Image principale 1
Image principale 1
© AFP

Le traité d'interdiction des essais nucléaires (TICE) en sept questions

Temps de lecture  7 minutes

Par : La Rédaction

Depuis le premier essai d'explosion nucléaire en juillet 1945, plus de 2 000 essais nucléaires ont été réalisés en grande partie par les États-Unis (1 032), l'Union soviétique (715) et la France (210). Le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) constitue l'un des piliers de la non-prolifération nucléaire. De quoi s'agit-il ?

Deux traités internationaux ont pour objet la non-prolifération de l'arme nucléaire : 

Par ailleurs, le traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) de 2017 vise à rendre toutes les armes nucléaires illicites. Il ne s'agit pas d'un traité de non-prolifération (la France n'a pas participé aux négociations et n'entend pas y adhérer. Lire la déclaration du porte-parole du ministère des affaires étrangères).

Le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (1996) interdit toutes les explosions nucléaires, qu’elles soient effectuées dans l’atmosphère, sous la mer, sur terre ou sous terre et quelle que soit l’énergie dégagée. Cela signifie que même les essais de très faible énergie (les plus difficilement détectables) sont prohibés.

Le traité s’adresse à tous les États, qu’ils soient dotés ou non de l’arme nucléaire et indépendamment de leur statut d’État doté au sens du traité de non-prolifération.

Article 1er du TICE

"Chaque État partie s’engage à ne pas effectuer d’explosion expérimentale d’arme nucléaire ou d’autre explosion nucléaire et à interdire et empêcher toute explosion de cette nature en tout lieu placé sous sa juridiction ou son contrôle".

L'entrée en vigueur du traité est conditionnée (article XIV) à la ratification obligatoire de 44 États qui possèdent des installations nucléaires civiles et que l’on considère être en mesure de se doter rapidement d’un arsenal nucléaire. À ce jour, ce traité n'est pas encore entré en vigueur.

Toutefois, le TICE, signé par 185 pays, a été ratifié par 170 d'entre eux, dont trois États détenteurs d'armes nucléaires : la France, la Russie et le Royaume-Uni.

Mais, les États-Unis, la Chine, Israël, l’Égypte et l’Iran ne l'ont pas ratifié. Pour leur part, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord n'ont pas signé le traité.

Révocation de la ratification du TICE par la Russie et débats à l'ONU

Le 18 octobre 2023, les députés russes ont adopté la loi qui prévoit la révocation de la ratification du TICE. Par ailleurs, le 16 octobre 2023, lors des échanges de la Première Commission (désarmement et sécurité internationale) de l'Assemblée générale des Nations unies, les États dotés en armes nucléaires ont vigoureusement défendu leurs doctrines de sécurité liées à ces armes. De son côté, la Fédération de Russie "a rendu les États-Unis responsables de toutes ses décisions récentes : menaces d’utilisation de l’arme nucléaire, annonce du déploiement d’armes nucléaires au Bélarus, retrait du Traité New START et l'annonce d’un prochain retrait du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE)".

L'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (Otice) est dédiée à faire respecter les dispositions du traité. Le traité a mis en place le secrétariat exécutif de l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires qui a développé au fil des années un réseau mondial de plus de 300 stations de surveillance

L'Otice gère dans le monde entier des instruments de mesure sismographiques pour détecter les éventuels essais.

Le dernier essai nucléaire a été réalisé par la Corée du Nord en 2017.

Le régime international d’interdiction des essais nucléaires est en cours de constitution. Il est fondé sur :

  • le traité d’interdiction complète des essais nucléaires ;
  • le régime de vérification associé à ce traité qui est déployé, via un système de surveillance international (SSI), à titre provisoire et de manière anticipée.

Le traité prévoit la création d’un système de surveillance international, destiné à permettre la détection, la localisation et la confirmation de tout essai nucléaire supérieur à une kilotonne, en tout point du globe et quel que soit le type de tir.

Le réseau comprend 321 stations de détection réparties sur toute la planète.

Le SSI comprend quatre types de stations qui diffèrent par la technique de détection utilisée :

  • 170 stations sismiques ;
  • 80 stations radionucléides ;
  • 60 stations infrasons ;
  • 11 stations hydroacoustiques.

Le TICE prévoit également la mise en place d’un mécanisme d’inspections sur place qui doit permettre le déploiement automatique d’une équipe internationale d’inspecteurs en cas de soupçon de violation du traité par un État partie. 

Différentes méthodes peuvent êtres utilisées pour détecter un essai nucléaire. La nature de l’essai  - souterrain, aérien ou sous-marin - détermine la marche à suivre :

  • Surveillance sismique
    Les ondes sismiques produites par une explosion atomique diffèrent de celles issues d’un séisme. Après analyse, elles permettent de situer le lieu d’un évènement avec précision et d’en déterminer la nature et la puissance. Les ondes sismiques se déplaçant à grande vitesse, un essai souterrain peut être détecté quelques minutes après sa réalisation. On le détecte à l’aide de sismomètres.
  • Surveillance des infrasons
    Un essai nucléaire aérien n’interagissant que très peu avec le sol, les ondes sismiques ne peuvent être utilisées. En revanche, on peut mesurer les perturbations acoustiques qu’il génère dans l’atmosphère. Pour cela, on utilise des microbaromètres. Ceux-ci détectent des microvariations des ondes sonores de très basse fréquence, inaudibles pour l'homme.
  • Surveillance des radionucléides
    Les stations de détection mesurent les produits radioactifs dispersés dans l’atmosphère lors de l’explosion. Elles recueillent les particules en suspension dans l’atmosphère et signalent la présence de certains éléments radioactifs caractéristiques d’une explosion nucléaire (iode ou césium, par exemple).
  • Surveillance hydroacoustique
    Un essai nucléaire sous-marin engendre des ondes acoustiques qui peuvent se propager à très grande distance dans l’eau. Pour le détecter, on utilise des hydrophones. Lorsque ces ondes sont transmises à la terre ferme, des stations de détection sismique prennent le relais et détectent les ondes acoustiques converties en ondes sismiques. Les stations de détection sont installées sur de petites îles.

Faire exploser une bombe atomique à des fins expérimentales, tel est l’objectif d’un essai nucléaire.

Cette expérimentation permet de récolter des données pour perfectionner les armes nucléaires.

Elle peut être également un moyen pour un pays de démontrer sa puissance nucléaire.

En 1960, la France réalise son 1er essai dans le désert en Algérie, alors département français.

En six ans, 17 essais sont effectués dans le Sahara, dont certains réalisés après l’indépendance de l’Algérie.

Puis les essais sont réalisés en Polynésie française.

Après le moratoire décidé par François Mitterrand en 1992, les essais reprennent sous la présidence de Jacques Chirac pour s’arrêter définitivement en 1996.

Au total, 193 essais sont réalisés entre 1966 et 1996, en Polynésie française.

Qu’ils soient atmosphériques ou souterrains, ces essais entraînent des retombées radioactives et peuvent contaminer les sols.

Des risques sur la santé et l’environnement sont identifiés et potentiellement sous-estimés.

En 1996, le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) est adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies.

À ce jour, le TICE n’est toujours pas entré en vigueur, des pays, dont certains détiennent l’arme nucléaire, ne l’ayant pas ratifié.

Au début des années 2000, des polynésiens et des associations de vétérans, s’estimant victimes des essais, se mobilisent pour obtenir réparation.

En 2010, une loi crée un dispositif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie française.

L’indemnisation reste cependant difficile à obtenir compte tenu de la complexité à établir un lien entre pathologie et exposition radioactive.

Aujourd’hui, les essais atmosphériques et souterrains ont laissé place à des simulations en laboratoire.

La France a conduit une ultime campagne d’essais nucléaires en 1995-1996.

Puis, elle a été le premier État doté de l’arme nucléaire à signer le TICE, aux côtés du Royaume-Uni, le 24 septembre 1996, puis à le ratifier. 

C’est le seul État à avoir fermé et démantelé son site d’essais nucléaires.

La contribution française au système de surveillance international de l’Otice est importante avec plusieurs installations :

  • 16 stations situées sur son territoire ;
  • huit stations situées à l’étranger ;
  • un laboratoire radionucléaire certifié.

L'Union européenne et le TICE

L'UE est l'un des principaux bailleurs de fonds volontaires de l'Otice. Depuis 2006, le Conseil européen a adopté, à l'appui de l'Otice, un engagement de plus de 22 millions d'euros.

En ce moment