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JOURNALISTE
Ce matin, Lauriane HAVARD, on pose trois questions à Alexandre PORTIER, le ministre délégué à l'Enseignement professionnel et à la Réussite scolaire. Il est dans l'Allier aujourd'hui, à l'occasion de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire.
LAURIANE HAVARD
Bonjour Alexandre PORTIER.
ALEXANDRE PORTIER
Bonjour.
LAURIANE HAVARD
Deux élèves par classe, c'est le nombre moyen d'enfants qui sont victimes de harcèlement scolaire, selon les évaluations menées en 2023 par l'Education nationale. Est-ce que le nombre de ces signalements est en augmentation ?
ALEXANDRE PORTIER
On a un fléau qui est extrêmement préoccupant et un mal qui est profondément ancré dans notre système scolaire aujourd'hui. Et c'est pour ça que cette journée de lutte contre le harcèlement scolaire est importante partout en France. On a environ 5 à 10 % des élèves qui peuvent être concernés dans tous les établissements. C'est un fléau qui est inacceptable et qui appelle une mobilisation générale. Cette journée permet de sensibiliser mais permet aussi justement de faire remonter toutes les difficultés pour qu'on puisse accompagner au mieux les familles.
LAURIANE HAVARD
A partir d'aujourd'hui justement, une nouvelle campagne est lancée pour lutter contre le harcèlement scolaire avec, comme l'an dernier, des questionnaires qui vont être distribués aux élèves du CE2 à la Terminale. Ils vont servir à quoi concrètement, ces questionnaires, Alexandre PORTIER ?
ALEXANDRE PORTIER
Ce questionnaire permet de mesurer le plus précisément possible la réalité du harcèlement scolaire et puis, au niveau des établissements, de mieux sentir les difficultés et pour nous, au niveau national, d'ajuster aussi toutes nos stratégies pour accompagner tous les adultes qui sont autour de l'enfant. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il n'y a pas une baguette magique pour répondre aux difficultés du harcèlement scolaire. Une palette de solutions qu'on va pouvoir déployer avec un sujet qui me tient particulièrement à cœur, c'est la question du cyberharcèlement parce qu'on voit bien qu'il dépasse largement les frontières des établissements scolaires.
LAURIANE HAVARD
Le cyberharcèlement, qui est plus insidieux à repérer car on est dans une sphère, pour le coup, un peu plus intime via les réseaux sociaux. On estime que 24 % des familles y ont été confrontées. Qu'est-ce qui est mis en place justement pour aider les élèves qui en sont victimes du cyberharcèlement ?
ALEXANDRE PORTIER
Alors, on a des outils nouveaux qui ont été mis en place ces dernières années. On a une ligne dédiée, le 30 18, qui permet aux jeunes, à leurs familles d'avoir un conseil direct, d'avoir la possibilité de se faire identifier et accompagner directement. Mais au-delà du cyberharcèlement, ce qui compte aussi, c'est de retrouver le sens de l'humain. Une école, ce n'est pas juste une somme d'individus, c'est d'abord un collectif et c'est un lieu où doit apprendre des valeurs humaines, de la solidarité, la proximité. Et toutes les informations nous permettent après d'avoir un accompagnement de proximité auprès des jeunes et, derrière, un traitement. Ce n'est pas juste faire une journée pour dire "on sensibilise" c'est aussi permettre d'avoir le signalement qui mène derrière à des traitements efficaces. Et aujourd'hui, on n'a pas forcément trop la culture de l'efficacité en la matière. Et c'est vraiment l'une de nos priorités de le faire aujourd'hui. C'est complètement gratuit, précis, rigoureux et de proximité avec les familles.
LAURIANE HAVARD
Vous parliez tout à l'heure justement des adultes, être aux côtés aussi des enseignants qui peuvent repérer ces faits de harcèlement. Est-ce que des formations existent pour aider le personnel à faire face à cette problématique ?
ALEXANDRE PORTIER
Tout à fait. Il y a des formations qui ont été mises en place. Aujourd'hui, on a près d'un enseignant sur quatre, un personnel sur quatre même qui a été formé. C'est bien, c'est un progrès net par rapport à ce qu'on a pu connaître y a quelques années. C'est encore trop peu évidemment. L'un de nos sujets c'est de pouvoir accélérer là-dessus. Pourquoi ? Parce que le bien-être de nos élèves est au cœur de nos missions et on ne peut pas accepter qu'un élève aille à l'école la peur au ventre. La mission, c'est la réussite scolaire. Il ne peut pas y avoir de réussite scolaire quand un enfant va à l'école, la boule au ventre.
LAURIANE HAVARD
En Australie, c'est une première mondiale, pour lutter - on en parlait - contre le cyberharcèlement, le gouvernement compte faire voter une loi d'ici deux semaines pour interdire l'accès aux réseaux sociaux aux moins de 16 ans. Ce sont les entreprises de la Tech, pour le coup, qui devront mettre en place des mesures pour vérifier l'âge de leurs utilisateurs. Est-ce que c'est une bonne idée selon vous ? Est-ce que ça pourrait arriver en France ?
ALEXANDRE PORTIER
Je l'avais dit comme député ; je ne vais pas changer de discours comme ministre : il faut qu'on soit beaucoup plus ferme dans nos exigences vis à vis des GAFAM, les données de toutes les plateformes numériques. Elles ne peuvent pas se dédouaner en disant « ce n'est pas de notre responsabilité. » Et on voit aujourd'hui la mobilisation de plusieurs familles, notamment contre la plateforme de TikTok qui a diffusé des contenus qui très clairement mettent mal à l'aise et poussent nos jeunes à vers des idées noires qui ne sont pas acceptables. Au moment où les jeunes se construisent - à l'adolescence notamment - ils ont besoin qu'on les tirer vers du positif, qu'on les aide à construire leur avenir, pas qu'on les pousse vers des questions de suicide, pas qu'on les enferme dans des spirales ni d'échec, ni de mal être. Et c'est pour ça que tout ça est vraiment ancré dans la mission qui est la réussite scolaire. Il faut qu'on puisse engager un discours qui soit à la fois humain mais très ferme vis-à-vis de tous ce qui constituent des menaces pour le bien-être des élèves.
LAURIANE HAVARD
Vous allez visiter plusieurs établissements, là, aujourd'hui dans l'Allier. Vous commencez ce matin à Gannat, au lycée Gustave Eiffel. Quels vont être vos premiers mots adressés aux lycéens, Alexandre PORTIER ?
ALEXANDRE PORTIER
Je crois que l'on a beaucoup pris l'habitude que les élus politiques arrivent avec des discours tout faits et expliquent aux gens ce qu'ils pensent en tant que ministre. Moi, je suis d'abord aussi là pour écouter. Je suis construit par le terrain. Je suis d'abord un élu local, un député d'une circonscription rurale comme celle de Vichy. Moi, ce qui m'intéresse c'est aussi d'écouter les personnels, les enseignants. Je vais d'abord dire un grand merci pour leur engagement sur ces questions-là, parce que ce ne sont pas des sujets faciles à aborder au quotidien. Et puis, écouter les élèves. Les jeunes de 2024 ne vivent pas tout à fait dans le même monde qu'il y a 20 ans ou 30 ans. Il faut aussi que nous, on soit capable d'entendre cette parole-là, d'entendre les difficultés, d'écouter leurs besoins et de les rassurer sur le fait qu'on sera à leurs côtés pour leur permettre de se construire dans un monde qui est en pleine mutation.
LAURIANE HAVARD
Alexandre PORTIER, ministre délégué à l'Enseignement professionnel et à la Réussite scolaire. Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin.
ALEXANDRE PORTIER
Merci.
LAURIANE HAVARD
Belle journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 novembre 2024