jouer au football que de de commenter le football. Mais je vous retourne la question, si vous me le permettez. Si le texte est adopté, après toutes ces péripéties, vous pourriez dire aussi quelle victoire pour nous tous, pas simplement pour le président de la République, indubitablement bien sûr, mais aussi pour les oppositions qui ont su être responsables, et notamment le Sénat, qui a su apporter sa pierre à l'édifice. Vous savez, chaque jour suffit sa peine, nous avons un travail très important, chacun je crois voit qu'on se bat, je pense que ça c'est très important, de montrer aux Français qu'on ne réussit pas tout mais qu'on se bat, qu'on a de l'énergie, que l'on n'est pas défaitiste, qu'on n'est pas enfermé dans nos bureaux, avec nos dorures, en disant " ouh lala, ouh lala, on va regarder les Français se débrouiller avec leurs problèmes ". On se bat. Ce n'est pas facile, on se fait attaquer par beaucoup de gens, c'est le lot de ceux qui font des choses. Moi je me bats, et jusqu'à la dernière minute je protègerai les Français.

JULIEN ARNAUD
Et à tous ceux qui disent : " Le en même temps, finito ", pour reprendre un terme du président de la République, en gros, c'est fini la politique, la stratégie qu'avait mis en place Emmanuel MACRON depuis le début, c'est ce que révèle cette séquence, on ne sait pas comment ils vont réussir à poursuivre la suite du quinquennat. Vous leur dites quoi ?

GERALD DARMANIN
Non mais je ne sais pas ce que vous appelez le " en même temps ", mais si vous voulez nous faire dire qu'il faut régulariser les gens qui bossent, qui n'ont pas de problème, et puis expulser les personnes délinquantes, oui, moi je l'assume bien volontiers, mais c'est ça, vous avez une jambe droite et une jambe gauche, vous avez un équilibre dans la vie. Alors, bien sûr, moi je suis pour plus de fermeté, j'ai toujours dit que j'étais pour davantage de fermeté, davantage d'ordre, davantage d'autorité, mais ça n'empêche pas de tendre la main à ceux qui respectent les règles de la République. La France ce n'est pas un pays enfermé sur lui-même, la France a toujours fait venir sur son sol, des combattants de la liberté, les fameux chrétiens de Syrie qui sont persécutés, des personnes qui méritent qu'on les accompagne, et je pense que nous devons désormais être plus durs envers ceux qui nous crachent dessus. Voilà. C'est exactement ce que propose ce texte. Moi je n'ai pas, je ne me suis pas engagé dans la vie politique pour le Rassemblement national ou pour LFI, je me suis engagé pour Philippe SEGUIN, voilà, pour le gaullisme. Et le gaullisme c'est quoi ? C'est l'intérêt général avant tout. Là, je suis heureux d'avoir un président de la République, mais aussi, je regarde le président LARCHER, un Sénat qui pense à l'intérêt général.

JULIEN ARNAUD
Emmanuel MACRON a bien signifié il y a quelques jours " pas de dissolution ". Certains dans la majorité, dans votre majorité, le réclamaient, il a mis fin à ce débat pour le moment, en tout cas. Jordan BARDELLA, vous parliez du RN, lui a dit " attendez, moi je suis prêt pour aller à Matignon ". Quand on voit les sondages pour les Européennes, où le RN, sa liste en tout cas, conduite par Jordan BARDELLA, est en tête. Toutes les autres enquêtes d'opinion, les sondages qui sont faits, on voit que c'est le RN qui engrange ces derniers temps. Vous faites quoi…

GERALD DARMANIN
Alors, d'abord, la dissolution…

JULIEN ARNAUD
... pour inverser, si je me base de votre point de vue, la tendance ?

GERALD DARMANIN
D'abord, la dissolution, c'est une arme du président de la République, il l'utilise quand il le souhaite. Moi je n'ai jamais eu peur de retourner vers les électeurs. C'est normal, c'est sain. Les électeurs, ils décident et ils ont raison. Monsieur BARDELLA…

JULIEN ARNAUD
Le président aurait peur de faire des…

GERALD DARMANIN
Non non, je parle des gens. Le président, il ne se présente pas aux législatives.

JULIEN ARNAUD
Non non…

GERALD DARMANIN
De manière générale, vous me posez la question, à moi, je dis : c'est une arme du président, c'est lui qui décide seul, c'est la volonté du Général de GAULLE, mais personnellement, moi qui suis élu, je me retournerais bien volontiers devant les électeurs, si le président le décidait, et je n'aurais pas peur de leur suffrage. Ils votent pour moi, je serais heureux de continuer avec mon énergie au service des Français ; ils ne votent pas pour moi, je fais autre chose dans ma vie. Ce n'est pas grave, et c'est très bien, personne n'est propriétaire de sa charge. La politique, ce n'est pas une profession à vie. Bon. Deuxièmement, monsieur BARDELLA, il faut savoir pourquoi il se bat. J'ai compris qu'il voulait être député européen. Maintenant, ce qui l'intéresserait c'est d'être Premier ministre ; donc là ce n'est pas extrêmement clair sur la mission, manifestement c'est un jeu tactique personnel, monsieur BARDELLA, qu'il se présente aux élections législatives en Seine-Saint-Denis où il est élu. Il n'arrête pas de dire qu'il est de Seine-Saint-Denis, moi je ne l'ai pas vu une seule fois se présenter devant les électeurs de Seine-Saint-Denis aux élections législatives. Eh bien qu'il y aille, on verra bien s'il est député. Troisièmement, vous savez, ce qui compte, c'est, regardez ce qui compte autour de nous, partout il y a de la radicalité, partout il y a des extrémismes qui arrivent au pouvoir, madame MELONI en Italie, le Brexit en Angleterre, monsieur TRUMP, le nouveau président argentin, ce qui s'est passé aux Pays-Bas, ce qui s'est passé en Suède, ce qui s'est passé en Hongrie, ce qui s'est passé en Pologne. Nous serions le seul pays qui n'est pas concerné. Non. En revanche, on a eu un président de la République, malgré la montée très inquiétante du Rassemblement national, et je l'ai dit à plusieurs reprises, qui a réussi par deux fois à battre madame LE PEN. L'objectif que nous avons, c'est de la battre aux élections européennes, et on a monsieur SEJOURNE qui va mener la liste, et il faut faire campagne pour lui et nous espérons très fortement qu'on puisse l'emporter, parce que nous sommes le seul parti européen, les autres c'est en dehors de l'Europe, madame LE PEN propose un Frexit, ça n'a aucun intérêt. Et puis deuxièmement, c'est de, en 2027, de ne pas laisser le pouvoir au Rassemblement national. Et oui, il y a un combat…

JULIEN ARNAUD
Avec vous, en 2027 ?

GERALD DARMANIN
Oui, il y a un combat contre le Rassemblement national. Le mieux placé, mi ce qui m'intéresse, c'est que mon parti ce soit celui de la France et que l'on puisse éviter une France étriquée, où les extrémismes l'emporteraient. Et pour ça, il faut résoudre les problèmes des gens qui votent Rassemblement national. Moi, je n'ai jamais eu de position morale pour les électeurs du Rassemblement national. Je distingue les dirigeants du RN des électeurs. Les électeurs, je les comprends, et je veux leur apporter des solutions. Je constate que leurs dirigeants ne veulent pas parler du sujet pour lequel ils sont élus, par exemple l'immigration. Comment peuvent-ils expliquer que les députés du RN, qui ont été élus pour légiférer sur l'immigration ont refusé une minute de débat sur l'immigration, c'est quand même une question intéressante. A quoi sont-ils payés ?

JULIEN ARNAUD
Je repose ma question avec vous, en 2027, vous aviez dit dernièrement, effectivement, vous vous rangeriez derrière le mieux placé, pour l'instant, c'est l'ancien Premier ministre, Edouard PHILIPPE. Il y a un pacte tacite DARMANIN/PHILIPPE ?

GERALD DARMANIN
Non, mais le mieux placé, Edouard PHILIPPE, aujourd'hui, est le mieux placé, chacun connaît mon amitié et mon estime pour Edouard PHILIPPE, mais ce n'est pas une question de partir en vacances avec quelqu'un, une élection présidentielle, c'est qui peut avoir le meilleur projet, le mieux préparé, et peut battre Marine LE PEN, très certainement, à l'élection présidentielle. Voilà, c'est ça qui m'intéresse. C'est trop tôt aujourd'hui, je constate qu'Edouard PHILIPPE est le mieux placé, mais on verra bien ce qui se passera dans un an, deux ans. Vous savez, en attendant, on a énormément de travail. Et quand on est ministre de l'Intérieur, on doit se concentrer sur son travail, c'est ce que je fais, tout en m'intéressant évidemment à l'avenir de mon pays…

JULIEN ARNAUD
Vous avez hâte de clore cette séquence sur ce sujet immigration, on a l'impression que le président de la République, lui, a envie d'en finir rapidement ?

GERALD DARMANIN
Vous savez, ça fait la quatrième année que je suis ministre de l'Intérieur, c'est assez rare, c'est difficile d'être ministre de l'Intérieur, c'est un très grand honneur. Moi, tous les jours, je me bats pour la sécurité des Français, et je n'ai pas que l'immigration dans ma journée, il y a les courageux sapeurs-pompiers qu'on doit aider, il y a les policiers et les gendarmes qui font un travail contre la délinquance, il y a les préfets, il y a l'Outre-mer, voilà, il y a beaucoup de projets, il y a beaucoup de sujets…

JULIEN ARNAUD
Ça aura duré 18 mois sur l'immigration…

GERALD DARMANIN
Oui, mais c'est normal, encore une fois, la dernière loi a eu lieu, il y a six ans ; bon, le monde change, regardez ce qui se passe au Sahel, regardez ce qui se passe en Syrie, en Afghanistan, regardez ce qui se passe dans le monde entier, à Lampedusa, il est normal que sur une question extrêmement délicate, on prenne le temps, on arrive vers la fin, et si ça se termine par un accord, je pense qu'on pourra dire qu'on a bien oeuvré pour les Français.

JULIEN ARNAUD
Dernière question, ça m'intéressait, il y a une semaine, vous alliez à l'Elysée, lundi soir, pour remettre votre démission au président de la République, est-ce que vous avez voulu vraiment démissionner, Gérald DARMANIN ?

GERALD DARMANIN
Ah oui, moi, je suis toujours sincère, bien sûr. Pourquoi ? Parce que je suis très respectueux du Parlement, le Parlement, dans une démocratie…

JULIEN ARNAUD
Ce n'est pas une mise en scène ? Beaucoup ont dit : oh, c'était couru d'avance, il va apporter sa démission, le président va la refuser, et puis, comme ça, ça permet de tout le monde sortir un peu grandi…

GERALD DARMANIN
Si je ne l'avais pas fait, on aurait dit : alors, voilà, il reste prétentieux, accaparé à son poste. Moi, je ne suis pas propriétaire de ma charge, voilà. Je ferais... je pense que je ferais honte à ma fonction si lorsque le Parlement s'exprime, je n'en tire pas de conséquence. Moi, je suis un démocrate profondément, je respecte le Parlement, le Parlement s'est exprimé, et il a voté une motion de rejet, je le regrette profondément, c'était un calcul politique. Mais je pense qu'il faut en tirer des conclusions, sinon, personne n'est responsable de rien. J'essaie d'être un homme d'honneur, voilà. Après, le président de la République, c'est lui qui nomme. Donc c'est lui qui... ce n'est pas le Parlement qui nomme. Le Parlement donne ou pas sa confiance, c'est le président de la République qui nomme. Il a souhaité que je continue, et je l'en remercie. Mais indépendamment de ça, non, c'était tout à fait, et comme toujours, très sincère, vous savez, on peut m'aimer ou ne pas m'aimer, je suis toujours sincère, et je suis toujours honnête avec moi-même, au moins, je peux me regarder dans une glace, et dire aux Français, dire aux parlementaires que quand ils disent quelque chose, ça n'a pas aucune conséquence, ça a toujours des conséquences.

JULIEN ARNAUD
Merci beaucoup Gérald DARMANIN d'avoir été notre invité…

GERALD DARMANIN
Merci beaucoup.

JULIEN ARNAUD
On l'a bien compris, compte à rebours qui est bien lancé, jusqu'à cette Commission mixte paritaire et on verra ce qui se passe dans les Assemblées.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 décembre 2023