Texte intégral
Monsieur le président, Madame la rapporteure, Monsieur le rapporteur pour avis, Mesdames, Messieurs les sénateurs, la démocratie ne fonctionne que lorsque nos concitoyens sont éclairés et leurs consciences informées.
Les ennemis de la démocratie ont bien compris que la bonne information des citoyens était en réalité la clé de voûte de notre système. C'est pourquoi ils s'en prennent de manière régulière et relativement intense - nous le constatons ces derniers mois - à cette clé de voûte, en instillant dans le débat public le virus de la désinformation afin de le polariser, de le radicaliser et, in fine, de dévitaliser notre démocratie.
Aussi, je veux saluer le travail des rapporteurs Agnès Canayer et Claude Malhuret et celui des commissions des lois et des affaires étrangères sur cette question fondamentale de l'influence et des ingérences étrangères.
La proposition de loi traite d'abord de l'influence étrangère en créant un "bouclier de transparence", afin que les Français soient dûment informés des activités ordonnées ou dirigées par des puissances étrangères au travers de mandataires pour influencer débat public et politiques publiques.
Dans cet objectif, l'article 1er prévoit la constitution d'un registre placé sous la responsabilité de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Je veux remercier Mme la rapporteure de son apport décisif en commission, qui a permis de matérialiser précisément ce qui relève d'une activité d'influence, en particulier d'identifier les personnes physiques ou morales qui, en raison des contacts qu'ils auraient établis avec des mandants étrangers, présenteraient toutes les caractéristiques de personnes agissant pour le compte d'intérêts étrangers. Il était important de définir cette matérialité.
Le deuxième volet majeur de cette proposition de loi est la lutte contre les ingérences étrangères, lesquelles se distinguent de l'influence étrangère en ce qu'elles sont malveillantes et illégales.
Encore faut-il, face à ces ingérences étrangères, que nous disposions d'un véritable bouclier démocratique permettant de leur faire échec, de la même manière que l'on fait échec à la propagation d'un virus.
Cela passe d'abord par le développement de moyens de détection permettant d'identifier les manoeuvres informationnelles ; ensuite, par des dispositifs de traitement visant à dissuader leurs protagonistes et notamment à supprimer leurs comptes sur les réseaux sociaux ; enfin, nous devons aussi atteindre une forme d'immunité collective si nous voulons éviter nous-mêmes, en tant que citoyens, d'être contaminés et de contaminer les autres.
Depuis quelques années, nous avons commencé à construire ce bouclier démocratique. En atteste la création, en 2021, de Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, sous l'impulsion du Président de la République, ou encore les lois européennes telles que le règlement sur les services numériques, qui impose aux grandes plateformes de réseaux sociaux de lutter activement contre la désinformation.
À ce bouclier en construction, la proposition de loi vient apporter au moins deux nouveaux chapitres bienvenus.
Le premier figurait déjà dans la proposition de loi transmise au Sénat. Je veux parler de l'article 4, qui permet de mobiliser les algorithmes et, en sollicitant les données sources ouvertes, de donner aux services de renseignement les moyens d'anticiper, de détecter, de caractériser et d'attribuer des opérations de manipulation de l'information.
Je veux aussi saluer la nouveauté introduite par le Sénat en commission, à savoir le dispositif extrêmement dissuasif de renforcement des sanctions et des peines applicables à l'encontre des personnes se rendant coupables d'atteinte aux biens et aux personnes lorsqu'elles le font pour le compte d'une puissance étrangère. Dans ce cas précis, le parquet de Paris pourra être saisi et les peines encourues pourront être doublées.
Il s'agit clairement de renforcer le caractère dissuasif de notre arsenal répressif à l'encontre des auteurs et des protagonistes de manoeuvres informationnelles et d'opérations de manipulation de l'information.
Dans une période où la démocratie est attaquée par des ennemis de l'intérieur et de l'extérieur, qui ont bien compris que celle-ci vacillait lorsque les citoyens n'étaient pas pleinement informés et lorsque les consciences n'étaient pas éclairées, il était indispensable, face à l'influence comme aux ingérences étrangères, de renforcer notre arsenal répressif et de nous doter des outils adéquats.
Avec cette proposition loi, nous faisons la transparence sur les activités d'influence étrangère et nous nous donnons les moyens de détecter et de sanctionner les auteurs d'opérations de manipulation de l'information, comme nous en avons connu de très nombreuses ces dernières semaines, ces derniers mois, voire ces deux dernières années depuis le lancement de la guerre d'agression russe en Ukraine par Vladimir Poutine.
En conclusion, je voudrais remercier une nouvelle fois les rapporteurs et les commissaires pour leur travail, en espérant que nos débats nous permettent d'affiner encore ce texte.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 mai 2024