Texte intégral
SONIA MABROUK
Bienvenue et bonjour à vous, Guillaume KASBARIAN.
GUILLAUME KASBARIAN
Bonjour Madame MABROUK.
SONIA MABROUK
Merci de votre présence. C'est votre grande interview sur CNews et Europe 1. Vous êtes le ministre délégué en charge du Logement. Et c'était évidemment un sujet de préoccupation majeure dont nous allons parler. Je voudrais d'abord vous faire réagir, Monsieur le Ministre, au problème, au fléau des marchands de sommeil, avec ce cas concret, dans une résidence marseillaise, quasi-neuve, où l'on trouve dans un même appartement six, parfois jusqu'à dix personnes, les locataires de cette résidence vivent un calvaire, bruit, incivilités nombreuses, dégradations, malgré, parfois, les sanctions, et même, je veux dire, l'aspect légal et la loi. Est-ce qu'il y a une impuissance face à cette réalité ?
GUILLAUME KASBARIAN
Non, il n'y a jamais d'impuissance vis-à-vis des délinquants, puisque les marchands de sommeil sont en réalité des délinquants, vous louez un bien qui est fortement dégradé, en dehors de tout cadre légal, et ça mène à des dégradations du bien, de la copropriété. Et donc c'est un scandale. Il y a un volet sanctions, qui est important, et que nous souhaitons d'ailleurs renforcer, nous avons en ce moment un projet de loi sur l'habitat dégradé, qui est en examen, il est passé au Sénat il y a quelques jours, la semaine dernière, et il vise à donner des peines plus importantes, entre 5 et 7 ans de plus de prison, en réalité, et 200.000 euros, 150.000 à 200.000 euros d'amende. Il y a donc un volet sanctions très important, parce qu'il faut lutter fermement contre ces délinquants. Et puis, il y a un sujet de suivi et d'action sur le terrain. Et donc, il y a une vigilance particulière des préfectures, des services sociaux, et des copropriétés, pour en réalité endiguer ce phénomène qui est, encore une fois, un vrai scandale. Et donc pas de tolérance vis-à-vis de ce type de délinquance qui, comme vous l'avez dit, mine des copropriétés et des locataires qui en sont victimes.
SONIA MABROUK
Pas de tolérance. Ce discours que vous teniez, il y a quelque temps, parce que vous êtes le ministre du Logement, et c'est vous qui avez été, Guillaume KASBARIAN, à l'origine d'une loi qui a accentué véritablement les sanctions à l'encontre des squatteurs et des mauvais payeurs. C'est la loi d'ailleurs anti-squat. Dans les faits, aujourd'hui, avec un peu plus de recul, est-ce que c'est suffisant ? Vous allez me dire, ce n'est jamais suffisant. Mais véritablement, est-ce que ça a changé, dans les faits, quelque chose ?
GUILLAUME KASBARIAN
En tout cas, c'est une loi que j'assume, que je revendique et qui a permis, comme vous venez de le dire, de renforcer les sanctions vis-à-vis des squatteurs, mais aussi de mettre en place une procédure, de renforcer une procédure d'expulsion des squatteurs. Donc typiquement, Madame MABROUK, si vous rentrez chez vous, que vous avez un squatteur, vous pouvez porter plainte, saisir le préfet. 48h plus tard, le préfet a l'obligation de vous répondre. Il ne peut refuser de vous aider que si ce n'est pas vraiment un cas de squat. Et 24h plus tard, il utilise les forces de l'ordre pour sortir les squatteurs. Et ça marche, hiver comme été. Donc il y a eu un renforcement significatif non seulement des peines sur les squats, mais de la procédure d'expulsion pour régler le sujet. Moi, j'ai une vigilance particulière dessus. Je souhaite que l'on puisse suivre de façon très précise le nombre de squats qui ont été éradiqués département par département. Je souhaite que nous ayons des statistiques…
SONIA MABROUK
On peut avoir une liste des chiffres…
GUILLAUME KASBARIAN
C'est ce que nous nous employons à faire actuellement avec mon équipe, mon cabinet et avec l'administration, de façon à suivre de façon très précise les cas de squat, leur éradication de façon ferme, et de voir si éventuellement, il y a des difficultés d'application. Mais globalement, aujourd'hui, nous avons des remontées terrain qui nous informent que, oui, la loi fonctionne et permet d'éradiquer beaucoup de cas de squat, ce qui était l'objectif de cette loi, que, encore une fois, j'assume parfaitement.
SONIA MABROUK
Oui, vous l'assumez, pourquoi... vous répétez ça, c'est intéressant, Guillaume KASBARIAN, parce que certains vous ont reproché en réalité de lutter contre ce fléau.
GUILLAUME KASBARIAN
Oui, oui, tout à fait. J'ai eu des reproches sur ce sujet-là, mais en réalité, peu importe, c'est bien qu'il y ait du débat. Cette loi, elle a été adoptée par une très large majorité de parlementaires. C'est déjà quelque chose au niveau démocratique, et puis, je suis convaincu que les Français eux-mêmes sont sévères vis-à-vis des squatteurs et ne sont pas vraiment tolérants vis-à-vis des squatteurs. Le squat, c'est quelque chose qui atteint votre domicile, votre intimité, votre famille, votre chez vous. Et donc personne ne peut comprendre qu'on reste impuissant vis-à-vis du squat. Et c'est pour cela que nous avons fait cette loi. Et c'est pour ça que je souhaite que, en tant que ministre, cette loi s'applique parfaitement, et donc c'est mon rôle, en tant que ministre, d'appliquer la loi et de le faire fermement, d'appliquer toute la loi.
SONIA MABROUK
On a beaucoup parlé – à raison – de la crise agricole, Guillaume KASBARIAN, mais il y a aussi l'autre crise majeure, et c'est peut-être un moment paroxystique, celle du logement. D'abord, sur le secteur, globalement, la Fédération Française du Bâtiment évoque jusqu'à 300.000 emplois détruits d'ici à la mi 2025, c'est quasiment demain. Des difficultés en cascade pour les employés du secteur. Qu'est-ce que vous dites ce matin à ces responsables ?
GUILLAUME KASBARIAN
Je dis à ces responsables que, déjà, je suis avec eux dans cette crise profonde qui traverse le secteur du logement. Crise de la demande, puisque ces 18 derniers mois, on a eu une hausse très importante des taux d'intérêt. 450 points de base en 18 mois, ça a fait fois 6. Donc ça a bloqué énormément les crédits, puisque c'était l'objectif de la Banque centrale, c'était de ralentir l'inflation et ralentir les crédits. Donc, on a eu un effondrement de la demande. Et de l'autre côté, on a un effondrement de l'offre, de l'offre locative, puisqu'on a de moins en moins de biens sur le marché locatif pour plein de raisons, logements vacants, transfert vers du touristique, baisse de l'attractivité de l'investissement locatif. Et puis, on a aussi un effondrement des chiffres de la construction qui n'ont jamais été… enfin, rarement été aussi bas. Et donc, on a, à la fois une crise conjoncturelle de la demande, une crise structurelle de l'offre. C'est quelque chose de très problématique, mais il faut le dire, aujourd'hui, les prêts commencent à repartir. Nous avons reçu les banques la semaine dernière…
SONIA MABROUK
Timidement…
GUILLAUME KASBARIAN
Timidement, mais c'est quand même 35% d'augmentation en février par rapport à…
SONIA MABROUK
Vous allez réunir tous les nouveaux acteurs…
GUILLAUME KASBARIAN
Eh bien, je rencontre aujourd'hui tous les jours les acteurs du logement. Je rencontre aussi les banques avec Christophe BECHU. Nous avons eu un échange avec eux la semaine dernière. Les prêts sont en augmentation. Timide, vous l'avez dit, mais ça marche. Et puis, nous avons aussi des instruments que nous essayons d'interroger pour développer et débloquer la demande. Ce sont les prêts hybrides, qui permettent éventuellement de sortir le coût du foncier, et d'imaginer de nouvelles formes de financement et d'acquisition pour les propriétaires. Ce que je souhaite, ce que nous souhaitons, c'est que les propriétaires, que les candidats à la propriété puissent obtenir leurs prêts, puissent faire l'acquisition de leur rêve pour devenir propriétaires de leur appartement ou de leur maison de leur rêve. Ça, c'est l'objectif sur la demande. Et puis, sur l'offre, on a tout un programme territorialisé où on booste l'offre dans des territoires qui sont engagés pour le logement, nous en avons sélectionné 22, et sur ces territoires, on met le paquet d'un point de vue administratif et d'un point de vue financier, pour que ces programmes sortent de terre, et que ces 30.000 logements puissent sortir d'ici deux ans et demi. Ça fait partie des stratégies que nous avons, toute une palette de mesures pour débloquer la demande, débloquer l'offre dans un contexte où, bien sûr, c'est la crise, et on est avec les salariés qui sont victimes de cette crise, évidemment…
SONIA MABROUK
Guillaume KASBARIAN, oui, alors, on va parler des différents dispositifs pour débloquer, mais quand même, il y a un contexte général. Le gouvernement, Bercy vient de raboter, ça, on va en parler, d'un milliard MaPrimeRenov', mais d'une manière générale, 20 milliards d'économies en 2025, c'est le logement qui va être coupé, raboté ?
GUILLAUME KASBARIAN
En réalité, tous les ministères contribuent aux économies…
SONIA MABROUK
Oui, mais c'est le moment quand on vit une telle crise ?
GUILLAUME KASBARIAN
Moi, je suis responsable politique et je suis attaché à l'équilibre des comptes, et ça a toujours fait partie de ma philosophie personnelle. Donc je comprends tout à fait que le ministère du Logement, comme tous les ministères, contribue à l'effort d'économies pour le bien des Français. En réalité, pour éviter un engrenage sur les déficits et la dette qui serait payé in fine par les Français. Donc j'assume ces économies. En réalité, vous l'avez dit, on contribue aujourd'hui à hauteur d'un milliard d'euros sur MaPrimeRenov'. Nous avions prévu un budget qui était en augmentation de 1,6 milliard cette année, c'est-à-dire, ce que nous avions prévu dans le PLF, dans le Projet de Loi de Finances, c'était d'augmenter le budget de 1,6 milliard. Ce que nous avons décidé de faire et consenti de faire, c'est d'accepter de retirer 1 milliard à ces 1,6 milliard d'augmentation…
SONIA MABROUK
Je comprends, mais franchement, est-que c'est un bon signal en ce moment ?
GUILLAUME KASBARIAN
Et je le dis Madame MABROUK, je le dis, vous parlez du signal. Mais jamais le budget de MaPrimeRenov' n'a été aussi important, et il est bien en augmentation par rapport…
SONIA MABROUK
Oui, mais alors, mes petites connaissances en calculs font que quand même c'est raboté d'un milliard, donc…
GUILLAUME KASBARIAN
Par rapport à l'augmentation qui était prévue.
SONIA MABROUK
Bon, d'accord, c'est comme la décrue dans l'augmentation, Monsieur le Ministre…
GUILLAUME KASBARIAN
Non, ce n'est pas ce que je dis, moi, le sujet que j'ai, si j'ai un signal à envoyer aujourd'hui, c'est que nous sommes aujourd'hui en sous consommation, en réalité, de l'enveloppe. Moi, mon sujet que j'ai actuellement…
SONIA MABROUK
Alors là, c'est… Donc c'est une connaissance de…
GUILLAUME KASBARIAN
Parce qu'aujourd'hui…
SONIA MABROUK
Du dispositif alors ?
GUILLAUME KASBARIAN
Parce qu'aujourd'hui, et les artisans le savent bien, puisque nous les avons reçus, il y a deux semaines, avec la FFB et la CAPEB, avec Christophe BECHU, il y a des complexités particulières sur le dispositif MaPrimeRenov', notamment relatives à Mon Accompagnateur Renov' relatives à la labellisation des artisans et relatives à certains gestes qui ont été sortis du dispositif. Ce que nous souhaitons faire, et nous les recevons à nouveau de demain, Madame MABROUK, c'est leur proposer des solutions pour simplifier l'accès à MaPrimeRenov', sur la question de l'accompagnateur, de la labellisation, du geste simple de rénovation pour ouvrir le robinet, j'allais dire, de l'accès à MaPrimeRenov', et permettre à un plus grand nombre de Français, et ils seront plusieurs centaines de milliers cette année, en réalité, à en bénéficier, de rénover leur appartement et leur maison. Donc les choses ne sont pas bloquées. Moi, j'invite celles et ceux qui souhaitent faire des travaux à regarder sur le dispositif de l'ANAH, ce à quoi ils ont droit et y aller. Mais le robinet reste toujours ouvert, et il reste à un niveau qui n'a jamais été aussi élevé qu'aujourd'hui, malgré le rabot d'un milliard d'euros que nous avons effectivement accepté de faire.
SONIA MABROUK
Bien, donc, confiance de votre part. Pour répondre en partie à la pénurie justement, Guillaume KASBARIAN, de ces logements, l'Assemblée nationale a examiné donc une proposition de loi permettant de faciliter la transformation des lieux de travail, des bureaux en habitation. C'est séduisant, je veux dire, sur le papier, mais est-ce que c'est vraiment applicable ? Par exemple, je suis maire d'une commune. Comment je fais pour transformer justement un bureau en logement aujourd'hui ?
GUILLAUME KASBARIAN
Eh bien, c'est un sujet qui est très compliqué. Donc si vous êtes maire, on sait aujourd'hui que c'est compliqué. Et c'est tout le sens d'une proposition de loi qui a été déposée par le MoDem sur ce sujet et qui vise à permettre d'avoir des permis réversibles qui sont donc plus flexibles pour les élus, d'adapter plus facilement le PLU, le Plan Local d'Urbanisme, pour que ça soit possible, et simplifier la décision des copropriétés qui accepteraient, du coup, qu'au sein d'un immeuble, un bureau devienne un logement. Avant, il fallait l'unanimité. Là, on va revoir les règles pour que ça soit beaucoup plus simple. Donc voyez, il y avait des blocages administratifs que l'on va lever, et ça reste toujours compliqué, il y a une question aussi financière. Mais je le dis, Madame MABROUK, aujourd'hui, on a des millions de mètres carrés de bureaux qui sont vides, parce que les changements du Covid, du télétravail sont apparus, et parce qu'on a des bureaux vides. On ne peut pas se satisfaire de la situation quand on a autant de personnes qui cherchent un logement, il faut accélérer la conversion de bureaux en logements…
SONIA MABROUK
Oui, Monsieur KASBARIAN, il y a certains maires qi vont craindre, je suppose, de voir, comment dire… la sociologie de leur commune se modifier si des logements sociaux sont construits également, il y a beaucoup de réticences.
GUILLAUME KASBARIAN
Ils seront toujours maîtres de la situation sur la conversion de bureaux en logements, c'est eux qui décident à la fin. Personne ne les force à les faire, s'ils ne veulent pas donner le permis de construire, personne ne les force à le faire. Mais enfin, ils ont quand même un intérêt aussi à avoir plus d'habitants sur leur territoire, ça peut faire plus de ressources financières également. Et donc, on essaye de trouver le modèle financier qui effectivement rend ces opérations de conversion économiquement viables, plutôt que de détruire des bureaux, alors qu'on a des mètres carrés disponibles. Et on essaie de rendre le dispositif séduisant aussi pour les élus locaux, en leur disant : vous avez tout intérêt à ne pas avoir des bâtiments vides qui vont se dégrader et plutôt avoir des habitants. On sait que ça crée des services supplémentaires. Il faut construire des écoles, des services, etc, et on essaie de trouver les mécanismes financiers qui permettraient de les encourager à le faire. C'est un beau challenge, mais je le redis, des millions de mètres carrés qui aujourd'hui sont vides, on ne peut pas tolérer ça dans la crise du logement actuelle…
SONIA MABROUK
Est inacceptable. Alors, vous avez beaucoup de challenges, Monsieur le Ministre du Logement…
GUILLAUME KASBARIAN
Tous les jours, Madame MABROUK…
SONIA MABROUK
Et je sais que nos auditeurs et téléspectateurs vraiment scrutent vos annonces aussi avec attention. Gabriel ATTAL a mis un peu le feu aux poudres chez les acteurs du logement social avec l'annonce de la révision de la loi SRU concernant ces logements. Est-ce que vous, très concrètement, vous êtes pour infléchir cette loi SR ? Est-ce que c'est votre projet ?
GUILLAUME KASBARIAN
Alors, mon projet, c'est celui du Premier ministre, et c'est ce qu'il a annoncé dans sa déclaration de politique générale. La loi SRU, c'est une loi qui a été votée en l'an 2000, qui est une belle loi, qui a permis de fixer des objectifs de construction de logements sociaux à toutes les communes de plus de 3.500 habitants, 1.500 en Ile-de-France. C'est une loi qui a permis de construire plus d'un million de logements depuis qu'elle a été créée. Donc elle a eu des effets positifs. Mais elle a eu aussi des effets qui parfois sont contestés par des élus qui disent : j'ai beau être de bonne volonté, je n'y arrive pas, parce que j'ai des contraintes littorales, j'ai des contraintes d'urbanisme, j'ai des contraintes d'assainissement, qui fait que c'est compliqué d'atteindre mes objectifs. Et il y a de plus en plus de communes qui sont carencées. Parallèlement à ça, on a toute une classe moyenne, des personnes qui, en réalité, aimeraient bien se loger correctement, qui n'ont pas accès au logement social, puisqu'il y a un embouteillage terrible pour pouvoir y avoir accès. Il y a 2,6 millions de personnes qui demandent à accéder à un logement social. Et aujourd'hui, il y a un produit qui s'appelle le LLI, Logement Locatif Intermédiaire, qui permet notamment de répondre aux besoins de la classe moyenne. Ce que nous souhaitons faire avec Gabriel ATTAL, c'est intégrer des objectifs de construction de logements intermédiaires pour répondre aux besoins de la classe moyenne, c'est-à-dire, de personnes qui sont…
SONIA MABROUK
J'ai compris, donc une part de logements dits intermédiaires à loyer réglementé, inférieur au prix du marché, qui seraient dévolus aux classes moyennes…
GUILLAUME KASBARIAN
Exactement…
SONIA MABROUK
La question, Monsieur le Ministre, si vous pouviez y répondre, c'est dans quelle proportion, c'est important ?
GUILLAUME KASBARIAN
Ça, c'est un débat parlementaire qui va être…
SONIA MABROUK
Pas seulement ! Vous êtes le ministre, vous avez quand même la main sur ce sujet…
GUILLAUME KASBARIAN
Je suis en train de concerter actuellement, j'écoute les élus locaux, les associations…
SONIA MABROUK
Vous concertez beaucoup, mais vous décidez quand…
GUILLAUME KASBARIAN
Mais oui, mais la décision, elle ne peut pas se faire tout de suite, je suis arrivé, il y a 4 semaines, Madame MABROUK, donc c'est normal que je rencontre tous les acteurs, et que je puisse les écouter, les interroger, débattre avec eux, parce qu'ils ne sont pas tous d'accord sur le sujet. Quelle est la bonne proportion, quel est le bon mécanisme qui permettraient d'encourager, parce que mon objectif, c'est quoi ? C'est d'encourager la construction de logements pour les Français, et notamment pour la classe moyenne qui a besoin d'offres neuves. Et donc, nous essayons de trouver le meilleur mécanisme pour le faire. Je concerte, nous déciderons…
SONIA MABROUK
Bon, on peut dire…
GUILLAUME KASBARIAN
Et à l'été, l'objectif…
SONIA MABROUK
Pourquoi vous concertez autant, c'est que c'est une loi fondatrice et qu'il y a beaucoup d'acteurs qui sont en train de vous dire : attention, si vous la détricotez, vous allez voir ce que vous allez voir…
GUILLAUME KASBARIAN
Nous allons bien évidemment proposer un projet de loi sur le sujet d'ici l'été, je réaliserai la feuille de route du Premier ministre dans son intégralité. La décision est très claire sur le sujet, mais bien évidemment que j'écoute les uns et les autres. Et cette loi, ce n'est ni un totem, ni un tabou. Vous savez, Madame MABROUK, en 24 ans, elle a été modifiée dix fois. Donc ce n'est pas grave de modifier une loi. C'est le rôle des parlementaires, c'est le rôle du gouvernement que de proposer des modifications. Le tout, c'est de le faire dans le bon ordre.
SONIA MABROUK
Vous l'assumez aussi donc ? Vous l'assumez ?
GUILLAUME KASBARIAN
Mais j'assume tout, Madame MABROUK, pourquoi je n'assumerai pas, bien sûr que j'assume tout…
SONIA MABROUK
Je vous pose la question. Guillaume KASBARIAN, les dépenses concernant le logement sont la première source de dépenses des Français, dans un contexte qui reste inflationniste, à l'heure où les économies sont de rigueur, est-ce qu'on a encore ce rêve d'une France de propriétaires ? E est-ce que vous l'assumez encore ? Parce que France de propriétaires, on devient de plus en plus une France de locataires, parfois même une France de colocataires. Est-ce que vous, vous dites, non, il faut garder ce rêve et le sanctuariser ?
GUILLAUME KASBARIAN
Mais c'est le rêve des Français que de pouvoir posséder son appartement ou posséder sa maison. Les Français rêvent de pouvoir un jour être propriétaires de leur appartement ou de leur maison. Moi-même, Madame MABROUK, mon rêve, et le rêve de beaucoup de jeunes aussi, c'était de pouvoir être propriétaires. Et donc moi, je suis propriétaire d'une petite maison dans un petit village rural d'Eure-et-Loir, que j'ai achetée à crédit en 2015, en m'endettant sur 20 ans. Et ce rêve-là, moi, ce que j'espère, c'est qu'il soit possible pour tous, pour le plus grand nombre, malgré la hausse des taux, c'est de rendre possible ce rêve des Français que de devenir propriétaire de sa maison ou de son appartement.
SONIA MABROUK
C'est votre mission, si je puis dire.
GUILLAUME KASBARIAN
Eh bien, je pense que c'est une belle mission, en tout cas, et qui répond à une aspiration profonde des Français, que je comprends, et que je partage.
SONIA MABROUK
Est-ce que le ministre que vous êtes pourrait déclarer, entre guillemets, la guerre ou un peu d'hostilité par rapport à AIRBNB, aux plateformes touristiques pour réduire la crise du logement ? Est-ce que c'est une piste aussi ?
GUILLAUME KASBARIAN
Alors, il n'y a pas de guerre ou d'hostilité, mais par contre, il y a un sujet, c'est qu'il y a de plus en plus d'appartements qui, initialement, étaient utilisés pour faire de la location traditionnelle, et qui sont en train de devenir des locations touristiques. Ce n'est pas grave, et c'est une liberté après tout du propriétaire de faire ce qu'il veut avec son bien. Par contre, il y a un petit sujet, c'est que les règles ne sont pas les mêmes entre la location traditionnelle et la location AIRBNB. Un appartement à Biarritz, par exemple, si vous décidez de le louer en AIRBNB, eh bien, vous avez – ou en location touristique – vous avez un abattement fiscal qui est plus important que si vous le louez de façon traditionnelle, vous n'avez pas d'obligation de rénovation énergétique, et vous avez des communes qui aujourd'hui n'ont pas d'outils pour pouvoir réguler. Donc c'est le sens d'une proposition de loi qui a été votée à l'Assemblée nationale, portée par Annaïg Le MEUR et Iñaki ECHANIZ, que nous souhaitons faire prospérer, de sorte de rééquilibrer les règles et de mettre de l'égalité, c'est-à-dire, ne pas encourager fiscalement et avec des règles de facilité, de façon plus importante encore, le logement touristique, enfin, la location touristique, alors qu'on a une crise du logement…
SONIA MABROUK
Donc vous allez fixer les règles, ce n'est pas une guerre, c'est une mise au point…
GUILLAUME KASBARIAN
C'est une égalisation des règles, Sonia MABROUK…
SONIA MABROUK
C'est joliment dit…
GUILLAUME KASBARIAN
Enfin, c'est-à-dire que, écoutez…
SONIA MABROUK
C'est un euphémisme…
GUILLAUME KASBARIAN
L'égalité, c'est une belle valeur de notre République. Et donc, moi, je souhaite qu'on ait une égalisation fiscale, une égalisation des règles, et que les règles soient les mêmes pour tous. Après, vous êtes propriétaire…
SONIA MABROUK
Ce serait du bon, sens, oui…
GUILLAUME KASBARIAN
Vous décidez ce que vous voulez faire de votre bien immobilier, c'est votre liberté. Mais enfin, l'Etat n'a pas à créer une distorsion de règles et une inégalité, surtout dans la crise du logement qu'on connaît actuellement. Donc il faut remettre un peu d'ordre et un peu d'égalité et un peu de bon sens, vous l'avez dit, sur ces règles.
SONIA MABROUK
On va conclure, Guillaume KASBARIAN, parce que je sais qu'en partant de cette interview, vous allez au forum Bâtiments et Climat. Alors, c'est un événement qui vise à rassembler plus de 50 gouvernements représentés, dont 31 au niveau ministériel et des parties prenantes du secteur du bâtiment. L'objectif pour vous, c'est quoi ?
GUILLAUME KASBARIAN
L'objectif, c'est d'accélérer avec des dirigeants, puisque nous allons avoir 30 ministres, 50 gouvernements, 1.800 participants, c'est d'accélérer la décarbonation du bâtiment, qui représente 20 % des émissions de CO2, un tiers de la demande d'énergie. La moitié de la consommation des matières premières. Et donc, nous avons un enjeu collectif que d'encourager la coopération, les partenariats, pour accélérer la décarbonation du bâtiment. C'est tout l'enjeu de cette instance qui a été organisée sous l'autorité du Président de la République. Et je serai aux côtés de Christophe BECHU pour animer effectivement les débats et parvenir à plus de coopération internationale pour atteindre ces objectifs climatiques qui sont importants.
SONIA MABROUK
Eh bien, on suivra les résultats. Merci Guillaume KASBARIAN…
GUILLAUME KASBARIAN
Merci à vous, Madame MABROUK…
SONIA MABROUK
C'était votre grande interview. Je vous dis à bientôt.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 mars 2024