Interview de Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à Sud Radio le 31 mai 2024, sur l'abaissement de la majorité pénale à 16 ans, la violence dans les établissements scolaires, les élèves fichés S et les téléphones portables à l'école.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Sud Radio

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bonjour, bonjour à toutes et à tous, vous voulez savoir, parlons vrai avec Nicole BELLOUBET qui est ministre de l'Education nationale, Nicole BELLOUBET bonjour.

NICOLE BELLOUBET
Bonjour Monsieur BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Alors, je pense aux parents, je vais attaquer dans le vif tout de suite, je pense aux parents des élèves de seconde, 550 000 élèves, promesse de Gabriel ATTAL, un stage de 15 jours en milieu professionnel au mois de juin, combien d'élèves ont trouvé un stage ?

NICOLE BELLOUBET
C'est très difficile à dire aujourd'hui parce qu'en réalité nous ne comptabilisons que ceux qui ont fait remonter des conventions de stage et certains les feront remonter au dernier moment, en tout cas on est vraiment extrêmement mobilisés sur ce sujet-là, et d'ailleurs lundi je serai avec Patrick MARTIN, le patron du MEDEF, dans une manifestation en Ile-de-France où nous relancerons à nouveau la mobilisation des entreprises pour accueillir des stagiaires

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui a besoin d'être relancée, si j'ai bien compris.

NICOLE BELLOUBET
C'est-à-dire qu'on a une plateforme qui s'appelle « 1 Jeune, 1 Solution. »

JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien d'offres sur cette plateforme ?

NICOLE BELLOUBET
Alors il y a, au moment où je parle, je crois qu'il y a 30 000 offres, ou quelque chose comme ça, ce qui est un élément, mais il y a aussi presque 40 000 entreprises qui ont laissé leurs coordonnées pour qu'elles puissent être contactées, donc je crois que c'est une mobilisation vraiment tous azimuts. Les services publics, les ministères, offrent 85 000 stages, moi-même, d'ailleurs, j'accueillerai des stagiaires à mon cabinet, un petit Etan qui viendra de Toulouse et puis d'autres jeunes filles ou jeunes gens, donc il y a une vraie mobilisation. C'est la première année, donc c'est certain qu'il faut une montée en puissance, mais je suis très confiante sur cette initiative.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les élèves sans stage, que feront-ils ?

NICOLE BELLOUBET
Les élèves sans stage seront accueillis dans leur lycée, nous mettrons à disposition…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Là où il n'y a pas le bac parce que dans certains établissements on passe le bac à ce moment-là.

NICOLE BELLOUBET
Oui, mais j'imagine qu'on pourra tout à fait trouver une salle pour les accueillir, et il y aura également des dispositifs qui seront proposés par l'ONISEP pour connaître les métiers.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les violences dans les établissements scolaires, je sais qu'on vous interroge très souvent sur le sujet, mais c'est essentiel.

NICOLE BELLOUBET
C'est une réalité dans certains établissements…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais prendre…

NICOLE BELLOUBET
Je voudrais juste dire, pardonnez-moi, je voudrais juste dire que l'école c'est 12 millions d'élèves et qu'on a, parmi ces élèves et ces enseignants, énormément de réussites et énormément de sérénité dans un certain nombre d'établissements. Maintenant, il faut prendre en compte la réalité des choses et donc effectivement certains phénomènes de violences.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, un lycéen, je vais vous donner des exemples, un lycéen de 18 ans a été mis en examen, écroué avant-hier dans le Maine-et-Loire, agression au couteau en plein cours contre une enseignante et deux élèves. Pour quel motif, est-ce qu'on sait pourquoi cet élève à porter des coups de couteau ?

NICOLE BELLOUBET
Non, on ne le sait pas. J'ai eu l'enseignante au téléphone, bien entendu, pour prendre de ses nouvelles et pour parler avec elle, elle a été évidemment surprise par l'acte, elle est choquée, mais c'est une femme qui, qui a besoin d'être accompagnée, mais qui est très tonique, et elle n'est pas capable de dire la raison pour laquelle ce jeune a eu cette attitude. Elle m'a dit que, au moment de l'acte, il avait un regard particulier, qu'il lui semblait être ailleurs, mais actuellement, vous le savez, il a été pris en charge par l'autorité policière et judiciaire, mais on ne sait pas davantage.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant-hier, à Carcassonne, une élève de seize ans scolarisée dans un lycée de la ville, le lycée Charles Cros, a été placée en garde à vue pour des menaces de mort envers son enseignante suite à des remarques de la professeure à certaines élèves, remarques sur leur tenue vestimentaire. appartenance religieuse ?

NICOLE BELLOUBET
Je ne le sais pas exactement. Nous avons là également réagi immédiatement puisque, vous le savez, la jeune femme qui, je crois, était fichée S…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, elle était fichée S pour ses liens avec les islamistes.

NICOLE BELLOUBET
Absolument, donc nous l'avons appris à ce moment-là. Moi, mon souci, c'est évidemment d'être auprès de la communauté enseignante pour leur dire notre soutien, juridique, psychologique, et également être certains que nous pouvons former un bouclier autour de l'école.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement Nicole BELLOUBET, est-ce que les chefs d'établissement savent que certains ou certaines de leurs élèves sont fichés S ?

NICOLE BELLOUBET
Nous ne savons pas toujours…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est regrettable, non ?

NICOLE BELLOUBET
C'est un point qui mérite d'être éclairci.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous demandez à ce que les chefs d'établissement…

NICOLE BELLOUBET
C'est un point qui mérite d'être éclairci.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les enseignants, sachant, ou pas, si leurs élèves sont fichés S ?

NICOLE BELLOUBET
Moi je crois qu'il est important de savoir quels sont… le chef d'établissement qu'il sache à quels élèves il doit, dont il doit répondre, ça je crois que c'est un point important, le placement ensuite dans les classes, c'est une affaire d'équipe éducative.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors, attendez, c'est un point à éclaircir, c'est-à-dire, ça veut dire quoi Nicole BELLOUBET ?

NICOLE BELLOUBET
C'est-à-dire qu'il faut que je mesure les conséquences que cela suppose. Mais vous savez, nous allons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous êtes favorable à ce que les chefs d'établissement sachent…

NICOLE BELLOUBET
Je vous réponds Jean-Jacques BOURDIN. Nous avons la volonté de traiter de manière particulière les élèves qui sont susceptibles ou en voie de radicalisation. Je dois présenter dans les semaines qui viennent, même dans les jours qui viennent, un projet de prise en charge de ces élèves. Je crois que c'est important que nous ayons un traitement spécifique de ces élèves.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ces élèves seront traités spécifiquement ?

NICOLE BELLOUBET
Absolument, je crois que c'est un engagement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais le chef d'établissement doit savoir, doit-il savoir s'ils sont… ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, s'il y a un traitement particulier de ces élèves, ce que je souhaite, il faudra évidemment que les chefs d'établissement soient au courant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Soient au courant si l'élève est fiché S ou pas, et pour des raisons religieuses, pas forcément religieuses…

NICOLE BELLOUBET
Le fichage S n'a pas à voir…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a pas que, effectivement, mais enfin tout de même, tout de même.

NICOLE BELLOUBET
Non, non, absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je regardais, je ne sais pas si vous avez vu ce matin, l'interview de Bertrand CHAMOULAUD, qui est le directeur national du renseignement territorial, que dit-il ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, dans « Le Figaro. »

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, dans « Le Figaro », que dit-il ? Il parle du cas des Frères musulmans, 100 00 aujourd'hui, contre 55 000 en 2019. Il dit « il y a une réelle prise de conscience du danger, c'est notamment le cas dans le milieu scolaire où la conception française de la laïcité subit une offensive forte. » Vous êtes d'accord avec lui, est-ce que la conception française de la laïcité subit une offensive forte en milieu scolaire ?

NICOLE BELLOUBET
Il y a, je crois, deux éléments. Il y a des offensives contre la laïcité, nous y répondons avec beaucoup de fermeté, je pourrai, si vous le souhaitez, développer nos dispositifs de réponse, donc oui, il y a des offensives contre la laïcité telle qu'elle est conçue en France, et, vous le savez, pour moi la laïcité c'est un vecteur à la fois d'égalité, dans les établissements, de neutralité absolue, ce qui permet finalement à toutes les différences de s'exprimer profondément en dehors de l'école, et je crois qu'elle doit être absolument préservée. Donc ça, c'est un premier point, oui, il y a des offensives, et nous sommes vraiment arc-boutés pour que cette laïcité à la française s'impose dans nos établissements scolaires. Mais je crois aussi, et c'est le deuxième point, que les jeunes ne comprennent pas toujours ce qu'est la laïcité, et je crois que nous avons à expliquer ce qu'est la laïcité, telle que nous la concevons, c'est-à-dire de bien dire que c'est une loi d'égalité et de liberté. J'ai à côté de moi un Conseil des sages de la laïcité qui m'apporte son regard, ses préconisations sur la manière dont nous devons appliquer la laïcité dans les écoles, je compte mettre en place un Conseil des jeunes de la laïcité pour que nous puissions comprendre quelles sont les difficultés que les jeunes rencontrent dans la conception de la laïcité telle que nous la proposons, pour mieux…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un Conseil des jeunes de la laïcité…

NICOLE BELLOUBET
Oui, absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Composé de…

NICOLE BELLOUBET
De jeunes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
De lycéens, d'élèves.

NICOLE BELLOUBET
De lycéens, absolument, qui nous aideront, qui nous aiguilleront, sur une meilleure compréhension de ce qu'est la laïcité et sur donc une meilleure application, puisque nous sommes intransigeants sur l'application de cette laïcité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La transposition dans les établissements scolaires de la guerre au Proche-Orient, entendu dans un lycée de Bagnolet, « les Juifs dirigent le monde », propos antisémites dans plusieurs établissements, vous l'avez constaté, c'est remonté jusqu'à vous.

NICOLE BELLOUBET
Oui, nous avons, depuis le 7 octobre, constaté environ 1500 actes de racisme, d'antisémitisme, d'antisémitisme essentiellement, là encore, nous sommes depuis longtemps porteurs d'une politique de lutte contre ces actes antisémites, qui fait que nous intervenons en amont, en prévention, avec des équipes « valeurs de la République », qui sont extrêmement présentes, avec un vade-mecum qui précise différents cas qui permettent aux professeurs de savoir quelle attitude tenir face à un acte antisémite, et puis, évidemment, la sanction, puisque ces actes ne sont en aucun cas admissibles.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je change de sujet. Les téléphones à l'école, téléphone, les réseaux sociaux, expérimentation, je vous en parlais, à Sommières, dans le Gard, lycée Lucie Aubrac, où on a instauré des journées sans portable et ça marche très bien, les élèves ont retrouvé le sourire. Je sais qu'il y a une expérimentation qui aura lieu à partir du mois de septembre, vous l'avez annoncée, au collège ?

NICOLE BELLOUBET
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans combien de collèges ?

NICOLE BELLOUBET
Ecoutez, moi, je voudrais qu'il y ait déjà au moins un collège par département, et plus si c'est possible. Alors d'abord, permettez-moi de dire que je pense évidemment que les portables au collège, c'est vraiment un drame, on voit bien ce que cela peut générer comme utilisation des réseaux sociaux, y compris dans le collège, et comme conséquence, parfois dramatique…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pendant les cours.

NICOLE BELLOUBET
Et pendant les cours, alors qu'en réalité la loi déjà a interdit les téléphones, donc le problème pour nous c'est, la question c'est de passer de ce que dit la loi à la réalité, à l'effectivité. Cela suppose évidemment que nous soyons en capacité de trouver un lieu où les élèves peuvent soit déposer leur portable à l'entrée au collège, soit au contraire avoir des systèmes de blocage et de verrouillage où ils garderaient le portable, mais que ce soit verrouillé.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, expérimentation à la rentrée…

NICOLE BELLOUBET
Donc expérimentation, et vraiment je voudrais….

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable à une généralisation…

NICOLE BELLOUBET
Ah mais absolument, mais absolument, mais à un point. Et figurez-vous que j'étais l'autre jour à l'Elysée, il y a eu une remise de prix en faveur de la lutte contre le harcèlement, et je disais cela à des enseignants, et il y a une enseignante qui m'a dit « mais madame, il faudrait également le faire à l'école élémentaire, à l'école primaire », parce qu'il semblerait qu'il y ait déjà, ce qui me semble incroyable, des portables qui circulent à l'école primaire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on le fera aussi à l'école élémentaire ?

NICOLE BELLOUBET
On verra, on va déjà le faire au collège, ça me semble essentiel, et nous verrons ensuite. Je me permets d'ajouter que le président de la République a réuni une Commission écrans et qu'il doit présenter des mesures à partir des préconisations qui lui ont été remises par cette Commission écrans, évidemment ce sera un point très important.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, parlons de la rentrée prochaine, le choc des savoirs, dit Gabriel ATTAL, cher à Gabriel ATTAL, groupes de niveau en maths et français en 6e et 5e, possibilité de changer de groupe en cours d'année, groupes de niveau, ou groupes de besoin ?

NICOLE BELLOUBET
Non, groupes de besoin.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous refusez l'expression groupes de niveau.

NICOLE BELLOUBET
Je considère que la terminologie ‘groupes de besoin' correspond mieux à ce que nous allons faire et à ce que je souhaite, avec le Premier ministre, qui soit fait au collège. L'idée en deux mots, c'est de permettre aux élèves d'avoir de meilleures modalités d'apprentissage. Et cela, l'idée que nous avons derrière c'est évidemment une pédagogie différenciée en fonction des besoins des élèves. Et je le redis ici, il faut absolument, et je refuse absolument le tri social. C'est-à-dire que, contrairement à ce que je peux entendre ici ou là, avec l'idée selon laquelle on mettrait les bons d'un côté, les mauvais de l'autre. Ce n'est pas cela du tout que nous voulons faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment vous fonctionnez dans les classes ? Il va falloir plus de profs, plus de classes.

NICOLE BELLOUBET
Oui, va falloir plus de profs, c'est bien ce que nous disons, et plus de classes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura plus de profs à la rentrée ?

NICOLE BELLOUBET
Oui. C'est-à-dire que là où il y avait l'année dernière mettons trois classes de 6ème, nous aurons quatre groupes qui nous permettront de mieux prendre en charge les élèves, et ces groupes pourront être brassés pendant l'année en fonction des accroches pédagogiques.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Trois classes de 6ème, quatre groupes, ça fait quatre classes de 6ème, non ?

NICOLE BELLOUBET
On va dire comme ça mais ça fait, en tout cas, quatre professeurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça fait quatre professeurs.

NICOLE BELLOUBET
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire qu'à la rentrée, il y aura combien de professeurs en plus ?

NICOLE BELLOUBET
Nous avons estimé à 2 300 professeurs le besoin pour couvrir ces nouveaux groupes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Vous devez faire des économies. On vous a demandé, comme tous les ministères, l'Education nationale n'échappe pas à la règle budgétaire. Est-ce que vous allez retarder le déploiement du SNU ?

NICOLE BELLOUBET
Alors actuellement, le SNU se déploie. Vous le savez, nous avions 40 000 jeunes l'année dernière qui ont pu faire un stage de cohésion en fin de 2nde, nous en aurons 60 000 cette année. Nous sommes dans cette logique-là et ça va continuer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va continuer. Et la mise en place de l'uniforme ?

NICOLE BELLOUBET
Ainsi que nous l'avons dit, il s'agit à la rentrée prochaine d'une expérimentation. Nous nous donnons un an pour mettre en place cette expérimentation dans une centaine d'établissements que nous avons déjà, et nous nous donnons un an pour voir ce que cela produit comme effet sur le climat scolaire, sur l'absence de discrimination. Est-ce que ça produit un effet sur ces éléments-là ? Nous aurons une évaluation de cette mise en place.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je voulais vous parler d'Europe.

NICOLE BELLOUBET
Excellente idée.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi Nicole BELLOUBET, comment se fait-il que les jeunes, même s'ils votent moins que les autres classes d'âge, comment se fait-il que les jeunes votent BARDELLA selon vous ?

NICOLE BELLOUBET
Moi je pense qu'on ne dit peut-être pas assez qu'au fond, le Rassemblement national au Parlement européen n'a pas joué vraiment en faveur des intérêts des jeunes et que les positions qui ont été prises par Monsieur BARDELLA, ou l'absence de positions, en réalité ne concourent pas aux intérêts de notre jeunesse. Or moi, je voudrais ici redire aux jeunes qui nous écoutent et à leurs parents que l'Europe, ç'a donné vraiment des possibilités extraordinaires pour nos jeunes. Et vous savez, on le cite toujours mais cela ne cesse de se déployer, le programme Erasmus qui est vraiment un programme de mobilité, qui ouvre sur d'autres cultures, d'autres pratiques professionnelles puisque maintenant les jeunes des lycées professionnels et les jeunes apprentis y ont accès et qui ouvre sur d'autres façons de vivre en Europe. Je trouve que c'est un outil extraordinaire. 700 000 jeunes ont pu bénéficier d'Erasmus. Cela, nous devons vraiment l'avoir en tête.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce qu'on enseigne suffisamment l'Europe au lycée ? Parce que c'est dans le programme contemporain de la fin d'études.

NICOLE BELLOUBET
C'est vrai. Nous sommes en train de réécrire une partie des programmes de nos établissements scolaires, écoles-collèges, et nous allons reprendre dans les cours d'enseignement moral et civique, nous allons reprendre ce qu'est l'Europe. Non pas seulement les institutions, c'est important de les connaître, mais aussi ce que cela signifie concrètement. Je ne sais pas si nous nous rendons compte ou si les jeunes, puisque vous m'en parliez, savent qu'ils sont citoyens français bien sûr, mais citoyens européens. Regardez votre passeport, vous avez écrit ‘Union européenne, République française' sur la première page. Nous sommes des citoyens de l'Europe, les jeunes le sont et je crois que c'est cela dont il faut prendre conscience aussi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. La majorité pénale à 16 ans, les Français y sont favorables. Et vous ? Vous avez été garde des Sceaux.

NICOLE BELLOUBET
Vous savez, j'ai toujours dit que, lorsque j'étais garde des Sceaux, la question de l'abaissement de la majorité pénale, pour reprendre ce terme, s'est posée, je n'y étais pas favorable. Je n'ai pas changé d'avis et je me dis, au fond - mais je vais peut-être dire une hérésie – je me dis que si on peut être responsable pénalement, on doit pouvoir l'être civilement aussi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc majorité pénale, ça veut dire majorité civile.

NICOLE BELLOUBET
Je me dis que si on abaisse la majorité pénale, alors abaissons la majorité civile. Au fond, tout cela me semble aller de pair. Si la maturité du jeune…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable ou pas à l'abaissement de la majorité civile à 16 ans ?

NICOLE BELLOUBET
Je ne suis pas défavorable.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'êtes pas défavorable.

NICOLE BELLOUBET
Non, je suis plutôt favorable à cela mais je parle à titre personnel, Monsieur BOURDIN. Je ne représente pas du tout le Gouvernement là.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est très intéressant de vous entendre. Donc majorité civile à 16 ans, ça veut dire majorité pénale à 16 ans.

NICOLE BELLOUBET
Mais pourquoi pas ? Le permis de conduire est à 16 ans, on peut faire des tas de choses à 16 ans civilement ; à ce moment-là, donnons la majorité civile à 16 ans.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc civile et pénale.

NICOLE BELLOUBET
Voilà, ça irait de pair.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça irait de pair. L'excuse de minorité aujourd'hui ?

NICOLE BELLOUBET
Si vous voulez, je crois que le caractère éducatif doit toujours primer. C'est-à-dire que dans tous ces débats-là, moi j'étais fidèle à l'idée de l'ordonnance de 45 sur quand on n'a pas la majorité à la primauté de l'éducatif sur le répressif. Tout notre droit a toujours été construit comme cela. Ça ne signifie pas qu'il ne faut pas faire de répressif. On ne peut pas laisser impuni un acte. Je suis là-dessus extrêmement claire et très ferme. Et donc vraiment, on ne peut pas ne pas répondre à un acte criminel ou délictuel. Quel que soit l'âge, il faut répondre. La réponse est adaptée à l'âge.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un rapport sur les institutions a été rendu par Eric WOERTH.

NICOLE BELLOUBET
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il propose la fin du cumul des mandats.

NICOLE BELLOUBET
On change de sujet, là.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Ce n'est pas la fin du cumul des mandats, au contraire, c'est la fin du non-cumul des mandats. Le rétablissement du cumul des mandats, vous y êtes favorable ou pas ?

NICOLE BELLOUBET
C'est un point sur lequel on peut réfléchir en posant des limites. Mais vous voyez, être maire d'une petite commune et être élu national ne me semble pas absolument incompatible.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais terminer avec l'autorité. À la rentrée, chaque élève devra se lever quand l'enseignant arrive en classe.

NICOLE BELLOUBET
Moi je ne sais pas, je l'ai toujours fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi aussi.

NICOLE BELLOUBET
Je trouve que c'est naturel.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est naturel. Il y aura des sanctions pour les élèves…

NICOLE BELLOUBET
N'exagérons pas. On va d'abord expliquer dans un premier temps.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

NICOLE BELLOUBET
S'il y a un élève qui est absolument rétif à cela, on verra comment on peut donner une punition qui soit proportionnée à cet acte. Mais si vous voulez, moi je suis vraiment… Je trouve qu'il y a des gestes naturels de respect et que se lever quand un adulte entre dans une classe, ça fait partie de ces gestes naturels. Moi si quelqu'un vient me serrer la main, je me lève, c'est absolument naturel. Et donc je trouve que nos enfants doivent avoir cela aussi en tête.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Des règles de comportement.

NICOLE BELLOUBET
Des règles de comportement, des règles de respect de l'autre. C'est d'abord ça qu'on doit enseigner.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Signalement sur Parcoursup des élèves perturbateurs, c'est le Premier ministre qui dit cela. Ça vous fait sourire ?

NICOLE BELLOUBET
Non, ça ne me fait pas sourire. Non, non, ça ne me fait pas sourire. Je répondrai deux choses. Enfin si vous me voyez sourire, c'est parce que je suis ravie d'être avec vous.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est gentil.

NICOLE BELLOUBET
Je dirais deux choses. Nous avons engagé une concertation sur les mesures qui avaient été proposées par le Premier ministre dans son discours de Viry-Châtillon, donc on a isolé dix mesures, celle sur la mention, enfin les conséquences sur les examens, n'a pas fait l'objet d'une unanimité, en revanche il faut savoir…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes opposée.

NICOLE BELLOUBET
Je viens de vous répondre ; il faut savoir que sur Parcoursup…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes opposée, j'ai compris.

NICOLE BELLOUBET
Il faut savoir que sur Parcoursup il y a déjà la possibilité d'une appréciation portée sur le travail de l'élève, sur…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Travail, comportement.

NICOLE BELLOUBET
Sur son comportement, donc on peut parfaitement utiliser cette case-là, cet encart-là, pour mentionner quelques éléments.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parcoursup, qui s'est bien passé ?

NICOLE BELLOUBET
Je crois.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'après vos premières remontées ?

NICOLE BELLOUBET
Alors, d'abord, Parcoursup c'est un processus, c'est-à-dire que nous avons eu hier les premières remontées, avec des élèves qui sont admis dans certaines…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou en attente.

NICOLE BELLOUBET
Ou en attente, je crois que Parcoursup ne cesse de s'améliorer année après année, et nous nous améliorerons encore, bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci… ah, j'ai un mot, tiens, Nicole BELLOUBET, je voulais avoir votre avis, vous avez été garde des Sceaux, vous êtes ministre de l'Education nationale, très attachée à la liberté de la presse…

NICOLE BELLOUBET
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous comprenez qu'on puisse contester, contester, qu'on puisse venir manifester et demander l'interdiction de l'interview de Benyamin NETANYAHOU ?

NICOLE BELLOUBET
Peut-être est-ce en tant qu'ancienne membre du Conseil constitutionnel que je peux parler, on a toujours dit que la liberté d'expression était une condition première de la démocratie.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Nicole BELLOUBET d'être venue nous voir.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 juin 2024