Déclaration de Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée, chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles, sur les défaillances de l'aide sociale à l'enfance, à l'Assemblée nationale le 3 avril 2024.

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Intervenant(s) : 
  • Sarah El Haïry - Ministre déléguée, chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles

Circonstance : Questions posées au Gouvernement, à l'Assemblée nationale le 3 avril 2024

Texte intégral

Mme la présidente
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Défaillances de l'aide sociale à l'enfance ».

Ce débat a été demandé par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale. À la demande de ce dernier, il se tient salle Lamartine afin que des personnalités extérieures puissent être interrogées.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Nous commencerons par une table ronde, en présence de personnalités invitées, d'une durée d'une heure. Puis nous procéderons, après avoir entendu une intervention liminaire du Gouvernement, à une nouvelle séquence de questions-réponses d'une durée d'une heure également. La durée des questions et des réponses sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.

(…)

Mme la présidente
La séance est reprise.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles
Je remercie le groupe La France insoumise-NUPES d'avoir inscrit à l'ordre du jour ce débat essentiel et crucial portant sur l'aide sociale à l'enfance.

Entre 2011 et 2022, le nombre de mesures d'accueil a augmenté de plus de 30 %, passant de 136 200 à 172 060 enfants accueillis.

La protection de l'enfance traverse une crise aiguë ; c'est ce qui nous réunit aujourd'hui. Il s'agit tout d'abord d'une crise de l'attractivité des métiers de la protection de l'enfance. Cela a été dit : les tensions, déjà fortes, seront accentuées par le départ à la retraite de plus de 50 % des assistants familiaux d'ici à 2033.

C'est aussi une crise de la prise en charge des enfants par l'ASE, en raison de délais trop importants d'exécution des mesures de protection ; une crise de l'accompagnement des enfants à la sortie de l'ASE, puisqu'ils n'ont pas suffisamment accès aux dispositifs de droit commun ; une crise de l'accueil des mineurs non accompagnés, qui ne sont pas mis à l'abri dans certains territoires.

Notre responsabilité collective consiste à apporter des réponses à court et à moyen terme à cette crise sans précédent. Je remercie l'ensemble des groupes politiques, en particulier le groupe Socialistes et apparentés, pour la création de la commission d'enquête sur ces dysfonctionnements, qui permettra de compléter le diagnostic et de dégager de nouvelles voies pour remédier aux défaillances du système actuel.

Afin de repartir des constats, nous devons répondre à la question suivante : qu'est-ce que la protection de l'enfance aujourd'hui ? Au cours des vingt dernières années, trois lois ont structuré cette politique publique et donné un cadre législatif permettant l'amélioration de la prise en charge de chaque enfant. Ces lois se sont adaptées aux évolutions sociétales, mais aussi aux vies de ces enfants et des familles en difficulté.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a fait du département le chef de file de la protection de l'enfance. Elle a édicté le principe de la priorité de la compétence administrative des départements en la matière et celui de la subsidiarité de l'intervention judiciaire. Elle a affirmé la place centrale de l'enfant et à ce titre, a créé le projet pour l'enfant, destiné à élaborer les interventions assurant ses besoins fondamentaux.

La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant a placé celui-ci au cœur des interventions de la protection de l'enfance et a renforcé la gouvernance. Elle a créé une instance de coordination nationale de la protection de l'enfance, le CNPE, que le Gouvernement peut consulter pour toute question relative à la protection de l'enfant. Elle a également créé les commissions d'examen de la situation et du statut des enfants confiés à l'ASE (Cessec), afin de proposer un statut juridique aux enfants pour lesquels un retour dans leur famille ne paraît pas envisageable. L'objectif consiste à s'adapter au mieux à la situation de l'enfant et à lui proposer le statut le plus protecteur.

La loi du 7 février 2022 complète le dispositif de la protection de l'enfance. Elle contient des dispositions qui visent à améliorer les parcours, en particulier avant le placement, en cherchant systématiquement s'il est possible de confier les enfants à un membre de leur famille ou à un tiers digne de confiance. Elle améliore également la qualité de l'accueil, en interdisant les placements à l'hôtel des mineurs et des jeunes majeurs confiés à l'ASE, et en proposant systématiquement aux enfants un parrain ou une marraine ainsi qu'un mentor. Elle favorise l'autonomie, qui est bien notre objectif commun, en rendant obligatoire l'accompagnement des jeunes majeurs jusqu'à 21 ans, étant entendu que ceux-ci peuvent user d'un droit au retour à l'ASE.

Pour répondre aux enjeux d'attractivité, la loi du 7 février 2022 valorise le métier des assistants familiaux en assurant une rémunération minimale équivalente à un Smic pour les familles d'accueil, dès le premier enfant.

Enfin, elle améliore le pilotage de la politique de protection de l'enfance au niveau national, en créant le groupement d'intérêt public (GIP) France enfance protégée, et, au niveau territorial, en instaurant l'expérimentation des comités départementaux de protection de l'enfance.

L'adoption de ces trois lois a permis d'établir une politique plus cohérente et protectrice – tel est bien notre objectif – centrée sur l'intérêt de l'enfant.

La pleine application de ces lois est un préalable fondamental à la réussite collective de la politique de protection de l'enfance ; les gouvernements successifs en ont assuré un suivi attentif.

S'agissant de la loi du 14 mars 2016, des questionnaires ont été adressés aux départements dès 2017. Les réponses ont permis de nourrir la concertation nationale sur la protection de l'enfance. Les dispositions prévues par la loi n'étant pas parfaitement appliquées – il faut le reconnaître –, un nouvel état des lieux a été réalisé en 2020. Il en ressort par exemple que sur les soixante-quinze départements qui ont répondu, seuls dix-sept avaient instauré le projet pour l'enfant.

S'agissant de la loi du 7 février 2022, la majorité des décrets d'application sont parus. Quatre l'ont été depuis ma prise de fonctions, et trois restent à prendre : ils concernent les agréments des assistants familiaux et maternels, les agréments en vue de l'adoption et les objectifs nationaux visant à garantir des normes minimales d'effectifs pour les services de la protection maternelle et infantile (PMI). Ces délais s'expliquent par les concertations nécessaires ; néanmoins je ne me résous pas à ces retards.

Parmi les décrets restant à paraître, je m'engage à publier et à présenter au CNPE dès la semaine prochaine celui qui concerne les agréments des assistants familiaux. Il est essentiel, car il permettra d'éviter que des assistants familiaux soient agréés dans un département alors qu'ils ont vu leur agrément supprimé dans un autre département, pour maltraitance par exemple. Ce sujet a été évoqué cet après-midi par les personnes que vous avez auditionnées. Si les départements sont responsables de l'application des lois sur leur territoire, je suis responsable de la publication de ces décrets.

En cas de défaillance des départements dans l'accomplissement de leurs obligations, le préfet de département a des moyens d'agir. Ainsi, il peut contrôler, seul ou avec le président du conseil départemental, les établissements de protection de l'enfance. Il doit également être informé sans délai par le président du conseil départemental de tout événement survenu de nature à compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies. Enfin – c'est l'essentiel –, en cas de carence, le préfet de département peut agir et, après mise en demeure restée sans réponse ou sans résultat, prendre en lieu et place du président du conseil départemental les décisions de suspension ou de cessation de tout ou partie des activités d'un établissement ou d'un lieu de vie.

Concernant les MNA, le préfet peut former devant le conseil départemental un recours administratif contre une délibération mettant fin à l'accueil provisoire d'urgence des MNA ou ne prenant pas en charge des MNA nouvellement confiés à l'ASE. Le tribunal administratif de Bordeaux a récemment enjoint au conseil départemental de la Gironde de respecter ses obligations en la matière. L'État aide enfin les départements à accomplir leurs missions de protection de l'enfance en leur allouant des financements spécifiques.

Il est légitime de débattre de ces financements, qui passent par de nombreux canaux. Afin de renforcer la vision transversale de l'action publique à destination de l'enfance, le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 a été, pour la première fois, accompagné d'un jaune budgétaire dédié à la politique de l'enfance.

Au total, 155 milliards d'euros sont dépensés annuellement en faveur de l'enfance, et 17 % de cette enveloppe sont consacrés aux mineurs vulnérables – l'État y contribue à hauteur de 10 milliards, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) à hauteur de 7 milliards et les collectivités locales à hauteur de 8,8 milliards.

Pour autant, ce n'est pas suffisant : des dysfonctionnements persistent, la loi est inappliquée dans certains territoires et des défaillances sont constatées. Nous sommes donc réunis pour agir.

La méthode est la suivante. D'abord, nous assurerons la pleine application des lois en matière de protection de l'enfance. Pour cela, je veux que les décrets soient publiés le plus rapidement possible, afin de remédier au retard actuel.

L'accompagnement obligatoire des jeunes majeurs par les départements doit être effectif. Or des sorties sèches de l'ASE se produisent encore, bien qu'elles soient interdites. Un groupe de travail réunissant l'État et les départements se consacre à cette question. Comme je l'ai dit, il convient également d'expertiser la question du pécule consigné à la Caisse des dépôts. En effet, certains jeunes ne réclament pas ce pécule à leur majorité par manque d'information. Nous devons également informer les mineurs de ce dispositif.

Nous sécuriserons l'accueil des enfants confiés grâce à l'adoption du décret sur les taux et normes d'encadrement des établissements et services. L'État doit contrôler que les départements respectent l'interdiction d'accueillir des enfants à l'hôtel, et la mise à l'abri des MNA doit être effective.

Fin 2022, la part des jeunes confiés accueillis en établissements est devenue, pour la première fois, la modalité d'accueil la plus fréquente. Il est nécessaire de rendre effective la priorité accordée au placement auprès d'un membre de la famille ou d'un tiers de digne de confiance, qui peut contribuer à un meilleur lien d'attachement.

Ensuite, il faut redonner des marges et de l'efficacité au dispositif de protection de l'enfance, qui s'est complexifié et appelle des réponses plurielles. En effet, nous parlons d'enfants vulnérables, qui ont besoin de nous. L'État prendra toute sa part dans ce dispositif et assumera ses responsabilités.

Je souhaite poursuivre le dialogue avec l'ensemble des parties prenantes : les enfants, d'abord, les départements, les associations et les parlementaires. J'ai ainsi relancé le dialogue avec les départements en instaurant sept groupes de travail sur des thèmes précis, concrets, auxquels les acteurs du monde judiciaire seront associés, car plus de 80 % des mesures de protection de l'enfance sont judiciaires. C'est grâce à la coconstruction avec tous les acteurs de la protection de l'enfance que nous trouverons des réponses à la crise que nous vivons.

Le GIP France enfance protégée améliorera le pilotage d'ensemble de la politique de protection de l'enfance pour la renforcer.

Nous devons appliquer les annonces faites lors du dernier conseil interministériel de l'enfance concernant la généralisation des parcours de soins coordonnés, qui s'appuiera sur les enseignements de l'expérimentation Santé protégée et du programme d'expérimentation d'un protocole de santé standardisé appliqué aux enfants ayant bénéficié avant l'âge de 5 ans d'une mesure de protection de l'enfance, dit Pegase. Nous voulons également renforcer la réussite éducative des enfants placés.

Comme cela a été dit, il importe de renforcer l'attractivité des métiers et de fidéliser les acteurs de la protection de l'enfance. En effet, les efforts pour améliorer la qualité de prise en charge des enfants risquent d'être vains sans une action volontariste pour lutter contre la pénurie de professionnels et améliorer les conditions de travail. Dès ma prise de fonctions, j'ai rencontré Mathieu Klein pour évoquer les recommandations du Livre blanc du travail social.

Mon ambition est simple : je veux être aux côtés des enfants et de l'ensemble des acteurs pour construire rapidement des réponses. C'est urgent, car le problème de l'attractivité est pluriel et concerne aussi bien les assistants familiaux que les travailleurs sociaux ou les éducateurs en prévention.

Je réfléchis à la création d'un comité de filière de la protection de l'enfance et de l'accompagnement de la parentalité, en m'appuyant sur les résultats positifs du comité de filière de la petite enfance, qui a lui-même inspiré le comité de filière de l'animation que j'ai instauré dans mes précédentes fonctions.

Par ailleurs, il est nécessaire d'améliorer la participation des parents d'enfants confiés, car ils sont partie prenante du projet pour l'enfant et de l'accompagnement en protection de l'enfance. Il faudra développer une culture de la prévention pour agir mieux et plus vite, en renforçant le soutien à la parentalité à tous les âges de l'enfant.

Protéger les enfants est l'affaire de tous et la responsabilité de tous les adultes. Je ne prétends pas détenir l'ensemble des solutions, mais je suis convaincue que nous devons trouver ensemble les réponses à l'importante crise que connaît la protection de l'enfance. Nous avons le devoir de dresser le bilan de ce qui a été accompli, d'accélérer l'application de certaines politiques publiques et d'améliorer la réponse apportée à chaque enfant. Sans naïveté, nous devons prendre pleinement en considération les drames vécus par les enfants.

De nombreuses réponses peuvent être tirées des travaux conduits par les parlementaires dans le cadre de la délégation aux droits des enfants – dont la présidente est parmi nous – et des rapports d'application des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ce sont autant d'éléments utiles à l'appréciation de la situation et à l'élaboration des solutions par le Gouvernement.

Je suis animée par une volonté d'écoute et de coconstruction, sur la base de vos propositions, dans le travail législatif comme dans l'application des politiques publiques jusqu'au dernier kilomètre, si vous m'autorisez cette expression. L'essentiel est en effet que la politique se traduise en actes.

Ma boussole sera toujours l'intérêt supérieur de l'enfant.

Pour entamer notre dialogue, je tiens à vous dire que je m'efforcerai de répondre avec la plus grande sincérité ; la situation nous l'impose.

Mme la présidente
Nous en venons aux questions, dont la durée, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot (LFI-NUPES)
« Ce n'est pas l'État qui éduque les enfants, mais les parents », soutenait en juin 2023 Éric Dupond-Moretti. « J'appelle tous les parents à la responsabilité » déclarait alors Emmanuel Macron. Depuis plus d'un an, vous rivalisez d'ingéniosité pour culpabiliser les parents, en instaurant des amendes, des sanctions, des travaux d'intérêt général.

Pourtant, le premier parent irresponsable, c'est l'État. En effet, l'État est défaillant sur toute la ligne en matière de protection de l'enfance et de respect des droits des enfants placés. Seuls 13 % des enfants placés obtiennent le brevet des collèges, contre 80 % dans la population générale. La moitié des mineurs qui se prostituent viennent des foyers de l'aide sociale à l'enfance. En outre, 40 % des personnes sans domicile fixe de moins de 25 ans sont d'anciens enfants placés.

Depuis longtemps, nous vous en alertons : les chiffres sont révoltants. Derrière les chiffres, il y a des noms et des tragédies personnelles lourdes de vos manquements.

En octobre 2023, Méline, qui avait seulement 11 ans, a été retrouvée pendue dans son foyer de l'Oise. En janvier 2024, Lily, 15 ans, a mis fin à ses jours dans un hôtel où elle avait été reléguée, puisque vous n'aviez pas publié les décrets d'application de la loi Taquet. En février, Myriam, 14 ans, a été retrouvée morte après avoir fugué de son foyer en Seine-et-Marne.

Aux listes macabres s'ajoutent des scandales devenus quotidiens. C'est par exemple Nadia, ancienne enfant placée dans le Nord, qui porte plainte pour torture et actes de barbarie contre les services de l'aide sociale à l'enfance et contre sa famille d'accueil. C'est l'information judiciaire ouverte dans la Creuse pour violences aggravées sur mineur, défaut de soins, travail forcé et conditions de travail indignes à la vie humaine, au sujet d'une structure qui prétendait utiliser le maraîchage comme support pédagogique.

Le premier parent irresponsable, c'est l'État. Vous avez encore aggravé la situation avec l'ignoble loi « immigration » – loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration –, qui exclut les enfants étrangers, conformément au programme de préférence nationale de Jean-Marie Le Pen. C'est vous qui avez voté la rupture d'égalité des droits entre les enfants de l'aide sociale à l'enfance selon leur nationalité. Le premier parent irresponsable, c'est bien l'État !

Recentraliser l'aide sociale à l'enfance devient inévitable. Quand débloquerez-vous des moyens à la hauteur des besoins ? Quand recentraliserez-vous la protection de l'enfance, pour que tous les enfants placés soient protégés de la même manière quel que soit leur lieu de vie ? Quand obligerez-vous les départements à remplir le registre national de suivi des enfants placés ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Vous cherchez des responsables, tandis que j'essaie de bâtir des réponses et des solutions.

Mme Mathilde Panot
Ça fait sept ans que vous êtes au pouvoir !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
L'essentiel est d'apporter des réponses immédiates – c'est la volonté qui nous réunit.
Aucun drame ne doit être minimisé. Il est vrai que le décret interdisant le placement à l'hôtel des mineurs a pris du temps. Je l'ai publié deux semaines après ma prise de fonctions, car cette mesure, votée par le législateur, était urgente.

Mme Mathilde Panot
Emmanuel Macron est au pouvoir depuis sept ans !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Le décret est désormais publié ; ma responsabilité consiste dès lors à effectuer les contrôles nécessaires pour qu'il soit effectivement appliqué. J'ai également la responsabilité d'accompagner les départements dans l'accès aux soins.
Je travaille aussi sur la question de la scolarité en mobilisant le corps enseignant pour accompagner les enfants, dans le cadre du dispositif Scolarité protégée et hors de ce cadre.
Il ne doit plus y avoir autant de politiques de protection de l'enfance que de départements – telle est ma priorité et telle est mon obsession.

Mme Mathilde Panot
Recentraliserez-vous la protection de l'enfance ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Je rencontre des présidents de conseil départemental. Dès mon arrivée, j'ai rencontré le président de Départements de France, ainsi que Florence Dabin, pour construire avec eux et avec l'ensemble des acteurs des réponses immédiates. Que faire, dès à présent, pour répondre à la situation de foyers surchargés et à la pénurie importante de professionnels ? Il faut agir,…

Mme Mathilde Panot
Allez-vous recentraliser ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
…sans chercher à dénoncer la responsabilité des uns et des autres. Ma responsabilité est de faire cesser les drames, d'empêcher qu'un enfant se retrouve seul, sans accompagnement, ou alors en sortie sèche, comme cela arrive parfois. Nous avons une responsabilité collective, j'assume de le dire.

Mme Mathilde Panot
Non, la responsabilité n'est pas collective ! Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Nous pouvons apporter des réponses, avec les présidents de conseil départemental et les associations.

Mme Mathilde Panot
J'attends une réponse ! Le rôle du Gouvernement est de répondre aux questions du Parlement ! L'aide sociale à l'enfance va-t-elle être recentralisée ?

Mme Josy Poueyto
Nous ne sommes pas dans l'hémicycle ! Qu'est-ce que c'est que ce ton autoritaire ? La ministre n'a pas fini de répondre.

Mme la présidente
Mme la ministre vous a donné une réponse, madame Panot.

Mme Catherine Couturier
Son temps de parole est écoulé, et elle n'a pas répondu !

Mme la présidente
Je comprends, mais chacun est libre de ses propos.

Mme Ségolène Amiot
Les ministres ont l'obligation de répondre à nos questions. Nous ne sommes pas là pour faire de la parlotte !

M. Frédéric Cabrolier
La ministre a répondu !

Mme la présidente
Mme la ministre s'est exprimée, passons à la question suivante.

Mme Catherine Couturier
Allez-vous recentraliser, oui ou non ?

Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet (Dem)
Je vous remercie de me laisser poser ma question, chers collègues.

Je me réjouis que le Parlement se saisisse de ce sujet, parce qu'en 2019, j'étais bien seule à m'en préoccuper. La situation va enfin évoluer, espérons-le. Je tiens à rappeler que la délégation aux droits des enfants mène des travaux depuis plusieurs mois ; elle présentera bientôt des propositions.

Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur deux sujets. Depuis une dizaine d'années, le nombre de placements a augmenté de plus de 20 %. Comment enrayer cette augmentation des mises sous protection, et comment agir en prévention ? L'avocat obligatoire peut-il être une solution ? Nous savons bien que les mises sous protection peuvent, malheureusement, entraîner des violences. Il est donc important de ne pas envisager la protection sous le seul angle du placement, et de renforcer la prévention.

Ma seconde question rejoint celle de Mme Panot. Il y a urgence à court terme, mais aussi à moyen terme. Des associations ont mené un travail de prospective sur la protection de l'enfance : elles proposent d'instaurer une plus grande collégialité des institutions. En effet, il est quelque peu simpliste de prôner une recentralisation, en opposition à la décentralisation : ce n'était pas forcément mieux du temps des directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass), qui relevaient pourtant de l'échelon national.

Il faut créer un autre système, un autre mode de collaboration entre l'État et les départements. Nous avons besoin de tous ces acteurs ; rien ne sert de les opposer. Que pensez-vous des scénarios légitimement proposés par les différents acteurs de la protection de l'enfance ? Un travail collégial entre l'État et les départements est-il une solution ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Je remercie la délégation aux droits des enfants pour ses travaux et ses propositions, qui accompagnent la prise de décision. S'agissant de la mise sous protection, vous avez raison : il est plus que jamais souhaitable que les enfants soient accompagnés par un avocat. L'administrateur ad hoc doit être mieux indemnisé et rémunéré, et l'accompagnement qu'il dispense doit être conforté : c'est dans l'intérêt des enfants.

La collégialité doit également être renforcée, loin des réponses binaires – je vous rejoins en cela, Mme la députée. Nous attendons les conclusions de la mission confiée à Éric Woerth sur la décentralisation, et nous en discuterons le moment venu. Je discerne deux enjeux : comment répondre plus efficacement aux situations problématiques, et comment organiser plus rapidement l'accompagnement ? La réponse réside dans la culture de la prévention, qui passe par le soutien à la parentalité à tous les âges – je pense, en particulier, à la politique des 1 000 premiers jours de l'enfant.

La protection et la prévention sont les deux jambes nécessaires pour faire avancer l'intérêt des enfants. Il faut muscler ces deux jambes, en apportant des réponses immédiates et en ne s'interdisant pas des réponses à moyen terme. Il est possible de faire les deux à la fois. La crise est grave, c'est pourquoi il est nécessaire d'organiser un accompagnement vers la collégialité et d'apporter des réponses immédiates pour améliorer l'accueil dès à présent.

Mme la présidente
La parole est à Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago (SOC)
La protection de l'enfance est mise en lumière, on ne peut que s'en féliciter. L'urgence est là ; demain les travailleurs sociaux – dont ceux de la protection de l'enfance – seront mobilisés dans toute la France.

Tous les voyants sont au rouge : nous avons un besoin urgent de réponses adaptées. Vous connaissez mon engagement dans ce domaine. La commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance débutera prochainement ses travaux ; elle aura à cœur de proposer des réponses.

La publication des décrets d'application des lois relatives à la protection de l'enfance est une urgence absolue. Le décret du 15 janvier 1974 relatif à la réglementation des pouponnières, des crèches, des consultations de protection infantile et des gouttes de lait, qui encadrait la toute petite enfance, a été abrogé. Il faut se saisir de ce sujet immédiatement, sans attendre les conclusions de la commission d'enquête, qui paraîtront peut-être dans six mois. Malgré les difficultés de recrutement de personnel, nous ne pouvons pas considérer que le taux d'encadrement doit être d'un professionnel pour six jeunes enfants, par exemple. Nous voyons réapparaître le syndrome de l'hospitalisme chez les bébés : ce n'est pas tolérable, vous en conviendrez.

Par ailleurs, le CNPE et les autres organismes demandent unanimement la publication du décret relatif aux taux et normes d'encadrement dans les structures d'hébergement de la protection de l'enfance – la Convention nationale des associations de protection de l'enfant l'a confirmé. Certes, les normes seront difficiles à respecter une fois que le décret sera pris, en raison du manque de personnel ; une étape intermédiaire peut toutefois être prévue, pourquoi pas à deux ans. Ce doit être une urgence absolue de la politique des 1 000 premiers jours.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Nous aussi, nous fondons nos espoirs sur les travaux que mènera la commission d'enquête, sous le double prisme de l'urgence et des solutions à moyen terme.

Il est urgent de prendre le décret relatif aux structures d'accueil de la petite enfance. Je m'attellerai à le publier le plus vite possible. En effet, nous ne pouvons pas nous habituer à des délais aussi longs d'accueil des bébés en pouponnière. La solution réside également dans les assistants familiaux, ce qui implique de traiter la question de leur statut et de leur place dans les équipes pluridisciplinaires, mais aussi de mener des campagnes de recrutement et de reconnaître leurs missions en tant que travailleurs sociaux à part entière. Il faut donc agir depuis la formation jusqu'à la rémunération. Je m'efforcerai de publier ce décret le plus vite possible.

Quant aux agréments des assistants familiaux et maternels, j'ai mis les bouchées doubles : un décret en Conseil d'État sera présenté dès la semaine prochaine au Conseil national de la protection de l'enfance et au Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Nous ne pouvons pas accepter qu'un retrait d'agrément n'ait pas de conséquences de long terme et n'empêche pas l'intéressé d'exercer dans un autre département.

Je ne suis pas défaitiste s'agissant de l'application de normes d'encadrement : je suis persuadée qu'un chemin existe, si difficile soit-il, surtout dans le contexte actuel de crise d'attractivité des métiers. Ce n'est pas impossible, et je ne baisserai pas les bras ; nous devons y travailler avec les associations et les conseils départementaux. L'absence de normes n'est pas acceptable. Personne ne peut la justifier.

Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES)
Les intervenants que nous venons d'entendre ont montré – si l'on en doutait encore – que la situation de l'aide sociale à l'enfance est défaillante et édifiante.

Elle est édifiante, parce que nous ne parlons pas d'un sujet quelconque : des jeunes filles et garçons connaissent une enfance douloureuse, chaotique, parfois, dramatique, alors qu'elle devrait être légère et émancipatrice.

Selon l'Observatoire national de la protection de l'enfance, plus de 310 000 mineurs ont été concernés par au moins une prestation ou une mesure de protection de l'enfance en 2021. Ce ne sont pas seulement des chiffres, ce sont des enfants : notre société tout entière en a la responsabilité. Elle doit prendre soin d'eux et leur donner un avenir.

Prendre soin de ces enfants ne devrait pas être vu comme un coût, mais comme un investissement pour le futur et pour la collectivité. En effet, nous avons le devoir de leur donner un avenir et de leur permettre de trouver une place dans notre société. Or l'aide sociale à l'enfance ne remplit pas ce rôle comme elle le devrait.

Les conditions d'accueil des quelque 200 000 enfants placés à l'ASE sont très fortement dégradées : ils seraient 10 000 à vivre à l'hôtel, alors que la loi l'interdit ; 20 % des jeunes qui sortent de l'ASE vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14 % dans la population générale ; un quart des sans-abri sont d'anciens enfants placés sous la protection de l'enfance ; des enfants victimes d'inceste subissent encore des violences sexuelles alors qu'ils sont placés sous la protection de l'ASE.

Malheureusement, la liste des défaillances est longue. Il est urgent de donner enfin les moyens nécessaires aux départements pour assurer leur mission de protection des enfants en danger. Cette réalité, vous ne la découvrez pas aujourd'hui : depuis des années, elle est connue et dénoncée par les enfants placés devenus adultes.

Je ne souhaite pas connaître les petites mesures que vous comptez prendre, mais j'attends un plan d'urgence pour résoudre cette situation dramatique.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Je vous rejoins sur un point essentiel : comme l'a dit M. Louffok, l'aide sociale à l'enfance n'est ni une aide, ni une politique sociale ; c'est une suppléance parentale nécessaire. Cela signifie que nous devons être au rendez-vous à tous les moments de vie, pour répondre à l'ensemble des besoins des enfants : la confiance et le lien affectif doivent être rétablis ; l'accès à la santé doit être assuré ; la scolarité doit être de meilleure qualité, sachant que le décrochage scolaire touche plus fortement les enfants accueillis que les enfants en général. Une telle situation ne saurait perdurer.

Cet investissement mérite la mobilisation de tous, à commencer par l'État, qui doit assumer ses missions régaliennes. Il faut trouver des places en IME pour les enfants en situation de handicap, qui représentent 30 % des enfants accueillis. Leur place n'est ni dans un foyer, ni, pour certains, dans une famille d'accueil, car ils ont des besoins spécifiques.

Il est essentiel que les enfants soient accompagnés dans l'accès à leurs droits, que ce soit par un avocat ou un administrateur ad hoc. Les parrain et marraine jouent également un rôle essentiel dans les parcours. Nous le savons tous : les jeunes ont encore besoin de leurs parents bien après leur départ de la maison. Il n'y a pas de raison que les enfants placés ne bénéficient pas d'un même soutien. Des personnes responsables doivent être à leurs côtés tout au long de leur vie, si l'on peut dire, parce que leurs besoins ne s'arrêtent pas à 21 ans. Je m'attacherai à contrôler l'accompagnement des jeunes majeurs, qui est requis par la loi. J'ai été députée, et je tiens à ce que les lois qui ont été votées soient pleinement appliquées.

Mme la présidente
La parole est à Mme Martine Froger.

Mme Martine Froger (LIOT)
Situations alarmantes, atteintes aux droits fondamentaux des enfants, multiplication des mises en danger : en 2022, ces mots étaient ceux de la Défenseure des droits qui s'était saisie d'office de la situation alarmante de la protection de l'enfance dans certains départements. Témoignages et scandales continuent d'alimenter tristement l'actualité et poussent les assistants familiaux à demander plus fortement que jamais des moyens supplémentaires pour l'ASE, ainsi qu'un meilleur statut pour eux-mêmes.

De fait, la profession d'assistant familial connaît une inquiétante crise de recrutement. La pénurie qui en résulte entraîne les familles d'accueil à dépasser la limite de trois enfants, avec les conséquences que l'on imagine sur les conditions des placements. Cette pénurie sera largement aggravée par la vague de départs en retraite qui s'annonce : 75 % des assistants familiaux, majoritairement des femmes, sont âgés de 50 ans ou plus. Il nous faut donc dès à présent anticiper ces départs et rendre à la profession son attractivité.

Or, malgré les dispositions de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, la situation professionnelle et financière des assistants familiaux demeure précaire. Outre l'absence de reconnaissance de leurs qualifications, les dispositions relatives aux salaires d'attente semblent ne pas être respectées, bien que les charges restent dues quand aucun enfant n'est accueilli. De même, l'indemnité d'entretien n'a pas été revalorisée malgré l'inflation des dernières années et ne permet toujours pas de couvrir les dépenses quotidiennes des enfants. La profession souffre donc d'une reconnaissance et d'une valorisation insuffisantes. Pourtant, la charge émotionnelle et psychologique de ces métiers est considérable, tandis que la complexité des situations prises en charge nécessite une formation continue, un soutien constant et un travail en réseau.

Au vu de ce constat, ma question est simple : quelle réponse entendez-vous apporter aux demandes légitimes des assistants familiaux, qui sont des acteurs majeurs de l'ASE ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Une des réponses immédiates à la crise que vit la protection de l'enfance passe par les assistants familiaux – ou plutôt par les assistantes familiales, puisque 90 % de ces professionnels sont des femmes. Leur situation se dégrade, par manque de confiance, de reconnaissance et de moyens. Pour ne pas laisser se développer les difficultés qu'un départ massif à la retraite va aggraver – la moyenne d'âge des assistants familiaux est de 55 à 60 ans –, il faut redonner envie. Cela passe par un statut – la loi Taquet y répondait partiellement –, par la rémunération, par l'insertion dans des équipes pluridisciplinaires et des collèges d'éducateurs, par la reconnaissance pleine et entière du statut de travailleur social, par le droit au répit et par une réponse à la diversité des besoins, notamment lorsqu'il s'agit d'accueillir des fratries.

Il est urgent d'agir en ce sens. Les solutions relèvent pour une part des départements employeurs des assistants familiaux, mais je ne veux pas me défausser de ma part de responsabilité en matière d'attractivité des métiers du social, qui passe par exemple par des campagnes de recrutement et de communication destinées à démontrer leur caractère essentiel. Nous devrons être au rendez-vous du soutien des assistants familiaux qui considèrent, dans les cas les plus difficiles, que la qualité de leur accueil n'est pas à la hauteur de leurs ambitions, faute de moyens pour accomplir leurs missions. Je ne veux pas m'habituer à cette situation.

Des réponses doivent aussi être apportées à la question prioritaire de la santé des enfants. Au-delà des annonces et des slogans, les programmes Santé protégée et Pegase sont essentiels. Ils apportent des solutions parcellaires, mais je reste consciente que la question des assistants familiaux demande une réponse globale. Il faut commencer à l'élaborer dès aujourd'hui, en allant au-delà des dispositions de la loi Taquet qui a permis la revalorisation de la rémunération dès l'accueil du premier enfant.

Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES)
D'un côté, le droit des enfants à être éduqués et protégés, à vivre en sécurité au sein de leurs familles est un droit constitutionnel. De l'autre, un État défaillant n'alloue pas les moyens suffisants et les départements ne sont plus en mesure de faire face à l'ampleur des besoins. Lors de son audition, le président de Départements de France, François Sauvadet déclarait amèrement : « Vous avez aimé les déserts médicaux, vous allez adorer les déserts médico-sociaux. » Nous faisons face à une situation désastreuse dans un secteur qui concerne les humains les plus fragiles – les enfants – et des adolescents le plus souvent traumatisés, voire polytraumatisés par les violences qu'ils ont subies.

Des mesures de protection sont décidées mais non appliquées, par insuffisance des moyens déployés. Dans le département de Loire-Atlantique comme partout en France, des centaines d'enfants attendent, soit l'application de mesures de protection à domicile, soit un placement, décidé mais non réalisé, alors qu'ils sont en danger au domicile familial. Du fait des défaillances de l'ensemble des services de protection de l'enfance, nous observons deux conséquences au sujet desquelles je souhaiterais recueillir votre avis, madame la ministre.

D'une part, depuis une dizaine d'années, de grandes entreprises dont l'organisation interne rappelle celle des entreprises privées, motivées par la recherche du moindre coût, prennent une part croissante dans le secteur social et mettent à mal le travail historique de mise en réseau et les partenariats locaux. Pour des départements ne disposant pas des ressources suffisantes, cette marchandisation du secteur représente une solution par défaut. D'autre part, les services de l'ASE et les associations souffrent, les démissions et les arrêts maladie se multiplient ; le recours à l'intérim croît en conséquence, ce qui entraîne l'intervention d'adultes peu ou pas formés, dont on ignore la capacité à agir en sécurité avec les enfants.

Comment protéger le secteur de l'enfance de la marchandisation libérale ? Comment mieux contrôler les lieux d'accueil et de séjour ? Comment fidéliser les travailleurs sociaux qui exercent déjà, et comment donner envie à des jeunes de les rejoindre durablement ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Notre premier guide – vous l'avez rappelé – est l'intérêt des enfants et la fidélisation des professionnels déjà en place. L'attractivité du métier est donc un enjeu prioritaire, afin d'accueillir des éducateurs spécialisés, davantage d'assistants familiaux et tous les travailleurs sociaux nécessaires. Le comité de filière y contribuera ; il nécessite de réunir autour de la table l'ensemble des financeurs, des acteurs et des professionnels. Il a très bien fonctionné pour la petite enfance et je fonde donc l'espoir qu'il apporte des réponses très immédiates en faveur de l'attractivité des métiers et qu'il fluidifie les parcours dans le secteur du travail social : c'est une des recommandations du Livre blanc du travail social de Mathieu Klein.

Je sais aussi – et c'est le sous-texte de votre question – à quel point le recours à l'intérim dans le secteur social crée des ruptures pour les enfants, mettant à mal la sécurité affective dont ils ont tant besoin. Cette sécurité affective doit être protégée et renforcée – c'est le cas quand le cadre offert à l'enfant lui permet de s'épanouir, au sein d'une famille d'accueil comme à l'intérieur d'une Mecs, d'un foyer ou d'un lieu d'accueil. La multiplication de l'intérim, due à des tensions très fortes sur les ressources, fait vivre des ruptures supplémentaires à l'intérieur même de l'accompagnement social. Des départements ont la volonté de bien faire mais ne trouvent pas suffisamment de travailleurs sociaux ; d'autres s'engagent moins : je ne veux rien idéaliser, ni jeter la pierre à quiconque. La solution passera par un travail approfondi avec l'ensemble des employeurs sur la question de l'attractivité des métiers et des conditions de travail.

Mme la présidente
La parole est à Mme Alexandra Martin.

Mme Alexandra Martin (Gironde) (RE)
Près d'un quart des personnes sans domicile fixe âgées de moins de 25 ans sont passées par l'aide sociale à l'enfance. Les premières années sont charnières pour le développement : quand la majorité arrive, on termine ses études, on s'émancipe et on construit sa vie professionnelle. Cette période prend de plus en plus de temps pour les jeunes : les études s'allongent et le premier emploi stable n'est décroché en moyenne qu'à 27 ans. Les difficultés que rencontrent les jeunes à cet âge sont encore plus grandes pour ceux qui ne possèdent pas de capital social et qui n'ont pas l'appui de leurs parents ou d'une famille.

Je sais que nous partageons ce constat. C'est pourquoi, lors de la législature précédente, la majorité a adopté en première lecture une proposition de loi de Brigitte Bourguignon, visant à renforcer l'accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l'autonomie. Elle proposait de repousser l'âge limite des contrats jeune majeur de 21 à 25 ans, afin de mieux répondre à leurs besoins. Si le processus législatif n'a pas abouti, ces contrats ont toutefois été renforcés par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants. Désormais, les départements ont la possibilité de prolonger les contrats jeune majeur de 21 à 25 ans. Il s'agit d'une simple faculté à la main du conseil départemental, mais elle est essentielle au vu des difficultés que ces jeunes traversent, notamment dans la poursuite d'études supérieures.

Récemment, la décision du département de Loire-Atlantique de supprimer cette possibilité a causé l'émoi justifié des acteurs du secteur, qui savent combien cette aide est vitale. Il faut permettre aux jeunes de construire une vie stable, en leur donnant les armes nécessaires : c'est un investissement pour l'avenir, pour une société plus juste et équitable. Est-il envisageable de reporter à 25 ans l'âge limite du contrat jeune majeur ? À défaut, les départements pourraient-ils bénéficier d'un soutien supplémentaire pour financer cette prolongation ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Le contrat jeune majeur est une nécessité absolue. Il faut d'abord faire appliquer la loi votée par le Parlement. Trop de disparités existent : le contrat n'est pas déployé partout ; quand il l'est, c'est dans des conditions très inégales, que la volonté d'individualisation ne justifie pas. Je ne veux pas m'habituer à entendre des témoignages d'enfants qui, interrogés sur ce qu'ils vivent réellement, nous confient qu'ils ont appelé le 115 après leur sortie du dispositif. C'est pourquoi ma priorité actuelle est de travailler avec l'ensemble des acteurs sur un référentiel commun, une base commune qui définit ce qu'est le contrat jeune majeur.

Allons plus loin : à 21 ans, un jeune n'est pas toujours autonome ; cela ne doit pas le condamner à renoncer à des études un peu plus longues, sous prétexte qu'il relève de protection de l'enfance ou de l'ASE. Les jeunes doivent tous avoir la même chance de choisir des parcours longs. Un jeune qui souhaitait devenir médecin me confiait ainsi qu'il ne pourrait pas y arriver puisqu'il ne pourrait plus subvenir à ses besoins après ses 21 ans. L'angoisse débute même à 18 ans, avec toujours la même question : quand la protection s'arrêtera, que va-t-il se passer ? Le contrat jeune majeur doit non seulement être appliqué dans l'ensemble du territoire, mais aussi répondre à un référentiel commun : on ne peut accepter autant d'inégalités et de disparités d'un département à l'autre, et encore moins voir des départements se dérober face à leurs responsabilités.

Mme Ségolène Amiot
C'est dommage de ne pas avoir de réponses aux questions !

Mme la présidente
La parole est à Mme Edwige Diaz.

Mme Edwige Diaz (RN)
L'aide sociale à l'enfance est à bout de souffle. Le nombre de travailleurs sociaux n'augmente pas et les moyens ne suivent pas, alors que le nombre d'enfants pris en charge explose. Départements de France a tiré la sonnette d'alarme le 11 mai 2023, en soulignant que l'arrivée massive de mineurs non accompagnés avait conduit le système de l'aide sociale à l'enfance à l'embolie. En France, sur les 10 milliards d'euros de dépenses totales de l'ASE, le budget consacré aux MNA représenterait à lui seul environ 2 milliards d'euros. Ce budget reflète le très grand nombre de MNA en France, qui est passé de quelques centaines à la fin des années 1990 à plus de 40 000, selon une communication de l'Assemblée des départements de France publiée en mars 2020.

Le département de la Gironde est lui aussi touché par les conséquences de ces évolutions. La Cour des comptes rappelait en 2021 que la Gironde avait vu le nombre d'enfants pris en charge par l'ASE augmenter de 19 % entre 2014 et 2018. En parallèle, le nombre de MNA dans le département a quasiment quadruplé, passant de 350 en 2015 à 1 324 au 31 décembre 2020. Les acteurs girondins de l'aide sociale à l'enfance nous alertent sur les manques de moyens financiers et humains : le nombre de familles d'accueil a baissé de 22 % entre 2015 et 2023 ; les inscriptions à l'institut régional du travail social ont diminué de 30 % alors que les abandons en cours de cursus augmentent. Ces deux dernières années, en Gironde, plus de 50 % des jeunes présentés au centre départemental de l'enfance et de la famille ont été déclarés majeurs ; cette proportion augmente, puisqu'elle atteignait 68 % en octobre 2023. Pour couronner le tout, 40 % des faits de délinquance commis à Bordeaux étaient imputables à des MNA en 2020, contre 24 % en 2018.

Ainsi, quelles mesures prévoyez-vous pour éviter que l'immigration massive et incontrôlée (« Nous y voilà ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES) entraîne une forte dégradation de la qualité d'accompagnement des enfants accueillis, et pour éviter que les jeunes dans le besoin s'effacent derrière la masse des fraudeurs ?

Mme Mathilde Panot
C'est votre obsession !

M. Frédéric Cabrolier
Elle a le droit de poser les questions qu'elle veut !

Mme Edwige Diaz
Enfin, que pensez-vous de la recentralisation par l'État de l'accueil provisoire des MNA jusqu'à l'identification précise de leur minorité ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Un MNA est un enfant, auquel nous devons la même protection qu'aux autres.

Mme Mathilde Panot
Il faut faire respecter le principe dans les départements, alors !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Leur accueil relève de la compétence des départements, que l'État accompagne financièrement, à hauteur de 500 euros au titre de l'évaluation des MNA, 90 euros par jour au titre de leur accueil dans la limite de 14 jours, puis 20 euros par jour dans la limite de 9 jours complémentaires. Ce financement exceptionnel s'élève à près de 18 millions d'euros.

Au-delà de la question financière, il est particulièrement dangereux de vouloir établir un lien entre la délinquance et les mineurs non accompagnés. Certes, nous devons faire preuve de la plus grande fermeté face aux personnes majeures qui se trouvent en France de manière irrégulière et qui commettent des actes de délinquance, mais c'est un autre sujet. Un mineur non accompagné est avant tout un enfant, à qui nous devons protection et accompagnement lorsqu'il se trouve sur notre territoire, quelle que soit sa nationalité.

Il existe aussi une solidarité entre les territoires qui accueillent ces enfants, grâce à une clé de répartition. Cette solidarité est nécessaire, même si elle peut être suspendue en raison de difficultés spécifiques. Certains territoires frontaliers accueillent par exemple davantage de mineurs non accompagnés, parce qu'ils sont en première ligne : c'est une réalité et il ne faut pas nier ces particularités. Toutefois, il ne faut pas qu'il y ait de différence dans l'accueil d'enfants qui ont besoin d'être protégés – je serai vigilante sur ce point –, quelle que soit leur nationalité. Un enfant est un enfant.

Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.

M. René Pilato (LFI-NUPES)
Le 17 octobre 2022, les députés insoumis donnaient l'alerte, par voie de presse, en dénonçant l'effondrement de la protection de l'enfance. Nous parlons de scandales qui se déroulent dans notre République et touchent des enfants confiés par la justice et placés par l'État. Nous parlons d'événements inacceptables, tels que le suicide de Lily, une môme de 15 ans confiée à l'aide sociale à l'enfance depuis ses 3 ans et hébergée dans un hôtel social à Clermont-Ferrand.

À cette époque déjà, nous demandions à l'État d'assumer ses responsabilités : protéger les enfants de toute forme de violence, quelle qu'elle soit. Nous exigions une réforme de l'ASE, qui doit notamment passer par la reprise en main de la protection de l'enfance par l'État, la création d'appartements familiaux, la construction de foyers, la préservation des fratries, la protection des victimes d'agressions sexuelles. Nous demandions, surtout, que l'on arrête de jeter ces mômes à la rue dès leurs 18 ans car, bien que majeurs, ils restent des enfants de la République.

Avez-vous pris ces nombreuses alertes en considération ? Non ! Cause toujours ! Vous avez passé deux ans à rejeter tous nos amendements et à gouverner en recourant au 49.3. Nour, Jess, Anthony, Méline, Amine, Myriam, Lily. Cette violence institutionnelle conduit à des morts et à des disparitions.

La loi de février 2022 prévoit de limiter le placement en hôtel et, depuis février 2024, de l'interdire. Toutefois, cette loi n'a jamais vraiment été appliquée, sous la pression des départements. Et pour cause ! Comme d'habitude, vous n'avez pas alloué les budgets nécessaires. Une fois encore, vous vous déchargez de votre responsabilité sur les collectivités locales. Une fois encore, vous refusez d'aller chercher l'argent là où il se trouve : c'est-à-dire dans les poches des Bernard Arnault, Bettencourt et compagnie. Ça suffit !

Après avoir cassé les services publics, volé deux ans de retraite aux Français, vous voulez de nouveau faire les poches des plus précaires ! Et maintenant, vous abandonnez des gosses, qui sont sous la protection de la République ? Madame la ministre, quand prendrez-vous l'argent là où il est, pour nous prouver que la mort de Lily a réveillé vos consciences ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Vous venez de faire un plaidoyer, mais vous n'apportez pas de solutions, vous ne faites pas de propositions.

M. René Pilato
Vous n'y arriverez pas si vous ne prenez pas l'argent là où il est !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
La priorité, c'est de faire appliquer la loi Taquet et le décret qui prévoit d'interdire l'hébergement des jeunes de l'ASE dans des hôtels.

M. René Pilato
Et vous parlez des moyens des départements !

Mme Catherine Couturier
Pour eux, la DGF vient de tomber !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Le décret a été publié. L'accueil en hôtel est désormais interdit. Voilà la réalité !

M. René Pilato
Nous parlons de moyens, madame la ministre !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Les moyens, c'est précisément la politique d'accompagnement que les départements instaurent. C'est avec eux que nous construirons des réponses d'urgence, qui passent par l'accroissement du nombre des assistants familiaux ou encore la construction de nouveaux foyers, grâce à la mobilisation, par exemple, de la Banque des territoires et de la Caisse des dépôts, qui peuvent distribuer des prêts bonifiés. C'est ainsi que nous avons lancé, avec Florence Dabin, présidente du département de Maine-et-Loire, un projet permettant de financer un nouveau foyer d'accueil. Toutefois, s'il est nécessaire de construire des murs, il faut y mettre des moyens humains ; ce qui pose la question de l'attractivité des métiers.

M. René Pilato
Payez-les !

Mme Catherine Couturier
Vous savez que l'humain, cela relève des dépenses de fonctionnement !

Mme Ségolène Amiot
Il faut les payer !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Vous pouvez toujours, par des injonctions directes, me dire qu'il faut les payer ! Toutefois, qui sont leurs employeurs ? Ce sont les présidents des départements, avec qui nous travaillons.

M. René Pilato
Donnez-leur les moyens ! On tourne en rond !

Mme Catherine Couturier
Ce sont les dépenses de fonctionnement, madame la ministre !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Cette compétence relève des départements. C'est pourquoi nous comptons, avec les présidents de départements, sur le comité de filière qui abordera sans tabou toutes les questions, telles que celle de la rémunération, celle des conditions de travail, celle des besoins en matière d'accueil, que ce soit dans des lieux communs, comme les foyers collectifs, ou dans des familles, ou encore celle du tiers de confiance. Il n'y a pas, sur ce sujet, de réponse simpliste.

M. René Pilato
Ce n'est pas un problème de simplisme.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
La réponse est multiple et elle doit se construire avec les présidents des départements.

Mme Perrine Goulet
C'est parfois trop facile de dire qu'il y a un problème de moyens. En matière de dépenses de fonctionnement, il y a aussi des choix.

Mme Mathilde Panot
Vous êtes au pouvoir depuis sept ans !

Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES)
La première partie de ma question portait sur les aidants familiaux ; toutefois, mes collègues ont déjà évoqué ce sujet et nous avons obtenu des réponses, certes peu satisfaisantes puisque nous demandons davantage de moyens.

Vous me permettrez donc d'aborder directement la deuxième partie de mon propos : La Réunion accueille des enfants en provenance de Mayotte à la suite d'évacuations sanitaires – ce que nous assumons en toute solidarité et fraternité. Cependant, cette prise en charge a un coût. En outre, les enfants de personnes en situation irrégulière deviennent des mineurs isolés, livrés à eux-mêmes. Les moyens financiers permettant de leur garantir un accompagnement humain sont largement insuffisants. Comment apporter des solutions durables et humainement acceptables à ces enfants en détresse ?

Je souhaite également vous interpeller sur le manque criant d'institutions médico-sociales à même de suivre les enfants qui souffrent de troubles autistiques ou du comportement. Il n'existe actuellement à La Réunion qu'un seul établissement spécialisé : l'institut thérapeutique, éducatif et pédagogique de Saint-Gilles-les-Bains. Or plus de 2 000 enfants sont placés à l'ASE, sans pour autant bénéficier d'un accompagnement correct, faute de moyens. Quand pourrons-nous proposer à ces enfants, dont vous et nous avons la responsabilité, des conditions d'accueil dignes ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
L'accès à la santé est l'une des priorités criantes. Les conclusions des assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant seront présentées dans les prochaines semaines. On sait que 30 % des enfants accueillis sont en situation de handicap. C'est pourquoi l'État prendra pleinement ses responsabilités en matière d'accueil et d'accompagnement à la santé. La question des moyens médico-sociaux et de l'accueil en IME, par exemple, concerne l'ensemble des enfants de notre pays, en particulier, ceux accueillis par l'ASE, qui sont sous notre responsabilité.

Plusieurs mesures ont été prises, même si je ne peux m'en satisfaire puisque, si nous débattons de ce sujet aujourd'hui, c'est bien parce que cela ne marche pas – je ne dis pas le contraire. Je pense par exemple aux travaux que nous menons avec ma collègue Fadila Khattabi dans le cadre du plan « 50 000 solutions ». Ce sont des pistes de travail pour que les enfants accueillis soient prioritaires dans l'accès à la santé. Un financement spécifique a été alloué à l'accès à la santé.

Vous me direz : on tourne en rond ! Mais non ! Des moyens financiers existent. Le vrai problème, c'est la pénurie de professionnels, qui touche l'ensemble des familles, en particulier dans certains territoires, notamment ultramarins – vous venez d'évoquer l'exemple de La Réunion.

Vous me demandez comment briser ce cercle vicieux : il commence à se briser grâce aux travaux que vous menez ici, dans cette salle, grâce à ceux de la délégation aux droits des enfants ou de la commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance.

Ce qui est certain, c'est que les réponses doivent être apportées territoire par territoire. C'est pourquoi je serai aux côtés des présidents de départements pour instaurer ces parcours de santé et de soins, tout en tenant compte de la réalité : une difficulté criante dans le domaine de la pédopsychiatrie et de la santé mentale. Pourtant les enfants accueillis souffrent souvent de psychotraumatismes, et de plusieurs pathologies qui se cumulent. La question est donc de savoir comment créer, en urgence, le cadre médical d'accompagnement adéquat pour eux. Les moyens financiers existent, monsieur le député ; ce sont les moyens humains qui font défaut.

Mme Catherine Couturier
Les moyens humains, ça se paie !

Mme Ségolène Amiot
Les moyens humains seront ravis de l'entendre !

Mme la présidente
La parole est à Mme Angélique Ranc.

Mme Angélique Ranc (RN)
La baisse du nombre des assistants familiaux ces dernières années affecte notamment les capacités d'accueil des enfants de moins de 15 ans.
Corrélée à un afflux continu de mineurs non accompagnés sur le territoire français,…

Mme Marianne Maximi
Oh là là !

Mme Angélique Ranc
…la saturation des foyers d'accueil d'urgence devient quasiment permanente. En effet, en 2022, les arrivées de mineurs isolés étrangers en France ont augmenté de 31 % par rapport à 2021, et 14 782 mineurs non accompagnés ont été pris en charge par l'ASE.

Cette saturation générale complique immanquablement la dynamique de placement, conduisant parfois à faire des choix d'accueil par défaut, non adaptés à l'enfant et à ses éventuelles difficultés. Ainsi, si l'interdiction des placements à l'hôtel a été entérinée par la loi Taquet, d'autres voies de secours sont nécessaires. Je pense, par exemple, aux pouponnières, dont le nombre insuffisant oblige à accueillir à l'hôpital pendant plusieurs mois des bébés ou de très jeunes enfants placés à l'aide sociale après avoir subi de mauvais traitements. Le monde de l'ASE se trouve alors pris dans des tensions éthiques et des dilemmes insoutenables, qui le font balancer entre le risque d'hospitalisme et de surmédicalisation à l'hôpital et celui, terrible pour les enfants, lié à la surpopulation dans les pouponnières.

C'est pourquoi j'aimerais non seulement savoir ce qui est prévu pour améliorer le placement des tout-petits – car les 1 000 premiers jours sont primordiaux pour leur santé physique et psychologique –, mais aussi connaître votre avis sur le taux d'encadrement des enfants âgés de 0 à 3 ans, jugé trop peu élevé par de nombreux professionnels. Enfin, j'aimerais également connaître votre avis sur l'impact de la loi Taquet du 7 février 2022 concernant l'attractivité du métier d'assistante familiale.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée
Vous posez en réalité trois questions. Tout d'abord, un bébé âgé de 0 à 3 ans ne devrait pas rester aussi longtemps dans une pouponnière. Cette situation – le nombre de bébés dépasse parfois les capacités d'accueil – ne résulte pas d'un choix volontaire des départements. Ils n'y arrivent pas, tout simplement. Le bébé qui a malheureusement besoin d'être placé doit être accueilli dans une famille : cela rend encore plus urgent le recrutement de familles d'accueil pour les bébés.

Vous m'avez également interrogée sur le taux d'encadrement. C'est vrai, il n'y a pas assez d'encadrants. Il est urgent de permettre à ces enfants de rester en pouponnière le moins longtemps possible – car même si c'est en principe la règle, ce n'est pas la réalité. Plus vite des assistants familiaux seront recrutés, plus vite les bébés bénéficieront de conditions plus favorables à leur développement. Nous savons à quel point les 1 000 premiers jours sont importants en la matière et combien les conséquences peuvent être dramatiques : parfois, le bébé va jusqu'à se laisser mourir parce qu'il manque de liens affectifs.

L'urgence, c'est donc de recruter des assistants familiaux pour accueillir les bébés. Le problème, c'est aussi que des bébés quittent parfois directement la maternité pour rejoindre la pouponnière, sans avoir eu aucun lien avec leurs parents – il s'agit parfois du deuxième ou troisième enfant placé. Enfin, je le répète, l'enjeu reste l'attractivité du métier d'assistant familial : la loi Taquet tente d'y répondre, mais ce n'est pas encore suffisant.

J'assume pleinement le chemin à parcourir, mais ce travail doit être mené également avec les départements et le monde des travailleurs sociaux : nous devons réfléchir à la question des rémunérations des assistants familiaux, mais aussi à celle de leur accompagnement, des compétences professionnelles, de leur place dans les équipes pluridisciplinaires et de la collégialité de l'accueil – pour répondre au besoin de répit, notamment, que j'ai évoqué à demi-mot tout à l'heure. Aujourd'hui de nombreux assistants familiaux… (Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé.)

Mme la présidente
Je vous remercie.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 5 avril 2024