Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Essais nucléaires en Polynésie française : indemnisation des victimes directes, indirectes et transgénérationnelles et réparations environnementales ».
Ce débat a été demandé par le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES. À la demande de ce dernier, il se tient en salle Lamartine, afin que des personnalités extérieures puissent être interrogées. La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Nous commencerons par une table ronde en présence de personnalités invitées, d'une durée d'une heure. Deux invités seront entendus à titre exceptionnel en visioconférence car ils résident, l'un en Polynésie française, l'autre aux États-Unis. Nous procéderons ensuite, après avoir entendu une intervention liminaire du Gouvernement, à une nouvelle séquence de questions-réponses, d'une durée d'une heure également. La durée des questions et des réponses sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
(…)
Mme la présidente
La séance est reprise.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
Je vous remercie d'avoir pris l'initiative de ce débat parlementaire qui place, dès mon arrivée au ministère, l'enjeu des conséquences des 193 essais nucléaires français au premier plan de mes préoccupations. Comme différents gouvernements l'ont fait à plusieurs reprises depuis 1997, je tiens à souligner les enjeux majeurs auxquels les essais nucléaires passés nous confrontent collectivement : l'indépendance, l'économie, l'environnement d'un territoire ou encore la santé des vétérans et des populations. Ministre du travail, des solidarités et de la santé, je m'exprime devant vous sur ce qui relève de mon champ de compétences, même si d'autres ministères sont concernés, notamment pour les mesures de reconnaissance mémorielle.
Ce sujet est précis et complexe par sa profondeur historique et par la variété des conséquences de ces essais sur la santé publique, l'environnement mais surtout sur chaque famille, chaque femme, chaque homme, chaque enfant concerné.
Je connais l'engagement de longue date des députés polynésiens, notamment le vôtre, madame Reid Arbelot, messieurs Chailloux et Le Gayic – vous vous placez dans la lignée de vos prédécesseurs, en particulier de M. Moetai Brotherson, aujourd'hui chef du gouvernement de la Polynésie française –, mais aussi celui de Mmes Maina Sage et Nicole Sanquer, sous la précédente législature, sans oublier les sénateurs Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, membre du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI).
Cet engagement est justifié, tout comme est légitime le débat auquel je suis heureuse de participer pour répondre à vos questions, en toute transparence, et pour réaffirmer l'attention que mon ministère et l'ensemble du Gouvernement portent à la juste indemnisation des citoyens touchés, directement ou indirectement, par les essais. Je me place dans la droite ligne de la loi Morin et des engagements pris par le Président de la République lors de sa visite officielle en Polynésie en juillet 2021.
La loi Morin fixe le cadre d'indemnisation des victimes des essais menés par la France entre 1966 et 1996 sur votre archipel. Cette loi-cadre a mis en place une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, qui peut être consultée sur le suivi de l'application de la loi et sur la modification éventuelle de la liste des maladies radio-induites. La dernière réunion de cette instance remonte à 2021, ce qui est insatisfaisant. De même que le rôle de contrôle des assemblées est essentiel à la démocratie – dès ma prise de fonction, j'ai tenu à me présenter devant vous, aujourd'hui –, le rôle de cette commission est fondamental et la voix de ses membres doit être entendue plus régulièrement. Il s'agit d'une de vos revendications, également mise en avant par les autorités locales polynésiennes. En responsabilité, je prends l'engagement de réunir cette commission dans le courant du premier trimestre 2024.
Je m'engage également à suivre la mise en oeuvre de l'engagement pris en 2021 par le Président de la République : l'État doit rembourser à la caisse de prévoyance sociale (CPS) de Polynésie française les soins de santé dispensés aux assurés du régime polynésien. La logique de cette annonce, à laquelle je souscris, est celle d'un Gouvernement qui assume ses responsabilités. Le poids financier de l'indemnisation des victimes des conséquences des essais nucléaires français ne doit pas être supporté par les caisses locales polynésiennes. Je tiens à vous rassurer sur l'avancée des travaux tendant à rendre cette mesure opérationnelle : le principe est acté et des discussions techniques ont lieu au niveau interministériel, en lien étroit avec les autorités polynésiennes.
Pour évaluer l'impact des essais sur la santé, il convient de le caractériser et, pour ce faire, de disposer de données scientifiques. Or l'état des connaissances scientifiques a beaucoup progressé ces dernières années grâce à plusieurs expertises sollicitées par les autorités. Parmi elles, figure le rapport de l'Inserm sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires sur la population de Polynésie française, publié en 2021, qui analyse plus de 1 200 publications et fait l'objet de nombreuses communications. On peut également citer le suivi épidémiologique de la cohorte des vétérans qui avaient été présents sur les sites d'expérimentation nucléaire de la France dans le Pacifique et qui avaient bénéficié d'une surveillance dosimétrique.
Ces expertises profitent à la communauté scientifique mais – et c'est essentiel – s'accompagnent aussi d'une communication transparente et adaptée des connaissances acquises à la population elle-même, à ses représentants et aux professionnels de santé qui constituent des relais essentiels pour faciliter le processus d'indemnisation mis en place et pour lever les freins éventuels aux demandes.
Enfin, ce dossier me conforte dans ma volonté d'accorder une priorité à la prévention, en particulier à la santé-environnement. Je ne conçois la santé que comme un capital global à préserver, notamment face aux risques liés à l'environnement qui ont un impact sur la santé. Nos indicateurs de santé publique doivent être améliorés. L'espérance de vie en bonne santé diminue tandis que la mortalité infantile à la naissance augmente. Le ministère du travail, de la santé et des solidarités sera aussi celui de la prévention. Une bonne prévention en santé dans notre vie quotidienne – qu'il s'agisse de notre alimentation, de notre éducation à la santé ou encore du travail –, ce sont des milliers de maladies mortelles évitées, des millions d'euros d'économies et une société du mieux être et du soin pour tous. Je m'assurerai que la prévention en santé soit bien prise en considération dans toutes nos politiques publiques. La prévention sera l'affaire de tous : l'ensemble des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, les préfets de région, les ARS – les agences régionales de santé –, les collectivités locales ainsi que les associations.
Avant de répondre aux questions des différents orateurs, je tiens à préciser – c'est mon deuxième engagement – que je serai attentive, à votre écoute et investie dans l'avancée des travaux afin que l'engagement du Président de la République se concrétise dans les meilleurs délais et de la manière la plus juste qui soit.
Mme la présidente
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot.
Mme Mereana Reid Arbelot (GDR-NUPES)
Madame la ministre, je vous remercie pour vos propos liminaires fort éclairants, notamment sur les engagements importants pris par le Président de la République en 2021. Je souhaite que notre attention se porte aujourd'hui sur les attentes réelles et concrètes des Polynésiens, qui restent d'actualité malgré les mesures que vous avez évoquées.
Le général de Gaulle a rappelé à maintes reprises le service rendu par la Polynésie à la France pour faire de celle-ci une nation aux mains libres, en la dotant de la dissuasion pour nous assurer la paix. En 2021, le président Macron a dit à Papeete : « […] l'argent dont je parle, c'est l'argent du contribuable. L'argent du contribuable, c'est le nôtre à tous. […] j'assume cette solidarité compte tenu de notre histoire. C'est un devoir parce qu'il y a une dette. »
Depuis 1977, soit dix ans après le premier essai nucléaire, la compétence de la santé est transférée à la Polynésie. La CPS supporte seule les frais médicaux de toutes les personnes présentes en Polynésie. La loi Morin dresse une liste de vingt-trois maladies, 12 500 personnes ayant été touchées par une ou plusieurs d'entre elles. Le coût des soins pour ces victimes est estimé à 838 millions d'euros et continue d'augmenter, atteignant 67 000 euros par victime en moyenne. Le Civen a reconnu 400 victimes sur 12 500 et l'État propose de rembourser la CPS à hauteur de 400 fois 67 000 euros, considérant qu'on ne peut imputer tous les cancers polynésiens aux essais nucléaires.
La déclassification des documents, certes encore modeste mais inédite sous la Ve République, et les avancées scientifiques démontrent que les critères et les justifications de rejet du Civen sont très discutables. L'État a infligé à la population de Polynésie une exposition aux radiations ionisantes et à tout l'environnement polynésien un épandage de particules radioactives contaminant îles, sols, rivières, lagons, récifs, coraux, océan, faune, flore, eau et nappe phréatique pendant des décennies.
Le Gouvernement est-il prêt à reconnaître l'obsolescence de certains critères et la remise en cause des études sur lesquelles le Civen s'appuie pour rejeter ou valider des dossiers d'indemnisation ? Est-il prêt à reconnaître les progrès de la science ? Alors que l'État dépense 1,2 milliard d'euros d'argent public dans l'assainissement de la Seine pour les Jeux olympiques de Paris, pourrait-il assainir la dette des frais médicaux, liés à la bombe, payée par les Polynésiens ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Vous venez de rappeler l'engagement pris par le Président de la République en 2021, notamment la volonté d'accéder à la demande, formulée par les autorités polynésiennes, de remboursement des dépenses de santé engagées par la caisse de prévoyance sociale pour les malades atteints d'une pathologie – un cancer – causée par les essais nucléaires et ayant bénéficié d'une décision d'indemnisation par le Civen.
Mes services et ceux de la CNAM – la Caisse nationale de l'assurance maladie – ont déjà commencé à travailler, en lien avec la CPS, à la définition des bases techniques d'une mise en oeuvre opérationnelle. En mai dernier, comme vous venez de la rappeler, la CPS a procédé à une première évaluation du montant de l'indemnisation et l'a transmis à la CNAM afin que celle-ci puisse émettre un avis sur ce niveau d'indemnisation. Nous devrions parvenir à stabiliser le montant forfaitaire pris en charge et à formaliser une convention entre le gouvernement de la Polynésie française et le gouvernement français.
La déclassification des archives relevant du secret-défense fait également l'objet d'un engagement du Président de la République ; 13 000 documents ont été déclassifiés à ce jour. C'est une des questions importantes sur lesquelles nous devrons commencer à travailler ensemble.
Mme la présidente
La parole est à M. Max Mathiasin.
M. Max Mathiasin (LIOT)
En tant que Guadeloupéen, je ne suis pas un fin connaisseur du drame vécu en Polynésie à la suite des essais nucléaires. Mais mon territoire, lui aussi ultramarin, a également subi un choc – peut-être de moindre importance selon la façon dont on l'évalue – au moment de la crise du chlordécone. Autorisé aux Antilles jusqu'en 1993, ce produit n'était plus utilisé depuis longtemps dans l'Hexagone, où il avait été interdit. Lorsque, quelques années, plus tôt, un drame lié au chlordécone était survenu aux États-Unis, les autorités américaines n'avaient pas tardé à indemniser les quelque 400 000 personnes touchées. Elles n'avaient pas tergiversé, ne s'étaient pas lancées dans des recherches interminables sur les causes et les conséquences de l'incident.
Nous, Guadeloupéens, sommes touchés par le drame vécu en Polynésie. Les habitants des outre-mer vivent tous sur des îles qui constituent la France – qu'elles se situent dans l'océan Pacifique, Atlantique ou Indien. Or le contexte géopolitique se caractérise par sa fragilité et nous sommes conscients que, dans le monde actuel, tout peut arriver. Nous sommes en France, qui se veut pays de la liberté. Puisque vous venez d'être nommée ministre du travail, de la santé et des solidarités, il serait temps que vous apportiez des réponses rapides à toutes ces questions pour que, l'an prochain, nous ne soyons pas obligés d'avoir de nouveau ce débat. Je rappelle que cette situation est connue dans le monde entier à travers les émissions de télévision et qu'elle ne fait pas honneur à la France.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Si j'ai bien compris votre question, vous attendez de moi que je vous réponde à la fois sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie – le débat qui nous occupe aujourd'hui – et sur la crise du chlordécone.
M. Max Mathiasin
Non ! J'établissais simplement un parallèle entre les deux !
Mme la présidente
Monsieur le député, notre débat ne prévoit pas de droit de réplique.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je vous remercie de rappeler que j'ai été nommée à ce poste il y a exactement une semaine, ce qui me permet de travailler avec vous sur ces questions.
Nous aurons l'occasion de revenir sur les conséquences des essais nucléaires. La crise du chlordécone constitue également une priorité du Gouvernement. Je l'affirme avec d'autant plus de force que l'ancienne parlementaire que je suis a travaillé sur cette question avec l'un de vos anciens collègues, Serge Letchimy, un des parlementaires très engagés dans ce dossier.
Je peux vous assurer que je suivrai de près, en lien avec les élus de la Guadeloupe – comme vous – mais aussi de la Martinique, le déploiement de la stratégie en cours. Ambitieuse, celle-ci couvre tous les champs concernés, aussi bien l'environnement que la santé et l'agriculture. Ce dossier figure évidemment sur ma feuille de route.
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Vuilletet.
M. Guillaume Vuilletet (RE)
Tout d'abord, je précise qu'en raison des aléas des transports en Île-de-France, je n'ai pu suivre que partiellement la première partie du débat.
Personne ne nie que les 193 essais étaient nécessaires à la France pour garantir sa souveraineté en matière de dissuasion nucléaire. Le président l'a rappelé en 2021 et, cette même année, une table ronde sur le sujet a été organisée à Paris.
Je ne reviendrai pas en détail sur les questions environnementales et sanitaires, qui ont déjà largement été évoquées. Cependant, je rappellerai qu'Olivier Véran, lorsqu'il était ministre des solidarités et de la santé, s'était engagé dans une logique d'aller vers, pour entrer en contact avec les personnes touchées, ou potentiellement touchées, car nous étions alors confrontés à un manque d'information mais aussi au phénomène de renoncement aux droits. J'aimerais que vous nous donniez des éléments de réponse à ce sujet.
J'aimerais surtout évoquer un autre point. Les sociétés polynésiennes qui ont subi les conséquences des essais nucléaires ont été touchées en profondeur. Ces territoires ont été totalement déstructurés. Nous avons assisté, là-bas, au développement d'une forme de mono-économie autour de l'industrie nucléaire, avec des conséquences durables : la disparition du tissu économique traditionnel, mais aussi l'absence d'investissements qui auraient permis une diversification de l'économie.
Si la fin des activités nucléaires a bien sûr donné lieu à des indemnisations, cette situation, nous l'avons vu, a tout de même aussi causé des dégâts psycho-sociaux. L'Observatoire français des drogues et des tendances addictives évoque ainsi une omniprésence des phénomènes d'alcoolisation car des populations ont été profondément marquées par le vide social qui s'est créé après le départ de l'industrie nucléaire. La nation a une responsabilité en la matière et doit assumer aussi cette part de la dette nucléaire.
J'aimerais savoir quelles actions ont été prévues face à cette situation, notamment depuis la table ronde de 2021.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Comme vous l'avez dit, les essais ont eu un impact sur l'ensemble des familles polynésiennes mais aussi sur l'organisation de la société. C'est pourquoi, s'agissant du processus d'indemnisation, il faut certes, dans un premier temps, définir des critères médicaux – sans même parler de la question financière –, mais ce travail ne suffit pas puisque nous avons par exemple évoqué le cas des victimes par ricochet. Plutôt que d'avoir une lecture purement administrative du phénomène, il est donc indispensable de prendre en considération l'évolution de la société.
L'aller vers, que vous avez évoqué, est incontestablement une manière de faire connaître des dispositifs. Vous avez laissé entendre que, si l'on juge que les procédures sont trop longues ou si l'on n'est pas correctement informé, on a tendance à renoncer. Nous devons donc nous demander comment transmettre au mieux l'information.
On comptabilise à ce jour 2 857 demandes d'indemnisation. Les chiffres sont en légère augmentation – je pèse mes mots car je crois que le sujet leur donne une importance particulière –, et la commission d'indemnisation a rendu à ce jour 750 décisions. L'aller vers est nécessaire car le droit à l'information est à mes yeux un point important que je vais examiner de manière très concrète.
Mme la présidente
La parole est à Mme Nadège Abomangoli.
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES)
La question des conséquences des essais nucléaires est un sujet qui, au sein du groupe La France insoumise, nous tient particulièrement à coeur. Nous travaillons, y compris dans nos circonscriptions de la France hexagonale, avec de nombreux citoyens engagés sur ces enjeux : je pense, par exemple, à l'aulnaysienne Hélène Lavoine, membre de l'Association des vétérans des essais nucléaires, qui nous écoute depuis les tribunes. Je tiens à saluer les victimes de ces essais et leurs familles qui sont mobilisées partout sur le territoire national.
De 1966 à 1996, 193 essais nucléaires ont été réalisés en Polynésie, causant 203 retombées aériennes mesurées. Chacune de ces expérimentations était un coup porté à des citoyens dont on a tardé à reconnaître les souffrances. Les Polynésiens ont toujours reçu des informations rassurantes ; pourtant, dans les faits, ces essais ont eu des conséquences sanitaires dramatiques cachées, en sus d'une pollution environnementale catastrophique. Les doses de radioactivité sur site et même au-delà demeurent largement supérieures à la moyenne constatée dans l'Hexagone.
Je rappelle que 146 des essais ont été souterrains, ce qui est très inquiétant puisque les sous-sols en sont fragilisés et comportent une forte présence de déchets radioactifs piégés dans la formation basaltique. L'eau pourrait faire remonter à la surface des éléments radioactifs provenant du fond des cavités de tir. Il y aurait ainsi, dans les sous-sols de Mururoa et de Fangataufa, près de 500 kilogrammes de plutonium, soit un risque réel pour la santé et pour la biodiversité. Les simulations menées par le CEA en 2011 ont montré les risques encourus par la fragilisation des sous-sols, et on a d'ailleurs assisté à un effondrement de terrain à Mururoa, conséquence des essais nucléaires sous-marins. Selon ces simulations, une vague déferlerait en dix minutes sur l'atoll de Tureia, situé à une centaine de kilomètres. Voilà qui est très inquiétant !
Quels sont, à votre connaissance, les impacts de ces essais sur le dérèglement climatique, sachant que la situation est déjà dégradée, comme le montre la montée des eaux subie par les atolls du Pacifique. Quelle politique comptez-vous mener pour, d'une part, traiter les sols concernés par les risques en santé environnementale et en santé humaine, et, d'autre part, informer les personnes concernées ? En effet, l'information comme le risque de désinformation représentent un enjeu qui a été largement souligné.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je tiens tout d'abord à rappeler que le suivi des conséquences environnementales relève à titre principal de la compétence du ministre chargé de l'environnement, mais c'est un sujet que nous devons travailler, comme vous le savez fort bien, à plusieurs voix. Cependant, en tant que ministre chargée de la santé, la question de l'impact sanitaire de l'environnement me concerne et vous avez à ce titre parfaitement raison de m'interroger. La meilleure prise en compte possible du lien entre la santé et l'environnement, à toutes les échelles du territoire, est incontestablement une de mes priorités. Je tiens à cet égard à vous apporter plusieurs précisions.
Comme vous le savez, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) assure régulièrement depuis 1998 la surveillance radiologique de cinq îles hautes et de deux atolls situés dans les cinq archipels de la Polynésie française. En 2021 et en 2022, l'IRSN a poursuivi cette surveillance radiologique en y intégrant de surcroît les îles hautes de Moorea, de Rapa et de Raivavae ainsi que plusieurs autres atolls – Pukarua, Reao, Vahitahi, Vairaatea, Nukutavake, Pinaki et Hikueru.
Il a effectué alors de nombreux prélèvements, les échantillons ainsi récoltés provenant des différents milieux atmosphériques, terrestres et marins avec lesquels la population peut être en contact ainsi que de denrées alimentaires issues du milieu marin de pleine mer, du milieu marin lagunaire et du milieu terrestre. Les mesures réalisées sur les prélèvements ont donc permis de couvrir la quasi-totalité de la gamme d'éléments radioactifs artificiels susceptibles d'être décelés dans l'environnement – sols, aérosols, eaux de mer, eaux douces ou encore denrées. L'IRSN a également réalisé des prélèvements de bénitiers et des mollusques très abondants dans les lagons.
Cette nouvelle campagne de mesures, dans la continuité de celles menées ces dernières années, confirme la stabilité des niveaux de radioactivité artificielle résiduelle et décelable dans l'environnement polynésien : ils se situent à un niveau très bas et sont essentiellement attribuables au césium 137. La dose efficace annuelle totale, comprenant l'exposition externe et l'exposition interne par ingestion ou inhalation, était en 2022 de l'ordre de 1,4 mSv pour les adultes de Polynésie française, soit deux fois plus faible qu'en métropole, où elle est de l'ordre de 3 mSv hors exposition médicale.
Mme la présidente
La parole est à M. Christian Baptiste.
M. Christian Baptiste (SOC)
Je vous remercie, madame la ministre, ainsi que ma collègue Reid Arbelot pour avoir été à l'initiative de ce débat. Nous avions déjà apprécié la présentation qui en avait été faite à la salle de projection, riche de témoignages éloquents.
Ma question est simple : y a-t-il une volonté réelle de l'État de régler le problème ? Il s'agit de prendre toute la mesure des conséquences des essais nucléaires. Des collègues disent que ces essais étaient nécessaires ; j'entends l'argument, mais on aurait pu les mener en Europe – pourquoi pas au large des côtes normandes ? Il s'agit surtout d'indemniser le préjudice et de ne rien cacher à nos populations. Il faut reconnaître que, durant toutes ces années, beaucoup d'informations ont été cachées, et je me demande si, aujourd'hui, on veut vraiment faire toute la transparence sur cette affaire pour assurer l'ensemble les indemnisations – même si je sais que celles-ci ne résoudront pas tout.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Vous avez pu remarquer que dans mon propos liminaire, j'ai eu à coeur d'affirmer que je souhaitais que ce qui est évoqué depuis plusieurs années devienne réalité. Cela passe évidemment par la capacité à travailler dans le cadre d'un dialogue le plus ouvert possible, ce qui implique de réunir la commission d'indemnisation. Certes, il est facile, quand on n'est en poste que depuis huit jours, de dire que c'était terrible avant et que dorénavant cela ira beaucoup mieux… Vous comprendrez donc que je fasse preuve dans ma réponse d'une prudence oratoire qui relève de l'honnêteté intellectuelle.
Il s'agit bien de s'assurer tout d'abord que la commission fonctionne correctement, puis que l'autorité indépendante créée en 2010 est le garant de la divulgation des informations dont les uns et les autres peuvent avoir besoin. L'aller vers doit permettre d'informer les populations – il s'agit d'un point très important. Enfin, les crédits d'indemnisation doivent être attribués dans le respect du travail mené avec les autorités locales puisque, je le rappelle, le gouvernement français n'a pas la compétence en matière de santé s'agissant de la Polynésie. C'est donc dans le dialogue avec les autorités locales que nous pourrons avancer.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES)
Comme pour le nucléaire civil, les questions de la gestion des déchets et de la pollution à travers la contamination radioactive sont systématiquement reléguées au second plan par les défenseurs du nucléaire militaire. L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) estime que le gouvernement français aurait enfoui ou océanisé – c'est-à-dire tout bonnement jeté près des atolls – plus de 3 000 tonnes de déchets radioactifs, et de nombreuses associations estiment ce chiffre sous-estimé. Première question : pouvez-vous nous confirmer la quantité de déchets enfouis ou océanisés ?
Quel est le risque que ces matières radioactives se répandent un jour dans l'environnement ? Quel impact en l'occurrence pourrait avoir le réchauffement climatique, la montée des eaux ou encore le bouleversement de la structure des îles et des atolls sur l'évolution du stockage dans le sable et sur la libération de matières radioactives ? Je pense notamment au risque très réel d'effondrement de l'atoll de Mururoa, qui inquiète les scientifiques car cela provoquerait un tsunami menaçant les habitants des atolls voisins. Quelles politiques et quelles mesures concrètes sont entreprises autour des lieux de stockage ? Quelles mesures de prévention, quel protocole et quelle campagne de sensibilisation sont prévus à destination des populations vulnérables, exposées à une contamination radioactive extrêmement dangereuse pour la santé ?
La mise en place de véritables politiques de réparation est fortement attendue par les populations locales. L'État a fait preuve jusqu'ici d'une négligence active absolument coupable et il convient de le reconnaître, ce qui passe par le soutien actif aux initiatives en cours et par la création d'un mémorial où archives, documents et témoignages personnels seraient accessibles au public. De véritables réparations passent par une révision de notre politique d'indemnisation des victimes car le taux de rejet des dossiers d'indemnisation par le comité d'indemnisation est bien trop élevé. Qu'est-il envisagé pour rendre ces politiques de réparation plus opérantes, notamment pour les dossiers déjà rejetés ? Êtes-vous prête également à débattre de l'ouverture des droits à indemnisation aux victimes dites transgénérationnelles, c'est-à-dire aux descendants des personnes exposées aux essais nucléaires, sachant que leur quotidien est affecté par l'accompagnement de leurs parents qui font face aux pathologies liées à l'exposition aux radiations ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Vos premières questions concernent plus directement, vous le savez bien, le ministère chargé de l'environnement.
Mme Sandrine Rousseau
Absolument pas !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Cependant, je peux d'ores et déjà vous répondre qu'en ce qui concerne les déchets, le sujet a été détaillé dans un livre publié en 2006 et validé par l'Andra.
S'agissant des conséquences d'une éventuelle montée des eaux, l'AIEA a envisagé ce cas et conclu que cela n'aurait à ce stade pas d'impact sur la radioactivité contenue dans les atolls. Je pense que de tels sujets nécessitent une expertise dont le ministère de la santé ne dispose pas. Je vous invite donc à vous adresser au ministère chargé de l'environnement.
Au terme de travaux d'expertise menés en 2021, l'Inserm a indiqué que la littérature scientifique internationale ne fait pas apparaître de preuve d'effets transgénérationnels s'agissant de doses inférieures à 1 mSv, ce qui réduit la probabilité de transmission pour les doses de l'ordre de 1 mSv, qui correspondent aux retombées des essais nucléaires en Polynésie. Ce rapport de l'Inserm précise en outre que si les conséquences transgénérationnelles de radiations ont été démontrées chez l'animal, les études actuellement disponibles concernant l'homme ne mettent pas en évidence d'effet décelable.
Il faut toutefois, au nom d'un devoir de vérité, déterminer l'impact des essais nucléaires sur la santé. Le comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants prévoit de mener des travaux sur cette question dans les cinq ans à venir ; je pense qu'ils contribueront à nous éclairer sur le sujet.
Mme la présidente
La parole est à M. Tematai Le Gayic.
M. Tematai Le Gayic (GDR-NUPES)
Mauruuru maitai, madame la ministre, d'avoir accepté de venir ce matin pour parler d'un sujet important pour le peuple maohi. Vous avez déjà abordé dans votre propos liminaire la question de la liste des maladies reconnues par la loi Morin, mais êtes-vous d'accord pour la rendre beaucoup plus exhaustive, sachant que d'autres nations créatrices, elles aussi, de déchets nucléaires, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, reconnaissent que le cancer du pancréas, le cancer du pharynx, la maladie de Charcot et certaines maladies cardiovasculaires peuvent ouvrir droit à indemnisation au titre de victime des essais nucléaires ?
Il y a un autre problème, moins connu, que j'illustrerai par l'exemple de Tureia, une île qui compte une centaine d'habitants et qui est la plus exposée par rapport au site de Mururoa. Il y a quelques mois, j'ai rencontré la maire de cette commune, qui m'a indiqué qu'un médecin militaire se rend sur son île chaque année pour aller voir des patients. Il est le seul à assurer leur suivi lorsqu'ils se rendent à l'hôpital de Tahiti, lequel ne dispose donc pas des informations les concernant, et lorsqu'il vient sur l'île, il n'y voit pas d'autres patients. Il faut savoir qu'on ne peut se rendre qu'une fois par mois en avion à Tureia. La maire se demande donc pourquoi il suit ces patients-là et pas d'autres, et pourquoi un médecin généraliste ne pourrait pas accéder à leurs données.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
En tant que membre du Gouvernement, je suis à la disposition de l'Assemblée ; il est donc tout à fait normal que je sois présente ce matin à vos côtés.
S'agissant du premier point, je ne suis pas sans méconnaître la question de l'élargissement de la liste des vingt-trois pathologies dites radio-induites reconnues par le décret d'application de la loi de 2010. Cette liste a déjà été élargie de dix-huit à, dans un premier temps, vingt et une, et, dans un deuxième temps, vingt-trois pathologies. Se pose désormais le problème, vous l'avez dit, de la reconnaissance des cancers du pharynx, du pancréas, de la prostate précoce ainsi que des maladies du muscle cardiaque.
Il importe de préciser que cette liste se fonde en grande partie sur les travaux scientifiques de deux instances internationales : le comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants et le Centre international de recherche sur le cancer, qui est une agence de l'Organisation mondiale de la santé. Il s'agit donc d'un sujet qui n'est pas uniquement franco-français, mais qui possède une dimension internationale, et la réflexion que nous menons doit le prendre en considération.
L'éventuelle révision de la liste est liée à l'avancement des travaux programmés par ces instances. Des travaux sur les cancers radio-induits doivent être publiés d'ici à 2025 ; ils concernent notamment les effets potentiels d'une association de maladies non-cancéreuses et de rayonnements ionisants à faible dose. Pour être très claire avec vous, je souhaite attendre les conclusions de ces travaux avant d'envisager une éventuelle ouverture de la liste.
S'agissant des personnes qui seraient suivies par un médecin militaire, je ne peux pas vous répondre. Il s'agit typiquement d'une question à poser au haut-commissaire lors de la réunion de la commission prévue avant la fin du premier trimestre 2024.
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES)
Je souhaite tout d'abord remercier les députés polynésiens d'avoir inscrit à l'ordre du jour la question des essais nucléaires en Polynésie française, pour ce qui concerne tant l'indemnisation des victimes directes, indirectes et transgénérationnelles que les réparations environnementales. Cela fait des décennies que les victimes souffrent des conséquences directes ou indirectes des essais et attendent une juste indemnisation ; en outre, ceux-ci ont provoqué d'importants dégâts environnementaux.
Ma question portera plus spécifiquement sur la dépollution de l'atoll de Hao, qui a abrité un centre logistique de suivi des essais nucléaires. La création de ce centre s'est traduite par l'arrivée de 2 500 personnes dans un site occupé auparavant par 200 habitants seulement, ce qui a entraîné un bouleversement écologique ainsi qu'économique et social. Il subsiste aujourd'hui une pollution au plutonium liée à la piste aérienne construite à cette occasion. En effet, les avions renifleurs utilisés pour mesurer la radioactivité dans les nuages de l'explosion étant nettoyés en bout de piste, l'eau contaminée a imprégné la dalle, qui est toujours radioactive. Lors de l'examen de la loi de programmation militaire (LPM), le ministre des armées, Sébastien Lecornu, avait indiqué que le travail de dépollution était en cours.
Quel est le calendrier relatif à la dépollution de la dalle Vautour ? Quels moyens sont mis en oeuvre à cette fin ? Pourra-t-on garantir que le site ne sera plus dangereux, ni pour les hommes ni pour la biodiversité ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je considère cette question comme une interpellation du Gouvernement. En tant que ministre du travail, de la santé et des solidarités, je n'ai ni les compétences ni la qualité pour y répondre. Je m'engage néanmoins à la transmettre à mon collègue chargé de la transition écologique.
(Rumeurs sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Elie Califer.
M. Elie Califer (SOC)
Il y a quelques semaines, j'ai assisté à la projection d'un film sur les essais nucléaires à l'Assemblée nationale, film qui nous a tous émus. L'avocat des victimes soulevait le problème du taux d'acceptation des dossiers – alors que démonstration a été faite de la responsabilité des essais dans les maladies et les décès.
Nous faisons connaissance avec vous, madame la ministre, et je dois dire que j'ai apprécié les réponses que vous nous avez faites, que ce soit hier ou ce matin. Je voudrais revenir sur la liste des maladies ouvrant droit à indemnisation. Ne pensez-vous pas qu'elle est trop restrictive ? L'avocat précédemment cité soulignait ainsi que le cancer du vagin n'était pas indemnisé, contrairement à celui de l'utérus. Eu égard aux blessures, aux souffrances, aux douleurs, aux décès subis par ces populations, et en raison de leur avenir très incertain, ne faudrait-il pas examiner les choses avec empathie et responsabilité, et revoir la liste de ces maladies ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
J'ai bien conscience que le taux d'acceptation des dossiers pose un problème et qu'il est nécessaire de réparer le préjudice. Comme je viens de le dire, la liste que vous évoquez est passée de dix-huit à vingt et une puis vingt-trois pathologies. À chaque fois, son ouverture a découlé d'une expertise médicale et de l'évolution des connaissances scientifiques.
N'étant pas médecin, je ne me permettrai pas d'effectuer des rapprochements hâtifs, mais soyez assuré que je vois bien le lien entre le vagin et l'utérus, et que j'entends la nécessité d'examiner ce genre d'interrogations.
Mme la présidente
La parole est à M. Marcellin Nadeau.
M. Marcellin Nadeau (GDR-NUPES)
On constate une réelle discrimination face au droit à réparation entre la France hexagonale et lesdits outre-mer. C'est le cas pour les conséquences des essais nucléaires en Polynésie, à travers le lien de causalité entre certains polluants et des pathologies : on parle toujours de « cancérogènes probables ». Il en va de même pour le chlordécone aux Antilles ou le mercure en Guyane – autant de dossiers dans lesquels la responsabilité de l'État est, au moins pour partie, engagée.
Pourquoi une telle discrimination ? En quoi les politiques publiques de santé pourraient-elles contribuer à la réparation, par exemple en prenant en charge les frais médicaux transférés à la collectivité polynésienne, en réglant le problème de l'indemnisation des descendants des victimes, voire en sanctuarisant, dans des pays où le système de santé est dans un état encore plus préoccupant que dans l'Hexagone, des moyens pour la santé environnementale ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Monsieur le député, vous appelez de vos voeux une reconnaissance des pathologies radio-induites, donc un droit à indemnisation, ainsi qu'un accompagnement du pays lorsqu'il dispose de la compétence en matière de santé – ce qui est le cas de la Polynésie. Vous faites aussi allusion à une sanctuarisation des moyens, qui n'existe pas à ce jour.
Le problème est de savoir comment caractériser une telle sanctuarisation. S'agit-il, par exemple, d'accompagner les politiques de prévention – l'enjeu, une fois les conséquences reconnues, étant les générations à venir ? Comment aller plus loin en matière de politiques de santé, afin que chacun vive dans les meilleures conditions de santé possible, sans commettre d'ingérence, la Polynésie française disposant de la compétence en la matière ? Accompagner, pourquoi pas, mais tout en respectant les compétences de la Polynésie française.
Mme la présidente
La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot.
Mme Mereana Reid Arbelot (GDR-NUPES)
Étant, par mon père, originaire des îles Gambier, je continuerai à me battre et à informer les Français de l'Hexagone par les moyens à ma disposition, notamment ceux de l'Assemblée nationale. Après la projection du film cité par M. Califer, je me suis rendu compte que nombre d'entre eux ne connaissaient pas ce pan de l'histoire de France. Pour nous qui dénonçons ces faits et souhaitons qu'on reconnaisse ce qui a été infligé à la population polynésienne, il importe d'avoir des retours en la matière. Il serait bon que ce pan de l'histoire soit inscrit dans les programmes scolaires. Il faut savoir aborder aussi des épisodes peu glorieux pour pouvoir réparer le présent et aller vers le futur. Certes, vous n'êtes pas ministre de l'éducation nationale, mais ne pensez-vous pas qu'en parler aux enfants dans le cadre des cours d'histoire serait une bonne idée ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je vous accorde que faire nation signifie partager une histoire commune. Et si je ne suis pas ministre de l'éducation nationale, j'appartiens à un Gouvernement qui a été nommé par le Président de la République, sur proposition du Premier ministre. Or, lors de son déplacement en Polynésie française à la fin du mois de juillet 2021, le Président de la République avait pris l'engagement d'assumer le passé nucléaire de notre pays et avait annoncé la mise en oeuvre de plusieurs mesures. Dans cette volonté du Président de la République, il y a, je crois, au-delà des mesures de réparation, le souhait d'assumer le fait que cette histoire fait partie intégrante de notre nation. Ces deux dimensions sont tout à fait importantes.
Mme la présidente
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 22 janvier 2024