Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des finances, sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances.
(…)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, débattre de la situation des finances locales, c'est inévitablement parler de la situation des finances de notre pays.
Nous le savons tous, cette situation n'est pas bonne : c'est un fait.
En la matière, nous n'avons plus le choix ; si nous voulons maintenir la souveraineté de la France, agir est une nécessité. C'est ensemble, collectivement, sans nous opposer les uns aux autres, que nous assumerons cette situation et que nous réussirons ce défi. Je sais pouvoir compter sur la sagesse de votre assemblée, qui incarne les collectivités dans leur globalité, pour bâtir le juste équilibre que les Français comprendront, car il y va de l'avenir de notre pays.
Monsieur le rapporteur général, je partage votre analyse : le débat n'est pas de savoir sur qui rejeter la faute.
M. Rémy Pointereau. Tout de même !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Je le dis à mon tour et vous remercie de l'avoir souligné, il n'y a pas de responsabilité ni de faute des collectivités territoriales dans la dégradation du solde.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il est bon de vous l'entendre dire !
M. Olivier Paccaud. M. Le Maire disait le contraire !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Certes, les dépenses ont augmenté plus vite que les recettes, notamment du fait de décisions nombreuses et coûteuses prises par l'État. Il a été fait allusion notamment à certaines mesures analysées par la Cour des comptes dans son rapport sur la situation des finances publiques locales : la revalorisation du point d'indice de la fonction publique ou les mesures indiciaires spécifiques prises en faveur des agents de catégorie C étaient socialement attendues, mais elles ont incontestablement un coût non négligeable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons un impératif, celui de contenir le déficit public à 5% du PIB dès 2025. La marche est haute ! Nous proposons à cette fin un effort difficile, inédit par son ampleur, de 60 milliards d'euros, dont 40 milliards d'euros de réduction des dépenses, effort partagé entre toutes les administrations publiques. L'État y prend toute sa part : l'exercice budgétaire auquel il se plie consiste à diminuer ses dépenses de 20 milliards d'euros, quand les dépenses sociales doivent baisser de 15 milliards d'euros. Restent donc 5 milliards d'économies à réaliser sur le budget des collectivités.
Si nous avons proposé de mettre à contribution l'ensemble des administrations publiques, c'est parce que le déficit et la dette publics sont l'affaire de tous.
La dette publique de la France, vous le savez, dépasse les 3 220 milliards d'euros, et nos créanciers ne font pas la différence entre les endettements respectifs de l'État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale. En tout état de cause, il est certain que la charge de la dette, elle, ne cesse de croître : un choc de taux de 1% l'alourdit de 33 milliards d'euros à horizon de neuf ans, poids que nous n'avons plus les moyens d'assumer. Sur ce point au moins, j'y insiste, il faut que nous nous accordions ; et je rappelle qu'au moment où je vous parle, mesdames, messieurs les sénateurs, la charge de la dette, qui s'élève à 55 milliards d'euros, est le deuxième poste budgétaire de l'État.
Les conditions de financement sont les mêmes pour tout le monde ; d'elles dépend la capacité de chaque administration publique et de chaque niveau de collectivité à agir, c'est-à-dire à exercer les compétences que lui attribue la loi.
Vous avez longuement débattu dans cet hémicycle, le 8 octobre dernier, à l'occasion d'un débat sur la croissance de la dette publique en France, avec le ministre des comptes publics, Laurent Saint-Martin, que je vous prie de bien vouloir excuser – il est en ce moment même au banc du Gouvernement à l'Assemblée nationale.
Comme je le disais, le redressement des comptes est l'affaire de tous ; il est de notre responsabilité à tous d'y participer. Les collectivités représentent 20 % de la dépense publique. L'effort que nous proposons de leur demander dans cette première copie qu'est le projet de loi de finances initial – j'en reste à la copie du Gouvernement : je ne parle pas des travaux de l'Assemblée nationale – représente 12 % de l'effort global.
Que pouvons-nous faire ? Devons-nous tout arrêter ? Cela n'est évidemment pas possible. Devons-nous supprimer les subventions d'investissement ? Monsieur le rapporteur général, vous le disiez à l'instant, le risque récessif existe, et ce d'autant plus que, pour ce qui est du mandat municipal, le contexte est tout à fait particulier : la crise du covid-19 a retardé le début des travaux de nombreuses collectivités territoriales et, chacun peut en faire l'expérience, nous entrons dans une cinquième année de mandat municipal qui, dans bien des cas, ressemble davantage à une quatrième année, tant les travaux engagés sont loin d'être achevés, les années 2020 et 2021 ayant été ô combien difficiles.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre. C'est du reste dans cet esprit que le Gouvernement a décidé de maintenir à leur niveau les concours de l'État aux collectivités – je vous remercie, monsieur le rapporteur général, de l'avoir rappelé –, et en particulier les dotations de droit commun, DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux), DSIL (dotation de soutien à l'investissement local), DSID (dotation de soutien à l'investissement des départements), DPV (dotation politique de la ville), toutes dotations profondément ancrées dans les territoires.
Le fonds vert diminue, certes ; mais, s'il avait été doté de 2,5 milliards d'euros en loi de finances pour 2024, il a fait l'objet, dès le début de l'exercice budgétaire en cours, d'un gel à hauteur de 2 milliards d'euros, sachant qu'au titre de l'exercice 2023 le montant des crédits consommés dans le cadre de ce dispositif s'élevait à 1,7 milliard d'euros. Comparaison n'est jamais raison, sans doute, mais, en l'espèce, le milliard d'euros inscrit en autorisations d'engagement pour 2025 doit être mis en regard des 1,7 milliard d'euros effectivement consommé en 2023.
Le maintien des dotations est un gage de la volonté du Gouvernement de poursuivre son soutien aux collectivités, en matière de transition écologique notamment. Je rappelle à cet égard que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a mis en avant deux dettes d'égale importance, la dette économique et la dette écologique. Il est donc assez logique de tourner prioritairement les investissements vers les sujets qui ont trait à l'environnement.
Faut-il ne prendre aucune mesure nouvelle ? Derechef, cela est évidemment impossible. Le projet de loi de finances déposé par le Gouvernement a été établi dans des circonstances exceptionnelles que je ne rappelle pas, mais qui nécessitent qu'ensemble nous débattions de toutes les mesures qui y sont contenues.
Dans ce contexte, le Gouvernement a pris trois engagements.
Premièrement, monsieur le rapporteur général, nous ne touchons pas au montant de la DGF. J'entends votre appel à travailler sur cette dotation dans une perspective de long terme ; précisément, nous vous proposerons un tel exercice, avec le ministre des comptes publics, dès le début de l'année 2026 : il s'agira notamment de retravailler les critères de répartition de la DGF.
Deuxièmement, s'agissant d'un budget perfectible, nous restons plus que jamais ouverts à la discussion, prêts à échanger, avec le Sénat comme avec l'Assemblée nationale, sur l'ensemble des propositions que nous mettons sur la table, et notamment sur la création d'un fonds de précaution abondé via un prélèvement sur les recettes des plus grandes collectivités, c'est-à-dire, plus exactement, des 450 collectivités dont la capacité contributive est la plus élevée. Nous faisons évidemment preuve, en la matière, de la plus grande vigilance : il est prévu d'exonérer de cet effort les collectivités dont les indicateurs de fragilité, tels que mesurés dans le cadre de dispositifs comme la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), sont les plus dégradés.
Troisièmement, nous proposons de reconduire en 2025 à leur niveau de 2024 les fractions de TVA versées aux collectivités ; nous retardons donc d'une année la prise en compte de la dynamique fiscale. Et nous ajustons les conditions d'attribution du FCTVA, ce qui représente un effort de 800 millions d'euros par rapport à l'évolution tendancielle ; sur cette mesure aussi, nous sommes tout à fait prêts à travailler avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
J'ai noté, monsieur le rapporteur général, votre commentaire sur la situation des départements. Elle est particulièrement sensible, car ces collectivités subissent un effet ciseaux entre la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et la hausse des allocations individuelles de solidarité. Or, je le rappelle, les départements se contentent de verser ces allocations, sans exercer aucune compétence, donc aucune responsabilité, pour ce qui est de leurs règles d'attribution et de calcul. J'ai pleinement conscience qu'il nous faut trouver des solutions et – j'ose le mot – des correctifs pour cet échelon, qui est celui des solidarités. Il ne peut en effet accomplir ses missions de façon satisfaisante avec des recettes aussi rigides au regard de ses dépenses.
Je n'oublie pas le bloc communal, dont j'entends la forte revendication d'accroissement de son autonomie fiscale. C'est cet échelon qui supporte le financement des services publics locaux. C'est pourquoi – vous m'avez déjà entendu le dire – je souhaite engager sur ce sujet un travail de réflexion, en m'appuyant notamment sur des rapports déjà commis par le Sénat, étant entendu que le Gouvernement n'envisage pas de rétablir la taxe d'habitation.
Il s'agira de se pencher sur la meilleure façon pour chaque citoyen de contribuer à la vie des collectivités dont il est l'usager. Rien n'est gratuit : il y a toujours quelqu'un qui paie. Ce débat, nous devons l'avoir ; c'est en ce sens que s'engage le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. le rapporteur général de la commission des finances, M. Marc Laménie et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente, et aura la faculté de répondre à la réplique pendant une minute ; l'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après cinquante années de records battus en matière de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires, le Gouvernement doit dans l'urgence boucler un budget pour 2025 en demandant à tous les acteurs, citoyens, entreprises, État et collectivités, de participer au rétablissement des finances publiques.
Le groupe Les Indépendants veille attentivement au respect, dans ce budget d'urgence, de deux impératifs : que l'effort soit justement réparti ; que la croissance ne soit pas cassée par des décisions qui auraient un effet récessif sur notre économie.
Dans le schéma ainsi retenu, les collectivités participent elles aussi à l'effort de redressement des finances publiques, et nous vous appelons, madame la ministre, à dialoguer avec leurs représentants, au nombre desquels nous comptons. Or elles vous font savoir, par notre intermédiaire, que le resserrement de l'assiette et la réduction du taux du fonds de compensation pour la TVA, celui-ci passant de 16,4% à 14,85%, font craindre le pire pour nos territoires.
En effet, le FCTVA permet à nos collectivités d'être partiellement remboursées de la TVA que l'État perçoit sur leurs dépenses d'investissement. La révision du FCTVA va donc nécessairement conduire à une diminution de ces dépenses, qui sont pourtant vitales pour l'économie locale, qu'elles irriguent, et pour notre avenir.
Dans ces conditions, madame la ministre, comment s'assurer que le resserrement du FCTVA et la réduction de son taux ne provoqueront pas de récession dans les économies de nos territoires ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Laménie, je partage complètement les préoccupations que vous avez mises en avant, car, vous le savez, derrière la ministre, il y a évidemment une élue locale.
La réduction du taux du FCTVA peut bien sûr paraître injuste : les élus ont construit leurs budgets sur la base d'un état prévisionnel des recettes, et je mesure parfaitement la situation de collectivités qui pourraient avoir souscrit, pour financer leurs projets dans l'attente du versement du fonds, un prêt relais qu'elles devaient par définition pouvoir rembourser une fois la dotation récupérée.
C'est la raison pour laquelle nous étudierons les éventuels amendements relatifs à cette mesure de taux et notamment à sa rétroactivité. Je suis attachée au moins autant à la réduction du taux qu'à la rétroactivité de la mesure ; mon souci permanent est de ne pas sacrifier l'investissement local, relais de croissance, mais de faire en sorte qu'en même temps, au bas de la page, le total fasse bien 5 milliards d'euros d'effort budgétaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.
M. Marc Laménie. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais je dois vous dire notre inquiétude.
Lorsque la situation budgétaire d'un pays se tend, comme c'est le cas pour la France actuellement, celui-ci doit en premier lieu moduler ses dépenses de fonctionnement et ne rogner ses dépenses d'investissement qu'en dernier lieu.
Les dépenses d'investissement de nos collectivités sont précisément celles qui permettent de financer la transition écologique de nos territoires, mais aussi l'entretien et la construction de nos routes, de nos écoles et de nos infrastructures.
En sacrifiant les dépenses d'avenir, nous risquons de créer des récessions économiques dans nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. La fragilisation de la situation financière des collectivités territoriales s'accélère. Elle était engagée en 2023, s'accroît en 2024 et va provoquer une augmentation significative du nombre de collectivités dont l'épargne est négative en 2025 – et je ne pense pas seulement aux départements, bien qu'ils soient les plus affectés.
Je ne m'étendrai pas davantage sur les constats. Le temps des procès d'intention est révolu et il importe désormais de trouver des solutions partagées et bornées dans le temps.
Pour ce faire, la question centrale à laquelle nous devons collectivement répondre, et que je vous pose, madame la ministre, est celle de la capacité d'épargne des collectivités et de la limitation de leurs besoins de financement. Or le PLF présenté par le Gouvernement ne me semble pas répondre à l'équation qui nous est soumise à cet égard.
La ponction prévue sur les recettes réelles de fonctionnement ne garantit en rien la limitation du besoin de financement des collectivités territoriales, surtout en dernière année de mandat municipal, alors que les " coups partis ", en investissement, sont nombreux. Ne vaudrait-il pas mieux encourager les collectivités à consentir, en fonctionnement, des efforts de gestion ? Ainsi dégageraient-elles de l'épargne qu'elles pourraient investir plutôt que de la rendre à l'État.
On pourrait imaginer au moins deux scénarios, possiblement cumulatifs, en tout cas non exclusifs, répondant à cet enjeu tout en préservant l'objectif de réduction de la dépense publique.
D'une part, en lieu et place d'un fonds organisé au niveau de l'État, on pourrait envisager la mise en réserve dans le budget de chaque collectivité de 1,2% du volume des dépenses, pour un total de 3,8 milliards d'euros, soit le montant cumulé de la réduction du FCTVA et du prélèvement effectué pour alimenter le fonds de précaution.
D'autre part, je plaide pour un encadrement de la capacité de désendettement des collectivités, donc de leur besoin de financement, l'idée étant de s'inscrire dans une nouvelle approche, celle d'un véritable " contrat de responsabilité " que le Premier ministre a appelé à bâtir.
Madame la ministre, que pensez-vous de ces pistes ?
M. Laurent Somon. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Sautarel, vous avez raison, l'objectif est bien de réduire le déficit budgétaire de la France, qui naît d'une progression des dépenses plus rapide que celle des recettes. Incontestablement, il s'agit de limiter la dépense publique, les dépenses de fonctionnement étant évidemment les plus concernées, davantage encore que les dépenses d'investissement.
J'ai bien conscience que, par nature, réduire les dépenses contraint à faire des choix. En fait de choix, je ne peux qu'encourager celui de réduire les dépenses de fonctionnement pour conserver aux collectivités leur capacité d'investissement, d'autant que l'État maintient ses dotations d'investissement à un niveau élevé. Je vous rejoins, monsieur le sénateur, sur la nécessité d'une bonne gestion : nous devons nous inscrire dans une logique vertueuse. Il ne s'agit pas simplement d'arrêter de creuser le déficit ni même de le réduire : il faut aller plus loin.
La dette n'est pas forcément signe de mauvaise gestion, notamment quand elle est liée à de l'investissement. Nous devons donc impérativement mener ensemble une réflexion sur ce sujet. Pour ce qui est de l'actuel projet de budget, vous savez dans quels délais contraints nous avons travaillé ; mais vos propositions méritent vraiment d'être approfondies.
La mise en réserve que vous évoquez est au fond une réponse au fonds de précaution que nous proposons. Tout le problème est de faire en sorte que ce fonds soit spécifiquement fléché vers les communes qui participent le plus à l'effort au lieu de servir à une quelconque péréquation.
Nous avons commencé à travailler sur le sujet de l'utilisation de ces sommes gelées, qui ont vocation à rester pour l'essentiel à la main de ceux qui ont contribué. Là est probablement l'une des principales évolutions à retenir par rapport à la copie initiale du Gouvernement, et je vous propose que nous poursuivions cette réflexion dans le cadre de l'examen du PLF pour 2025.
Votre deuxième proposition mérite tout autant notre attention, mais exige un travail commun plus important auquel je suis tout à fait prête à participer, avec vous et avec le ministre des comptes publics.
M. Hervé Reynaud. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre, mais on gagnerait la confiance des collectivités en gelant la dotation au sein de leurs budgets au lieu de faire remonter la mise en réserve au niveau de l'État. On a su procéder ainsi avec les surplus de DMTO des départements : techniquement, c'est tout à fait possible. Une telle méthode offrirait aux collectivités davantage de garanties sans préjuger en rien des péréquations qui pourraient être mobilisées par ailleurs.
M. Hervé Reynaud. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les dépenses des collectivités territoriales augmentent, en raison notamment de leurs coûts de fonctionnement, d'investissements croissants et des nouvelles responsabilités qui leur incombent.
À l'occasion de ce débat, j'appelle votre attention sur une question cruciale pour l'avenir financier de nos départements, à savoir la nécessité d'une augmentation temporaire des droits de mutation à titre onéreux, ces fameux DMTO dont on parle tant.
Les DMTO, qui sont des taxes perçues lors de la vente de biens immobiliers, constituent, avec la TVA, l'une des principales sources de revenus des départements, permettant de financer nombre de services publics et d'infrastructures.
Je prendrai l'exemple du département que je représente : pour 2024, les recettes inscrites au budget du département de l'Isère, après révision en budget supplémentaire, s'élèvent à 177 millions d'euros, quand le montant enregistré dans le compte administratif de 2023 était de 227 millions d'euros.
Force est donc de constater, pour le seul département de l'Isère, une baisse de 50 millions d'euros entre 2023 et 2024. Cette baisse s'explique en grande partie par la contraction des recettes de DMTO, estimée à 19,6 % par la Cour des comptes. Cette diminution significative met en lumière le rôle crucial des DMTO dans la santé de nos finances départementales.
Or chacun ici a conscience des enjeux financiers que vont devoir affronter les collectivités dans les années à venir. L'augmentation constante du besoin de financement lié au versement des allocations individuelles de solidarité, et notamment du revenu de solidarité active, en fournit un exemple éloquent. De telles dépenses sont indispensables pour soutenir nos concitoyens les plus vulnérables, mais elles exercent une pression significative, parfois insupportable, sur les budgets.
Alors que quatorze départements sont d'ores et déjà considérés comme étant « en grande difficulté » en 2024, agissons dès à présent pour les aider à redresser leurs finances.
En relevant le taux des DMTO pour une période limitée, nous pourrions stabiliser nos finances et réfléchir à une solution plus pérenne qui ne risquerait pas d'affecter la demande sur le marché immobilier.
Madame la ministre, que pensez-vous d'une telle mesure ? Quelles seraient selon vous les conditions idéales d'application d'un tel relèvement temporaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Rambaud, la baisse des DMTO perçus par les départements est un fait constaté sur l'ensemble du territoire.
Je partage une grande part de vos propos. Néanmoins, avant d'aller plus loin, j'émettrai un bémol : je suis très consciente de l'importance des DMTO dans les départements de la montagne comme le vôtre, du littoral et de l'Île-de-France, mais je ne suis pas certaine que l'impact des DMTO soit le même dans le département des Ardennes de M. Laménie, qui s'est exprimé il y a quelques minutes. (M. Didier Rambaud en convient. – M. le rapporteur général le confirme.)
Sur la question des DMTO, nous devons avancer ensemble, conformément à la demande de nombreux présidents de département. In fine, ce sera également un élément d'autonomie, car il reviendra au président de l'exécutif et à sa majorité de décider d'augmenter ou non les DMTO.
De combien cette hausse sera-t-elle ? Aura-t-elle un impact sur le logement ? Il importe de bien avoir en tête deux éléments.
Premièrement, les DMTO concernent essentiellement l'ancien. Leur hausse n'aurait donc pas de conséquence sur le logement social tel qu'on le connaît. C'est un point important du débat qu'il convient de mettre en avant.
Deuxièmement, le taux d'imposition doit-il passer de 4,5% à 5% ou à 5,5% ? Voilà la question.
Quoi qu'il en soit, sur le principe, c'est incontestablement l'un des sujets sur lesquels le Gouvernement souhaite réfléchir et travailler avec vous dans le cadre du débat à venir.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Madame la ministre, nous partageons, vous et moi, deux idées communes : réduire les déficits – il est urgent d'agir – et rendre plus efficiente la dépense publique.
Néanmoins, le projet de loi de finances pour 2025 me laisse sur ma faim en la matière. Comment se satisfaire d'une simple fusion de Business France et d'Atout France quand il existe encore 400 opérateurs qui représentent à eux tous un budget de 91 milliards d'euros, mais surtout 30 milliards d'euros en frais de fonctionnement ?
Pourquoi aborder ce sujet à l'occasion d'un débat sur la situation des finances publiques locales ? La réponse est simple : il faut trouver de nouveaux moyens pour soutenir nos élus locaux dans le financement de leurs investissements indispensables et de leurs services publics.
À mon sens, la suppression d'opérateurs pourrait être l'une des solutions. Loin de moi l'idée de faire table rase des opérateurs : certains d'entre eux ont prouvé leur efficacité.
En revanche, l'existence d'autres opérateurs est questionnable, pour ne pas dire ubuesque. Comment peut-on porter un discours crédible sur l'efficience des dépenses publiques alors que l'État ne conserve pas moins de cinq opérateurs dans le champ de l'aménagement du territoire – l'Agence nationale de l'habitat (Anah), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ?
Georges Clemenceau, illustre personnage de cette maison et de notre groupe, disait : " Pour prendre une décision, il faut être un nombre impair de personnes, et trois c'est déjà trop. " Imaginez donc à cinq le bazar que ça crée, surtout pour nos élus locaux ! (Sourires.)
Madame la ministre, cela m'amène à vous poser cette question : au nom du bon sens, ne faudrait-il pas envisager la suppression d'opérateurs dont l'utilité n'est pas démontrée et rediriger les budgets ainsi dégagés vers les collectivités territoriales, en économisant les frais de fonctionnement ?
Ne me répondez pas qu'une loi sera examinée au printemps prochain, car vous le savez mieux que moi, madame la ministre : il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale et l'année prochaine nous serons exactement dans la même situation ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, le Premier ministre s'est exprimé sur le sujet : nous avons effectivement un inventaire à faire. Quand je dis " nous ", je veux parler de chacun des ministres dans le champ de leurs responsabilités. Cet inventaire doit porter sur les agences au regard du rapport coût-efficacité, car c'est bien là le sens de votre question.
Il faudra envisager soit de supprimer certaines agences, soit de mutualiser leurs missions – les suppressions n'étant pas forcément systématiques et des regroupements pouvant être mis en avant. Les cinq agences ou établissements que vous avez cités, à savoir l'Anah, l'Anru, l'ANCT, l'Ademe et le Cerema, ont tous pour objectif l'aménagement du territoire. Ils ont donc des éléments communs. C'est notamment le cas de l'ingénierie. Cette dernière est-elle réalisée par la communauté de communes ou par l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) en tant que tel ? Est-elle réalisée par une ou plusieurs de ces agences ? Si oui, combien ça coûte et comment ça fonctionne ? Voilà peut-être une des clés d'entrée.
En tout état de cause, nous n'avons pas toujours besoin d'une loi. Certes, ce qu'une loi a fait, seule une loi peut le défaire. Mais – pardon de le dire devant des parlementaires – nous pouvons aussi agir par voie réglementaire. Si j'ai bien compris vos propos, c'est dans ce sens que vous m'invitez à travailler afin d'éviter que le Gouvernement échoue à faire voter une loi.
Vous m'appelez à une prise de responsabilité, mais soyons clairs : ne venez pas ensuite nous reprocher d'avoir agi par voie réglementaire !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Madame la ministre, dans son rapport, le Gouvernement fait le constat " d'un bloc communal dans une situation favorable ", notamment du fait « d'une épargne brute qui augmente de 9,2% entre 2022 et 2023 ». Mais, attention, nous savons bien que derrière cette moyenne se cachent de grandes disparités.
Comment pourrait-on juger de la situation financière du bloc communal en englobant indistinctement le taux d'épargne des grandes métropoles et celui des petites communes ?
Si je prends deux indicateurs objectifs de richesse des territoires, le potentiel fiscal et le revenu imposable moyen par habitant, les écarts sont considérables : ils varient du simple au double, voire davantage. Ces écarts nous obligent, me semble-t-il, à un traitement différencié devant respecter un principe intangible de justice territoriale !
Or, madame la ministre, parmi les mesures que propose le Gouvernement pour la contribution des collectivités au redressement des comptes publics de la Nation, il y en a une qui me semble particulièrement injuste : la réduction de 2 points du FCTVA, soit une baisse de 10% !
Cette diminution de recettes toucherait indistinctement toutes les collectivités sans exception et sans distinction de catégorie, de strate démographique ou de richesse.
De plus, cette mesure générale réduirait directement la capacité d'investissement des collectivités dans les territoires alors que ces investissements jouent un rôle essentiel dans le soutien aux entreprises locales et à l'emploi.
Madame la ministre, pourriez-vous reconsidérer cette réduction de 2 points du FCTVA et concentrer les efforts sur des mesures plus justes ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Justes territorialement ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Delcros, vous souhaitez tout d'abord que nous ayons une lecture la plus équilibrée possible. Très concrètement, c'est la raison pour laquelle nous avons souhaité travailler avec tous types de collectivités – régions, départements, EPCI, communes – dont le budget est supérieur à 40 millions d'euros, ce qui exclut une partie de la ruralité de cette ponction de 2% – il s'agit d'un élément non négligeable.
Par ailleurs, nous prenons systématiquement en compte les critères de fragilité, à savoir, d'un côté, le fait de percevoir la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et, de l'autre, celui d'être bénéficiaire du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le Fpic. Ces critères ne répondent pas à tout, mais ils sont lisibles pour chacun.
Sur le point spécifique de la TVA, je suis parfaitement consciente du problème posé par la rétroactivité de la mesure. Il me semble difficile de dire à des élus deux ans après : vous avez présenté un plan de financement que l'on ne peut pas assumer, car les finances publiques sont en situation de redressement.
Globalement, pour l'ensemble des collectivités, la dépense s'élève à 800 millions d'euros. Il faudra donc débattre pour essayer de trouver une solution. Je reste ouverte à vos propositions. Je suis consciente du risque récessif, notamment vis-à-vis des petites et moyennes entreprises dans des zones rurales. Toutes les collectivités sont concernées, et nous devrons donc travailler ensemble.
C'est tout le sens de l'échange et du partenariat qui doit s'instaurer entre le Sénat et le Gouvernement, mais il importera de trouver un moyen de compenser ces 800 millions.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.
M. Bernard Delcros. Merci, madame la ministre, de l'esprit d'ouverture dont vous faites preuve. Cette mesure doit être abandonnée. Nous sommes prêts, au Sénat, à travailler avec vous afin de trouver une solution plus ciblée qui respecterait votre objectif de réduction de 800 millions d'euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Depuis plusieurs semaines, les collectivités territoriales sont rendues responsables du déficit public. Rappelons que depuis 1995 le poids des collectivités territoriales dans la dette publique est resté stable aux alentours de 9 %, alors que le poids de la dette de l'État sur cette même période a plus que doublé.
Dans le même temps, et non sans paradoxe, le Gouvernement s'évertue à imposer des coûts supplémentaires aux collectivités pour réduire le déficit qu'elles auraient creusé.
Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit pour résorber le déficit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) une augmentation pluriannuelle, de 2025 à 2027, des cotisations des employeurs publics sans en préciser les contours, sauf pour 2025 où l'augmentation de 4 points est clairement annoncée. Qu'en sera-t-il pour 2026 et 2027 ?
Si l'on en croit le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), sur lequel s'appuie cette mesure, le déficit cumulé de la CNRACL à l'horizon de 2030 est de 60 milliards d'euros. L'évolution des points CNRACL pour le résorber est estimée, quant à elle, à +13,48 sur cette même période.
Pourriez-vous, madame la ministre, apporter une réponse éclairée à tous les employeurs publics ? Doit-on s'attendre à une augmentation globale de 13,48 points sur trois ans, ce qui serait une projection insurmontable pour nos services publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Simon Uzenat applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, la CNRACL est effectivement dans une situation difficile : 1,6 million de pensionnés – 57% d'agents territoriaux et 43% d'agents hospitaliers – ; 26,1 milliards d'euros de prestations versées ; 2,2 millions de cotisants – 63% des cotisants sont des agents territoriaux et 37% des agents hospitaliers, ce qui est éclairant sur le rapport entre les cotisants et les bénéficiaires – ; 41 600 employeurs ; 23,4 milliards d'euros de cotisations perçues. Je m'arrête là, mais je souhaitais que chacun mesure bien la réalité des chiffres.
Ce régime spécial de sécurité sociale assure les risques vieillesse et invalidité de 2,2 millions d'agents titulaires des fonctions publiques territoriale et hospitalière. Les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR) prévoient des déficits annuels de l'ordre de 10 milliards en 2030 si aucune mesure visant à équilibrer le régime n'est prise.
J'assume d'autant mieux la décision du Gouvernement que c'est moi qui avais diligenté, à l'époque, en tant que ministre de la santé, une mission inter-inspections pour mesurer la trajectoire de retour à l'équilibre du régime. Il y va de notre responsabilité vis-à-vis des pensionnés. L'idée est maintenant de diversifier les ressources de ce régime pour apporter une réponse concrète.
La CNRACL est une caisse qui a fortement contribué, et contribue encore, à l'équilibre d'autres régimes au travers du mécanisme de la compensation démographique. C'est pourquoi j'ai demandé que les mesures visant à élargir la base cotisante pour financer des avantages non contributifs de la branche solidarité vieillesse et de la branche famille soient accompagnées.
Nous proposons donc que la hausse du taux de cotisation soit lissée dans le temps afin de ne pas mettre en difficulté la CNRACL. Les charges employeur n'augmenteront pas de façon trop importante. Pour rétablir les comptes, il aurait fallu une hausse de 30%, ce qui aurait été insupportable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour la réplique.
M. Pierre Barros. Vous confirmez donc la trajectoire de 13,48 points sur la période ? (Mme la ministre opine.)
C'est une information extrêmement douloureuse, d'autant que la CNRACL est structurellement excédentaire depuis la création du corps des fonctionnaires des collectivités territoriales dans les années 1980. Cette caisse a beaucoup contribué à l'effort. Il est intolérable que les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers soient les victimes d'une réforme des retraites qui ne produira malheureusement pas les effets attendus. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. Ce n'est pas le sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Madame la ministre, depuis 2017, les collectivités territoriales font face à une politique de sabotage de leur autonomie fiscale avec la suppression de la taxe d'habitation, d'une partie de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), d'une part importante de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Les leviers supprimés ont été nombreux, déconnectant au passage les ressources fiscales locales des dynamiques de territoire. Ajoutons que les compensations pèsent désormais sur le budget de l'État, donc sur notre dette.
Avec le changement de gouvernement et la nomination de plusieurs membres de la majorité sénatoriale, on aurait pu espérer sinon des moyens nouveaux dynamiques pour les collectivités, du moins la préservation de leurs ressources. C'est tout le contraire qui s'est produit.
Le Gouvernement demande 5 milliards d'euros d'efforts aux collectivités. Mais entre la suppression des crédits pour le fonds vert, l'augmentation des cotisations sur la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, et j'en passe, l'addition serait plutôt aux alentours de 11 milliards d'euros selon l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF).
Hier, un courrier du président Les Républicains du département du Rhône nous alertait en ces termes : " Nous sommes à l'aube d'un effondrement financier des départements. "
Pourtant, les collectivités locales sont un pilier indispensable de l'investissement public puisqu'elles en assurent près de 70%. Or nous allons avoir besoin d'investissement, notamment en matière de transition énergétique. Il faudra mobiliser en moyenne 11 milliards d'euros par an jusqu'en 2030. Pour l'adaptation climatique, l'effort devrait être de 2,3 milliards d'euros par an.
Ce projet de loi de finances va donc à rebours de nos engagements climatiques en privant les collectivités de ressources pour résoudre l'endettement de l'État. Cela risque de nous coûter bien cher pour l'avenir.
Le projet de loi de finances arrivant bientôt au Sénat et son destin étant dans la main de la majorité sénatoriale, cette question pourrait aussi lui être adressée : allez-vous renoncer à l'effort que vous demandez à nos collectivités en 2025 ou au moins le corriger ? Dans quelle proportion envisagez-vous de le faire ? Ne craignez-vous pas un effet récessif pour nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous revenez dans vos propos sur la CNRACL, ce qui me permet d'achever mes explications.
Cette caisse est confrontée à la grande difficulté de l'augmentation du nombre de contractuels dans les collectivités et à la diminution du nombre d'agents, ce qui entraînera un effet de ciseau. Comme vous le savez, les contractuels cotisent à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) alors que les agents cotisent, eux, à la CNRACL. C'est l'un des éléments qui nous interpelle et qui nécessite une mobilisation.
En ce qui concerne la suppression de la taxe d'habitation, je me permets de vous rappeler, monsieur le sénateur, mais vous le savez, que nous étions arrivés dans certains territoires à des contractions telles que seulement 30% ou 40% des habitants étaient redevables de cette taxe. Les autres étaient exonérés à des titres divers, ce qui n'était pas satisfaisant. Comme je l'ai souligné précédemment, il importe d'ouvrir un débat sur cette question.
Vous avez également évoqué les départements. Vous avez compris combien le Gouvernement souhaite travailler avec vous pour trouver des réponses en ce qui les concerne.
Enfin, sur l'enjeu climatique, j'ai rappelé tout à l'heure que les crédits du fonds vert s'élevaient à 1,7 milliard pour l'exercice 2023. Aujourd'hui, nous sommes à 1 milliard. Par ailleurs, la dotation de soutien à l'investissement local, la DSIL, et la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DETR, accompagnent de plus en plus les investissements des collectivités sur les projets liés au changement climatique. Il faudra probablement s'interroger concernant les budgets à venir.
M. le rapporteur général évoquait les crédits de l'État à destination des collectivités. Rien n'empêche de flécher davantage ces crédits vers ce type d'investissement pour régler la dette climatique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Après des mois de mise en cause infondée des collectivités locales dans la dérive des finances publiques, communes, intercommunalités, régions et départements sont sommés de contribuer à la réduction d'un déficit qu'ils n'ont pas creusé.
L'équilibre budgétaire des départements est préoccupant. Ils subissent déjà un effet de ciseau marqué. La perte de leur levier fiscal, la baisse des DMTO et les transferts de charges – très largement sous-compensés – les poussent droit dans le mur.
Quatorze départements sont d'ores et déjà éligibles au fonds de sauvegarde pour 2024. Combien le seront-ils en 2025 après contribution ?
Alors que leurs dépenses sociales sont en hausse et ne sont pas pilotables, le fonds de précaution prévu par le projet de loi de finances pour 2025 fait des départements les plus gros contributeurs, alors même que l'État est déjà débiteur de 12 milliards d'euros auprès d'eux sur les allocations individuelles de solidarité (AIS).
L'affaiblissement des finances des départements, conjugué aux mesures austéritaires de ce budget, conduira à une chute de l'investissement public local et à la fin du soutien porté aux projets des territoires dont les entreprises, les associations et les habitants seront les victimes.
En 2024, selon les projections de l'Assemblée des départements de France (ADF), quatre départements affichent un déficit de fonctionnement. Ce nombre passerait à vingt-neuf en 2025 et à une cinquantaine en 2027.
Madame la ministre, à ce compte-là, voulez-vous voir disparaître nos départements ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Madame la sénatrice, non, le Gouvernement ne souhaite pas voir disparaître les départements ! C'est bien la raison pour laquelle nous travaillons à vos côtés sur différents sujets.
Tout d'abord, nous avons mis en place l'année dernière dans le budget pour 2024 le " G24 " : 150 millions d'euros, dont la répartition a été laissée à la main de l'Assemblée des départements de France. Il avait été proposé que ce montant soit fléché vers les départements les plus en difficulté ; c'est l'ensemble du bureau de l'ADF qui a fait le choix de sa répartition.
Par ailleurs, l'actuel projet de loi de finances prévoit d'exclure vingt départements, compte tenu de leur situation particulière, du prélèvement de 2 % décidé pour participer au redressement des finances publiques.
De surcroît, nous conduisons une réflexion autour de l'alimentation d'un fonds de sauvegarde.
Enfin, je me suis exprimée tout à l'heure en répondant à l'un de vos collègues au sujet des DMTO.
Très concrètement, le Gouvernement est sensible à cette spécificité départementale liée aux aides individuelles de solidarité. Ce sont des aides sur lesquelles les départements " n'ont pas la main ", même s'ils en assument le versement. Le traitement sera spécifique, par opposition à ce qui se passe pour les régions, les communes ou les EPCI.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Briquet. Madame la ministre, il est heureux d'entendre que le Gouvernement souhaite prendre en compte de la spécificité des départements.
Les départements ne sont pas des chiffres sur un tableau. Jouant un rôle essentiel auprès de nos concitoyens, ils doivent bénéficier de ressources stables pour soutenir l'économie locale, renforcer le lien social et accompagner le développement de nos territoires ruraux comme urbains.
Ma conviction est qu'il faut donner tout son sens au partenariat " État-collectivités " – je sais que vous y êtes sensible. Cela ne passe ni par des contrats de Cahors ou d'ailleurs, ni par des pactes de confiance, ni par un fonds de précaution, qui n'ont fait l'objet d'aucune concertation en amont avec les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. À la lecture de ce rapport, une conclusion s'impose : il faut sortir la tronçonneuse à l'encontre du millefeuille administratif et de la fonctionnarisation massive. Les chiffres sont là : entre 2003 et 2023, les dépenses de personnel des administrations publiques locales ont quasiment doublé, passant de 47,4 milliards par an à 92,6 milliards.
Au fil du temps, ni la fusion des régions ni la création des métropoles ou EPCI n'ont permis d'endiguer le phénomène de la hausse des dépenses de fonctionnement et de renforcer l'efficacité des politiques publiques. Ces réformes n'ont fait que multiplier l'addiction et surcharger l'addition. Résultat, on observe que les dépenses des administrations publiques locales évoluent plus rapidement que les dépenses publiques des autres administrations et que le PIB lui-même.
L'objectif de maîtrise des dépenses de fonctionnement fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a été dépassé en 2023 : 5,7% au lieu des 4,8% prévus, soit 1,4 milliard d'euros supplémentaires. Ce dépassement est supérieur à l'inflation.
Clemenceau disait : " La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts. " J'ajouterai que le meilleur engrais est notre capacité à créer surabondamment de la norme !
La " fonction " publique est nécessaire, mais elle ne doit pas devenir la " ponction " publique.
Il nous faut plus de fonctionnaires territoriaux d'action, mais moins de fonctionnaires d'administrations.
Il faut plus de fonctionnaires opérationnels, visibles, au contact du public comme nos pompiers ou policiers municipaux, plus de fonctionnaires au service du pays, moins de fonctionnaires au service de l'État.
La responsabilité de ce cercle vicieux n'est pas le fait des élus locaux, qui ne font que répercuter les impulsions parisiennes.
Madame la ministre, quelles sont vos propositions structurelles pour endiguer l'emballement des dépenses des administrations publiques locales, tout en retrouvant l'efficacité et en réinsufflant ainsi du consentement à l'impôt ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Ravier, on constate effectivement une augmentation des dépenses de personnel.
J'entends l'hommage que vous rendez aux pompiers et aux policiers, mais permettez-moi d'y associer également tous les personnels qui s'occupent de nos enfants dans les écoles et qui relèvent des collectivités territoriales.
Lors de la dernière séance de questions d'actualité au Gouvernement, une question a d'ailleurs été posée sur l'accompagnement des enfants en situation de handicap pendant la pause méridienne. Il y a été rappelé qu'un texte avait été voté à l'unanimité par votre assemblée. Tout cela nécessité évidemment du personnel, mais personne ne le regrette.
Ce qu'il faut, c'est du personnel au bon endroit, et savoir qui le paie. Cela ouvre un autre débat, celui de la gratuité. Rien n'est gratuit et quelqu'un doit assumer les coûts de certaines politiques. C'est une manière de répondre à la question que vous avez posée sur le consentement à l'impôt. Quel service voulons-nous et combien sommes-nous prêts à payer pour ce type de service ? C'est un point tout à fait important.
L'autre constat objectif auquel nous sommes confrontés est le vieillissement de la population. Les Français veulent vieillir à domicile. Comment organiser cela ? Cette politique a aussi un coût. En 2030, notre pays compte plus de Français de plus de 65 ans que de Français de moins de 15 ans. Cela nécessitera une organisation qui ne sera pas gratuite non plus.
Par ailleurs, tout le monde veut davantage de services. L'apport de France Services, dont une agence se trouve à vingt minutes de chaque Français, fait d'ailleurs l'unanimité. Or son fonctionnement représente concrètement un budget de 65 millions d'euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, ce volumineux rapport, objet de notre débat, illustre, à lui seul, l'état des relations entre l'État et les collectivités. À l'approche du Congrès des maires, une lecture attentive de cet ouvrage permet de mesurer parfaitement le profond décalage existant entre la théorie et la pratique, entre le verbe et la réalité.
S'agissant de la théorie, elle est, comme à l'accoutumée, savamment et adroitement présentée. Et encore, je suis diplomate, car les scandaleuses et mensongères allégations des ministres précédents sur la prétendue responsabilité des collectivités dans le déficit public m'amèneraient à être beaucoup plus cru dans mon expression…
Quant au verbe, il s'agit du sempiternel sabir technocratique, triste maquillage d'une réalité devenue malheureusement brutale pour nos collectivités.
La réalité et la pratique sont tout autres, madame la ministre !
Le triste constat c'est que d'une liberté constitutionnelle, pensée et conçue pour garantir la libre administration des collectivités, l'autonomie financière est devenue une coquille vide dépourvue de tout effet utile pour nos collectivités.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet. Le triste constat, c'est qu'en vingt ans le modèle de décentralisation à la française a perdu de sa pertinence face à un double mouvement opéré par l'État consistant à recentraliser le fonctionnement des collectivités locales tout en accroissant, en même temps, les charges pesant sur elles.
Dans ce contexte, réconcilier le pouvoir central et le pouvoir local serait une œuvre historique pour la France. C'est même devenu – je le crois sincèrement – un véritable enjeu de démocratie. Y êtes-vous prête, madame la ministre ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Je vous remercie pour ce propos, monsieur le sénateur, qui porte au fond sur l'organisation globale de notre pays. Vous avez raison de nous replonger dans l'histoire de la décentralisation depuis 1982, parce qu'en fait la France n'a pas évolué sur ce sujet. Elle a choisi – sciemment ou non ? – une autre voie.
Cela rejoint la question déjà évoquée tout à l'heure de la gentrification, mais aussi celle des relations entre l'État et les collectivités locales : l'État joue-t-il un rôle de tutelle ou est-il un partenaire pour les collectivités ?
Le Premier ministre et le Président de la République ont répondu à cette question, en choisissant de créer un ministère du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Renouer les fils de ce partenariat est donc le sens de mon engagement au sein de ce gouvernement.
C'est pourquoi j'ai pris, malgré le contexte budgétaire que vous connaissez et des délais constitutionnels contraints, des engagements. Ce que nous avons proposé n'est pas un solde de tout compte et je mesure la nécessité d'ouvrir un travail commun avec les parlementaires et les associations d'élus – j'en ai parlé dans mon propos liminaire.
Beaucoup d'entre nous ont été élus locaux dans une vie antérieure et se sont même parfois investis dans des associations d'élus. C'est pourquoi je mesure l'importance des rapports qui ont déjà été réalisés sur toutes ces questions. Ces rapports ne doivent pas rester sur des étagères ; l'heure est venue de passer aux actes !
Je ne prends qu'un seul exemple : les normes. Laurent Saint-Martin et moi-même avons demandé à Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières et président de la communauté d'agglomération Ardenne Métropole, de travailler à nos côtés sur ce sujet pour avancer tout de suite.
Vous le voyez, en parallèle du travail sur le budget, nous avançons des réponses concrètes et tout cela a vocation à aller de concert.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, je connais l'engagement du Premier ministre et votre sincérité, mais tout cela n'apparaît pas vraiment dans le projet de loi de finances tel qu'il a été déposé…
C'est pourquoi la commission des finances du Sénat va se charger de vous faire des propositions ! (Sourires.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. Avec plaisir !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat nous donne l'occasion d'évoquer un sujet qui nous concerne tous et qui suscite bien des interrogations.
Dans le cas des collectivités locales, par exemple, le Gouvernement a annoncé que celles dont les dépenses réelles de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d'euros seront directement concernées par des ponctions sur leurs recettes.
Certes, mais selon quels critères précisément ?
Selon les documents annexés au projet de loi de finances, environ quatre cent cinquante collectivités seraient concernées par ce nouveau dispositif. Pour les communes il est question d'un « indice synthétique de ressources et de charges ». Concrètement, cela veut-il dire, madame la ministre, que des communes vont être mises à contribution sans tenir compte des dépenses contraintes ?
Tout cela n'est pas des plus judicieux et, sans aller jusqu'à parler de sanction inique, lorsque vous demandez aux collectivités locales de contribuer au redressement des comptes publics à hauteur de 5 milliards d'euros, par cet effort supplémentaire, vous participez à leur fragilisation.
Alors, pourquoi ne pas lever les contraintes coûteuses qui pèsent sur elles ? Je pense par exemple à l'amortissement de la voirie – 500 millions d'euros à la charge des collectivités – ou au décret sur la régulation thermique des bâtiments – 1,5 milliard.
Des pistes existent, madame la ministre. Sachons les exploiter !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, nous sommes partis d'un critère de 40 millions d'euros de dépenses réelles de fonctionnement, mais nous avons écarté les collectivités les plus fragiles : les deux cent cinquante premières communes dans le classement de la DSU, les deux mille cinq cents premières dans le classement de la dotation de solidarité rurale (DSR), les trois cents premiers EPCI selon l'indice de péréquation de la dotation d'intercommunalité, et les vingt départements les plus fragiles au titre de l'indice de fragilité sociale.
En ce qui concerne la charge de l'amortissement de la voirie, je suis en discussion avec le ministère de l'économie et des finances pour faire en sorte que les collectivités ne soient pas pénalisées lorsqu'elles entretiennent leur réseau. J'ai d'ailleurs décidé de ne pas signer le décret tel qu'il était envisagé pour que nous puissions construire ensemble plutôt que de nous opposer.
En ce qui concerne le décret sur la régulation thermique des bâtiments, aussi appelé décret tertiaire, je veux quand même rappeler qu'il s'agit d'une mesure vertueuse : au-delà de la résorption de notre dette écologique – une préoccupation rappelée par le Premier ministre –, elle permet de réaliser des économies considérables à court terme. Il s'agit donc d'un excellent investissement.
Je comprends qu'en des temps de raréfaction des moyens, fixer des échéances courtes est compliqué. C'est pourquoi j'ai des échanges avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher pour trouver un juste équilibre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, j'apprécie votre manière de voir. Certes, le décret tertiaire est vertueux, mais il est très coûteux et il faut prendre en compte les charges qu'il entraîne.
Je voudrais vous dire, de manière plus générale, que les maires – j'en rencontre tous les jours – sont très abattus.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Absolument !
M. Jean-Marie Mizzon. Ils ne comprennent pas ce qui se passe, parce qu'ils ne sont en aucune manière comptables des errements, des dérives de nos finances publiques. Sur le terrain, ça gronde fort, madame la ministre. Souvenez-vous-en, lorsque nous débattrons du projet de loi de finances !
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, je voudrais tout d'abord insister sur l'ironie du moment : on reproche aux collectivités l'écart entre leurs dépenses et leurs recettes, alors que l'État n'a eu de cesse – et cela s'est accéléré depuis sept ans – de leur transférer des compétences et des charges tout en réduisant leur autonomie financière et fiscale. La part des dotations n'a cessé d'augmenter, si bien que l'État a la main sur les ressources dont les collectivités disposent.
Ensuite, il faut être conscient que les efforts demandés aux collectivités dans la version initiale du projet de loi de finances ne s'élèvent pas à 5 milliards d'euros : ils dépassent les 10 milliards !
Sur le fonds de réserve – un intitulé qui masque la réalité des choses –, toutes les collectivités seront touchées, que ce soit directement ou indirectement, y compris les petites communes rurales. Ainsi, le conseil départemental du Morbihan a annoncé la suspension du programme de solidarité territoriale, tout en rappelant son soutien au Gouvernement – comprendra qui pourra…
S'agissant des régions, la catégorie de collectivités la plus impactée, alors même qu'elle n'a pas été aidée au moment de la crise inflationniste, les impacts seront très lourds sur les services publics. Pour la Bretagne, la ponction demandée équivaudrait à quatre mois sans train express régional (TER) ou à un an de fermeture des lycées. Il y aura aussi un impact sur les investissements au détriment de nos TPE-PME.
Je souscris d'ailleurs aux propos du rapporteur général sur la nécessité de refondre la fiscalité locale. Aujourd'hui, les régions disposent notamment d'une taxe sur les cartes grises et d'une fraction de la taxe sur l'essence, alors qu'elles doivent promouvoir les mobilités décarbonées.
Madame la ministre, quelle est votre position sur le versement mobilité additionnel déplafonné, sur la taxe de séjour additionnelle et sur la hausse des péages ferroviaires qui pénalise les régions ?
Pouvez-vous nous confirmer que la signature de l'État sera honorée s'agissant des contrats de plan État-région (CPER), du pacte régional d'investissement dans les compétences (Pric) ou encore de la troisième tranche de compensation du protocole État-régions en faveur des formations sanitaires et sociales ?
Enfin, les îles ont besoin d'une prise en compte singulière dans le cadre du projet de loi de finances, parce que les surcoûts de la vie insulaire explosent : que comptez-vous faire pour cela ? (Mme Isabelle Briquet applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, j'ai bien noté vos commentaires sur les transferts de compétences et sur l'évolution à la baisse du pouvoir de taux des collectivités.
Sur le sujet de la réserve de précaution qui concernerait tout le monde par ricochet – par exemple, les départements supprimeraient une partie de leurs programmes d'aide à l'investissement à destination des autres collectivités –, vous avez compris que nous voulons débattre de ce sujet de façon à limiter l'impact sur les départements des mesures proposées.
S'agissant des régions, nous travaillons notamment sur deux aspects particuliers.
D'abord, le versement mobilité. Nous réfléchissons à l'idée de permettre aux régions de l'augmenter dès lors qu'elles réalisent des investissements visant à élargir le réseau, en particulier pour les transports du quotidien – vous savez que le Gouvernement est très engagé sur ce sujet.
Ensuite, la taxe sur les cartes grises, l'une des dernières taxes pour lesquelles les régions disposent d'un certain pouvoir de taux. Nous réfléchissons à améliorer ce pouvoir de taux.
En ce qui concerne les CPER, des autorisations d'engagement peuvent être ouvertes dès 2025 pour ceux qui ont été signés, mais je ne vous cache pas que les marges de manœuvre sont plus limitées pour les crédits de paiement.
Voilà les quelques éléments que je souhaitais vous apporter.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Ma question porte sur les conséquences dramatiques que les mesures envisagées dans le projet de loi de finances pour 2025 pourraient avoir sur les départements et leurs habitants.
Permettez-moi de prendre l'exemple du département du Cher, qui compte 300 000 habitants, mais les difficultés que je décris concernent également de nombreux départements ruraux de taille comparable.
Après avoir échangé avec Jacques Fleury, président du conseil départemental, il apparaît que, depuis 2021, le Cher doit faire face à 56 millions d'euros de dépenses supplémentaires, une hausse de 17,5%, alors que les recettes n'ont augmenté que de 17 millions, une progression de 4,5%.
Si le projet de loi de finances pour 2025 est maintenu en l'état, le Cher perdra encore 15 millions d'euros.
S'il est appliqué tel qu'il a été déposé au Parlement, 85% des départements, dont le Cher, seront dans l'incapacité de présenter un budget en équilibre pour l'année 2025. Ce sera la fin de la cohésion territoriale !
Je rappelle que la dette des départements ne représente que moins de 1% des 3 200 milliards d'euros de la dette publique et que ceux-ci ne sont pas responsables de la gestion budgétaire du " quoi qu'il en coûte " décidé par le Président de la République.
Aujourd'hui, c'est le gouvernement de Michel Barnier qui doit redresser les comptes publics.
Dans ce contexte, mes questions sont simples.
Quelles mesures concrètes et quels moyens envisagez-vous de mettre en œuvre pour que les départements puissent exercer pleinement leurs compétences ?
Envisagez-vous de mettre en place un partenariat avec les collectivités locales afin de rétablir un lien direct entre fiscalité et démocratie locale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous m'avez entendue dire combien j'étais préoccupée par la situation des départements. Je le dis d'autant plus volontiers qu'ils ont une singularité : en versant des allocations individuelles de solidarité, ils agissent pour le compte de l'État sans avoir de maîtrise sur elles.
Le Premier ministre aura d'ailleurs l'occasion de revenir sur le sujet et, comme vous le savez, nous nous retrouverons la semaine prochaine à Angers pour les assises des départements de France. Pour tout vous dire, j'en parlerai ce soir avec le président de Départements de France, François Sauvadet. Nous devons trouver des solutions spécifiques au cas des départements.
Nous devons aussi penser aux DMTO, puisque les départements, pour ceux dont le marché de l'immobilier le permet, ont ici un pouvoir de taux.
Enfin, comme pour les critères de la DGF, le Gouvernement souhaite revisiter la fiscalité. Je pense plutôt aux communes à cet égard, car nous avons besoin d'impliquer nos concitoyens en tant qu'usagers de leur commune.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.
M. Rémy Pointereau. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre.
Je veux rappeler que la perte d'autonomie des départements a surtout commencé sous le gouvernement Jospin en 2001 avec la création de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) compensée à seulement 50%.
N'oublions pas non plus qu'en 2015, sous le gouvernement Valls, ce sont près de 18 milliards d'euros qui ont été ponctionnés sur les collectivités. Peu ont l'air de s'en souvenir ! Surtout à la gauche de cet hémicycle…
Aujourd'hui, les départements sont à l'os. Alors, madame la ministre, essayons de limiter au maximum toute nouvelle ponction !
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Ma question porte sur les finances des métropoles, des grandes villes, des agglomérations. C'est surtout sur elles, parmi les quatre cent cinquante collectivités concernées par la décision du Gouvernement, que portera l'effort budgétaire.
Je rappelle d'abord que plusieurs grandes intercommunalités comprennent des petites communes : celles-ci seront donc également pénalisées.
Ensuite, priver de moyens à ce point les métropoles et les agglomérations, c'est oublier qu'elles sont en première ligne face à la crise sociale et qu'elles ont un rôle déterminant pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique, puisqu'il leur revient d'investir massivement dans la transition écologique, les transports en commun, la rénovation énergétique.
De manière générale, les villes portent une grande part de l'investissement public comme du service public. Ce serait donc une folie de sacrifier à ce point leurs recettes de fonctionnement, qui servent aussi à l'autofinancement des investissements.
Madame la ministre, pour rectifier la copie gouvernementale concernant les métropoles et les agglomérations, quels leviers êtes-vous prête à utiliser ? Les cotisations à la CNRACL, le FCTVA, la DGF ?
Ne faudrait-il pas – je crois que nous devons avancer dans ce sens – redonner une marge d'autonomie fiscale supplémentaire, par exemple en déplafonnant la taxe d'habitation sur les résidences secondaires ou la taxe de séjour ? Ce ne sont là que deux exemples.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je partage complètement votre commentaire sur les EPCI. Dans l'intercommunalité que j'ai présidée, douze communes ont moins de 100 habitants et plusieurs autres ont moins de 1 000 habitants. Je mesure donc bien ce qu'est la ruralité, ce que représente une ville-centre et ce que pèsent les charges de centralité.
Dans certains territoires de notre République, les villes-centres portent aussi le logement social. C'est la raison pour laquelle nous avons utilisé les critères de fragilité que j'ai évoqués tout à l'heure, notamment la DSU. C'est un point très important.
En ce qui concerne l'investissement public, les collectivités – communes, EPCI, etc. – sont très engagées et elles participent à la commande publique. C'est la raison pour laquelle nous menons, je le disais, une réflexion sur le FCTVA, qui est une ressource majeure pour les communes.
Vous évoquiez une évolution de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Je crois que la question principale que nous devons poser est celle de ce que j'appellerai la consommation de la ville. Nous devons tous ensemble – parlementaires, associations d'élus, etc. – réfléchir aux moyens de mieux associer les usagers quotidiens d'une ville, et pas seulement les touristes – vous parliez de la taxe de séjour. Participer au fonctionnement de la ville dans laquelle on vit a aussi pour vocation de responsabiliser nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.
M. Rémi Féraud. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre. Je vois que la prise de conscience est là, mais la réponse ne peut pas être seulement une réflexion. Il faut que cela se traduise en actes dans le budget pour 2025.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Il faut un peu de temps !
M. Rémi Féraud. Je prendrai l'exemple de la collectivité dont je suis l'élu, Paris, qui est à la fois une ville et un département. Avec une dotation globale de fonctionnement égale à zéro et une péréquation qui approche les 800 millions d'euros, la facture de 300 millions, telle qu'elle résulte de la copie du Gouvernement, n'est ni réaliste, ni raisonnable, ni juste.
Par conséquent, j'espère que nous pourrons revoir la copie actuelle pour les métropoles et les agglomérations. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Monsieur le sénateur, je suis bien consciente de la situation de la Ville de Paris, mais je rappelle que c'est un cas particulier, parce qu'elle bénéficie des DMTO, contrairement aux autres communes.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Madame la ministre, Paris est à la fois une ville et un département : il y a donc une forme de double peine sur les sacrifices qui sont aujourd'hui demandés et nous avons besoin de réponses sur ce point. Je vous remercie de nous avoir entendus et nous comptons sur vous.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la DGF, qui représente quand même un montant total de 27,2 milliards d'euros.
Un récent rapport de la Cour des comptes confirme un certain nombre de points que nous connaissions : la DGF, avec ses dix-huit composantes, ses deux cent soixante données, ses paramètres de calcul incomplets et imprécis et son processus de calcul lourd, est particulièrement complexe, voire opaque.
En outre, elle est insuffisamment documentée et elle corrige mal les inégalités territoriales. Le rapport parle ainsi d'un montant de dotations forfaitaires injuste et d'une péréquation loin d'être cohérente et efficace, en concluant que les inégalités entre collectivités sont indépassables dans le cadre actuel de la DGF.
La Cour nous invite donc à passer à autre chose, à ne plus nous contenter de faire du paramétrique pour engager une réforme systémique. Madame la ministre, entendez-vous nous engager sur cette voie ? Si oui, comptez-vous en profiter pour repenser la gouvernance locale afin d'aboutir à plus d'efficacité et d'acceptabilité ? Je crois que nous devons mêler les avantages de l'horizontal, du vertical et du transversal ! (Sourires.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C'est un cours de géométrie ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je ne sais pas si ma réponse sera celle d'une mathématicienne – je ne le suis pas –, mais il est incontestable – je l'ai dit à de nombreuses reprises – que la DGF continue d'intégrer des dotations anciennes qui sont aujourd'hui déconnectées de la réalité des territoires.
C'est pourquoi nous avons inséré dans ce projet de loi de finances quelques petits changements : un indicateur de longueur de voirie par un recensement IGN (Institut national de l'information géographique et forestière) ou encore un indicateur de logements sociaux sur le fondement du recensement réalisé par le ministère chargé du logement.
Ce sont des choses extrêmement concrètes ; ce n'est pas rien ! Certes, c'est probablement encore très insuffisant, mais le temps était compté entre le 21 septembre et la mi-octobre…
Je vous propose que nous continuions ce débat, nous devons le faire dès que nous en aurons terminé avec ce projet de loi de finances et je m'engage devant vous à ce que le Gouvernement, après un travail conjoint du ministère chargé des comptes publics et du mien, vous apporte des réponses pour le projet de loi de finances 2026.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Do Aeschlimann. Madame la ministre, le Gouvernement impose aux collectivités locales une contribution de 5 milliards d'euros – en réalité 9 ou 10 milliards – pour maîtriser le déficit public dès 2025.
Or les collectivités locales ont déjà fait beaucoup d'efforts ces dernières années. En 2014, la DGF a fondu de 11 milliards d'euros. En 2018, l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement a été plafonnée à 1,2% par an. La taxe d'habitation a été supprimée.
Pourtant, les collectivités locales font face en première ligne, aux côtés de l'État, à toutes les crises sanitaires, écologiques, énergétiques et économiques, en soutenant le pouvoir d'achat.
Dans le même temps, l'État continue de se désengager et les collectivités prennent en charge de plus en plus de missions : la petite enfance, la sécurité, la santé, la transition écologique et le soutien à l'économie à travers leur importante contribution à l'investissement public.
Aujourd'hui, elles n'ont plus de marge de manœuvre. Les finances des départements sont exsangues, celles des communes sont fragilisées et les régions sont en difficulté.
Or un énième effort est demandé aux collectivités dont le budget de fonctionnement est supérieur à 40 millions d'euros. Elles sont mises à contribution pour alimenter un fonds de précaution de 3 milliards d'euros sans aucune considération de la qualité de leur gestion financière. Dans les Hauts-de-Seine, cette ponction aveugle atteindrait 102 millions d'euros pour le bloc communal et le département.
Madame la ministre, les collectivités locales sont prêtes à participer à l'effort budgétaire national, mais elles souhaitent que leur contribution soit calculée de manière juste. Dans cette optique et pour tenir compte de la bonne gestion, pourriez-vous envisager de remplacer le critère du volume de dépenses de fonctionnement par un critère plus dynamique, celui de l'évolution des dépenses de fonctionnement ? (M. Rémy Pointereau applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Madame la sénatrice, certes le chiffre est lourd, mais nous ne sommes pas à 9 ou 10 milliards d'euros. Le Gouvernement demande des économies à hauteur de 20 milliards pour l'État, de 15 milliards pour la sécurité sociale et de 5 milliards pour les collectivités.
Même en ajoutant la contribution à la CNRACL qui est de 1,5 milliard, nous atteignons 6,5 milliards. C'est déjà suffisamment lourd pour qu'on ne se sente pas obligé d'en rajouter…
Pour autant, j'entends votre commentaire sur les départements. J'ai d'ailleurs vu hier soir le président du département des Hauts-de-Seine et je mesure tout à fait l'effort qui est demandé à votre département et aux collectivités.
La définition adéquate d'une bonne gestion est un sujet extrêmement difficile. Vous avez évoqué l'histoire budgétaire de notre pays ; je n'aurai donc pas l'outrecuidance de m'appesantir sur les contrats de Cahors : j'étais à la tête d'une collectivité et je me souviens très bien qu'on nous les avait vendus comme étant la reconnaissance des bons gestionnaires… Quels hurlements à l'époque !
Nous devons travailler sur la question de la libre administration des collectivités, sur la DGF, sur le pouvoir de taux, sur la manière de prendre en compte la consommation du territoire par nos concitoyens. C'est comme cela que nous pourrons revenir à la réalité du terrain et accompagner au mieux nos collectivités. Tout le monde doit être pleinement conscient que rien n'est gratuit, que tout a un prix et qu'il est normal que chacun participe.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour la réplique.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Je n'ai pas vraiment eu de réponse à ma question sur la manière de prendre en compte la bonne gestion des collectivités, mais j'ai bien entendu les réponses de Mme la ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Reynaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Reynaud. Madame la ministre, je souhaite revenir sur la question de la fiscalité locale.
Nous l'avons répété cet après-midi à maintes reprises et à l'unisson : la ponction des 6,5 milliards d'euros sur les collectivités locales, déjà fragilisées par la baisse des dotations de l'État depuis de nombreuses années – n'oublions pas l'effet cumulatif de toutes ces mesures –, n'est pas acceptable.
Face à leur situation budgétaire détériorée, il nous faut trouver de nouveaux leviers pour financer les investissements des collectivités. Celles-ci ont conforté, ces dernières années, leur place de premier investisseur public, à hauteur de 58% du total. Leurs dépenses d'équipement représentaient 54 milliards en 2022, le bloc communal en portant les deux tiers.
Or la suppression totale de la taxe d'habitation en 2023 représente plus de 20 milliards de recettes perdues.
Si le débat – relancé… – sur un retour de la taxe d'habitation, quelle qu'en soit l'appellation, a peu de chances d'aboutir, nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il est urgent de redonner aux communes un pouvoir d'agir et une meilleure maîtrise de leurs recettes. Il n'y a pas d'autonomie de gestion sans autonomie fiscale !
Il nous faut redonner des marges de manœuvre fiscale aux communes et retrouver un lien fiscal sur le territoire avec tous nos concitoyens.
Madame la ministre, le Gouvernement semble envisager favorablement une réforme de la fiscalité locale en 2025 – vous en avez parlé tout à l'heure dans votre propos introductif. Pouvez-vous nous informer précisément des pistes qui seraient alors proposées ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, l'autonomie fiscale des collectivités, c'est le ratio entre les recettes sur lesquelles elles détiennent un pouvoir de taux et l'ensemble de leurs ressources.
La contestation de la perte de cette autonomie est liée, d'une part, à la disparition progressive des impôts perçus localement, et, d'autre part, au financement des transferts de compétences par des fractions d'impôts nationaux. Je pense que nous sommes tous d'accord sur le constat.
À partir de là, quelles réponses pouvons-nous apporter à cette situation ? Sur quels éléments pouvons-nous travailler ?
Aujourd'hui, plusieurs idées sont sur la table. Nous pourrions envisager une contribution citoyenne, comme je l'ai dit cet après-midi à plusieurs reprises. Pour autant, la mise en place d'un tel prélèvement doit, à mon avis – je ne suis pas la seule à le penser – être corrélée à une réforme de la DGF. Ces deux éléments couplés permettraient de revoir les ressources des collectivités.
Je le répète, nous devons nous mettre au travail dès que le budget aura été voté, avec l'ensemble des associations d'élus et les parlementaires, d'une part, pour réformer la DGF et, d'autre part, pour imaginer une contribution de nos concitoyens permettant de rendre aux collectivités une recette nouvelle liée au territoire sur lequel elles exercent leurs compétences.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Reynaud, pour la réplique.
M. Hervé Reynaud. Je le répète, la libre administration des communes est liée à cette autonomie fiscale.
En outre, nous sommes aujourd'hui face à un risque d'effet récessif sur l'économie locale.
Enfin, je veux insister sur le découragement d'un certain nombre d'élus. Nous connaissons de nombreuses démissions de maires et d'élus locaux. Dans la perspective de 2026, c'est un mauvais signal qui est envoyé. Je pense à tous ceux qui souhaitent s'engager et qui ont besoin de ce pouvoir d'agir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Étant moi-même une élue locale, je suis comme vous très sensible à ce problème. Nous savons que ce sentiment de découragement est plurifactoriel. Il est bien sûr financier, mais il est aussi lié à des phénomènes de violence de plus en plus nombreux.
C'est l'occasion de redire que nous devons agir collectivement sur l'ensemble des causes, afin d'apporter à chacun des élus, sur tout le territoire, la juste reconnaissance de son engagement.
Source https://www.senat.fr, le 18 novembre 2024