Conférence de presse de M. Laurent Saint-Martin, ministre, chargé du budget et des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2025, Paris le 10 octobre 2024.

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Circonstance : Propos liminaire de M. Laurent Saint-Martin, ministre, chargé du budget et des comptes publics, de présentation du projet de loi de finances pour 2025

Texte intégral

Monsieur le ministre, cher Antoine Armand,
Mesdames et messieurs,

Le ministre de l'Economie et des Finances a présenté très clairement le cadre macroéconomique dans lequel s'inscrit ce PLF pour 2025, les enjeux relatifs au niveau d'endettement de la France, nos propositions en matière de fiscalité des entreprises ainsi que la nécessité impérieuse de préserver la croissance et l'activité économique. Je n'y reviendrai donc pas.

Si vous me le permettez, je vais structurer mon propos en trois points, (i) pour aborder d'abord l'ampleur de l'effort de redressement que nous proposons, (ii) ensuite pour vous préciser concrètement la proposition du Gouvernement et enfin (iii) pour vous dire quelle sera notre méthode.

(i) Je vous présenterai d'abord l'ampleur de l'effort de redressement que nous proposons. Ce point ayant déjà fait l'objet de commentaires nombreux, certains plutôt justes et d'autres moins justes, il mérite d'y consacrer un peu de temps et d'attention.

Notre budget est un budget de responsabilité, de sérieux et d'ambition. Le PLF pour 2025 propose un effort de redressement de nos comptes publics de 60 milliards d'euros l'an prochain.

Il s'agit d'un effort urgent pour parer à la dégradation de nos finances publiques. Il s'agit d'un effort inédit par son ampleur. Il s'agit surtout d'un effort nécessaire pour ramener le déficit public à 5 %. J'insiste sur ce point car il est capital. L'effort que nous devons fournir pour atteindre les 5 % de déficit l'an prochain est bien de 60 milliards d'euros, soit deux points de PIB.

Cela a été dit, le déficit pour 2024 devrait atteindre et dépasser les 6 %. Nous serions au-delà si le précédent Gouvernement n'avait pas réagi très vite en annulant 10 milliards d'euros de crédits par voie de décret en février dernier.

Si nous n'agissons pas maintenant, le déficit n'en restera pas à 6 % en 2025. Ce serait oublier que les dépenses publiques progressent mécaniquement d'une année sur l'autre, du fait notamment de l'inflation, du vieillissement démographique et de la hausse des taux d'intérêt. En l'occurrence, si nous ne faisons rien, le déficit atteindrait en 2025 environ 7 % du PIB : nos comptes partiraient à la dérive. Et cela compromettrait la trajectoire de réduction du déficit sous la barre des 3 % à l'horizon 2029 fixée par le Premier ministre.

Quand nous disons qu'il faut agir vite et fort pour redresser les comptes, notre objectif n'est pas de dramatiser la situation. Chacun conviendra qu'elle est suffisamment grave pour qu'il n'y ait pas besoin d'en rajouter.

Je ne suis là, ni pour faire peur aux Français, ni pour leur promettre du sang, du labeur, des larmes et de la sueur.

Je suis là pour tenir un discours de vérité et pour proposer un chemin de responsabilité. On ne peut plus attendre. On doit faire des choix courageux maintenant pour s'éviter des choix douloureux plus tard.

Un chemin de responsabilité, je le dis très clairement, c'est un chemin qui exclut tout matraquage fiscal et toute cure d'austérité. Il n'y a aucune ambiguïté là-dessus. Nous ne redresserons pas les comptes en cassant la croissance.

Tenir un discours de vérité, c'est reconnaître que l'effort est nécessaire et qu'il sera exigeant. C'est aussi affirmer que notre objectif est à notre portée. Le déséquilibre des comptes n'est pas une fatalité française. Notre pays l'a collectivement démontré. Avant la crise sanitaire, le déficit avait été ramené sous la barre des 3 % du PIB grâce au volontarisme des Gouvernements et des majorités successives, et la France était sortie de la procédure de déficit excessif. Nous avons su le faire. Nous saurons à nouveau être au rendez-vous.

Ce cadre-là, c'est le cadre de la responsabilité. Dès lors que nous sommes d'accord sur ce cadre, il y a un terrain de jeu pour tracer collectivement un chemin. Nous en définirons les voies et moyens dans le débat avec les Parlementaires, avec les collectivités locales et avec les partenaires sociaux, mais ce cadre est intangible. Il serait irresponsable d'en sortir.

J'ai entendu beaucoup de lignes rouges. Moi je n'en ai qu'une seule, c'est de redresser les comptes. Ce sera ma seule boussole. Je n'ai pas accepté de devenir ministre du Budget et des Comptes publics pour défendre ou endosser des trajectoires insoutenables. Je suis là avec une mission, qui est de redresser les comptes parce qu'il le faut.

(ii) Je veux maintenant vous présenter la proposition qui est celle du Gouvernement, qui a le mérite d'écouter aussi beaucoup de propositions. Certains veulent du tout impôt, d'autres veulent du tout dépenses. Nous proposons un chemin équilibré.

La proposition du Gouvernement c'est donc un effort de redressement, qui soit un effort partagé. Un effort partagé entre toutes les administrations publiques. Un effort partagé entre tous les ministères. Un effort porté aux deux-tiers par des baisses de dépenses, et pour un tiers par des contributions exceptionnelles, ciblées et temporaires.

Nous nous imposons une règle d'or : chaque 1 € de recette supplémentaire sera gagé sur 2 € d'économies budgétaires.

Le PLF pour 2025 est fondé sur une philosophie claire. Puisque c'est par la hausse de la dépense que nos finances publiques se sont dégradées, aussi est-ce d'abord et prioritairement par une baisse de la dépense que devra passer l'effort de redressement 60 milliards d'euros.

Baisser des crédits après des années de hausse, ce n'est pas un gros mot. Baisser les dépenses quand l'inflation recule, ce n'est pas un tabou. Il faut le faire avec méthode.

La baisse de la dépense publique représentera ainsi 40 milliards d'euros, portant les deux-tiers de l'effort de redressement pour l'an prochain.

Le tiers restant, soit 20 milliards d'euros, sera porté par des contributions fiscales exceptionnelles, temporaires, et ciblées sur les entreprises et les ménages qui peuvent participer à cet effort de solidarité.

Nous proposons un effort de réduction des dépenses tiré par l'État mais partagé entre toutes les administrations publiques.

L'équilibre des finances publiques est l'affaire de toutes les administrations publiques, tout simplement parce que toutes les administrations publiques ont contribué au déséquilibre actuel de nos finances. Pas par mauvaise gestion ou par inconséquence, mais parce que notre pays a collectivement fait un choix politique fort, un choix politique nécessaire et juste, qui était de protéger les Français, les territoires et les entreprises face aux crises en dépensant plus.

Aujourd'hui, il est tout aussi nécessaire et juste que toutes les administrations publiques soient mises à contribution.

L'État et ses opérateurs montreront l'exemple, en prenant à leur compte 21,5 milliards d'euros d'économies par rapport au tendanciel, soit plus de la moitié du volume des modérations et baisses de dépenses : 15 Mds€ via la stabilisation en valeur des crédits par rapport au budget voté pour 2024, c'était l'objet des lettres plafond signées par le précédent Gouvernement ; 1,5 Md€ sur les opérateurs de l'État ; et enfin 5 Mds€ d'économies supplémentaires par amendement additionnel du Gouvernement, j'y reviendrai.

Une précision : en intégrant les 20 milliards d'économies prévues sur le périmètre de l'État, le niveau de dépense pour 2025 restera supérieur de 91 milliards d'euros à l'exécution budgétaire de l'année 2019, dernière année pré-crise. Vous le voyez, comme je l'ai dit plus tôt, on ne peut pas parler d'une "cure d'austérité".

Nous travaillerons avec les collectivités locales à un effort de l'ordre de 5 milliards d'euros, afin là encore de contenir la progression de leurs dépenses. J'insiste : nous y travaillerons avec les collectivités. Il ne s'agit en aucun cas de distribuer les bons et les mauvais points, ni d'enrayer l'investissement local, qui est un puissant moteur de croissance et d'activité dans notre pays.

Nous demanderons également des économies aux administrations de sécurité sociale en proposant de limiter à + 2,8 % l'évolution de la dépense sociale – un niveau, je le rappelle, qui restera donc supérieur à l'inflation attendue en 2025 à + 1,8 %. Il n'y aura pas de casse sociale.

Les pensions de retraite par exemple resteront indexées sur l'inflation, avec un décalage de 6 mois de la revalorisation après une année de forte hausse, et les autres prestations sociales le seront également selon le calendrier habituel.

Sur le budget de l'État, l'effort de réduction des dépenses que nous proposons visera à faire mieux avec moins de moyens et à faire mieux avec moins d'effectifs.

Pour faire mieux avec moins de moyens :
- Nous proposons de supprimer les aides exceptionnelles et les boucliers, que nous pouvons débrancher avec la fin des crises et de l'inflation.
Exemple : nous actons dans le budget la sortie du bouclier tarifaire sur l'électricité, et assurons des baisses de prix de l'électricité pour les consommateurs.
- Nous ajustons les soutiens publics à l'évolution du contexte économique, en particulier les dispositifs de soutien à l'emploi : dès lors que le chômage atteint ses niveaux les plus bas depuis 40 ans, nous pouvons adapter nos mesures et l'ampleur du soutien.
Exemple : nous proposons la suppression des emplois francs, à la suite notamment des conclusions d'une revue de dépenses et d'une analyse de la DARES, ainsi qu'une réduction de l'ampleur du soutien sur les contrats aidés.
- Nous adaptons aussi les crédits aux besoins réels.
Exemple : le budget des sports baissera l'an prochain car il n'y aura plus les dépenses connues cette année et les précédentes pour les Jeux Olympiques et Paralympiques.
- Nous travaillons sur l'efficience des dispositifs : nous pouvons continuer de soutenir nos priorités en y mettant moins d'argent.
Exemple 1 : les aides à l'apprentissage (nous dépensons 16 Md€ chaque année pour l'apprentissage, soit un triplement des moyens par rapport à 2017). La dynamique lancée est un très grand succès ; nous pouvons à présent ajuster le montant des primes sans grever la dynamique.
Exemple 2 : les aides au véhicules : comme le disait le Premier ministre, "est-ce vraiment nécessaire d'avoir trois dispositifs différents pour accompagner la transition vers les voitures électriques ?"
Exemple 3, tiré non pas du budget de l'État mais du PLFSS : on peut aussi gagner en termes d'efficience des transports sanitaires en rationalisant leurs usages et en régulant mieux leur prix. Par exemple, aujourd'hui, le montant remboursé par la sécurité sociale est plus élevé lorsque vous êtes transportés par un taxi plutôt que par une ambulance.
Exemple 4, tiré là aussi du PLFSS : nous allons mieux accompagner les médecins dans la prescription d'actes de biologie ou d'imageries médicales pour éviter que le recours ne soit trop systématique.
- Nous mobilisons les opérateurs, en dynamisant leur gestion, en les rapprochant et en évitant de laisser de la trésorerie dormante.
Exemple : le Premier ministre a mentionné des opérateurs de Bercy (Atout France / Business France).
- Nous réformons structurellement nos dispositifs pour améliorer leurs effets économiques.
Exemple : nous réformons les aides aux entreprises et en particulier les allègements généraux de cotisations pour inciter les employeurs à rehausser les salaires les plus bas.
- Nous modérons aussi certaines dépenses qui ont très fortement augmenté depuis 2017, allant parfois au-delà des moyens que nous pouvons leur consacrer.
Exemple : nous baissons les crédits de l'aide publique au développement (APD), qui ont massivement augmenté depuis 2017 mais qui demeurent toutefois, dans le PLF pour 2025, supérieurs de 1,8 Md€ aux crédits consommés en 2017, soit près de 70 % d'augmentation.

Ces économies sont ciblées. Elles seront complétées par des propositions supplémentaires que nous ferons lors du débat parlementaire, faute de temps suffisant pour les inclure dans le texte initial. Elles ont pour partie été identifiées et instruites par des revues de dépenses. Cette méthode est essentielle pour instruire des réformes structurelles ne pas grever la croissance.

[Annonce n°1] Nous systématiserons cet exercice de revue d'efficacité de la dépense, sous l'égide du Premier ministre, pour examiner tous les champs de l'action publique.

Pour faire mieux avec moins d'effectifs, nous proposons environ 2 200 suppressions de postes, répartis entre les ministères et les opérateurs de l'État.

- Ce sont des baisses ciblées, pas des coupes indifférenciées ;
- Il y a d'un côté des hausses substantielles pour renforcer le régalien et la sécurité des Français, notamment à la Justice et aux Armées. Les effectifs de l'Intérieur seront également préservés ;
- À l'inverse il y a des réductions sur des périmètres qui se transforment (par exemple la DGFiP) ou sur des politiques dont le nombre de bénéficiaires se réduit (par exemple France Travail) ;
Enfin, nous proposons un effort de justice et de solidarité porté par des contributions exceptionnelles, temporaires et ciblées sur les ménages et les entreprises qui le peuvent.

Nous avons une logique claire de justice : cette fiscalité ne touchera pas les plus modestes, les classes moyennes et ceux qui travaillent. Par ailleurs, pas question de revenir sur les précédentes réformes qui ont porté leurs fruits avec une croissance supérieure à nos voisins européens.

Nous proposons une contribution sur les plus hauts revenus qui concernera 65 000 foyers fiscaux soit 0,3 % des contribuables qui payent aujourd'hui de l'impôt sur le revenu.

Nous proposons une contribution exceptionnelle qui touchera quelques centaines de groupes sur les quelque 4,5 millions d'entreprises en France.

(iii) Pour conclure, je vous dirai un mot de méthode.

Comme le Premier ministre n'a de cesse de le répéter, nous nous inscrivons dans une démarche de co-construction avec les Parlementaires, avec les collectivités, avec les partenaires sociaux. Le PLF 2025 sera présenté demain devant la Commission des Finances de l'Assemblée nationale.

Vous le savez, le calendrier de préparation du texte a été particulièrement resserré. Nous avons dû décaler le dépôt du texte, ce qui nous a permis de disposer de deux semaines pour faire ce qui se fait s'ordinaire en deux mois.

En conséquence, le calendrier d'examen du texte par le Parlement sera lui aussi adapté, afin de respecter les délais constitutionnels qui encadrent l'adoption du PLF.

Ce calendrier contrait n'est pas sans conséquence sur le contenu du texte que nous présentons.

Faute de temps, le texte initial n'inclut pas certains ajustements souhaités par le Premier ministre et annoncés dans le cadre de la Déclaration de politique générale. Ces ajustements seront portés par voie d'amendement.

Je serai très transparent avec vous sur les propositions complémentaires que nous porterons lors du débat parlementaire.

En matière budgétaire :
- Sur la Justice, je rejoins Didier Migaud quand il dit que la trajectoire pour 2025 fixée par les lettres plafonds du précédent Gouvernement n'est pas satisfaisante. Je proposerai donc lors du débat parlementaire de renforcer le budget de la Justice, en cohérence avec l'accent mis sur le renforcement du régalien.
- Nous proposerons également de rehausser le budget consacré à l'Intérieur, marquant la priorité que nous donnons à la sécurité des Français.
- Les dotations versées à la Poste et l'ANRU seront également abondées en débat de + 50 M€ chacune, afin de préserver notre maillage territorial et d'accompagner les territoires les plus fragiles.
- Nous proposerons également de rehausser les crédits dédiés au financement de notre patrimoine.
- Le rendement de la réduction de loyer de solidarité sera maintenu en 2025 à son niveau de 2024, pour soutenir la construction par les bailleurs sociaux de nouveaux logements.

En matière fiscale :
- Nous proposerons une extension du prêt à taux zéro sur tout le territoire pour les primo accédant afin de faciliter l'accession à la propriété, dans des conditions qui seront précisées et débattues.

[Annonce n°2] Tenir un discours de vérité, c'est aussi faire plus régulièrement la transparence sur la situation de nos finances publiques. Je rendrai compte régulièrement devant le Parlement des informations dont je dispose et des prévisions de finances publiques. Il est indispensable que les Parlementaires puissent disposer plusieurs fois dans l'année, et pas uniquement lors du dépôt des textes financiers, d'états de situation précis et récents, sur l'ensemble des administrations publiques : État, collectivités, Sécurité sociale. Il est également nécessaire qu'un mécanisme d'alerte puisse permettra d'anticiper les éventuels dérapages.

Ma méthode sera dans la transparence, elle sera aussi dans le dialogue et dans l'action. Nous souhaitons que ce texte soit enrichi par les débats que nous aurons avec les Députés et avec les Sénateurs, et que nous puissions le construire ensemble.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 11 octobre 2024