Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Olivier DUSSOPT.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
Nuit agitée du côté de la CMP, la Commission mixte paritaire sur l'immigration, elle doit reprendre ses travaux ce matin à 10h30, mais des articles ont déjà été votés, limitation du regroupement familial, quotas migratoires, retour du délit de séjour irrégulier, caution pour un visa étudiant, on voit déjà bien ce sur quoi vous avez plié au gouvernement, en revanche on voit un peu moins ce que LR vous a cédé, est-ce que la majorité est en train de capituler ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne crois pas, et nous sommes dans une situation qui est une situation évidemment difficile, sur un texte qui est un texte difficile aussi, parce que les textes sur l'immigration ne sont jamais des textes simples, qui plus est dans un contexte de majorité relative, et plus encore, dans un contexte où une alliance entre le Front national et la NUPES a interdit l'Assemblée nationale de débattre et a amené la CMP à se réunir sur le seul texte du Sénat.
SALHIA BRAKHLIA
Sur le fond, est-ce que vous êtes en train de capituler, Olivier DUSSOPT ?
OLIVIER DUSSOPT
Je vous réponds que non, je vous réponds que non, et vous avez fait une liste de mesures dans les discussions qui ont eu lieu, qui ont permis de préparer cette CMP, il y en a d'autres que vous auriez pu citer.
JEROME CHAPUIS
Alors lesquelles justement, parce que, encore une fois, je repose la question de Salhia, sur quoi est-ce que les Républicains sont en train de céder ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais cela a été dit, cela a été annoncé. Gérald DARMANIN était tout à l'heure sur une autre chaîne, il l'a dit, nous le disons depuis plusieurs jours, nous avons obtenu et nous faisons en sorte que la question de l'AME ne soit pas dans ce texte…
JEROME CHAPUIS
L'Aide Médicale d'Etat, oui.
OLIVIER DUSSOPT
L'Aide Médicale d'Etat…
JEROME CHAPUIS
Mais elle sera dans un texte en janvier pour…
OLIVIER DUSSOPT
Ça reste un rapport préparé par Monsieur STEFANINI et Monsieur EVIN qui montre…
JEROME CHAPUIS
Avec l'idée, quand même, de restreindre les droits des étrangers.
OLIVIER DUSSOPT
Qui démontre la pertinence de l'AME. Nous avons obtenu qu'il n'y ait plus de mineurs dans les CRA, les centres de rétention administratifs, c'est une mesure attendue par la gauche depuis des années. Nous avons obtenu que des dispositions, un article, permettant de régulariser les hommes et des femmes qui travaillent légalement, dans des métiers en tension, malgré leur situation irrégulière, puissent être régularisés, au compte-gouttes…
JEROME CHAPUIS
A la discrétion des préfets.
SALHIA BRAKHLIA
Vous allez un peu vite, là, Olivier DUSSOPT…
OLIVIER DUSSOPT
Au compte-gouttes et à la discrétion du préfet, sur la base de critères et sur la base de dispositions législatives. Il y a un mois et demi, personne ne pensait qu'il y aurait une disposition législative, que nous pourrions sauver une disposition législative, pour permettre ces régularisations, c'est le cas aujourd'hui. Donc, il y a une commission mixte paritaire qui va reprendre ses travaux tout à l'heure, elle est composée de sept sénateurs, de sept députés, le gouvernement n'y participe pas, elle est souveraine, elle va travailler, trouver des solutions et, nous l'espérons, un accord.
JEROME CHAPUIS
Allez, on va reprendre tout ça point par point, et notamment la question des aides sociales aux étrangers, parce qu'au centre des débats, depuis quelques jours, il y a un sujet qui focalise l'attention, c'est notamment la réduction des aides sociales pour les étrangers réguliers pendant cinq ans, au départ on disait hors allocations logement, les APL, là les négociations sont toujours en cours. Vous, qui venez de la gauche, Olivier DUSSOPT, est-ce que vous assumez, est-ce que vous endossez le fait qu'on puisse priver des étrangers, parce qu'ils sont étrangers, d'allocations comme les APL ?
OLIVIER DUSSOPT
Il faut aller au bout de votre raisonnement, et il faut être, pardon de le dire comme ça, mais être plus précis dans l'énoncé de ce dont nous discutons aujourd'hui. Le Sénat a voté un texte qui dit que toutes les aides sociales ne peuvent être accessibles qu'après cinq ans de résidence, quelle que soit la situation des personnes, et cela ressemble à ce qui existe déjà pour le RSA puisque, peu de gens le savent, mais par exemple le RSA, ce n'est pas d'aujourd'hui, le RSA, depuis des années et des années, vous ne pouvez pas l'avoir si vous n'avez pas cinq ans de présence sur le territoire. Nous, ce que nous disons, c'est que les étrangers qui viennent et qui travaillent dans notre pays doivent être accompagnés, doivent être aidés, et un étranger qui vient - et quand on parle d'étrangers on parle d'étrangers non européens, des étrangers non-communautaires - qui vient et qui travaille, doit être accompagné, doit avoir accès notamment à l'allocation logement, c'est là-dessus que nous travaillons. Il y a, dans notre majorité….
SALHIA BRAKHLIA
Olivier DUSSOPT, vous choisissez les allocations dont vous parlez en fait, mais la difficulté qui pose problème, notamment à l'aile gauche de la majorité, c'est qu'on parle par exemple des allocations familiales, on parle des étrangers en situation régulière, il va falloir attendre cinq ans pour que ces étrangers en situation régulière puissent toucher des allocations familiales, ça, ça ne vous pose pas problème ?
OLIVIER DUSSOPT
Ce que vous dites là c'est ce que demande le Sénat, c'est ce que demande le Sénat, ce n'est pas ce que fera la CMP, ce n'est pas ce que veut la majorité à l'Assemblée nationale, et donc il y a des discu…
SALHIA BRAKHLIA
Et alors la majorité va pouvoir l'emporter là-dessus ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a des discussions, et, je le répète, nous, nous disons que celles et ceux qui viennent sur notre territoire, dans notre pays, pour travailler, doivent avoir accès aux aides. Marine LE PEN et ses amis…
SALHIA BRAKHLIA
Au bout de combien de temps ? aujourd'hui c'est six mois.
OLIVIER DUSSOPT
Marine LE PEN et ses amis nous expliquent à longueur de temps que leur thème et leur objectif c'est la préférence nationale, ce n'est pas notre cas, nous ne sommes pas dans une logique de préférence nationale…
JEROME CHAPUIS
Ce n'est pas de la préférence nationale ?
OLIVIER DUSSOPT
Non, nous faisons la différence entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, qu'on soit français ou qu'on soit étranger, et ce qui se discute aujourd'hui c'est l'accès à un certain nombre de prestations, avec parfois un délai de carence, mais nous voulons que celles et ceux qui travaillent soient mieux accompagnés.
JEROME CHAPUIS
Mais, les allocations familiales réservées aux Français vous appelez ça comment ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais, qui vous dit réservées aux Français ? enfin, pardon, mais écoutez les réponses que je fais aussi, nous disons que des hommes et des femmes, notamment dans le cadre du regroupement familial, qui viennent sur le territoire, ils travaillent, ils travaillent, parce que figurez-vous, et le maire que j'ai été, signait, validait, des dossiers de regroupement familial, disait si les conditions étaient remplies, quand vous êtes un étranger…
SALHIA BRAKHLIA
Mais la question c'est…
OLIVIER DUSSOPT
Je vais au bout, je vais au bout parce que…
SALHIA BRAKHLIA
C'est le timing, au bout de combien de temps ils vont pouvoir toucher les prestations sociales ?
OLIVIER DUSSOPT
Je vais au bout, pardonnez-moi, mais il faut être précis sur ces sujets-là.
SALHIA BRAKHLIA
Bien sûr.
OLIVIER DUSSOPT
Quand vous êtes un étranger non communautaire, non européen, que vous travaillez sur notre territoire et que vous souhaitez procéder à un regroupement familial, faire venir votre femme, votre compagnon, vos enfants, il y a des conditions qui sont posées, vous devez avoir un logement qui permet de les accueillir, vous devez avoir des revenus qui vous permettent de les faire vivre, et donc une situation dans laquelle un regroupement familial est fait autour de quelqu'un qui ne travaille pas, ça n'existe pas, et donc nous voulons permettre cet accès-là, il y a des discussions sur la durée, il y a des discussions sur les délais de carence qui peuvent être mis en place, sachant que même pour les Français expatriés qui reviennent en France il y a déjà des délais de carence. Donc laissons la CMP travailler, pour qu'elle trouve le bon équilibre, en veillant à ce que celles et ceux qui travaillent et qui viennent pour travailler, l'immense majorité des étrangers non européens, puissent être accompagnés le plus correctement possible.
SALHIA BRAKHLIA
Donc pour les autres qui ne travaillent pas, les étrangers en situation régulière, on peut aller jusqu'à cinq ans avant d'obtenir les allocations ?
OLIVIER DUSSOPT
Des étrangers, non-européens, qui viennent en France, sans travailler un seul jour en cinq ans, il n'y a pas beaucoup, il n'y en a pas beaucoup, ou dans des cas très exceptionnels, ça peut arriver…
SALHIA BRAKHLIA
Je veux juste comprendre la position de la majorité…
OLIVIER DUSSOPT
Ça peut arriver, notamment pour des difficultés d'intégration pour des personnes qui sont réfugiées, mais ce n'est pas le même statut et ce n'est pas le même cas.
SALHIA BRAKHLIA
Olivier DUSSOPT, vous étiez censé défendre le volet régularisation des travailleurs sans-papiers, ce devait être un droit opposable pour ces travailleurs, avec ce texte la régularisation des travailleurs sans-papiers se fera à la discrétion des préfets, c'est, là encore, une concession qui vous reste en travers de la gorge ?
OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, quand on n'a pas de majorité absolue et qu'on est dans la situation où nous sommes, quand nous avons en face de nous une opposition, y compris une opposition de gauche, qui s'oppose à une mesure de régularisation des travailleurs sans-papiers, ce qui quand même est assez exceptionnel, il faut savoir trouver des solutions, et y compris des compromis. En l'état des discussions, et là aussi la CMP abordera ces sujets dans la journée, nous avons comme projet une disposition qui permettra au préfet d'accorder une admission au séjour, c'est-à-dire d'accorder un titre de séjour, à des hommes et des femmes qui travaillent, qui travaillent légalement, dans des métiers en tension, mais qui n'ont, à titre personnel, pas de papiers, qui sont en situation irrégulière. Vous dites à la discrétion, mais c'est sur la base de critères, de critères fixés par la loi.
SALHIA BRAKHLIA
Mais le choix revient quand même au préfet.
OLIVIER DUSSOPT
Il revient au préfet sur la base de critères…
SALHIA BRAKHLIA
Ce n'est pas ce que vous vouliez au départ.
OLIVIER DUSSOPT
Sur la base de critères, et ce que nous voulions absolument, parce que c'est l'état du droit aujourd'hui, c'est permettre à ces salariés, à ces hommes et ces femmes qui travaillent, de faire la demande seuls. Pourquoi est-ce que je dis cela ? Parce qu'il existe une circulaire, qu'on appelle la circulaire Valls, depuis 2012, qui permet une admission au séjour pour des hommes et des femmes qui travaillent, à condition que leur employeur accompagne la démarche, l'accompagner c'est reconnaître qu'on salarie quelqu'un qui n'a pas de papiers, c'est s'engager à payer une contribution à l'Office français de l'immigration, c'est s'engager à garder la personne pendant 18 mois. Nous, ce que nous voulons, c'est que ces hommes et ces femmes qui travaillent, depuis longtemps, qui sont présents sur notre territoire depuis longtemps, puissent demander leur régularisation seuls, sans qu'il y ait intervention de l'employeur, parce que parfois c'est compliqué pour un employeur de s'engager, comme on le demandait, et puis parfois, dans des cas heureusement minoritaires, heureusement marginaux…
SALHIA BRAKHLIA
Ils n'en n'ont pas envie.
OLIVIER DUSSOPT
Il y a aussi des employeurs qui peuvent trouver une forme de confort, de satisfaction, à avoir un salarié qui soit en état de fragilité.
JEROME CHAPUIS
Olivier DUSSOPT, le ministre du Travail, du Plein emploi, de l'Insertion, est l'invité du 8 :30 France Info, on vous retrouve dans une minute, juste après le Fil info.
(…)
JEROME CHAPUIS
Avec le ministre du Travail, Olivier DUSSOPT, vous évoquiez, il y a quelques minutes, l'Aide Médicale d'Etat, je voudrais qu'on s'arrête là-dessus quelques instants, parce que vous évoquiez notamment ce rapport de Claude EVIN, Patrick STEFANINI, l'un qui vient de la gauche, l'autre qui vient de la droite, à propos de l'AME, dispositif, disaient-ils, utile, globalement, maîtrisé, qui ne constitue pas un facteur d'incitation à l'immigration irrégulière. Et pourtant, Elisabeth BORNE annonce qu'il y aura bien une réforme de ce dispositif de l'AME. Pour en restreindre les droits début 2024 ?
OLIVIER DUSSOPT
Alors, d'abord, il faut rappeler que l'AME est utile, vous l'avez dit, le rapport de monsieur STEFANINI et de monsieur EVIN le dit. Et nous avons dit, dès le départ, dès le début de l'examen du projet de loi sur l'immigration, que nous ne souhaitions pas, ni la Première ministre, ni Gérald DARMANIN, ni moi-même, ni l'ensemble du gouvernement, que l'AME apparaisse dans ce texte sur l'immigration.
JEROME CHAPUIS
Ce sera donc dans un…
OLIVIER DUSSOPT
Et donc il n'y aura pas de disposition sur l'AME dans ce texte. La Première ministre a commandé un rapport, qui rappelle ce que vous avez dit, qui rappelle aussi, et c'est important parce que ça souligne combien l'AME est utile, 25 % des personnes qui sont soignées dans le cadre de l'AME sont des enfants. Et nous sommes dans un pays où non seulement, on soigne, mais en plus, on soigne très prioritairement, et c'est logique, les enfants. Est-ce que l'AME est un dispositif qui ne doit absolument pas bouger ? Est-ce que le Parlement doit se priver de discuter de l'AME et de voir notamment ce qu'on appelle le panier de soins, pour l'ajuster et de faire en sorte d'être sur des soins qui soient des soins essentiels, qui empêchent notamment les épidémies, c'est très important en matière de santé publique, je pense qu'on peut toujours en discuter, et c'est le sens du courrier de la…
SALHIA BRAKHLIA
Olivier DUSSOPT...
JEROME CHAPUIS
On peut en discuter, mais en fait, c'est la condition ?
SALHIA BRAKHLIA
Utile, les mots quand même sont importants, du rapport, utile, globalement maîtrisé, il ne constitue pas un facteur d'incitation à l'immigration irrégulière…
OLIVIER DUSSOPT
C'est sur cette base-là que nous aurons à discuter de l'AME…
SALHIA BRAKHLIA
Mais alors pourquoi annoncer une réforme de l'AME ? Est-ce que, en fait, vous êtes en train, là encore, de céder au chantage des LR ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais j'ai bien compris que c'était votre leitmotiv du matin…
SALHIA BRAKHLIA
Mais j'essaie de comprendre en fait…
OLIVIER DUSSOPT
Mais ça n'est pas le cas…
SALHIA BRAKHLIA
Puisqu'il y a un rapport qui a été commandé par le gouvernement…
OLIVIER DUSSOPT
Vous pouvez faire les réponses à ma place, mais ça n'est pas le cas. Et le rapport, vous l'avez cité, c'est un rapport qui est utile, constructif, rédigé par un homme de droite, un homme de gauche, monsieur STEFANINI, monsieur EVIN. Est-ce que nous devons nous arrêter là et nous priver de toute forme de discussion ? La réponse est non. Il y a quelques années, en 2018, de mémoire, peut-être 2019, il y avait déjà une modification du panier de soins parce que nous avons considéré à cette époque-là que certains soins qui étaient dans l'offre globale de l'AME n'avaient pas nécessairement leur place.
JEROME CHAPUIS
On sent beaucoup de tensions, même là encore dans nos discussions ce matin, beaucoup de tensions dans les discussions qui ont lieu, qui ont eu lieu jusque tard dans la soirée. La majorité, dit, à l'instant, le chef des députés Renaissance, ne cédera pas sur les aides au logement, qui est un point manifestement bloquant qu'on évoquait au début de cet entretien. Est-ce que vous vous placez aujourd'hui, vous, ministre du Travail, Olivier DUSSOPT, dans l'idée qu'il n'y ait pas d'accord tout à l'heure ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a une demande du Sénat, je le répète, le Sénat et sa majorité qui est à droite, la vie politique est ainsi faite, qui est de reculer l'accès aux appels de 5 ans. Ce n'est pas envisageable. Et Sylvain MAILLARD le rappelle. Moi, je souhaite que la CMP puisse trouver un accord, et il est normal que le président du principal groupe de la majorité et du groupe Renaissance, Sylvain MAILLARD, rappelle aussi les positions que défend la majorité. Nous devons trouver une solution parce que ce texte est utile. Il est utile, il a des mesures utiles en matière d'intégration par le travail. Il a des mesures utiles pour donner plus de force à nos décisions de justice et au respect finalement des décisions de l'Etat.
JEROME CHAPUIS
Mais pardon de dramatiser, mais, à l'heure qu'il est, on ne sait pas trop de quel côté la pièce va retomber. Vous estimez aujourd'hui qu'il y a de bonnes chances d'arriver à un accord dans la journée ?
OLIVIER DUSSOPT
Je l'estime et je l'espère…
SALHIA BRAKHLIA
Si accord…
OLIVIER DUSSOPT
Parce que, je le répète, ce texte porte des dispositions utiles, tant sur ce qu'on appelle le volet régalien, c'est-à-dire la force qu'on donne à nos décisions de justice, à nos lois, à nos décrets, à nos décisions administratives, que sur la partie intégration, notamment intégration par le travail.
SALHIA BRAKHLIA
Si accord à la CMP il y a, l'Assemblée devra se prononcer elle aussi. Est-ce que les députés de la majorité qui ne voudront pas voter ce texte seront sanctionnés ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne crois pas que nous sommes dans cette situation-là. Et avant de faire des plans sur la comète et d'examiner les étapes qui viennent après, faisons les choses une par une. Trouvons le meilleur accord possible, et ensuite, voyons ce qui se passe au moment des votes.
JEROME CHAPUIS
En tout cas, s'il y a limitation du regroupement familial, quota migratoire, retour du délit de séjour irrégulier, vous, si vous étiez…
OLIVIER DUSSOPT
Intégration par le travail, interdiction du placement des mineurs dans les centres de rétention administrative, meilleure lutte contre notamment les passeurs et les marchands de sommeil. La lutte contre les marchands de sommeil…
SALHIA BRAKHLIA
Non, mais la question qui se pose, c'est si vous êtes totalement à l'aise avec ce texte qui va ressortir ?
OLIVIER DUSSOPT
Vous croyez vraiment que si je n'étais pas à l'aise, je serais aujourd'hui à le défendre devant vous ? Je travaille depuis des mois avec Gérald DARMANIN pour avoir le meilleur texte possible, et je le répète à nouveau. S'il n'y avait pas eu cette alliance irresponsable entre le Front national et la NUPES à l'Assemblée, il y aurait eu quinze jours de débats qui auraient permis de régler un certain nombre des sujets dont nous parlons aujourd'hui.
JEROME CHAPUIS
On va évoquer d'autres sujets. Je le disais, vous êtes aussi ministre du Plein emploi, c'est dans l'intitulé de votre titre. Bruno LE MAIRE, le 23 novembre dernier sur France Info, disait : il y a quelque chose qui cloche dans le modèle social français depuis un demi-siècle, nous n'avons jamais offert le plein emploi à nos compatriotes. Est-ce que vous aussi, vous considérez que le modèle social est un obstacle aujourd'hui au plein emploi ?
OLIVIER DUSSOPT
Ce que je constate aujourd'hui, c'est que nous avons le taux d'emploi le plus élevé depuis 1975, et c'est une vraie réussite. Ça s'explique par la création de millions d'emplois par l'économie française depuis 2017, ça s'explique par la politique d'apprentissage. Ça s'explique par les réformes que nous avons mises en place…
JEROME CHAPUIS
Mais là, il semblerait qu'on touche un plancher...
OLIVIER DUSSOPT
Et ou un plafond…
JEROME CHAPUIS
Un plafond…
OLIVIER DUSSOPT
Plus exactement. Nous avons deux difficultés à résoudre. La première difficulté, c'est le taux d'emploi des jeunes qui est moins élevé que dans les autres pays. Et la deuxième difficulté, qui est plus forte encore, c'est le taux d'emploi des seniors à partir de 50, 55 ans et plus encore entre 60 et 64 ans. Ce sont là les bornes statistiques. Ce n'est pas que l'âge futur de départ à la retraite. Pour cela, nous devons nous attaquer à tous les problèmes en matière d'emploi des seniors. J'ai demandé, et le gouvernement demande aux partenaires sociaux, de discuter dans les semaines qui viennent, jusqu'au 15 mars, un accord sur l'emploi des seniors avec des bonus à la reprise d'activité, avec des aides à la formation et à la reconversion. Parce que nous savons que l'enjeu principal, c'est le maintien dans l'emploi. Et puis, nous avons un certain nombre de dispositifs dans notre modèle social, notamment notre modèle d'assurance chômage, qui sont des dispositifs qui peuvent parfois, je dis bien parfois, parce qu'il y a toujours des exceptions, s'apparenter à des incitations à la sortie des seniors du marché de l'emploi.
JEROME CHAPUIS
Alors, c'est important, parce que…
SALHIA BRAKHLIA
Oui, parce que les syndicats ne sont pas du tout d'accord avec vous sur le fait de toucher l'indemnisation des seniors au chômage. Pourquoi, la question qu'ils vous posent, c'est pourquoi vouloir toucher à l'indemnisation des chômeurs seniors plutôt que de demander des engagements aux entreprises ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous, ce que nous avons demandé aux partenaires sociaux dans le cadre de la convention UNEDIC qu'ils ont signée, mais qui, à nos yeux, est incomplète, c'est la raison pour laquelle nous ne l'avons pas signée…
SALHIA BRAKHLIA
Vous ne l'avez pas validée…
OLIVIER DUSSOPT
Et nous laissons aux partenaires sociaux jusqu'à la fin du mois de mars pour discuter de cet accord sur les seniors afin de compléter les dispositions. Nous, ce que nous disons, c'est que, aujourd'hui, dans le système d'assurance chômage, à partir de 53 ans et à partir de 55 ans, vous avez des majorations, des augmentations de votre durée d'indemnisation…
SALHIA BRAKHLIA
Oui, 27 mois, alors que pour…
OLIVIER DUSSOPT
En fait, quand vous avez plus de 55 ans et que vous vous inscrivez auprès de l'assurance chômage, la durée d'indemnisation qui est la vôtre est multipliée par 1,5, c'est 50 % d'augmentation. Ce que nous disons et ce que j'ai dit dans une lettre de cadrage avec la Première ministre aux partenaires sociaux, c'est qu'il faut tenir compte de la réforme des retraites. Et donc, puisque l'âge de départ à la retraite se décale de deux ans, décaler l'âge d'accès à cette augmentation de la durée d'indemnisation d'autant, c'est ce que nous demandons...
SALHIA BRAKHLIA
Mais les syndicats vous disent : cette durée d'indemnisation, elle est presque doublée par rapport aux autres pour les seniors, parce que c'est deux fois plus difficile pour un senior de trouver du travail…
OLIVIER DUSSOPT
Elle n'est pas doublée, elle est multipliée par 1,5. Mais c'est aussi parce que…
SALHIA BRAKHLIA
C'est plus dur à 55 ans de trouver du travail…
OLIVIER DUSSOPT
C'est aussi parce que nous savons cela que dans le cadre de l'accord sur les seniors que nous leur demandons de négocier, nous souhaitons qu'il y ait des mesures de maintien dans l'emploi. Et on est dans une situation un peu particulière. On parle beaucoup du taux d'emploi des seniors, et c'est un taux d'emploi qui est plus bas. Par contre, le taux de chômage des seniors est plus bas que la moyenne. Parce qu'en réalité, les dispositifs qui existent aujourd'hui font que les seniors sont sortis du marché du travail. Et c'est là notre difficulté…
SALHIA BRAKHLIA
Donc il ne faut pas agir du côté des entreprises ?
OLIVIER DUSSOPT
Donc nous devons les maintenir dans les entreprises par de la reconversion, de la formation, de la possibilité d'aménagement des fins de carrière. Dans le cadre de la réforme des retraites, j'ai facilité l'accès à la retraite progressive pour les salariés du secteur privé, et j'ai ouvert cet accès aux agents du secteur public, et donc nous devons travailler sur tous ces aspects-là. Nous devons aussi réfléchir, et j'espère que les organisations syndicales et patronales le feront, à des incitations à la reprise d'activité, parce qu'on ne peut pas durablement rester dans la situation où on est où le taux de chômage des seniors en France…
SALHIA BRAKHLIA
Il y a des engagements du côté des entreprises, Olivier DUSSOPT, c'est impensable…
OLIVIER DUSSOPT
Quand on parle de formation, de reconversion, quand on parle d'aménagement de fin de carrière, ça renvoie à cela. Et on ne peut pas rester aussi durablement avec un taux d'emploi des seniors en France qui est quinze points en dessous de la moyenne européenne. Aujourd'hui, pardon de faire cette parenthèse, mais, c'est l'enjeu maximum que nous avons pour sauver nos systèmes de protection sociale à horizon 2050 en France et en Europe. En Europe, nous avons 265 millions de personnes aujourd'hui qui travaillent. En 2050, la population européenne n'aura pas baissé, elle aura même un peu augmenté. Nous aurons 235 millions. Nous allons perdre 30 millions d'actifs du fait du vieillissement de la population. Et donc, il faut globalement maintenir un niveau de production de richesses assez élevé pour permettre le financement des systèmes de protection sociale. C'est ça l'enjeu, et c'est un enjeu pour les plus fragiles. Parce que, vous savez, quand on parle des ultrariches, ils n'ont besoin de personnes pour préparer leur retraite. Nous devons protéger celles et ceux qui ont besoin d'une pension de retraite, et donc penser à cet avenir-là en augmentant le taux d'emploi des seniors, et en poussant toujours et encore cet objectif de plein emploi.
JEROME CHAPUIS
Olivier DUSSOPT, ministre du Travail. Vous êtes avec nous encore pour quelques minutes. On vous retrouve dans une minute, juste après le Fil info.
(…)
JEROME CHAPUIS
INTERMARCHE et AUCHAN sont en négociations exclusives avec le groupe CASINO pour la reprise de plus de 300 magasins. L'ensemble du personnel, à une heure de chez vous, Saint-Etienne, siège historique de CASINO, des familles entières sont inquiètes. Olivier DUSSOPT, est-ce que le scénario qui se dessine, est de nature à vous rassurer ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est un scénario que nous suivons avec beaucoup d'attention, à la fois côté ministère du Travail et côté ministère de l'Economie. Le groupe CASINO, c'est 50 000 personnes en France. 50 000 personnes, c'est un réseau d'enseignes, de grandes surfaces, qui est un réseau extrêmement important, et évidemment, le gouvernement souhaite que les projets de reprise, les projets de reprise puis de cession, puisque nous sommes dans ce double phénomène, soient des projets qui préservent un maximum d'emplois.
JEROME CHAPUIS
Un maximum.
OLIVIER DUSSOPT
Un maximum d'emplois, et de ce que nous avons vu, de ce que nous savons par la Presse, parce que c'est normal, ce sont des acteurs privés qui discutent entre eux, des projets de reprise qui ont été présentés hier, il y aurait la reprise de beaucoup, beaucoup des enseignes, la plupart des magasins d'hypermarchés, de supermarchés, et le maintien des emplois. Se pose la question des salariés du siège. Ils sont 1 700 personnes, qui sont au siège de CASINO à Saint-Etienne, et le repreneur du groupe, les différentes discussions dont nous avons connaissance, prennent, nous laissent penser qu'ils prennent des engagements pour les préserver…
JEROME CHAPUIS
Y compris pour préserver le siège à Saint-Etienne ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est un point d'intention que nous avons. Alors, il faut être aussi très honnête quand on parle de ces sujets-là. Nous sommes face à des entreprises privées, qui ont une liberté de décision, et…
SALHIA BRAKHLIA
Vous, vous ne parlez pas du tout avec eux, avec les repreneurs ?
OLIVIER DUSSOPT
Avec les repreneurs, pas à ce stade, pas au niveau du ministère du Travail. Nous ne sommes pas à ce stade-là.
SALHIA BRAKHLIA
Et du côté de Bercy ?
OLIVIER DUSSOPT
Et du côté de Bercy, je laisse mes collègues de Bercy mener ces discussions là et les commenter si c'est nécessaire. Mais…
JEROME CHAPUIS
Mais vous, comme élu d'un département qui n'est pas très éloigné, vous êtes à Annonay…
OLIVIER DUSSOPT
Evidemment…
JEROME CHAPUIS
Vous êtes sensible au fait que, voilà, Saint-Etienne, c'est CASINO.
OLIVIER DUSSOPT
Par la proximité de Saint-Etienne et par l'histoire de Saint-Etienne, évidemment. Comme ministre du Travail, que le siège soit, en tout cas, que les entreprises ou les emplois concernés soient à Saint-Etienne ou partout ailleurs en France, quand on parle de 1 700 emplois, c'est forcément sensible et c'est normal qu'il y ait des inquiétudes. Tous les services du gouvernement, tous les ministères sont mobilisés pour accompagner les meilleures offres et voir comment les choses peuvent se passer dans les meilleures conditions. Je le répète, quasiment 50 000 salariés, c'est une histoire, c'est une marque française, c'est aussi un groupe qui a accumulé beaucoup de dettes, qui a réalisé beaucoup de pertes. Ce qui amène à cette reprise par des actionnaires et à cette restructuration par des cessions que nous suivons avec la plus grande attention.
SALHIA BRAKHLIA
Olivier DUSSOPT, le Smic va augmenter au 1er janvier, de 15 ,60 € net par mois. En 2 ans, le nombre de salariés payés au Smic a nettement augmenté, on est passé de 14,5 à 17,3 %. C'est donc l'illustration d'un tassement des salaires au niveau du Smic. C'est révélateur aussi du fait que les entreprises ne veulent pas augmenter les salariés ?
OLIVIER DUSSOPT
Alors, les entreprises ont globalement augmenté les salariés plus fortement que dans toutes les autres périodes, du fait de l'inflation. Le Smic a augmenté, et quand on regarde depuis début 2021, le Smic aura augmenté, au total, en comptant l'augmentation du 1er janvier qui vient, de plus de 14 %, entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2024.
JEROME CHAPUIS
Et là on parle des salaires qui sont juste au-dessus.
OLIVIER DUSSOPT
Non mais j'y vient. C'est ça l'explication. Quand le Smic augmente autant, parce que le Smic est indexé sur l'inflation, dans un mécanisme de protection, cela a comme conséquence de rattraper des niveaux de rémunération fixés par les conventions collectives. Ça peut aussi avoir pour conséquence de rattraper des salariés qui sont payés légèrement au-dessus. C'est ce qu'on appelle le tassement des grilles.
SALHIA BRAKHLIA
Alors, comment on en sort ?
OLIVIER DUSSOPT
Comment on en sort ? On en sort par le dialogue social d'abord, parce que la loi en France dit que le Smic est fixé par la loi et par le décret avec des mécanismes d'indexation, mais que les grilles de salaires des conventions collectives par branches professionnelles, c'est le dialogue social. Les branches font ce dialogue social pour la plupart. Et il y a des branches pour lesquelles le dialogue social est plus compliqué. Nous estimons, enfin nous savons, pardon, qu'aujourd'hui, 33 branches sur les 170 que nous suivons, ont un niveau de rémunération qu'on appelle conventionnel, au moins un niveau inférieur au Smic. Ça ne veut pas dire que les gens sont payés moins que le Smic, mais ça veut dire qu'il y a un tassement au début de la carrière.
SALHIA BRAKHLIA
Donc comment on les oblige à augmenter les salaires ?
OLIVIER DUSSOPT
Parmi elles, il y en a une dizaine pour lesquelles c'est beaucoup plus durable. Je les reçois, je les reçois une par une pour faire le point sur les difficultés, voir comment les encourager. Quels sont les leviers dont nous disposons ? Nous en avons deux principalement. Le premier levier, c'est un levier qui a été voté en août, en juillet 2022, pardon, c'est la loi du 16 août 2022, qui dit que si une branche ne passe pas d'accord, si on parle d'atonie du dialogue social, ça autorise le gouvernement à procéder à sa restructuration et son rapprochement, sa fusion avec une autre branche. Et puis il y a un deuxième levier, que la Première ministre a annoncé à l'issue de la Conférence sociale du 16 octobre, qui consiste à dire que si en juin 2024, les branches n'ont pas fait le boulot de remise à niveau, tant sur les minimums conventionnels que sur ce qu'on appelle les classifications, c'est à dire la progression de carrière tout au long de l'année, nous prendrons un texte de loi pour modifier, moduler le calcul des exonérations de cotisations dont bénéficient ces branches. Et donc moi, je pousse aujourd'hui, et c'est le rôle du ministre du Travail que je suis, je pousse les branches à discuter pour trouver des accords qui permettent d'avoir des minimums conventionnels supérieurs au Smic, qui permettent de revoir les classifications, parce que c'est ce qui garantit aussi la progression salariale.
JEROME CHAPUIS
Avec cette possibilité donc d'agir. Vous reviendrez le cas échéant, nous l'annoncer. Merci beaucoup Olivier DUSSOPT, d'avoir été avec nous ce matin.
OLIVIER DUSSOPT
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 décembre 2023