Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Laurent SAINT-MARTIN.
LAURENT SAINT-MARTIN
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci de répondre à mes questions ce matin. Vous êtes le ministre du Budget et des Comptes publics. C'est le poste, sans doute, le plus stratégique aujourd'hui, puisque ce soir débute l'examen du budget dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ; le budget sans doute le plus difficile depuis des décennies. Le déficit et le poids de la dette n'ont jamais été aussi importants. "Boucherie totale, enfer fiscal !" C'est vous qui aurait le dernier mot mais voilà des expressions qui ont été lues dans les journaux ces derniers jours. Tout passe par vous. Et c'est le premier crash test de l'Assemblée depuis les élections. Je voudrais d'abord vous interroger avant de rentrer dans le détail, notamment celui des hausses d'impôts et peut-être même des baisses de dépenses, même si là-dessus on n'a pas beaucoup d'infos pour l'instant. Je ne sais pas si vous n'aurez à nous donner. La nature des débats, est-ce qu'il y aura des débats, véritablement des échanges, ou est-ce qu'il vaut mieux passer par le 49.3 tout de suite ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Alors, d'abord, le terme de boucherie fiscale, c'est le terme qui a été utilisé à la sortie de la commission des finances, c'est-à-dire le texte amendé par les députés, notamment ceux du Nouveau Front populaire. Toutes les expressions d'enfer fiscal, de boucherie fiscale que vous avez lues dans la presse ce week-end sont issues du texte de modification. J'y reviendrai parce que c'est important…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire que ce n'est pas le texte que vous souhaitez…
LAURENT SAINT-MARTIN
Ce n'est pas le texte du Gouvernement.
APOLLINE DE MALHERBE
…et ce n'est pas le texte qui revient aujourd'hui à l'Assemblée.
LAURENT SAINT-MARTIN
Absolument. Cet important parce que la commission des finances a augmenté les impôts à hauteur de 50 milliards d'euros. C'est le président Éric COQUEREL insoumis, lui-même, qui l'annonce. Donc les termes de boucherie fiscale, ce sont bien les termes à l'issue de la commission.
APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est très important. Je prends juste une seconde pour expliquer bien à ceux qui nous écoutent parce que c'est parfaitement… enfin, c'est très complexe comme système. En gros, il y avait votre projet initial…
LAURENT SAINT-MARTIN
La proposition du Gouvernement.
APOLLINE DE MALHERBE
Il passe pendant 48 heures devant la commission des finances, qu'il a effectivement, tout le week-end, on a pu lire, ici ou là, qu'il y avait un doublement de telle taxe, une dérégulation de…
LAURENT SAINT-MARTIN
Absolument. 50 milliards d'euros d'impôts en plus.
APOLLINE DE MALHERBE
Et finalement, tout ça pour rien puisque ça revient à zéro, que ce texte tel qu'il a été modifié n'a pas été voté par la commission des finances. Et donc, le texte qui revient à l'Assemblée, c'est le vôtre.
LAURENT SAINT-MARTIN
Oui, c'est la procédure normale. Mais en plus, la Commission elle-même, qui avait dénaturé le texte, a finalement voté contre son propre texte. Donc, vous voyez que parfois, on n'est pas à un paradoxe près dans les débats budgétaires.
APOLLINE DE MALHERBE
Votre texte, vous-même, n'est pas tout à fait en arrière… sur les hausses d'impôts quand même. Alors, c'est bien parce maintenant, vous avez à vous comparer mais…
LAURENT SAINT-MARTIN
C'est très intéressant ce que vous dites. On nous a dit, pendant un mois, que le texte du Gouvernement, c'était le retour de l'impôt dans ce pays. Ce n'est pas vrai du tout. C'est un texte équilibré. C'est un texte d'abord pour la baisse de la dépense publique. On peut y revenir très volontiers. Et c'est effectivement avec des prélèvements obligatoires mais exceptionnels, ciblés, ciblés sur les très hauts revenus et sur les grandes entreprises. Ce n'est pas du tout de la fiscalité pour tous. Qu'est-ce qui s'est passé à la commission des finances ? Augmentation de la fiscalité sur l'assurance vie. On a envie de ça. 18 millions de contrats, tous ceux qui nous regardent, qui ont une assurance vie. Imposition là-dessus, c'est ce que la Commission voulait. Nous, le Gouvernement, on s'y refuse. La plus-value sur la cession de votre patrimoine immobilier, votre résidence principale ; vous savez qu'aujourd'hui, vous ne payez pas d'impôt sur cette plus-value. La commission des finances propose que vous puissiez payer des impôts ; nous, on s'y refuse. Et je peux vous citer des dizaines de taxes complémentaires.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est assez confortable pour vous parce que vous allez vous retrouver forcément à avoir l'air, évidemment, par rapport à cette inflation des impôts qu'aurait tenté notamment le nouveau Front populaire avec ce qu'ils ont montré dans la commission des finances. Pour vous, c'est hyper confortable parce que vous arrivez et puis, vous dites : "Vous voyez, on a échappé au pire."
LAURENT SAINT-MARTIN
Alors, croyez-moi, Apolline de MALHERBE, il n'y a pas grand-chose de confortable dans la séquence de redressement des finances publiques.
APOLLINE DE MALHERBE
Votre job n'est pas le plus simple du moment. On est bien d'accord.
LAURENT SAINT-MARTIN
C'est un budget qui est difficile. C'est un budget, il faut faire des choix courageux. Mais ce que je dis simplement et objectivement, c'est que la commission des finances, dans laquelle le Gouvernement ne siège pas – c'est comme cela que cela se fait traditionnellement – a délibéré. Et c'est son droit le plus souverain contre un texte qui proposait encore une fois plus de 50 milliards d'impôts nouveaux donc les masques tombent. Il faut le démontrer, ça. C'est très, très important. Donc nous, nous faisons le choix de baisser la dépense publique d'abord. Si on ne faisait que de la baisse des dépenses publiques, ce serait déraisonnable et ça créerait un effet récessif, un effet austéritaire. Donc on le fait à hauteur à peu près de 40 milliards d'euros – ce qui est déjà beaucoup – et effectivement à hauteur de 20 milliards d'euros sur des hausses d'impôts. Mais si on écoutait la commission des finances aujourd'hui, si c'était le texte adopté définitivement, on irait à 70 milliards d'euros.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais ce n'est pas le cas.
LAURENT SAINT-MARTIN
Et sur des impôts qui touchent tout le monde.
APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais je comprends très bien que vous preniez le temps, Laurent SAINT-MARTIN, de dire que le pire aura été évité. Mais, enfin, la vérité…
LAURENT SAINT-MARTIN
En commission parce que la séance publique commence aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
La vérité de la situation publique, c'est qu'effectivement, aujourd'hui, vous examinez le texte qui est le vôtre.
LAURENT SAINT-MARTIN
Du Gouvernement, absolument.
APOLLINE DE MALHERBE
Et là, pour le coup, vous ne pouvez pas dire que c'est la faute des uns ou des autres, c'est votre texte.
LAURENT SAINT-MARTIN
Tout à fait, on repart du texte du Gouvernement.
APOLLINE DE MALHERBE
Et Laurent SAINT-MARTIN, ce que je voudrais d'abord comprendre, c'est qu'effectivement, au regard de ce qui s'est passé à la commission des finances, dont clairement, on voit bien que ce n'est pas votre souhait ; est-ce que, franchement, cela vaut la peine de laisser un débat qui sera un débat d'affichage ? Puisqu'à la fin, on le sait bien, vous serez obligé de passer par le 49.3. Pourquoi ne pas le faire tout de suite ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Pourquoi vous ne laissez pas le parlement démontrer sa possibilité d'être responsable ? Justement…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais parce que vous-même… Tout cela c'est de l'hypocrisie ; vous le savez très bien.
LAURENT SAINT-MARTIN
Non. Ce n'est pas parce que la commission…
APOLLINE DE MALHERBE
Elisabeth BORNE qui avait une plus grande majorité que vous, n'a même pas eu le choix, et est passée par le 49.3.
LAURENT SAINT-MARTIN
Ce n'est pas parce que la commission des finances, effectivement, a rejeté un premier texte proposé, amendé, que l'ensemble du Parlement qui est composé, je le rappelle, de l'Assemblée nationale, mais aussi du Sénat ; il ne faut pas l'oublier…
APOLLINE DE MALHERBE
Et là, au Sénat, en effet, je pense que votre budget, il serait très largement…
LAURENT SAINT-MARTIN
Permettez-moi d'être totalement démocrate et de ne pas, alors que les débats n'ont pas commencé – ils commencent ce soir – vous dire si les débats vont être arrêtés ou non. Je ne le souhaite pas. Je ne peux pas être plus honnête que ça. Je ne souhaite pas que ce débat soit arrêté. Je souhaite que le débat ait lieu. Je respecte les institutions. J'ai été parlementaire moi-même, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale ; je sais à quel point il est important pour les Français que le débat ait lieu.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est tout à votre honneur.
LAURENT SAINT-MARTIN
Je souhaite qu'il ait lieu…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est tout à votre honneur. Mais on ne va pas se mentir, ici, on sait comment ça marche.
LAURENT SAINT-MARTIN
Il y aura des désaccords, il y aura des désaccords.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous savez bien qu'à la fin… Enfin, je veux dire… Vous pouvez commencer à rêver. Vous pouvez dire : "Nous, on le fait." Mais c'est plus une histoire de posture que de réalité.
LAURENT SAINT-MARTIN
De quoi parle-t-on ? Que le texte du Gouvernement soit modifié, amendé, qu'il y ait des changements ? Oui. Et de toute façon, ça c'est la vie des institutions et c'est le Gouvernement qui propose et c'est le Parlement qui dispose. Là-dessus, il n'y a aucun problème. Donc il y aura des modifications du texte. La question c'est jusqu'où peut-on accepter de réduire les déficits publics, effectivement, au détriment soit du pouvoir d'achat des Français, soit d'une cure d'austérité. Et nous, nous avons un texte d'équilibre, nous pouvons le modifier. Mais j'ai une seule ligne rouge pour aller dans votre sens… J'ai une seule ligne rouge.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est ça. Si vous êtes favorable au débat, ça veut dire que vous êtes capables de bouger le curseur.
LAURENT SAINT-MARTIN
Absolument.
APOLLINE DE MALHERBE
Jusqu'où ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Je suis capable de bouger le curseur à partir du moment où on respecte une règle simple mais exigeante qui est de maintenir le cap de la réduction du déficit à 5 % en 2025. Et ce n'est pas un chiffre totémique, c'est que si on ne le fait pas dès 2025, on ne reviendra jamais sous les 3 %. Je rappelle que la France est en procédure de déficit excessif et que nous devons passer sous les 3 % de déficit à horizon 2029. C'est une obligation.
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc, dans cette enveloppe-là…
LAURENT SAINT-MARTIN
Il nous faut arriver à 60 milliards d'efforts budgétaires sur l'année 2017, c'est 60 milliards. Ils peuvent prendre une composition différente que celle que le Gouvernement propose, mais la ligne rouge est claire : on ne peut pas se permettre d'avoir plus d'impôts que ce qui est proposé dans la copie initiale et que l'on nous a déjà suffisamment reproché…
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, il y a plusieurs points très précis sur lesquels j'aimerais vous entendre. La question, notamment des retraites, le gel des revalorisations des pensions ; vous l'aviez annoncé pour faire des économies. Est-ce que vous pourriez le remettre en cause pour les pensions les plus modestes ? Est-ce que, au contraire, vous pourriez dire : "On le fait… Finalement, on revalorise pour tout le monde, sauf pour les pensions les plus élevées." Bref, est-ce que vous allez prendre ça par le bas, par les pensions les plus modestes ou par le haut, les pensions les plus élevées ?
LAURENT SAINT-MARTIN
D'abord, pourquoi nous l'avons proposé ? Nous l'avons proposé parce que l'ensemble des pensions a été revalorisé à hauteur de 5,3 % au 1er janvier 2024, 5,3 % quand une inflation sur cette année est repassée sous les 2 %. Je précise juste pour ceux…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc en fait, ça veut dire que les retraités ont gagné plus…
LAURENT SAINT-MARTIN
Oui.
APOLLINE DE MALHERBE
…que la simple suite de…
LAURENT SAINT-MARTIN
Oui, c'est-à-dire que la compensation de l'inflation des années précédentes a été surcompensée.
APOLLINE DE MALHERBE
Ils ont surcompensé, OK. Ils ont eu un trop perçu en quelque sorte.
LAURENT SAINT-MARTIN
Et surtout, ce qui est important, c'est que les actifs… Vous, ici, vous n'avez pas été augmentés à plus de 5 % sur vos salaires. Et c'est le cas de la majorité de…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc il y a eu un trop perçu.
LAURENT SAINT-MARTIN
Disons qu'il y a eu effectivement de…
APOLLINE DE MALHERBE
Erreur de l'État en votre faveur, on récupère ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Non, mais ce qui est vrai, c'est qu'en 2024, l'inflation a reculé plus vite que ce qui avait été attendu. Donc c'est un lissage, si vous voulez, dans des termes techniques. Et donc, le décaler de six mois au 1er juillet est quelque chose de tout à fait entendable. Et effectivement, c'est une participation.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous le faites pour tous ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Il faut qu'on discute. Et je l'ai dit, je suis prêt à ce qu'on ait une ouverture sur les petites retraites.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est quoi les petites retraites ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Est-ce que les petites retraites c'est 1 200 euros, c'est 1 400 euros ? Souvenez-vous, ça va vous rappeler des débats qu'on avait eu sur la CSG, notamment en 2017-2018. Donc il faudra trouver le bon curseur parce que vous créez des effets de seuil. Quand vous faites ça donc ça a des défauts…
APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas, vous êtes ouvert à cette idée.
LAURENT SAINT-MARTIN
Je veux qu'on protège les petites retraites. Et j'en profite pour vous dire ici que le minimum vieillesse, lui, est revalorisé au 1er janvier 2025.
APOLLINE DE MALHERBE
Il n'est pas concerné par cette question ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Il n'est pas concerné par le décalage dans tous les cas.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, eux auront la revalorisation quoiqu'il arrive.
LAURENT SAINT-MARTIN
Absolument.
APOLLINE DE MALHERBE
La question sur les successions ; vous semblez ouvert aux propositions de certains des députés de chez vous, notamment David AMIEL, qui veulent adapter l'héritage aux nouveaux modèles familiaux. Ça veut dire quoi, ça ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Mais c'est un débat qu'il y a eu en commission. Ce que j'ai dit, c'est qu'en commission, il y a aussi eu des propositions…
APOLLINE DE MALHERBE
Voilà un point sur lequel vous pourriez.
LAURENT SAINT-MARTIN
Non, mais, moi, personnellement, ce n'est pas un arbitrage gouvernemental. Moi, personnellement, je trouve que c'est intéressant de regarder l'évolution de la société quand on parle d'héritage. Donc, est-ce que ça peut être effectivement sur les sujets des familles recomposées ? Est-ce que ça peut être sur les sujets de choses qui ne sont pas…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce serait des allègements de droit ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Ça peut être des allègements de droit ; ça peut être quelque chose de plus facilitant. Les choses comme ça, il y en aura plein dans le texte.
Vous citez cet exemple-là, mais il y aura plein de textes d'amélioration du droit par rapport à l'existant. Ça pour moi, c'est tout simplement s'adapter à notre époque…
APOLLINE DE MALHERBE
Les factures d'électricité, est-ce que sincèrement, vous pourriez accepter que les taxes remontent plus haut qu'elles n'étaient avant la crise de l'inflation ?
LAURENT SAINT-MARTIN
L'engagement que nous avons pris, il est très clair : tous les Français qui sont aux tarifs réglementés verront leur facture baisser à hauteur de 9 %, baisser à hauteur de 9 % en février.
APOLLINE DE MALHERBE
On est bien d'accord, que c'est le moins que ça n'aurait pu être ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Le niveau de la taxe dépendra du niveau de l'énergie et de l'électricité à ce moment-là, donc, je ne peux pas vous dire le…
APOLLINE DE MALHERBE
En fait, ce sera comme la TIPP flottante…
LAURENT SAINT-MARTIN
Le montant précis, non, ce ne sera pas flottant, mais le, oui, de toute façon, c'est fait…
APOLLINE DE MALHERBE
Il y aura les 9 % quoi qu'il arrive pour tout le monde ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Exactement. C'est fait par voie réglementaire, donc, ce ne sera pas dans le texte à proprement parler. Le montant de la taxe précise sera fait en fonction, au 1er février du prix de l'électricité.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous nous affirmez ce matin, quoi qu'il arrive, ces 9 % sont respectés…
LAURENT SAINT-MARTIN
Je m'engage à ce que la baisse de la facture sera effective à hauteur de 9 % pour…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous ne vous engagez pas, en revanche, à ne pas faire remonter la taxe au-delà du niveau initial ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Non, car cela dépendra du prix du marché à ce moment-là, mais il faut être très clair, on a besoin d'enlever les boucliers tarifaires qui ont été mis en place alors qu'il y avait de l'inflation. Le prix du bouclier tarifaire sur l'énergie, ce qui a permis aux Français de voir leur facture rester à des niveaux convenables par rapport à nos voisins européens ou ça a explosé, c'est cinquante milliards d'euros, cinquante milliards d'euros pour l'État. Mais quand je dis "Cinquante milliards d'euros", il ne faut pas croire que c'est moi à Bercy, tout seul dans mon coin qui voit cinquante milliards d'euros partir, c'est l'argent des Français tout ça. Donc les Français, ils ont besoin et ils comprennent que l'on a une nécessité d'enlever des outils d'aide publique qui ont été mis en place quand il y avait de l'inflation pour protéger leur pouvoir d'achat, l'inflation diminue, on retire ces boucliers et on préserve le fait que la facture d'électricité diminue à hauteur de 9 % en réaugmentant effectivement cette fiscalité.
APOLLINE DE MALHERBE
Les budgets, budget des ministères, budget des collectivités locales, budget des entreprises. Ministère d'abord, vous l'avez entendu, c'était à mon micro, vendredi, la ministre de l'Écologie et de la transition énergétique, qui laissait entendre que le budget n'était pas à la hauteur, notamment pas à la hauteur des enjeux du moment. Il y a une réduction des montants de primes à la reconversion des voitures. Il y a une réduction du Fonds vert, il y a une réduction des montants alloués à ma Prime Rénov', est-ce que sincèrement, c'est à la hauteur de la situation ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Il y a une forte augmentation de la participation de l'État dans le financement des énergies renouvelables. Vous voyez, le budget de la transition écologique n'a jamais été aussi haut que celui qu'on présente pour 2025, jamais.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est à elle qu'il faut le dire, visiblement, elle n'a pas les mêmes chiffres que vous.
LAURENT SAINT-MARTIN
Vous pouvez vérifier, c'est très facile à vérifier. Il y a aujourd'hui un document qui sort, qui est une annexe du budget, qui s'appelle le Budget vert, qui recense tous les investissements pour la transition écologique qui seront faits dans ce budget 2025, c'est implacable, on n'aura jamais eu un budget pour la transition écologique aussi en hausse. Agnès PANNIER-RUNACHER considère qu'à l'intérieur de ce budget, il y a des priorités pour elles différentes que celles qui ont été initialement proposées, c'est une chose et on doit aussi en discuter là-dessus.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, vous pourriez allouer différemment ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Mais on ne peut pas... Mais ça, c'est la responsabilité de chaque ministre. Il y a, ça s'appelle des lettres plafonds, des lettres plafonds, c'est finalement votre niveau de crédits budgétaires qui va vous être alloué pour dire les choses un peu schématiquement. À l'intérieur, vous pouvez réorganiser vos priorités, ce n'est pas quelque chose qui est interdit, mais vous avez besoin effectivement aussi de participer à l'effort de redressement. Sauf que quand votre budget est en hausse, je crois que chacun doit aussi prendre ses responsabilités en ce sens que c'est le cas de la transition écologique.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, vous avez l'air de trouver que c'est un peu un caprice, quoi ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Ce n'est pas une question de caprice, c'est une question de considérer que quand les budgets sont en hausse, il faut d'abord le saluer, il faut d'abord mettre l'accent sur les progrès qui sont proposés. Et sur le sujet des véhicules électriques, disons un mot, puisque j'ai parlé de la fin du bouclier tarifaire, on a beaucoup aidé l'achat de véhicules électriques dans notre pays, beaucoup.
APOLLINE DE MALHERBE
Trop ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Je pense que c'était une dépense qui était excessive à la fin, parce que ce sont des dépenses finalement qui au fur et à mesure augmentent un peu en façon boule de neige et qui deviennent trop importantes par rapport à ce que la France peut faire. Et donc nous avons besoin aussi de la contrainte de la freiner. De quoi parle-t-on ? On ne va pas arrêter le soutien à l'achat aux véhicules électriques du tout en 2025. On freine les montants et…
APOLLINE DE MALHERBE
Aujourd'hui, ça reste un luxe d'acheter une voiture électrique pour un grand nombre de Français. Les constructeurs eux-mêmes, ils disent : "Si vous réduisez ces aides, on ne va pas réussir à développer ce marché".
LAURENT SAINT-MARTIN
Mais, Apolline De MALHERBE, c'est encore plus un luxe de dépenser de l'argent public qu'on n'a pas, c'est encore plus un luxe et ça, on ne peut pas se le permettre.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est ça que vous leur répondrez ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Et ça, on ne peut pas se le permettre. Il faut le faire par rapport aux moyens de notre État. Les Français, on leur demande de gérer leur budget personnel, il me semble, je crois que l'État doit faire pareil, il doit savoir gérer son budget et gérer son budget, ça veut dire parfois freiner la dépense publique. C'était une très bonne idée de faire le bouclier tarifaire. C'était une très bonne idée d'aider les particuliers à l'achat aux véhicules électriques. Est-ce qu'on peut considérer que, quand…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on le fera quand on aura les sous quoi ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Non, ce n'est pas ça.
APOLLINE DE MALHERBE
On fera si on a les moyens, quoi ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Mais non mais c'est une question de temporalité. Est-ce qu'on peut considérer que quand on a lancé la dynamique d'achat des véhicules électriques, c'est aussi le rôle de l'État ? L'État, c'est un accélérateur…
APOLLINE DE MALHERBE
En fait, le coup de pouce, c'était au début et puis maintenant, c'est à eux de jouer quoi ?
LAURENT SAINT-MARTIN
L'État, c'est un accélérateur sur les achats, sur la consommation, sur les investissements. Il est normal et il est même très sain et je pense que vous serez heureux de l'entendre, que l'on puisse décélérer sur la dépense publique quand les accélérateurs ont été efficaces.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que c'est pareil pour les collectivités ? Vous les invitez à faire des économies ? Cinq milliards d'économies, ça veut dire forcément qu'il y a des choses qu'ils ne vont plus payer et qu'ils payaient parce qu'ils n'en auront plus les moyens. Est-ce que cela veut dire qu'il y aura des subventions qui vont être supprimées aux associations ? Je ne sais pas, aux festivals… Qu'est-ce qui ne sera plus payé ?
LAURENT SAINT-MARTIN
On demande des efforts à tout le monde, l'État d'abord. L'État va participer à hauteur de la moitié de l'effort de réduction de la dépense publique. On va demander également des…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est des sous en moins ? C'est des sous en moins pour quoi ? Pour quelle enveloppe ? Quelle décision d'un Conseil municipal par exemple ?
LAURENT SAINT-MARTIN
D'abord, d'abord, là, je parle de l'État, c'est plus de la moitié qui est pris en charge par l'État. Et ça, très concrètement, ce sont la fin du bouclier que j'ai évoqué, c'est la fin d'aides publiques ou la réduction d'aide publiques qui pouvaient avoir lieu il y a quelques années sur la relance après les crises et qui n'ont plus lieu d'être aujourd'hui, ça, c'est la partie de l'État. Il y a effectivement aussi une réduction du déficit de la sécurité sociale à hauteur de quinze milliards d'euros, qui doit être fait dans ce budget-là, ça, c'est le PLFSS et l'autre texte qui sera présenté, le Projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce n'est pas celui de cette semaine, c'est celui de la semaine suivante.
APOLLINE DE MALHERBE
Qui, lui, rentre en Commission aujourd'hui, il rentre dans l'Hémicycle.
LAURENT SAINT-MARTIN
Exactement, et puis il y a les collectivités locales et moi, les collectivités locales, je vais être très clair, on ne va pas faire quelque chose contre elles. La question n'est pas là. Il faut que l'ensemble des administrations publiques participent à la réduction des comptes. Et d'ailleurs, les administrations locales que ce sont les collectivités, j'ai entendu votre question, je vais…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ma question, elle est très concrète, c'est-à-dire au d'là de l'enveloppe globale, quels sont concrètement les associations qui doivent s'attendre à ce que les chèques ne soient pas renouvelés ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Il doit y avoir à hauteur de cinq milliards, cinq milliards, je dis que l'État, c'était vingt milliards, les collectivités locales cinq milliards, un effort, une participation à l'effort, de la réduction du déficit public et les collectivités locales en sont conscientes de ce besoin-là. Il faut effectivement que cela freine le moins possible l'investissement local, parce que l'investissement dans les territoires dépend beaucoup des mains, essentiellement des collectivités. Donc il faut être vigilant sur les outils de réduction de la dépense là-dessus. Il y a probablement encore des efforts à faire sur le budget de fonctionnement sans que cela ne grève ni le financement utile des associations pour reprendre votre exemple, ni évidemment, et là, on y sera très attentifs, le financement de dépenses contraintes. Les départements, par exemple, financent l'aide sociale, beaucoup…
APOLLINE DE MALHERBE
Le RSA…
LAURENT SAINT-MARTIN
Et de façon "non pilotée", et donc ça, effectivement, on s'assurera que ça puisse être permanent et continu.
APOLLINE DE MALHERBE
Laurent SAINT-MARTIN, le DOLIPRANE, un accord a donc été trouvé, l'État va monter au capital. Combien ça va coûter ? Combien on va mettre pour garder le DOLIPRANE avec un petit morceau de drapeau français ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Alors, sur le budget, sans être trop technique, ça ne va pas toucher au budget de l'État sur ce budget 2025, c'est BPI France qui sur ses fonds propres…
APOLLINE DE MALHERBE
La Banque publique d'investissement ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Exactement, la banque d'investissement qui sur ses fonds propres va investir, mais c'est une banque publique à capitaux publics, par définition, mais ça ne va pas, pour dire aux Français assez simplement, ça ne sera pas une dépense dans le budget.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'est pas dans le budget qui est discuté à partir d'aujourd'hui, mais enfin, c'est une part quand même de l'argent français ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Indirectement, indirectement, c'est une participation…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est quoi ? C'est cinquante millions ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Mais ça, je ne suis pas capable de vous le dire, c'est Antoine ARMAND, le ministre de l'Économie qui est en discussion, évidemment, et avec BPI France bien sûr, et avec COPELLA et avec SANOFI, donc, c'est lui qui mène ces discussions depuis le début. D'ailleurs, je salue la qualité des discussions qui sont menées pour protéger l'emploi, que ce soit à Lisieux, à Compiègne ou dans, ou au siège ou dans les centres de recherche et développement. Ce qui est fait, c'est nouveau-là, c'est une capacité, notamment grâce à de nouveaux outils qu'on a créés après la crise, Covid, à mieux préserver la capacité de production chez nous et l'emploi, ça, c'est quelque chose d'important.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, des garanties, des garanties et le fait de rentrer dedans ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Absolument.
APOLLINE DE MALHERBE
Et puis cette question : que faisons-nous encore dans ORANGE, STELLANTIS ou LA FRANÇAISE DES JEUX ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Là aussi, c'est le ministre de l'Économie qui est…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'est pas moi qui vous la pose, la question, c'est vos collègues, c'est notamment Gérald DARMANIN et Olivier GREGOIRE qui la posent tel quel dans la Tribune du Dimanche.
LAURENT SAINT-MARTIN
J'y réponds volontiers, c'est la prérogative du ministre de l'Économie. Si vous me posez la question à moi, je pense que c'est un débat qui est toujours intéressant de faire ce qu'on appelle une revue de portefeuille des participations de l'État.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il faut vendre les bijoux de famille ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Ce que je peux juste vous dire, c'est que, un, ce n'est pas le sujet du budget 2025, parce que ça, ce sont des ventes qui servent éventuellement à réduire la dette de l'État, mais pas son déficit public. En revanche, ce qui est utile et intéressant en politique, c'est de savoir à quoi ça sert que l'État soit au capital de telle ou telle entreprise, secteur par secteur ? C'est une question de priorité stratégique et ça, je trouve que c'est un débat intéressant, que ce soit Olivia GREGOIRE et Gérald DARMANIN en kilomètres à table, je trouve, est révélateur parce que ce sont des personnes qui connaissent bien Bercy, ce sont des personnes qui connaissent bien l'économie française et ils ont raison de vouloir se projeter un peu au-delà de ce budget et d'essayer justement de regarder quelle est la bonne place stratégique de l'État au capital des entreprises privées.
APOLLINE DE MALHERBE
Laurent SAINT-MARTIN, le budget tel que vous le présentez, est-ce que vous ne redoutez pas que ça ait l'effet exactement inverse ? C'est-à-dire qu'au lieu de faire rentrer des sous, ça en fasse perdre et que ça casse la croissance ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Si vous parlez de l'effet récessif possible de ce budget, nous l'avons construit de la façon la plus équilibrée possible pour que justement, il n'y ait pas d'effet récessif ou en tout cas le moins possible. Si vous ne passez que par l'impôt, c'est-à-dire que si vous faites la version de la commission des finances, 70 milliards d'impôts, vous pourrez être à peu près sûr que les gens vont partir du pays et que les entreprises vont l'investir ailleurs. Donc, là-dessus, votre effet récessif, vous l'aurez tout de suite, mais ça, je peux vous le dire tout de suite. Si vous ne faites que de la baisse de dépenses publiques, que de la baisse de dépenses publiques, vous prenez un risque qu'effectivement, ce qui pourrait aujourd'hui aider soit les entreprises, soit la consommation, soit l'investissement, puisse être de façon trop importante diminuée et donc, se retrouve également porteur d'un effet récessif. Ce que nous faisons, c'est un équilibre avec deux tiers de baisses de dépenses publiques, un tiers d'impôts qui peut effectivement, et c'est pour ça que nous avons mis un objectif…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais il y a un risque, il y a un risque.
LAURENT SAINT-MARTIN
Nous avons bien un objectif de croissance qui le prend en compte : 1,1 % en 2025, mais nous pensons que, par rapport à ce qui a été fait au lendemain…
APOLLINE DE MALHERBE
L'Observatoire français des conjonctures économiques dit que vous allez accentuer le déficit.
LAURENT SAINT-MARTIN
J'ai lu cela, mais je ne suis pas d'accord avec cela. Je pense que nous avons besoin d'abord de le réduire, ce déficit public, et que c'est une urgence. On ne va pas, on ne va pas pouvoir aujourd'hui continuer à avoir le même niveau de dépenses publiques dans ce pays, c'est déraisonnable, c'est irresponsable. Et ça, tout le monde le dit, ce n'est pas la volonté de ce Gouvernement seule. Je rappelle que Gabriel ATTAL, Premier ministre du Gouvernement précédent, avec freiné lui-même la dépense publique. Il avait été déjà très responsable : décret d'annulation de crédit à hauteur de dix milliards d'euros dès février 2024, donc, le freinage de la dépense publique, c'est quelque chose de nécessaire, comme vous l'avez augmenté de tant de centaines de milliards d'euros pour la relance, mais juste un mot, Apolline De MALHERBE, là-dessus, on a l'impression parfois, dans ce débat, que la dépense publique a augmenté de façon complètement incontrôlée et de façon totalement déraisonnée et pardon, mais on a répondu à des crises, c'est important de le dire, ça.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que vous aurez encore les moyens à répondre à des crises ?
LAURENT SAINT-MARTIN
C'est pour ça qu'on dit…
APOLLINE DE MALHERBE
Si l'imprévisible arrive ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Merci de répondre vous-même à la question, c'est-à-dire que si nous ne faisons pas la dépense publique demain, qu'est-ce qui va se passer ? On ne réduira pas notre déficit. Si on ne réduit pas notre déficit, on ne pourra pas refinancer notre endettement de la même façon qu'aujourd'hui, ça coûtera beaucoup plus cher et à la fin, on sera plus en capacité de protéger nos concitoyens et nos entreprises, comme nous l'avons fait pendant la crise Covid, comme nous l'avons fait pendant la crise inflationniste. Et tout le monde doit se féliciter de ce qui a été fait en termes de protection, le quoi qu'il en coûte les boucliers, c'est juste qu'aujourd'hui l'inflation et les crises sont derrière nous, à nous d'être responsable et de savoir réduire la dépense publique.
APOLLINE DE MALHERBE
Laurent SAINT-MARTIN, merci d'avoir répondu à mes questions ce matin.
LAURENT SAINT-MARTIN
Merci à vous.
APOLLINE DE MALHERBE
Ministre du Budget. Votre journée va être longue puisque c'est donc ce soir que le budget arrive dans l'hémicycle. Merci d'être venu en primeur ce matin.
LAURENT SAINT-MARTIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 octobre 2024