Texte intégral
M. le président Sacha Houlié. Après le vote de la troisième consultation prévue par l'accord de Nouméa, ce dernier a fini de produire ses effets et il convient de mettre en place une nouvelle architecture institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. Tel est l'objet des négociations en cours entre les parties prenantes et de la révision constitutionnelle qui doit être adoptée avant le 1er juillet 2024. Dans ce contexte, les élections provinciales prévues en mai prochain ne pourront avoir lieu à la date prévue. D'où la nécessité du présent projet de loi organique.
Ce projet de loi qui nous arrive du Sénat, faut-il ou non le voter conforme ? Pourquoi ? Quelles sont ses imbrications avec le projet de loi constitutionnelle dont le Sénat est saisi, mais dont l'avenir est suspendu à un éventuel accord entre les différentes parties prenantes en Nouvelle-Calédonie ? Ces enjeux qui vont nous occuper ce soir ont déjà été déflorés par la commission des lois, mais aussi par le groupe de contact de l'Assemblée nationale, voulu et réuni par sa présidente.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. Les deux textes – un projet de loi organique et un projet de loi constitutionnelle – qu'a déposés le Gouvernement sont aussi courts qu'importants. Depuis l'accord de Nouméa, qui a été constitutionnalisé, la plupart des sujets institutionnels calédoniens relèvent non pas de la loi ordinaire, mais de la Constitution et exceptionnellement de la loi organique. C'est le cas du présent texte, qui porte sur la date des élections provinciales. Les provinces, en Nouvelle-Calédonie, sont un peu l'équivalent des régions hexagonales, avec beaucoup plus de pouvoirs. Cet archipel magnifique compte moins de 300 000 habitants, mais cinq institutions : trois provinces, un congrès qui est une forme de parlement de la Nouvelle-Calédonie, et un gouvernement.
Pourquoi faut-il reporter la date des élections provinciales qui devaient normalement se dérouler en mai 2024 ? Les trois référendums d'autodétermination, organisés par le Président de la République au cours de son dernier quinquennat et imaginés bien avant, ont exprimé un " non " à l'indépendance. Dans un tel cas, l'accord de Nouméa prévoyait expressis verbis que les parties se réuniraient pour examiner la situation ainsi créée. Dominique de Villepin, celui de mes prédécesseurs qui avait soutenu la loi gelant le corps électoral, avait d'ailleurs indiqué que les élections provinciales ne pourraient se tenir que deux fois dans ces conditions, c'est-à-dire sans admettre de nouveaux entrants. Pour les élections de 2024, le corps électoral devait donc être dégelé, quel que soit le résultat des référendums.
En Nouvelle-Calédonie, il y a trois listes électorales : la liste nationale est constituée des personnes qui peuvent élire les députés et le Président de la République, comme dans l'Hexagone ou dans les territoires ultramarins ; la liste référendaire, restreinte, est constituée des électeurs qui ont pu se prononcer lors des référendums d'autodétermination organisés dans le cadre de l'accord de Nouméa ; la liste provinciale est constituée de ceux qui peuvent choisir leurs représentants dans les provinces. Pourquoi est-il important de choisir ses représentants dans les provinces ? Outre le poids économique et environnemental qu'elles représentent, les provinces désignent aussi des représentants au congrès, où se décident la formation du gouvernement et le déclenchement d'un éventuel référendum d'autodétermination.
Ces élections apparemment locales ont donc des répercussions nationales. Or, le corps électoral des élections provinciales est gelé depuis la décision du président Jacques Chirac. Ceux qui sont arrivés ou nés en Nouvelle-Calédonie après une certaine date ne peuvent pas voter lors de ces élections. C'est le cas de 25% des électeurs inscrits sur la liste nationale : ils peuvent voter pour élire le Président de la République, mais pas pour élire les représentants de leur province. Une telle situation ne peut pas perdurer dans une démocratie digne de ce nom, mais la question éminemment politique du dégel du corps électoral fait débat entre les indépendantistes et les non-indépendantistes, dits loyalistes.
Depuis trois ans que je m'occupe de ce dossier, nous avons toujours dit que nous souhaitions un accord politique global. Il doit porter sur les modalités de l'autodétermination, maintenant que les trois référendums de l'accord de Nouméa se sont soldés par un " non " à l'indépendance. Il faudrait aussi simplifier les institutions calédoniennes pour plus d'efficacité : s'agissant du nickel, on se perd un peu dans les processus de décision ; très touché par le réchauffement climatique, ce territoire a trois codes de l'environnement différents – un par province –, ce qui est peut-être un peu trop pour 300 000 habitants. Se pose aussi la question de la citoyenneté calédonienne, qui n'est actuellement définie que par rapport au vote.
Nous discutons depuis longtemps de ces sujets avec les indépendantistes et les non-indépendantistes. Malgré ce temps de réflexion, qu'on pourrait qualifier d'océanien, il va falloir être à l'heure pour les élections provinciales. Le Gouvernement s'est retrouvé dans une situation ubuesque : soit nous convoquions les élections provinciales sur la base d'une liste électorale bloquée, au risque de voir ces élections attaquées et sans doute annulées – nous verrons l'analyse du Conseil d'État, mais j'ai lu l'excellent rapport de M. le rapporteur ; soit nous dégelions le corps électoral, ce qui nécessite, sinon un accord, au moins des discussions, tant le sujet provoque l'émoi en Nouvelle-Calédonie puisqu'il est consubstantiel à l'avenir du territoire.
Voilà pourquoi le Gouvernement propose de reporter les élections provinciales jusqu'en décembre 2024, le temps de trouver un accord. Toutefois, le Conseil d'État indique qu'il est possible de reporter une nouvelle fois ces élections par décret jusqu'en novembre 2025, si un accord se dessinait. En vous exprimant sur cette loi organique, vous vous prononcez donc sur la date des élections, sachant que celles-ci vont de pair avec une discussion institutionnelle locale visant à un accord entre deux parties qui ont interrompu leurs discussions. Espérons que le dialogue pourra reprendre après le 23 mars, date du congrès du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS).
Comme je l'ai indiqué devant le Sénat, si les parties reprennent sérieusement leurs discussions, le Gouvernement proposera la suspension du débat constitutionnel pour qu'un accord puisse prévaloir. S'il n'y a pas d'accord, nous proposerons le projet de loi constitutionnelle – en Nouvelle-Calédonie, le corps électoral provincial est constitutionnalisé par l'accord de Nouméa –, afin de modifier les dispositions concernant la liste électorale. Les loyalistes ont d'abord demandé que l'inscription ne soit pas conditionnée à une présence minimale sur le territoire calédonien, puis que la présence minimale soit de trois ans. Les partis indépendantistes demandaient une présence minimale de vingt ou dix ans. Après avoir proposé une durée de sept ans, je me suis rangé à la proposition de dix ans. Cette durée avait été envisagée au départ, aux termes d'un accord conclu entre les partis indépendantistes et non indépendantistes, avant que le président Chirac change d'avis.
Il est extraordinaire de devoir attendre dix ans après son arrivée sur un territoire pour pouvoir voter lors d'élections locales. En proposant cette durée, le Gouvernement n'est pas tout à fait aligné sur la demande des non-indépendantistes, c'est le moins que l'on puisse dire. En outre, il crée des dispositions d'accès au vote local qui sont très différentes de celles qui prévalent, non seulement sur le territoire national, mais aussi dans toutes les démocraties. Pour ma part, je ne connais pas d'autre exemple où les personnes ayant la nationalité d'un territoire ne peuvent pas voter à des élections locales avant dix ans.
Pour résumer, ce projet de loi organique permet de se donner du temps, en reportant les élections dans l'attente d'une discussion. Malgré tout, si les discussions ne reprennent pas ou n'aboutissent pas, il faudra bien que les élections provinciales se tiennent un jour. Nous poursuivrons alors le débat constitutionnel pour dégeler le corps électoral et fixer à dix ans la durée de présence minimale sur le territoire pour être inscrit sur la liste électorale provinciale. Ce débat constitutionnel pourra être interrompu à tout moment jusqu'à la convocation du Congrès à Versailles, en cas d'accord entre les parties.
(...)
M. Gérald Darmanin, ministre. J'ai entendu dans certains propos une politisation nationale, que M. Kamardine a raison de vouloir éviter. D'autres affirmations sont erronées, par absence de connaissance du dossier ou de la Nouvelle-Calédonie, dont on parle sans y être allé.
Il est étrange d'accuser d'" accélération " ou de " marche forcée " un Gouvernement qui propose de reporter des élections. Si nous avions voulu accélérer le dégel du corps électoral ou l'action collective post-accord de Nouméa, nous n'aurions pas mené trois ans de discussions, je n'aurais pas effectué six déplacements, sans compter ceux des ministres délégués ou du Président de la République, ni participé à de nombreuses réunions à Paris. Nous aurions dégelé le corps électoral dès le lendemain du troisième référendum et plutôt avancé ou tenu à la date prévue les élections. Cet argument, lancé pour le plaisir d'attaquer le Gouvernement, ne tient donc pas.
Je rappelle que le congrès de Nouvelle-Calédonie, dont vous avez dit qu'il était gouverné par une majorité indépendantiste, est d'accord pour reporter les élections. Ce texte y a obtenu 38 voix " pour " et 16 " contre ". Les indépendantistes et non-indépendantistes, même s'ils s'opposent au sein du congrès, s'accordent sur cette question. La France insoumise et les Écologistes ne veulent donc pas suivre ce que les Calédoniens demandent eux-mêmes, y compris les indépendantistes de l'UNI Palika ou de l'Union calédonienne. Tout le monde est favorable au report des élections, sauf vos deux groupes, qui se prévalent des positions des indépendantistes.
D'ailleurs, les Kanaks ne sont pas indépendantistes par nature : les indépendantistes comprennent des personnes qui ne sont pas kanak et certains non-indépendantistes sont des Kanaks. J'ai, par exemple, remis la légion d'honneur à l'ancien sénateur kanak Gérard Poadja, un ardent défenseur de la Nouvelle-Calédonie française. Il ne faut donc pas essentialiser les personnes et dire que tous les Kanaks, noirs, sont indépendantistes et tous les Européens, blancs, sont non indépendantistes. C'est un manque de connaissance du territoire calédonien.
Par ailleurs, il est étonnant de dire que le préambule de l'accord de Nouméa mentionne « deux peuples » : il reconnaît au contraire l'existence d'un peuple premier – le ou les peuples kanak –, mais la Nouvelle-Calédonie compte aussi des Wallisiens, des Japonais, des Antillais, des Maghrébins…
M. Guillaume Vuilletet (RE). C'est votre idéologie racialiste !
M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Nous n'avons pas dit cela ! Imbécile !
M. le président Sacha Houlié. Monsieur Le Gall, n'insultez pas vos collègues ! L'examen du projet de loi constitutionnelle permettra de mener ces riches débats.
M. Gérald Darmanin, ministre. Constaterait-on, monsieur Molac, un afflux de personnes venant en nombre en Nouvelle-Calédonie que l'on ne pourrait pas évoquer un grand remplacement. La République est universelle ; elle ne distingue ni la couleur de peau, ni l'origine. La question est celle du respect de cultures. Sur ce point, on ne peut discuter que le congrès de Nouvelle-Calédonie lui-même est favorable au report de ces élections, alors même, vous l'avez dit, qu'il est gouverné par des indépendantistes. Le monde est moins binaire que ce que vous avez bien voulu présenter.
Les trois référendums, qui ont été prévus il y a vingt ans, se sont déroulés durant le quinquennat du président Macron – le seul à avoir eu le courage de les organiser. Le premier a été déclenché par l'État français, mais le troisième a été demandé et voté par les indépendantistes au congrès ; il n'a pas été accéléré par le Gouvernement avant l'élection présidentielle pour des raisons démographiques, comme j'ai pu l'entendre de la part du groupe GDR. Sur la contestation et le boycott auxquels il a donné lieu par la suite, le droit a tranché : le Conseil d'État, les instances internationales ont entériné le référendum ; l'ONU n'a pas invalidé le troisième référendum, alors qu'elle a été maintes fois sollicitée.
Les maires indépendantistes, qui sont majoritaires en Nouvelle-Calédonie, ont organisé ce référendum et une partie des indépendantistes, et pas des moindres, ont voté. Paul Néaoutyine, président de la province Nord, où les indépendantistes sont le plus représentés, a voté.
Le boycott et les raisons qui y ont poussé, on pourrait en parler longtemps. En tout cas, la demande de report du fait du covid a été suspendue quelques jours avant le premier tour des élections législatives, quand Nicolas Metzdorf risquait peut-être le plus de ne pas être élu.
Les indépendantistes eux-mêmes n'utilisent plus l'argument du troisième référendum ; ils ne le contestent plus, et aucun pays n'a porté ce dossier devant l'ONU, bien que la France y connaisse quelques ennemis. Certains ont même été sollicités par des partis politiques. L'Azerbaïdjan, par exemple, connu pour être un grand pays démocratique, pas du tout colonial et qui n'exploite pas les populations adverses, l'a été, tant d'ailleurs au sujet de la Nouvelle-Calédonie que de la Corse – on a les amis que l'on fréquente habituellement.
La contestation des trois référendums est une insulte au vote des Calédoniens qui ont voulu rester Français, et l'argument des Nations unies ne tient pas. Depuis que je suis ministre chargé des outre-mer, j'ai l'honneur de représenter la France au Comité spécial de la décolonisation des Vingt-quatre (C24). Parmi les cinq pays ayant des territoires à décoloniser – la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française pour la France –, nous sommes le seul à nous expliquer devant ce comité, qui a d'ailleurs vécu un moment étonnant quand la France a exposé devant le rapporteur syrien l'égalité des droits entre les citoyens en Nouvelle-Calédonie, le référendum d'autodétermination, et les institutions dans lesquelles les indépendantistes ont des responsabilités politiques. Pour mémoire, la Nouvelle-Calédonie est gouvernée par un indépendantiste, comme deux provinces sur trois – on peut difficilement l'expliquer comme un fait colonial.
Nous indiquons aussi au C24 que les modalités d'autodétermination restent à définir. L'autodétermination figure toujours dans notre Constitution. De nombreux territoires ultramarins ou « communautés », comme le général de Gaulle les définissait, ont choisi l'indépendance. Cela n'a pas été le cas de la Nouvelle-Calédonie dans ces référendums organisés. Les indépendantistes sont respectés et reconnus, y compris au niveau international, par le C24 et les Nations unies. Il n'y a pas d'iniquité des droits. La Constitution française reconnaît même la citoyenneté calédonienne et un blocage du corps électoral.
Vous ne l'avez pas dit, mais le C24 a d'ailleurs félicité la France de son travail en matière d'audit de décolonisation, d'égalité des droits des citoyens et de vote pour choisir si le territoire veut rester français. À trois reprises, la Nouvelle-Calédonie a choisi de rester française. Faut-il poser la question chaque année pour qu'elle vous agrée, car vous n'avez manifestement pas envie qu'elle reste française ?
M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Je ne vous autorise pas à dire cela. Vous ne connaissez pas le fond de notre position !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je comprends surtout que vous avez essentialisé les gens.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Vous inventez des binarités !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le député, il va falloir apprendre une forme de démocratie qui consiste à écouter des gens qui ne sont pas d'accord avec vous. Certes, cela n'est pas toujours évident avec M. Mélenchon.
M. le président Sacha Houlié. Monsieur Le Gall, vous vous êtes exprimé assez longuement. Laissez le ministre achever son propos, je vous redonnerai la parole pour défendre vos amendements.
M. Gérald Darmanin, ministre. La question posée par ce projet de loi organique est simple. Il s'agit tout d'abord de savoir si l'Assemblée nationale est d'accord pour reporter les élections, comme l'a voulu le congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Comme l'a indiqué le Conseil d'État, un nouveau report pourrait être décidé par décret, monsieur Delaporte. Vous ne seriez pas amenés à voter une seconde fois.
Au passage, j'ai beaucoup de respect pour M. Jospin et M. Rocard. L'indépendance de la Nouvelle-Calédonie sans référendum faisait partie des 110 propositions de François Mitterrand. Il n'a pas tenu cette promesse, et c'est peut-être ce qui a amené M. Rocard, qui n'était pas toujours d'accord avec lui, à organiser les choses différemment.
M. Arthur Delaporte (SOC). On ne peut pas réécrire l'histoire des années 1980. Il s'était passé des choses entre-temps.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je constate simplement que dans les 110 propositions de M. Mitterrand – comme d'ailleurs dans celles de M. Mélenchon lors de la dernière élection présidentielle – figurait l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie. M. Rocard a beaucoup travaillé et beaucoup aidé la Nouvelle-Calédonie, comme M. Jospin, afin de corriger une partie de ces propositions. Le fait que M. Mitterrand n'ait pas respecté sa promesse a peut-être contribué à énerver ceux qui attendaient l'indépendance.
Je salue votre position sur le dégel à dix ans du corps électoral, laquelle se distingue de celle des autres groupes de la NUPES. M. Chirac avait complètement gelé le corps électoral, et c'est M. Jospin qui avait négocié ce délai de dix ans. Nous en revenons à une position classique, qui figurait dans les accords de Matignon, puis dans celui de Nouméa. Et ce dégel ne concerne pas le vote lors d'un référendum sur l'indépendance, il est destiné à permettre aux citoyens de désigner leurs représentants provinciaux.
Ceux qui sont contre ce texte ne répondent pas à cette question : êtes-vous d'accord pour que des personnes qui sont nées sur le sol calédonien ou qui y résident depuis vingt-cinq ans ne puissent pas voter pour choisir leurs responsables locaux ? On ne connaît aucune autre démocratie dans le monde où l'on trouve un exemple similaire à ce qui existe en matière de corps électoral en Nouvelle-Calédonie. Le projet ne vise pas à remettre en cause tel ou tel équilibre politique.
Mme Le Pen aime sans doute beaucoup la Nouvelle-Calédonie, mais je constate que ce territoire ultramarin a voté pour M. Macron lors de la dernière élection présidentielle. Elle l'aime tellement qu'elle vous a délégué le soin de s'exprimer, monsieur Gillet. Vous vous êtes d'ailleurs trompé : le Gouvernement a bien proposé un texte, le fameux « document martyr », qui prévoyait les modalités d'autodétermination – avec éventuellement un référendum déclenché par voie de pétition plutôt que par un vote du Congrès –, des structures institutionnelles différentes, le congrès devenant le Parlement de la Nouvelle-Calédonie, et une redistribution des compétences pour plus d'efficacité. N'oublions pas que, pendant ce temps, la Nouvelle-Calédonie fait face à une crise économique. L'État aide son gouvernement, notamment en matière sociale. Alors que la production du nickel relève des compétences du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, l'État a versé des milliards pour la soutenir depuis vingt ans.
Nous avons aussi imaginé un référendum de projet, qui pourrait davantage répondre aux aspirations profondes des Calédoniens – et notamment de la jeunesse – qu'un référendum proposant une réponse binaire. Il y a d'autres manières d'envisager l'avenir de la Nouvelle-Calédonie : au sein de la République, associée à la France ou même émancipée. Le congrès pourrait élaborer un projet et le soumettre au vote des Calédoniens. Répondre par oui ou par non à une question sur l'indépendance peut susciter des peurs et des frustrations, dont certaines grandes puissances pourraient essayer de profiter.
Quoi qu'il en soit, le projet du Gouvernement continue à être discuté. Dire qu'il n'a rien proposé révèle donc une méconnaissance flagrante de l'évolution du dossier depuis trois ans, et ce d'autant plus que je me suis exprimé sur ce sujet à trois reprises dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement n'avance pas à marche forcée. Au contraire, il reporte les élections en Nouvelle-Calédonie, ce qui n'est pas une petite chose.
Le congrès de la Nouvelle-Calédonie, y compris les partis indépendantistes, est favorable à ce report.
Lorsque des référendums ont été contestés, les tribunaux ont validé leur organisation.
La France présente chaque année au C24 les avancées réalisées et je le ferai de nouveau dans quinze jours. Le peuple kanak a incontestablement souffert de la colonisation, et personne ne remet en cause l'accord de Nouméa qui reconnaît ce fait. Mais les choses sont moins caricaturales que certains ont bien voulu le dire : il n'y a pas, d'un côté, des Kanaks indépendantistes et de l'autre des blancs qui ne le sont pas. Il y a des personnes qui choisissent librement, encore faut-il qu'elles puissent voter. D'ailleurs, on compte de très nombreux Kanaks parmi ceux qui sont nés en Nouvelle-Calédonie et qui ne peuvent pas voter sur leur propre terre. Les personnes qui ne peuvent pas voter ne sont pas seulement des gens qui viennent de l'extérieur. Les règles qui ont mené à cette situation ne peuvent pas être maintenues ad vitam aeternam.
(…)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 19 mars 2024