Interview de Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État, chargée de la citoyenneté et de la ville, à BFM TV/RMC le 12 février 2024, sur la fin du droit du sol à Mayotte face à l'immigration illégale, la prévention de la délinquance et la lutte contre les trafics de drogue.

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Média : BFM TV

Texte intégral

NEÏLA LATROUS
Il est 8h33 sur BFM TV et RMC, mon invitée est Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, bonjour.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Bonjour Neïla LATROUS.

NEÏLA LATROUS
Vous êtes secrétaire d'Etat à la Citoyenneté et à la Ville et certains vous présentent en quelque sorte comme la ministre anti-émeutes, vous êtes notamment sous la tutelle de Gérald DARMANIN, ministre de l'Intérieur, on y revient dans un instant, d'abord la fin du droit du sol à Mayotte, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, annonce faite hier par la ministre de l'Intérieur sur l'île, pour devenir français il ne suffira plus d'être né à Mayotte, il faudra être enfant de parents français.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument.

NEÏLA LATROUS
C'est ce qu'on appelle le droit du sang en fait !

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, c'est plutôt le droit du sol…

NEÏLA LATROUS
Bah si !

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, le droit du sol, alors il faudra une réforme constitutionnelle déjà pour pouvoir le modifier…

NEÏLA LATROUS
Parents français c'est le droit du sang.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, c'est le droit du sol qui va être modifié, pourquoi ? parce qu'à Mayotte des drames humains arrivent, vous en avez parlé hier, je vous ai écoutés, ces fameuses petites embarcations, qui s'appellent des kwassa, sur lesquelles les femmes viennent accoucher, qui viennent notamment, en grande majorité, des Comores, pour accoucher dans des conditions catastrophiques, tout ça pour que leur enfant puisse être mahorais, donc français. Donc notre département, le département de Mayotte, subit une vague d'immigration illégale, irrégulière, féroce, et où les Mahorais n'en peuvent plus, c'est pour ça que le ministre de l'Intérieur s'est déplacé ce week-end en urgence, dans ce climat tout à fait insurrectionnel, et il était temps, à mon avis, de prendre une mesure forte pour répondre à une demande. Vous savez, il ne faut jamais avoir mis ses pieds là-bas, à Mayotte, et savoir ce que nos concitoyens mahorais vivent à cause de cette immigration justement, qui est poussée par ce fameux droit du sol, vous naissez à Mayotte vous devenez français, et du coup c'est un point d'arrêt, je pense, nécessaire à cette vague d'immigration illégale, et aussi avec des situations humaines, vous savez je pense à ces femmes, je vous en parlais, qui accouchent dans des conditions catastrophiques, je pense qu'il était temps de revenir quand même sur cette…

NEÏLA LATROUS
Je précise, droit du sol qui avait été largement modifié en 2018 et durci. Est-ce que l'expression droit du sang vous dérange, vous dites ça reste du droit du sol ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, écoutez, moi il n'y a rien qui me dérange, ce qui me dérange c'est de voir nos compatriotes souffrir, ça, ça me dérange, les mots ne me dérangent pas, les mots " m.o.t.s ", ne me déragent pas, mais les maux " m.a.u.x " me dérangent, oui, les maux de ce que vivent nos concitoyens là-bas ça me dérange, ça m'empêche de dormir. Donc, oui, je pense qu'il était temps, et de toute façon la révision constitutionnelle on va pouvoir convoquer, alors il y a deux méthodes, ou le référendum, ou réunir en congrès le Parlement, mais je pense que c'est une mesure forte et très courageuse…

NEÏLA LATROUS
Ça peut être un référendum ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Une réforme très courageuse…

NEÏLA LATROUS
Vous n'excluez pas le référendum ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Bah non, mis ça fait partie de ce qui est sur la table quand vous révisez la Constitution

NEÏLA LATROUS
Donc par définition vous ne l'excluez pas ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Par définition je ne l'exclus pas, mais c'est au ministre de l'Intérieur de mener cette révision constitutionnelle et je pense que… en tout cas, pas je pense, je sais, puisque j'ai eu beaucoup d'appels depuis, c'est une mesure qui a été extrêmement bien accueillie par la communauté, alors mahorais en France bien sûr, et aussi celle qui vit sur place.

NEÏLA LATROUS
Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, finalement elle avait raison Marine LE PEN alors ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Ecoutez, moi mon sujet ce n'est pas de savoir si Marine LE PEN avait raison, ce qui m'intéresse de savoir…

NEÏLA LATROUS
Bah si !

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non mais, ce qui m'intéresse…

NEÏLA LATROUS
Il y a une proposition de loi qui a été déposée par Marine LE PEN en mars 2018, il y a six ans.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je sais.

NEÏLA LATROUS
Emmanuel MACRON était déjà président, à l'époque vous ne l'avez pas reprise, donc soit elle avait raison il y a six ans et le sujet c'est pourquoi avoir attendu…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, le contexte international, ce que vous oubliez c'est que…

NEÏLA LATROUS
Soit c'était une mauvaise mesure et pourquoi la reprendre aujourd'hui ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, non, non, parce que, vous savez, la mauvaise mesure d'hier devient une bonne mesure maintenant parce que le monde change, ça ne vous a pas échappé, le monde change.

NEÏLA LATROUS
C'était une mauvaise mesure en 2018 ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, c'était une mesure qui ne s'imposait pas de fait, là, maintenant, je pense, et au regard de ce que vivent… regardez quand même ce que vivent nos compatriotes mahorais là-bas, donc à un moment donné moi je ne veux pas savoir si c'est Marine LE PEN qui a raison ou si…

NEÏLA LATROUS
En 2018 c'était trop tôt vous dites ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, le climat n'était pas le même. Le climat insurrectionnel dans lequel vivent les mahorais, les difficultés qui les exposent… la délinquance, regardez, il y a maintenant sur la table Wuambushu 2, c'est quoi ? lutte contre l'habitat insalubre, lutte contre la délinquance, lutte contre l'immigration irrégulière…

NEÏLA LATROUS
La première opération n'avait pas très bien réussi.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Eh bien écoutez, en tout cas ça avait été dénoncé, mais le ministre de l'Intérieur a décidé, et il a bien fait, de continuer à amplifier les mesures, il y a maintenant sur place des forces de l'ordre qui réunissent beaucoup plus de forces de l'ordre que même sur notre territoire limite nationale, que ce soit à Marseille, à Paris ou à Lyon, donc non non, je pense qu'au contraire le ministre de l'Intérieur a pris à bras-le-corps ce sujet. Il ne faut jamais oublier, moi je ne suis pas là pour commenter si untel a eu raison, mais je parle de mon camp aussi, je veux juste savoir comment est-ce qu'on change la vie des Français au quotidien, c'est ça le plus important.

NEÏLA LATROUS
Vous parlez des moyens, Gérald DARMANIN a aussi annoncé un rideau de fer maritime, en quelque sorte, pour empêcher les bateaux que vous évoquiez, les kwassa-kwassa, notamment venus des Comores, d'accoster sur Mayotte, à quoi ça ressemble un réseau de fer maritime, c'est quoi, c'est des moyens en plus ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Ce sont des moyens en plus, le rideau de fer c'est une métaphore, ça empêche, évidemment c'est pour empêcher ces embarcations…

NEÏLA LATROUS
C'est des bateaux supplémentaires qui vont… ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Des bateaux supplémentaires, de la surveillance, de la police maritime supplémentaire, qui va empêcher justement, vous savez, de venir… encore une fois, est-ce qu'on peut accepter en 2024, accepter que des femmes viennent accoucher dans des conditions catastrophiques, déplorables, inhumaines, dans ce type d'embarcations, pour que leurs enfants puissent avoir justement la nationalité française ? et autre chose, la fin des visas territorialisés c'est important, maintenant Mayotte sera soumis au même droit commun que le territoire national.

NEÏLA LATROUS
Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, vous entendez ce que disent ce matin Eric ZEMMOUR, Eric CIOTTI, le Rassemblement national, pourquoi Mayotte et pas le reste de la France, qu'est-ce qui empêche demain, par exemple les Alpes-Maritimes, allez, nouvelle arrivée de bateaux sur les côtes italiennes, l'Italie qui libère un certain nombre de… ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors je ne vais pas apprendre à Monsieur CIOTTI ou à Monsieur ZEMMOUR…

NEÏLA LATROUS
Mais pourquoi pas !

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Que nous ne sommes pas dans la même zone géographique. Ce que vivent nos compatriotes, encore une fois, Mahorais, c'est sans commune mesure, ou sans commune comparaison avec les Alpes-Maritimes…

NEÏLA LATROUS
Mais vous avez ouvert une brèche.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Ou Marseille. Regardez, je suis marseillaise, vous ne pensez quand même pas que je vais…

NEÏLA LATROUS
Mais vous n'avez pas ouvert une brèche ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, on n'a pas ouvert…non.

NEÏLA LATROUS
Qu'est-ce qui empêche, allez, la Guyane, les Bouches-du-Rhône, vous évoquez Marseille…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non.

NEÏLA LATROUS
De dire attendez, nous aussi…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Les départements, les territoires d'Outre-mer, ne peuvent pas, ne peuvent pas, être considérés comme le territoire national, pour une raison simple, c'est que leur géographie ne permet pas la même chose, donc à un moment donné moi je veux bien qu'on puisse tout mélanger, dire " ah mais pourquoi pas ceci ", " pourquoi pas… ", non, non, moi je parle de mesures concrètes. Pourquoi est-ce qu'à Mayotte…

NEÏLA LATROUS
Mais vous avez une brèche juridique, à défaut. Vous dites les situations ne sont pas comparables, certes, juridiquement…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Les situations ne sont pas comparables.

NEÏLA LATROUS
Juridiquement, vous créez la possibilité pour un département de dire on veut déroger au droit du sol.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, on ne veut pas…

NEÏLA LATROUS
Qu'est-ce qui empêcherait, encore une fois, quand Eric CIOTTI ou Eric ZEMMOUR vous disent " il doit y avoir la même possibilité… "

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Parce que nous ne sommes pas soumis à la même pression migratoire à Mayotte, nous ne sommes pas soumis, je vous réponds très simplement, nous ne sommes pas soumis à la même pression migratoire à Mayotte que sur le territoire national, ma réponse est tout à fait claire, tout à fait compréhensible pour nos compatriotes…

NEÏLA LATROUS
Mais leur argument c'est de dire et qu'est-ce qui se passe si c'est le cas demain, en disant Mayotte c'est l'avant-garde de ce…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Vous savez, c'est une histoire de courage… écoutez, c'est une histoire de courage politique. La mesure qui s'imposait, prise par le ministre de l'Intérieur, avec évidemment la validation du Premier ministre, Gabriel ATTAL, et évidemment le président de la République, c'est qu'à situation catastrophique, réponse exceptionnelle, voilà, voilà ce qui se passe. Et puis, honnêtement, je pense qu'il est temps maintenant d'arrêter de mettre de l'huile sur le feu parce que, vous savez, je viens d'un territoire, regardez, je vous reparle de Marseille, pourquoi ? parce que Marseille aussi c'est un territoire compliqué, mais est-ce qu'on va continuer à se dire " ah oui, alors là il faudra déroger ", non, il ne faut pas déroger, il faut déroger…

NEÏLA LATROUS
En fait ce que vous ce que vous nous dites, c'est le président qui décide, où est-ce que c'est possible, où est-ce que ce n'est pas possible.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
C'est le président de la République… déjà, je rappelle quand même à tout le monde que nous sommes là par le président de la République, et bien sûr sur proposition du Premier ministre, ça c'est la première chose, nous avons, moi en tout cas, j'ai été élue… le ministre Gérald DARMANIN, le Premier ministre, avec le président de la République, et nous sommes là quand même parce que nous adhérons à une ligne politique.

NEÏLA LATROUS
Non mais je veux dire, c'est eux qui décident là c'est possible, là ce n'est pas possible.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Mais bien sûr, mais c'est quand même le président de la République française, heureusement, mais heureusement, enfin moi je suis même surprise qu'on puisse me poser ce genre de question.

NEÏLA LATROUS
A partir de quel volume d'immigration est-ce qu'on doit déroger au droit du sol ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Vous savez, je ne sais pas mettre le curseur, ce que je sais sur Mayotte, vraiment pour conclure sur Mayotte, c'est le climat insurrectionnel a obligé le ministre de l'Intérieur à se déplacer sur place, parce qu'à un moment donné le message des mahorais, de ceux qui vivent à Mayotte, cette situation, encore une fois, extrêmement compliquée, extrêmement grave, on ne pouvait plus faire semblant de ne pas les entendre. Et vous savez, c'est une mesure forte, courageuse, mais encore une fois pour répondre à des maux, " m.a.u.x ", que la population nous a envoyés, et ça a été entendu, et je m'en réjouis, donc de cette réforme constitutionnelle sur le droit du sol pour Mayotte.

NEÏLA LATROUS
Donc à l'avenir chacun met le curseur où il voudra, si demain vous n'êtes plus en responsabilité…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, pas chacun met le curseur où il voudra, pas du tout, c'est on met le curseur là où les Français en ont besoin, c'est ça qui est important, ce n'est pas de savoir si on se fait plaisir ou pas, c'est où est-ce que nos compatriotes ont besoin de nous et où est-ce qu'on peut, au quotidien…

NEÏLA LATROUS
D'après les sondages.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, pas du tout, le terrain, pas les sondages, moi je ne lis pas les sondages, je ne sais pas lire un sondage puisque les sondages disent toujours tout et son contraire. J'écoute, moi je suis une fille de terrain, moi je suis née, comme je le disais, dans la rue, et je passe ma vie dans la rue, donc ce qui m'intéresse c'est ce qu'on me dit, pas ce que les journaux disent.

NEÏLA LATROUS
Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, je rappelle, vous êtes secrétaire d'Etat à la Citoyenneté, et à la Ville, concrètement en quoi ça consiste citoyenneté et ville ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors, la ville c'est les quartiers prioritaires, donc ça, QPV, je pense que tout le monde arrive à peu près à savoir, donc on a à peu près 1500 quartiers prioritaires qui couvrent le territoire national et bien sûr les Outre-mer, ça c'est pour la partie ville, donc la partie quartiers prioritaires, et sur la citoyenneté j'ai de très vastes sujets, l'apprentissage du français, j'ai la lutte contre la délinquance, j'ai la lutte contre la radicalisation, j'ai la laïcité, j'ai aussi les naturalisations, la citoyenneté est un champ extrêmement vaste…

NEÏLA LATROUS
Certains vous présentent comme la ministre anti-émeutes, vous vous reconnaissez dans la définition ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Oui, pourquoi pas… non, oui, oui, moi vous savez, si on me définit comme ça, moi ce qui compte, je me considère aussi comme la ministre proche des gens, la vie du quotidien, je l'avais dit, les politiques composent mon portefeuille, c'est la politique du quotidien, comment est-ce que je change la vie des gens, donc de nos compatriotes, au quotidien, c'est plutôt comme ça que je définis mon ministère, mes deux ministères.

NEÏLA LATROUS
Vous dépendez notamment, je le disais, du ministère de l'Intérieur, notamment…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Et de la Transition écologique pour la partie ville.

NEÏLA LATROUS
Et de la Transition écologique. Sur la partie ministère de l'Intérieur, les chiffres de la délinquance publiés au mois de janvier, sur l'année dernière, ne sont pas franchement bons, notamment sur les homicides, la barre symbolique des 1000 homicides dépassées, +13% de tentatives d'homicides, +7% pour les agressions physiques, 8% pour les violences sexuelles, et pourtant budget après budget on entend la majorité dire " mais regardez, on a plus de moyens ", d'où vient le paradoxe ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors, par plusieurs choses. Je vais prendre un exemple. Alors, je l'annonce maintenant, je lance une grande concertation de rénovation de la politique de la prévention de la délinquance, pourquoi ? parce que ça fait bien longtemps maintenant qu'elle n'a pas été repensée…

NEÏLA LATROUS
Ça veut dire, qu'est-ce que vous allez faire ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Ça veut dire je lance une grande concertation, j'ai demandé à 25 préfectures…

NEÏLA LATROUS
Les maires, les préfets ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
J'ai demandé à 25 préfets de consulter leurs élus locaux, de consulter les associations, de consulter les habitants, parce qu'il y a un mot aussi que je n'entends plus, les habitants, ceux qui sont concernés, sur faites-moi remonter des idées, de quoi avez-vous besoin, comment est composé votre territoire. Marseille ce n'est pas Brest, Brest ce n'est pas Metz, Metz ce n'est pas la Corse, donc on ne peut pas faire quelque chose de global sans avoir concerté le local, ça c'est la première chose. Et à la fin de cette concertation…

NEÏLA LATROUS
L'idée c'est d'empêcher le basculement dans la délinquance ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
La prévention… voyez, Neïla LATROUS, il y a un mot qui a disparu, moi j'appartiens, j'ai 47 ans, j'appartiens à une génération qui a connu le mot " prévention ", je veux que le mot prévention, puisque c'est le bas du spectre, avant le passage à l'acte, soit intensifié, il faut qu'on puisse empêcher les choses et non plus faire que les panser.

NEÏLA LATROUS
Vous demandez des idées pour empêcher le passage à l'acte.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument, et je m'appuie sur les élus locaux, je m'appuie, encore une fois, sur les associations, sur les habitants et sur les préfets, pour me proposer des idées qui viennent du terrain. Vous savez, le bon sens du terrain, je veux qu'il soit au-dessus de la pile, et qu'on arrête justement de faire des normes, expliquer qu'il faut faire ça depuis Paris. Moi je suis une fille de la province, je suis une fille de Marseille, donc vous imaginez bien que dans mon esprit les idées ne vont pas venir de Paris pour redescendre sur les territoires.

NEÏLA LATROUS
Mais de Paris on a des statistiques, notamment sur l'âge de la majorité des auteurs de crimes ou délits…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
De plus en plus jeunes.

NEÏLA LATROUS
Entre 15 et 24 ans. Lors des émeutes de l'an dernier 1180 mineurs identifiés comme auteurs d'infractions, 40 % ayant entre 13 et 15 ans, quel portrait ça dessine de la France ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors, plusieurs choses. Marseille n'a jamais été touchée par des émeutes urbaines, regardez en 2005, et pourtant là on l'a été. Alors, plusieurs explications, plusieurs choses. Les réseaux sociaux…

NEÏLA LATROUS
…Des jeunes, de plus en plus jeunes, de plus en plus violents.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, mais ce que je pense… tout le monde oublie, les réseaux sociaux ont beaucoup, beaucoup formaté notre jeunesse, et notre jeunesse sur vraiment, allez, 10, 11 ans, parce que regardez, on a eu des émeutiers qui avaient 11 ans, donc les réseaux sociaux. Après, je pense, ce n'est pas tellement la démission des parents, mais plutôt comment est-ce que la société a licencié les parents, je crois que c'était Alain BAUER qui avait utilisé cette excellente expression…

NEÏLA LATROUS
Le criminologue.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Donc sur l'autorité parentale, et l'autorité de la société, donc le Premier ministre l'a rappelé.

NEÏLA LATROUS
C'est pour ça que vous proposez des places d'internat…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument, 30.000 places…

NEÏLA LATROUS
Pour éloigner les jeunes qui sont sur la mauvaise pente ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, exactement, aider les parents, pare qu'il y a plusieurs choses. Gabriel ATTAL a rappelé, " tu casses, tu répares. " Moi j'avais dit, dès que j'ai été nommée, aux parents, " on est responsable de ce qu'on fabrique ", sauf, par exemple, pour les familles monoparentales qui ont besoin d'une aide particulière parce que souvent ce sont des mamans seules, avec des enfants, qui sont dans des quartiers compliqués et qui n'arrivent plus à assumer.

NEÏLA LATROUS
Et comment il est reçu ce discours justement… dans les quartiers dont vous êtes originaire ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Venez avec moi. La demande d'autorité des parents sur les jeunes, est phénoménale. Quand je me déplace, lors de mon premier déplacement. Quand je me déplace, lors de mon premier déplacement dans la Sarthe, au Mans chez Stéphane LE FOLL. Je suis interpellée par une maman. Et qu'est-ce qu'elle me dit la maman ? Elle me dit : " Voilà, à cause de vous et à cause de vos lois, on n'a plus le droit de punir " vos » enfants ". Et je lui ai répondu une chose : " Mais non, madame, l'autorité ce n'est pas, ce n'est pas les lois qui font l'autorité des parents, c'est l'autorité naturelle des parents. Et je lui disais : j'ai grandi, moi j'ai été élevée par ma grand-mère, qui disait : " je préfère que ce soit toi qui pleures ", donc l'enfant plutôt que le parent. Donc un retour aussi quand même de qui commande dans une famille. Donc le parent c'est l'autorité. Et la première autorité face à un enfant, ça ne doit pas être la police...

NEÏLA LATROUS 
Et si le parent ne comprend pas, vous dites 30 000 places d'internat, Gabriel ATTAL a parlé de 50 000.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Gratuites. Absolument. Gratuites pour les familles.

NEÏLA LATROUS
Ça va suffire ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Mais je ne sais pas si ça va suffire. Mais c'est une première, une première étape. Quand le Premier ministre dit, quand il est arrivé à Matignon, ce qu'il a dit, c'est le discours que les parents attendent. A un moment donné...

NEÏLA LATROUS 
C'est un peu Pascal que le grand frère.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Non, ce n'est pas Pascal que le grand frère...

NEÏLA LATROUS 
Référence à une émission de télévision, pour nos auditeurs et spectateurs,  Sabrina AGRESTI-ROUBACHE.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Vous imaginez que moi qui viens de la télé, je connais bien ce programme. Mais plus sérieusement, non, le Premier ministre a eu raison de rappeler quelques fondamentaux sur l'autorité. Vous savez, un enfant a besoin d'un cadre. Moi-même je suis maman et là, c'est même plus la ministre qui vous parle. C'est à nous de protéger, c'est aux adultes de protéger les enfants, et souvent les protéger d'eux-mêmes. Et autre chose concernant justement l'éducation. J'ai dans mon portefeuille, sur les politiques de la ville, cités éducatives. C'est quoi les cités éducatives ? Le président, j'ai une commande ferme du président et du Premier ministre, de généraliser les cités éducatives à 2027. Donc c'est 79 millions d'euros sur les crédits politique de la ville, engagés chaque année. Et je rajoute cette année justement sur le poste émeutes, 29 millions. Et c'est quoi une cité éducative ? C'est la communauté éducative qui travaille avec les élus locaux, avec des associations, et qui permet aux parents de s'intégrer dans le projet pédagogique, le périscolaire, l'extrascolaire. Comment est-ce qu'on aide les familles justement à faire faire les devoirs, à faire justement, à avoir accès à des activités culturelles, des activités sportives après l'école. C'est ce qui se passe en dehors de l'école, sur les cités éducatives. Et donc c'est un dispositif qui est vraiment aimé et très demandé par les élus locaux. Et j'ai demandé, et donc j'ai demandé et j'ai accédé à une demande des élus locaux, de cette généralisation. Et c'est une instruction claire du président de la République et du Premier ministre qui m'a été faite.

NEÏLA LATROUS 
Les travaux d'intérêt éducatif pour les moins de 16 ans, ça peut ressembler à quoi ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Oh, ça peut ressembler. Je pense qu'il faut laisser...

NEÏLA LATROUS 
Ce n'est pas encore finalisé.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Absolument. Moi je vais laisser tranquillement le garde des Sceaux faire des propositions. En revanche, encore une fois, les parents ont des idées. Il faut de la consultation, il faut des élus locaux aussi, qui se mêlent à cette discussion, parce que c'est eux qui vont, encore une fois, le bon sens du terrain au-dessus de la pile.

NEÏLA LATROUS 
Vous avez rencontré peut-être samedi, ou peut-être vous allez me dire, je la connaissais déjà, Nicole BELLOUBET, la nouvelle ministre de l'Education.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Oui.

NEÏLA LATROUS 
Vous la connaissiez ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Non, je ne la connaissais pas.

NEÏLA LATROUS 
Vous pensez qu'elle est en phase ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
... elle est professeure de droit comme mon mari, donc...

NEÏLA LATROUS 
Avec tous ces sujets d'autorité, elle qui critiquait " les fariboles " du retour de l'autorité.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Ecoutez, moi, ce que je vois, c'est que c'est une professeure de droit, de droit constitutionnel qui arrive. Quelqu'un qui a occupé des fonctions importantes, qui était notre garde des Sceaux sous...

NEÏLA LATROUS 
Donc ... interroger, en disant qu'elle n'était pas forcément en phase avec les sujets de l'autorité…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Non mais vous oubliez quand même qu'elle a été rectrice de Limoges et de Toulouse, je suis moi-même femme de recteur, mon mari est recteur en Corse. Donc je pense que de confier l'Education Nationale à ceux qui connaissent la communauté éducative, c'est une excellente idée et un excellent choix.

NEÏLA LATROUS 
Le Premier ministre, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, a annoncé hier un plan anti-stups, pour lutter contre les trafics de drogue qui gangrènent les villes moyennes. C'est le nouveau terrain de jeu des trafiquants, ces villes moyennes. Gérald DARMANIN…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
La consommation, Neïla LATROUS, la consommation, le truc, c'est que l'on a toujours mis, pardon, je fais juste une petite...

NEÏLA LATROUS 
Oui, vous m'avez coupée…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Excusez-moi, pardon de vous avoir coupée, c'est très impoli, mais juste pour vous dire qu'on a souvent stigmatisé les grandes villes sur le trafic de drogue et maintenant...

NEÏLA LATROUS 
Et les opérations dans les grandes villes ont conduit à la reconstitution des trafics dans les villes moyennes.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Non, la consommation, encore une fois, je l'ai dit, je l'assume : pas de consommateurs, pas de dealers. Venez parler comme moi avec les mamans, par exemple, le Collectif des familles que je vais voir jeudi à Marseille, le collectif des familles victimes des assassinats. Qu'est-ce qu'elles vous disent ? Mais c'est quand qu'on agit sur les consommateurs ? C'est quand qu'on... Bien sûr de prévention...

NEÏLA LATROUS
... lié aux narcotrafics l'an dernier dans les Bouches du Rhône.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je sais...

NEÏLA LATROUS 
C'est le prix à payer ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Non. Vous savez, il y a une stratégie qui a été mise en place par le ministre de l'Intérieur et la préfète Frédérique CAMILLERI, qui maintenant nous quitte et qui part...

NEÏLA LATROUS 
Préfète des Bouches-du-Rhône.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Absolument, préfète de police à Marseille.

NEÏLA LATROUS 
Bientôt ex-préfète des Bouches-du-Rhône.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Exactement. Et nous nous accueillons en préfet de police Pierre-Edouard COLLIEX, qui était le conseiller police du ministre...

NEÏLA LATROUS 
Est-ce que c'est le prix à payer, plus de morts ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Non.

NEÏLA LATROUS 
C'est assez contre intuitif de dire : regardez, on lutte contre le trafic de drogue, mais il y a plus de morts.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Il fallait accepter, il faut accepter que si on réduit les points de deal, il faut accepter. C'est une donne. La stratégie du pilonnage, c'est quoi ? C'est moins de points de deal. Sur Marseille, par exemple, - 70 points de deal en deux ans. Donc forcément, vous réduisez les parts de marché. En revanche, ce qui n'a pas été réduit, ce sont le nombre de consommateurs et donc forcément, les parts de marché se disputent plus violemment, de manière beaucoup plus criminelle. Et évidemment, je ne sais pas si c'est le prix à payer, mais en tout cas, il fallait une stratégie pour arrêter justement...

NEÏLA LATROUS 
Gérald DARMANIN…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Non non non...

NEÏLA LATROUS 
... parle même d'une militarisation du trafic de drogue, avec des armes de guerre, en parfait état de fonctionnement. Un lance-roquettes saisi à Besançon la semaine dernière…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Mais bien sûr, mais je sais, je connais ça par coeur.

NEÏLA LATROUS 
J'ai presque envie de vous dire : est-ce que la police ça suffit ? Est -ce que ce n'est pas l'armée qu'il faut envoyer ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Non, ce n'est pas l'armée. Non. L'armée nous protège sur nos frontières, face à l'extérieur. On ne tourne jamais ses canons contre sa population. Ça, c'est mon sentiment à moi. L'autre chose, c'est qu'à un moment donné, on oublie aussi de dire quelque chose de très simple sur la consommation et le trafic de stups, c'est qu'il va falloir travailler plus fortement, je le pense. C'est pour ça que je lance la grande rénovation de la stratégie de la prévention, prévention de la délinquance. Parce que je pense que nous n'avons pas assez travaillé. Nous avons peut-être failli sur la prévention, la consommation des conduites addictives, donc les consommateurs de drogue, Ça, c'est la première chose. L'autre chose, c'est que quand vous réduisez ces points de deal, justement, vous permettez aux familles de vivre plus tranquillement. Et je lance aussi un grand plan de vidéoprotection. Donc, je l'ai lancé il y a quelques mois et cela devrait être effectif dès le mois, dès la fin du mois de février. C'est une grande carte interactive avec combien d'argent financé donc par l'Etat, donc investi par l'Etat sur la vidéoprotection. C'est ce que demandent les Français. Les Français demandent plus de vidéoprotection et plus de sécurité. Et aussi de dire : regardez vos élus locaux, combien ils mettent, combien ils consomment de ces crédits et combien il y a de caméras en ratio par rapport à la population.

NEÏLA LATROUS 
Merci Sabrina AGRESTI-ROUBACHE.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Merci à vous Neïla LATROUS.

NEÏLA LATROUS 
Secrétaire d'Etat à la Ville et à la citoyenneté. Invitée ce matin de RMC, BFM TV, qui lance donc un nouveau plan de prévention de la délinquance…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Stratégie nationale de la prévention de la délinquance.

NEÏLA LATROUS 
Merci d'être venue à ce micro ce matin. Bonne journée à vous. Bonne journée à tous.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE 
Merci aussi. Bonne journée à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 février 2024