Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Guillaume KASBARIAN.
GUILLAUME KASBARIAN
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
Pour faire face à la crise du logement, le Sénat a adopté hier le texte qui vise à réguler le marché des meublés touristiques comme Airbnb. Est-ce que vous savez aujourd'hui combien de logements sont entièrement transformés en location saisonnière ?
GUILLAUME KASBARIAN
Alors on est à peu près à 800 000 mais c'est un très beau texte qui vient d'être voté par les sénateurs et qui est une initiative parlementaire des députés. Je veux saluer le travail de Annaïg LE MEUR, députée de la majorité, et Iñaki ECHANIZ, député socialiste, qui sont à l'initiative de cette proposition de loi qui vise à remettre un peu d'ordre, un peu d'équilibre sur le marché. Parce qu'on a un phénomène où de plus en plus de biens qui étaient loués de façon traditionnelle sur le long terme passent sur le marché touristique, et l'Etat avait mis des règles qui facilitaient encore plus, que ce soit d'un point de vue de la rénovation, de la fiscalité ou des règles, la location touristique. Donc là, le Parlement à l'initiative va remettre un peu d'ordre sur ces règles-là, que ce soit en termes de rénovation thermique, de fiscalité mais aussi d'outils pour que les maires puissent réguler un peu mieux ces meublés touristiques, de sorte qu'on ait un meilleur équilibre sur le marché et qu'on évite une attrition du marché locatif dans le contexte où beaucoup de Français cherchent à louer et ne le peuvent pas parce qu'il y a peu d'offres sur le marché. C'est une belle proposition de loi.
SALHIA BRAKHLIA
On va rentrer dans les détails des mesures qui ont été adoptées effectivement, mais 92% de ces hébergements sont loués occasionnellement. Ils sont des résidences principales ou des maisons de famille, c'est ce que disait hier le patron d'Airbnb sur Franceinfo. Ça valait le coup en fait de faire une loi pour les 8% restants ?
GUILLAUME KASBARIAN
Alors il faut savoir que ce phénomène est évolutif et pas qu'en France, partout dans le monde, et que de nombreuses communes partout dans le monde tentent de trouver des régulations pour éviter l'éviction du marché locatif qui est de plus en plus importante. Donc ce que nous voulons essayer de faire, c'est de donner aux élus locaux la possibilité de réguler à travers des quotas, à travers des mesures de compensation, à travers des règles locales à leur main, s'ils le souhaitent et si c'est pertinent dans leur commune, pour éviter qu'encore plus de biens quittent le marché locatif traditionnel et aillent sur le marché touristique. Mais effectivement, vous avez raison de souligner qu'il n'est nullement question d'embêter des gens qui, de façon occasionnelle, de temps en temps, louent pendant leurs vacances leur résidence principale, et essaient d'arrondir les fins de mois à cette fin, parce que ce sont…
JEROME CHAPUIS
Oui, ça peut rapporter jusqu'à 3 000, plus de 3 000 euros en moyenne nous disait hier le…
GUILLAUME KASBARIAN
Je ne suis pas là pour faire la morale à ceux qui aujourd'hui embêtent justement des personnes qui souhaitent louer de façon occasionnelle leur résidence principale. Le sujet n'est pas sur les résidences principales, il est sur des biens qui sont loués tout le temps, à plein temps, sur le marché locatif touristique et qui pourraient, s'ils revenaient sur le marché traditionnel, servir à des travailleurs locaux qui cherchent à se louer. Donc le sujet n'est pas d'enquiquiner les résidences principales et les loueurs occasionnels, il est de remettre un peu d'ordre sur le marché. Mais vous savez, ce sujet n'est pas que français, il existe partout dans le monde. Il y a des villes d'ailleurs qui ont pris des mesures drastiques sur le sujet.
SALHIA BRAKHLIA
Oui. Mais alors, comment on donne plus de latitude aux élus locaux, aux maires ? Est-ce que par exemple vous voulez faire comme dans certains pays, comme en Italie, où dans certaines villes Airbnb est interdit, où dans certains quartiers c'est interdit ?
GUILLAUME KASBARIAN
Non. L'interdiction pure et dure, elle serait probablement attentatoire à la propriété privée. Par contre, des communes aujourd'hui sont déjà à la manoeuvre – je pense à Saint-Malo où j'étais la semaine dernière - pour instaurer par exemple des mesures déjà d'enregistrement et là, l'enregistrement va devenir obligatoire. C'est-à-dire vous voulez louer sur le touristique, vous devez vous enregistrer. La commune peut fixer des quotas, c'est ce que nous allons permettre avec ce texte, c'est-à-dire qu'elle peut dire : il n'y aura pas plus que X locations touristiques dans la commune. Elle peut mettre en place des mesures de compensation et puis surtout, elle peut introduire une notion de servitude sur la résidence. C'est-à-dire que quand on construit du logement neuf, ce n'est pas pour que ces nouvelles constructions aillent sur le marché touristique. Donc vous voyez, on donne des outils aux élus locaux pour qu'ils puissent, s'ils le souhaitent, peut-être pas partout, peut-être pas si ce n'est pas pertinent dans leur commune, mais en tout cas on leur laisse la main pour pouvoir mieux réguler les meublés touristiques sans tomber dans la caricature d'une interdiction pure et simple, qui probablement serait inconstitutionnelle et ne serait pas vraiment la solution, mais avec des mesures de régulation qui seront très utiles et qui sont demandées par les élus locaux du territoire et par les habitants qui, de moins en moins, arrivent à trouver de biens sur le marché locatif traditionnel.
JEROME CHAPUIS
D'un mot, il faut préciser à quoi ça sert d'obliger les propriétaires à s'inscrire, à s'enregistrer auprès de leur commune ?
GUILLAUME KASBARIAN
Ça permettra d'avoir un meilleur pilotage déjà de la donnée puisque parfois les choses sont un peu floues. Vérifier également qu'on est bien en phase avec les règlements de copropriété, avec les règles locales. Que ce sont des locations qui respectent donc la législation. Et puis ça permettra justement aux maires de fixer par exemple des quotas. Le fait qu'ils puissent savoir combien il y en a sur le territoire, c'est ce qui a permis à Saint-Malo d'envisager la question du quota en disant « nous allons contingenter le nombre ».
JEROME CHAPUIS
Et ça ne pose un problème d'égalité entre les citoyens ? Il y a ceux qui ont le droit de louer et ceux qui n'auront pas le droit ?
GUILLAUME KASBARIAN
Ce qui pose une question aujourd'hui d'égalité, la vraie inégalité c'est qu'aujourd'hui, si vous prenez un bien et que vous le louer à un touriste, vous n'avez pas de travaux à faire de rénovation énergétique. Là, la loi, elle va remettre de l'égalité sur les obligations.
SALHIA BRAKHLIA
Elle oblige.
GUILLAUME KASBARIAN
Ce qui n'est pas égalitaire, ce qui est inégalitaire aujourd'hui, c'est que quand vous louez à un touriste, vous avez jusqu'à 70% d'abattement. Là, la loi va ramener les abattements à 30 %, 50 % si vous êtes classé touristique, c'est-à-dire si vous avez fait un effort de classement. Et aujourd'hui, la loi n'est pas égalitaire parce que…
SALHIA BRAKHLIA
Parce que la niche fiscale là…
GUILLAUME KASBARIAN
Je termine sur la question de l'égalité, la loi aujourd'hui n'est pas égalitaire parce que des communes peuvent réguler mais d'autres, parce qu'elles sont plus petites, n'ont pas ces outils-là. Donc cette loi vraiment, c'est une loi d'égalité. Elle vient remettre de l'égalité sur un marché après que l'Etat a introduit des distorsions fiscales de règles de rénovation qui ont déséquilibré le marché. Donc là, on rééquilibre le marché avec des outils à la main des communes pour mettre un peu d'équilibre dans tout ça.
SALHIA BRAKHLIA
2,4 millions de ménages sont toujours en attente d'un logement social, Guillaume KASBARIAN, aujourd'hui. La loi SRU oblige les communes à construire 20 à 25% de HLM. On en est loin pour nombre d'entre elles. Vous, au Gouvernement, vous voulez inclure les logements intermédiaires dans ce quota de 20 à 25%. Prendre cette décision, ce n'est pas donner une prime aux communes qui n'ont fait aucun effort en matière de logement social ?
GUILLAUME KASBARIAN
Pas du tout. Aujourd'hui, vous avez la moitié des communes qui sont soumises à la loi SRU qui n'arrivent pas à atteindre leur objectif de 20 à 25% de logements sociaux. Ce que nous disons, c'est qu'elles ont des objectifs triennaux, tous les trois ans, de constructions neuves. Ce que nous disons, c'est que nous souhaitons ouvrir dans ces objectifs-là la possibilité d'intégrer du logement intermédiaire. Typiquement, si vous avez une commune qui doit construire 1 000 logements sociaux dans les trois ans qui viennent, nous lui permettons de construire jusqu'à 250 - si elle le souhaite - 250 logements intermédiaires et 750 logements sociaux. Mais vous voyez bien que c'est de la construction neuve additionnelle…
SALHIA BRAKHLIA
Mais ça veut dire moins de logements sociaux.
GUILLAUME KASBARIAN
Mais ça veut dire plus de logements intermédiaires parce que le logement intermédiaire…
SALHIA BRAKHLIA
Mais moins de logements sociaux.
GUILLAUME KASBARIAN
Pas du tout. Ça sera 750 de plus dans l'exemple que je viens de vous citer, puisque nous fixons un objectif additionnel, incrémental. Oui mais le logement intermédiaire a plusieurs vertus. 1/ Il permet d'équilibrer des opérations et faire sortir y compris du logement social quand vous intégrez du logement intermédiaire dans un ensemble de construction. 2/ Il permet de mettre de la mixité sociale dans un ensemble, parce que vous avez de l'offre sociale et vous avez de l'offre intermédiaire.
SALHIA BRAKHLIA
Parce qu'il faut expliquer que le logement intermédiaire, c'est pour les classes moyennes.
GUILLAUME KASBARIAN
Bien sûr.
SALHIA BRAKHLIA
Le logement social, c'est pour les classes en dessous encore. C'est plus modeste.
GUILLAUME KASBARIAN
Exactement. Vous avez le logement social et vous avez plusieurs catégories dans les logements sociaux. Et vous avez ensuite le logement intermédiaire qui permet à un plus large spectre de la population encore d'accéder à un logement à prix réduit de 10, 20% moins cher que le prix de marché. Donc c'est un beau produit qui permet à des gens de la classe moyenne, à des travailleurs, plutôt que d'aller sur le marché libre et de payer plein pot de bénéficier d'un logement intermédiaire qui a un tarif, encore une fois, entre 10 et 20% moins cher que le prix de marché ET c'est un beau produit qui est utile. Et donc comme il est utile socialement, nous souhaitons l'encourager dans les constructions neuves à l'avenir pour les communes qui sont soumises à la loi SRU.
JEROME CHAPUIS
Le ministre délégué au Logement, Guillaume KASBARIAN, est avec nous jusqu'à 9 heures sur Franceinfo. On vous retrouve juste après le fil info. (…)
SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec Guillaume KASBARIAN, le ministre délégué au Logement. Juste avant le fil info, on parlait de votre volonté d'inclure dans le quota de logements sociaux les logements intermédiaires, dans l'obligation des maires d'avoir ces logements sociaux sur leur territoire. Une régression, c'est ce que dénonce la Fondation Abbé Pierre, une absence de solidarité parce que 3% seulement des 2,4 millions de ménages en attente de logement social peuvent atteindre les logements intermédiaires. Donc ce sont les plus aisés. En gros, est-ce que vous êtes en train de faire la chasse aux pauvres ?
GUILLAUME KASBARIAN
Mais pas du tout. D'ailleurs cette information est fausse, tout le monde est éligible aux logements intermédiaires, jusqu'à 80% de la population. Pour le logement social, c'est jusqu'à 65% de la population que vous êtes éligibles. C'est-à-dire que concrètement, les plafonds aujourd'hui d'accès au logement social concernent 65% de la population française. Tout le monde ne candidate pas pour autant, parce qu'on est dans une sorte de grande hypocrisie où tout le monde a bien compris que ce n'est pas parce que vous candidatez à un logement social que vous l'avez nécessairement. Pourquoi ? Parce qu'il y a 5 millions de logements sociaux dans notre pays, 5 millions et demi ; il y a 2 millions de personnes qui font la queue et la file d'attente pendant des années pour en avoir un et à qui on dit " écoutez, il n'y a plus de logement social, ce n'est pas possible, donc allez vous débrouiller sur le marché libre ". Ce que nous disons, c'est qu'une bonne partie de ces personnes qui sont éligibles au logement social préféreraient avoir accès à un produit, le logement intermédiaire, qui est 15 à 20% moins cher que le prix de marché et qui serait une bonne solution pour des personnes aujourd'hui qui sont probablement un peu trop riches pour pouvoir accéder en priorité au logement social, et pour autant qui ne s'en sortiraient pas sur le marché libre. Donc vous voyez qu'on est sur une classe intermédiaire, une classe moyenne qui aujourd'hui galère à se loger mais un peu trop riche…
SALHIA BRAKHLIA
Trop pauvre pour aller dans le privé.
GUILLAUME KASBARIAN
Exactement. Et donc ce produit-là, il permet de répondre au plus grand nombre et il faut construire de tout. Il faut construire du logement social pour les personnes les plus fragiles qui en ont le plus besoin, il faut construire du logement intermédiaire pour les classes moyennes et il faut construire aussi du logement libre parce que dans le contexte dans lequel nous sommes, nous avons besoin d'un choc d'offre. Et c'est exactement ce que je fais depuis maintenant 100 jours que j'ai été nommé : réaliser le choc d'offre qui a été annoncé par le Premier ministre et sur lequel je m'y emploie tous les jours.
JEROME CHAPUIS
Dans votre projet de loi, Guillaume KASBARIAN, on parle des conditions de ressources pour être éligible au logement social, vous instaurez le surloyer dès le premier euro du plafond de ressources dépassé, c'est ça ?
GUILLAUME KASBARIAN
Exactement.
JEROME CHAPUIS
Quel est l'objectif ?
GUILLAUME KASBARIAN
L'objectif c'est de se dire, comme je vous le disais, il y a 2 millions de personnes qui font la queue pour pouvoir avoir un logement social et il y a 5 millions de logements sociaux. Et donc, pour accélérer la file d'attente pour ceux qui en ont le plus besoin, il est normal dans une mesure de bonne gestion de vérifier que ceux qui sont dans le parc social n'ont pas soit explosé les plafonds de façon significative, soit ne sont pas propriétaires en parallèle de bien.
SALHIA BRAKHLIA
Parce que vous allez vérifier aussi.
GUILLAUME KASBARIAN
Bien sûr. C'est-à-dire aujourd'hui sur les revenus, ce que nous souhaitons faire c'est que quand vous dépassez les plafonds, d'appliquer un surloyer. C'est une mesure de justice qui vous permet d'être un peu mieux équilibré par rapport à tous ceux qui n'ont pas la chance d'avoir un logement social comme vous. Et de l'autre côté, c'est de dire : si par les hasards de la vie, vous avez hérité, acquis un bien et que vous êtes propriétaire d'un bien équivalent dans la même ville ou dans le même bassin de vie, c'est normal de vous demander de libérer le logement social pour que ceux qui font la queue depuis des années puissent en bénéficier en priorité. C'est donc une mesure de justice sociale la plus complète, visant à accélérer la file d'attente pour ceux qui en ont le plus besoin et faire en sorte que le logement social, effectivement ça n'est pas la vie et qu'à un moment, quand on a gagné beaucoup plus d'argent ou quand on a hérité et qu'on est devenu propriétaire d'un bien équivalent, la bonne gestion c'est de laisser sa place aussi à des personnes qui en ont plus besoin.
JEROME CHAPUIS
Vous dites demander de libérer le logement, ça veut dire une expulsion ?
GUILLAUME KASBARIAN
Ça veut dire une rupture. Concrètement, le mécanisme que nous avons proposé et que nous proposons au Parlement, c'est de dire que quand vous avez dépassé de plus de 20% les plafonds, c'est-à-dire que quand on est à Paris pour un célibataire, on est à 3 724 euros nets par mois. Pour un couple avec enfants, on est à 6 633 euros nets par mois. Pour un couple avec deux enfants, 8 712. Donc si vous avez dépassé ces montants-là et que ce montant-là, vous l'avez dépassé pendant deux ans, c'est-à-dire ce n'est pas juste une prime temporaire : c'est que pendant deux ans, vous l'avez durablement dépassé…
JEROME CHAPUIS
Vous avez une idée du nombre de personnes qui sont concernées ?
GUILLAUME KASBARIAN
Je réponds à votre question. Il y aura une rupture de bail qui aura 18 mois d'effet. C'est-à-dire que concrètement, vous avez trois ans pour trouver une solution dans le parc privé ou dans le parc intermédiaire.
JEROME CHAPUIS
Vous avez une idée du nombre de personnes concernées aujourd'hui en France, qui touchent trop d'argent pour être normalement dans un logement social ?
GUILLAUME KASBARIAN
Alors vous avez 8% aujourd'hui du parc social qui est occupé par des personnes qui sont au-delà du plafond pour y rentrer. C'est-à-dire que ces personnes-là, si aujourd'hui elles candidataient à nouveau à un logement social, on leur dirait « on ne prend pas ».
SALHIA BRAKHLIA
C'est quoi ? C'est 200 000 ménages ?
GUILLAUME KASBARIAN
On est à 400 000 Mais si j'enlève les zones où on ne le calcule pas, où on ne le mesure pas, c'est 200 000 grosso modo. Ce sont des personnes qui, si elles candidataient aujourd'hui sur le logement social, on ne prendrait même pas leur dossier. Par contre, ce que nous n'avons pas comme données parce que ça n'est pas mesuré, c'est le patrimoine. Je n'ai pas de données, personne n'a de données pour savoir est-ce que vous avez hérité d'un bien, est-ce que vous être propriétaire.
SALHIA BRAKHLIA
Et donc là, vous allez faire des enquêtes ?
GUILLAUME KASBARIAN
Là ce que nous demandons, c'est une transmission automatique des données fiscales sur la question de la propriété, et si vous êtes propriétaire d'un bien équivalent au logement social que vous occupez dans la même ville ou dans le même bassin de vie, à ce moment-là il est légitime, comme pour les revenus, de dire « il est temps de laisser sa place à ceux qui en ont le plus besoin ».
JEROME CHAPUIS
Donc là, on a un auditeur qui vous écoute par exemple, un téléspectateur qui a 60 ans, qui hérite, qui habite depuis 30 ans dans un logement social. Il a un héritage et vous lui direz " en fait, c'est le moment de sortir " ?
GUILLAUME KASBARIAN
Il faut que ça soit un bien équivalent. Mais si par exemple il est locataire d'un T3 à Paris et qu'il a hérité d'un T3 ou d'un T4 à Paris, nous demanderons à cette personne effectivement dans les 18 mois de libérer les lieux parce qu'il possède un bien équivalent dans le même bassin de vie.
SALHIA BRAKHLIA
Ah, équivalent ! C'est-à-dire que si l'équivalent il l'a eu dans la Creuse, il reste…
GUILLAUME KASBARIAN
S'il a hérité d'un cabanon à Marseille, qu'il ne va pas y vivre et que ce n'est pas son bassin de vie, non, nous n'allons pas l'appliquer. Et je précise aussi que cette mesure ne s'appliquera pas aux personnes de plus de 65 ans, ni aux personnes en situation de handicap donc il y a des exceptions à la règle. Mais le principe doit être acté dans la loi. Personne ne comprend chez vos auditeurs que l'on puisse continuer à être dans le logement social alors qu'il y a 2 millions de personnes qui font la queue depuis des années pour y avoir droit, et qu'on ne vérifie pas ni le revenu ni le patrimoine.
SALHIA BRAKHLIA
Guillaume KASBARIAN, est-ce qu'il faut aussi réserver des HLM, des logements sociaux aux fonctionnaires ? C'est l'idée de David AMIEL, qui est proche du président de la République, un député, et qui a remis un rapport dans lequel il propose que ces logements soient d'abord réservés pour les fonctionnaires. On pense aux soignants, aux policiers, aux professeurs. Est-ce que ça fait partie des pistes que vous explorez ?
GUILLAUME KASBARIAN
David AMIEL a fait un très beau travail sur le sujet. Il nous a remis d'ailleurs avec Stanislas GUERINI son rapport à Bordeaux, et nous avons validé et encouragé les propositions qui sont à l'intérieur. Il y a aujourd'hui 5% des attributions de logements sociaux qui vont aux fonctionnaires. David AMIEL essaye de chercher des moyens pour aller encore plus loin, y compris pour inciter des institutions publiques, par exemple des hôpitaux, à investir dans le logement social. Donc il parle, par exemple, de la clause de fonction et d'un certain nombre d'outils qui sont tout à fait intéressants pour encourager l'investissement des institutions publiques dans le logement social, et pour favoriser l'attribution de logements sociaux nouveaux aux fonctionnaires.
SALHIA BRAKHLIA
Mais il n'est pas question de l'inscrire dans la loi en disant " priorité aux fonctionnaires ".
GUILLAUME KASBARIAN
Attendez ! Si, si, il y a bien un article à l'intérieur du projet de loi qui fait le lien entre emploi et logement, et sur lequel nous attendons les concertations qui sont en cours et qui sont menées notamment par David AMIEL et par Stanislas GUERINI pour pouvoir éventuellement les intégrer au cours de la discussion parlementaire. Donc j'y suis favorable…
SALHIA BRAKHLIA
La France se soviétise, c'est ce que disent vos détracteurs. Si on fait ça, en fait on crée…
GUILLAUME KASBARIAN
Vous n'allez pas me le dire à moi. Moi, je suis d'aspiration libérale, donc ce n'est pas moi qui vais défendre le soviétisme. Au contraire. On constate aujourd'hui, nous avons un système soviétique où vous aviez deux millions de personnes qui font la queue pendant des années pour avoir accès au logement social. Et vous n'avez pas de mesure qui permet au-delà d'un certain revenu et au-delà d'un certain patrimoine, de mettre de l'ordre dans le logement social. Donc on va remettre de l'ordre et un peu plus de bon sens et de liberté dans le système, et je veux en plus favoriser le logement intermédiaire. Vous m'en avez fait le reproche un petit peu tout à l'heure en disant : le logement intermédiaire, ce n'est pas pour tout le monde. Attendez, on est justement en train de libérer les possibilités.
SALHIA BRAKHLIA
Je rappelais ce que disaient les associations.
GUILLAUME KASBARIAN
Vous avez raison, mais vous avez raison.
SALHIA BRAKHLIA
C'est ce que dit la Fondation Abbé Pierre.
GUILLAUME KASBARIAN
Ecoutez, ce que je dis en tout cas, c'est que ce projet de loi que nous portons, c'est un projet de loi de liberté. Qui va donner plus de liberté aux élus locaux pour construire du logement, plus de liberté aux bailleurs sociaux pour qu'ils puissent construire, plus de liberté aux constructeurs en simplifiant les règles.
SALHIA BRAKHLIA
La construction justement, allons-y.
GUILLAUME KASBARIAN
C'est un projet d'inspiration, de liberté pour les acteurs du logement.
SALHIA BRAKHLIA
La construction qui pose problème.
JEROME CHAPUIS
Ça va nous emmener au-delà du fil info mais il y a la crise de la construction. 40% de constructions en moins en deux ans, c'est la faute au manque de crédits bancaires ?
GUILLAUME KASBARIAN
En tout cas, ce qui est certain, c'est que s'il y a bien un secteur qui est concerné par les taux d'intérêt, c'est le logement. Et quand en 18 mois, vous avez eu une augmentation de 400 points de base des taux d'intérêt, ç'a un impact sur la capacité des Français à acheter. Quand vous allez voir votre banquier, vous faites votre simulation à 1% - c'était le cas il y a deux ans – ce n'est pas la même que quand vous avez une simulation à 4%, et tous les Français qui sont allés voir leur banquier le savent. Donc oui, les taux d'intérêt ont un impact significatif pas qu'en France, c'est la même chose partout. J'étais en Allemagne la semaine dernière, mes homologues allemands ont exactement le même problème de crise du logement. Là, ça commence à aller un tout petit peu mieux. On a quand même des signes encourageants. Les taux d'intérêt baissent, ils sont redescendus sous la barre symbolique des 4%, les banques nous indiquent que le robinet du crédit est ouvert et nous avons une augmentation de la production de crédit de plus de 70 % par rapport à décembre dernier.
JEROME CHAPUIS
C'est-à-dire que c'est plus facile d'emprunter.
GUILLAUME KASBARIAN
Ça reste à un niveau qui est bas mais ça va un petit peu mieux et ça se retente. Donc ce que nous espérons bien sûr, c'est qu'une baisse des taux d'intérêt rapide, plus rapide possible, ça permettrait de réenclencher la demande et permettre aux Français de réaliser leur projet immobilier de rêve d'être propriétaire de leur appartement ou de leur maison. Et après, nous mettons au maximum en place des outils : le prêt à taux 0 qui permet éventuellement…
SALHIA BRAKHLIA
Que vous avez réduit, donc qui pénalise les primo accédants.
GUILLAUME KASBARIAN
On l'a recentré sur le collectif et on l'a sorti de la maison individuelle, mais le prêt à taux 0 existe toujours. Il y en avait 50 000 l'année dernière, il y en aura 40 000 cette année. Donc il y a toujours une disposition qui permet de financer pour ceux qui en ont le plus besoin…
SALHIA BRAKHLIA
Mais ça concerne moins de gens.
GUILLAUME KASBARIAN
40 000 contre 50 000, et c'est recentré sur l'habitat collectif et non plus la maison individuelle. Le vrai sujet en réalité, ce n'est pas le prêt à taux 0, c'est le taux pour tous les Français. C'est-à-dire le fait de se dire : il faudrait que ça puisse baisser. Et puis c'est aussi d'encourager les banques à trouver de nouveaux mécanismes innovants, que ce soit le BRS, que ce soit le prêt in fine, que ce soient de nouveaux instruments financiers qui permettent éventuellement à des Français de réaliser leur rêve sans être dans un schéma classique d'acquisition. On y réfléchit et on y travaille avec les banques pour trouver un maximum de solutions à des Français qui aujourd'hui sont dans la galère, et sont heurtés par la hausse des taux d'intérêt des 18 derniers mois.
JEROME CHAPUIS
Guillaume KASBARIAN, on vous retrouve juste après le fil info. (…)
Le ministre délégué au Logement, Guillaume KASBARIAN. On continue de parler de la construction. Les maires, les élus vous disent aussi qu'ils ne donnent pas assez le permis de construire à cause de la loi zéro artificialisation nette qui réduit les périmètres de construction. Comment fait-on ?
GUILLAUME KASBARIAN
La loi zéro artificialisation nette, elle n'interdit pas la construction, elle réduit le rythme d'artificialisation dans les dix ans qui viennent par rapport aux dix ans qui précèdent. Il y a de la grande latitude qui a été donnée d'ailleurs aux régions en lien avec les élus locaux pour mettre des hectares de construction là où il y en a le plus besoin et réduire un petit peu ailleurs. Je sais que c'est une question qui est difficile pour autant, et que beaucoup d'élus galèrent parce qu'ils ont peu d'espace pour pouvoir construire, parce qu'il n'y a pas que le…
JEROME CHAPUIS
Il faut construire plus haut ?
GUILLAUME KASBARIAN
Il peut y avoir d'autres contraintes : la question des inondations, la question des risques incendie, la question de la loi littoral, de la loi montagne, de la géographie qui fait qu'on peut faire.
JEROME CHAPUIS
Mais donc, comment on fait ?
GUILLAUME KASBARIAN
Donc dans ces conditions-là, il faut pouvoir surélever quand on le souhaite, densifier quand on le peut. D'ailleurs, il y a des dispositions du texte de loi que je présente qui vont permettre de densifier les lotissements quand c'est possible, et puis il y a aussi la question…
SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire que quand il y a de la place, on rajoute des immeubles.
GUILLAUME KASBARIAN
C'est-à-dire que vous avez un lotissement, vous avez des maisons, vous donnez la possibilité si le maire est d'accord à accélérer la densification de ce lotissement pour créer plus de maisons dans un même espace. Ça c'est un axe, mais il y a la question de la surélévation. Nice par exemple a un potentiel de 5 000 logements et donc pousse pour la surélévation de logements, monter en hauteur quand on le peut. Mais il y a aussi d'autres leviers. La question de la transformation des bureaux en logements. À Paris et en Ile-de-France, en Ile-de-France vous avez 4,5 millions de mètres carrés de bureaux qui sont vides, donc on a un intérêt à construire et à transformer ces bureaux en logements. C'est exactement le sens de la proposition de loi qui est examinée aujourd'hui au Sénat, d'initiative parlementaire à l'Assemblée nationale du MoDem de Romain DAUBIÉ, Aubier et qui va permettre d'accélérer la conversion de bureaux en logements.
JEROME CHAPUIS
Ça ne se fait pas comme ça.
GUILLAUME KASBARIAN
Non, mais on veut le simplifier. Et aujourd'hui, comme le prix des bureaux baisse et que la valeur vénale des bureaux baisse, c'est des opérations qui deviennent de plus en plus intéressantes donc c'est un des axes. Il y a la question aussi des friches commerciales. Avec Olivia GREGOIRE, on a lancé une initiative sur 74 zones. Vous avez des grandes zones commerciales sur lesquelles vous aviez de grands entrepôts, de grandes enseignes très, très larges qui utilisaient beaucoup de terres et qui étaient artificialisées. Les habitudes de consommation changent et on veut en faire des habitats mixtes, c'est-à-dire des zones où on a à la fois du commerce mais aussi du logement. On était à Avignon, dans la zone commerciale c'est potentiellement 900 logements. Donc on a un programme sur lequel on met de l'argent, on met de la simplicité, pour que des terres qui sont déjà artificialisé - notamment des terres commerciales - puissent servir à créer de nouveaux logements. Ça fait partie de tous ces outils, de tous ces leviers qui permettent au sein d'un même espace de créer plus d'offres de logements sans forcément aller grignoter des terres agricoles tout autour, parce qu'on a besoin de souveraineté alimentaire pour nos agriculteurs.
SALHIA BRAKHLIA
Il y a les nouveaux logements qu'il faut créer et il y a aussi des logements qui sont tout vides. Plus de 3 millions de logements vacants en France selon l'INSEE, et en parallèle on sait que 330 000 personnes sont sans abri dans notre pays dont 3 000 enfants. Quand vous mettez les chiffres côte à côte, 3 millions de logements vacants, 330 000 personnes à la rue, comment on fait ?
GUILLAUME KASBARIAN
Alors sur les personnes sans domicile, c'est une situation qui est très difficile. Aujourd'hui l'Etat met beaucoup, il y a 3 milliards d'euros chaque année qui sont mis, c'est deux fois plus qu'en 2017, et nous avons 200 000 places qui aujourd'hui servent dont 100 000 en Ile-de-France…
SALHIA BRAKHLIA
Logements d'urgence.
GUILLAUME KASBARIAN
Qui permettent, en urgence, d'héberger des sans domicile qui en ont le plus besoin. Nous avons aussi mis en place une politique de desserrement qui permet, quand c'est saturé en Ile-de-France, d'utiliser des sas régionaux pour pouvoir accueillir des personnes sans domicile qui en ont le plus besoin. Donc il y a toute une politique qui est réalisée par les équipes de la DIHAL, l'administration et les associations sur lequel l'Etat met 3 milliards d'euros encore une fois…
SALHIA BRAKHLIA
Mais sur le logement pérenne.
GUILLAUME KASBARIAN
Pour créer de l'hébergement d'urgence. Sur le logement pérenne, vous mettez le doigt sur un vrai sujet qui est la vacance, qui est très important puisqu'on a aujourd'hui plus de 3 millions et demi de biens vacants dans notre pays. Les causes de la vacance sont multiples. Ça peut être soit parce que l'habitat est très dégradé et qu'on ne rénove pas assez. Et donc là sur le sujet, on met MaPrimeRénov sur lequel on accompagne les Français à faire des travaux quand ils en ont besoin, et on a même simplifié MaPrimeRenov pour qu'ils puissent le faire.
SALHIA BRAKHLIA
Il n'est plus question de rénovation globale comme vous l'aviez décidé. Vous vous étiez un peu trompé et d'ailleurs vous revenez dessus là, à la mi-mai.
GUILLAUME KASBARIAN
On a simplifié pour permettre à un maximum de Français de faire des travaux.
SALHIA BRAKHLIA
Où vous incitez les Français à faire des travaux.
GUILLAUME KASBARIAN
Ça, ça peut-être une première cause de la vacance. C'est de se dire : j'ai trop de travaux à faire, je n'y arrive pas. La deuxième, ça peut être des problèmes de succession qui sont un peu bloquées. Vous avez un bien, vous l'avez hérité, c'est compliqué avec les frères et soeurs. Et donc comme la succession est compliqué, le bien est en attendant gelé et laissé vide. Puis après, vous avez des propriétaires qui décident de laisser vide parce qu'ils ont peur de la location. La loi que j'ai portée, la loi Kasbarian sur les impayés locatifs et sur les squats permet de redonner confiance aux propriétaires en accélérant les procédures en cas d'impayés, pour leur redonner confiance dans l'acte de louer. Donc nous nous attaquons à toutes les causes de la vacance.
SALHIA BRAKHLIA
Mais il y en a d'autres, des sénateurs, qui proposaient la réquisition. La réquisition, ça ne fait pas partie des outils possibles ?
GUILLAUME KASBARIAN
La réquisition peut faire partie des options quand on est dans des situations d'extrême urgence, par exemple en hiver et qu'il fait très froid dehors. Ce sont des outils qui sont toujours à disposition et qui sont étudiés quand vraiment tout est saturé et que vous êtes dans une situation d'urgence absolue. Donc ça peut être la réquisition de logement mais la réquisition de bureaux aussi. Je vous disais tout à l'heure qu'il y a 4,5 millions de mètres carrés de bureaux vides en Ile-de-France, cela peut aussi constituer un gisement de réquisition temporaire en cas d'urgence s'il y avait un sujet. Mais moi mon objectif au-delà d'urgence, c'est de faire en sorte qu'un maximum de biens qui sont aujourd'hui vides soient loués pour qu'ils soient habités de façon pérenne. Pas juste pensant l'urgence mais de façon beaucoup plus pérenne pour répondre à la demande d'un maximum de Français et avoir plus d'offre sur le marché. C'est quand même ça l'enjeu : diminuer la vacance.
JEROME CHAPUIS
Et taxer davantage les logements vacants ?
GUILLAUME KASBARIAN
Alors il y a des outils qui existent aujourd'hui qui sont au niveau local. Nous verrons à la prochaine loi de finances si nous devons aller plus loin ou, en tout cas, donner plus d'outils aux élus locaux qui souhaiteraient, s'il y a beaucoup de logements vacants dans leur commune, mettre une taxe particulière sur les logements vacants. Mais attention, ce n'est pas le cas partout. Il y a des endroits en ruralité où ces vacants, ce n'est pas le fait d'augmenter la taxe qui par magie va faire que le bien va être loué, vendu ou occupé.
SALHIA BRAKHLIA
Ça met une petite pression quand même.
GUILLAUME KASBARIAN
Dans la ruralité, quand vous avez parfois un problème de demande de ce côté-là, ce n'est pas forcément systématique. D'où l'intérêt, en tout cas sur la question de la fiscalité, de donner aux élus locaux cette sagesse-là pour qu'ils puissent décider si c'est pertinent sur les lieux. C'est probablement plus pertinent à Paris que dans certains villages où la demande locative n'est pas énorme, et sur lequel il y a beaucoup de biens vacants aussi parce qu'il y a parfois une déprise démographique. Donc attention à cette disparité territoriale, la crise du logement n'est pas la même partout sur le territoire national et donc il faut avoir une politique du logement territorialisée, ciblée qui donne beaucoup d'outils aux élus locaux pour qu'ils puissent agir localement.
JEROME CHAPUIS
Guillaume KASBARIAN, le ministre délégué au Logement, était l'invité du 8.30 Franceinfo. Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mai 2024