Interview de M. Laurent Saint-Martin, ministre, chargé du budget et des comptes publics, à France 2 le 12 novembre 2024, sur le projet de loi de finances pour 2025 et les entreprises françaises, la revalorisation des retraites et la fusion d'organismes publics.

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Média : France 2

Texte intégral

CAROLINE ROUX
C'est l'heure de notre rendez-vous politique dans "Télématin." Et c'est justement Laurent SAINT-MARTIN, ministre du Budget et des Comptes publics, qui est votre invité Julien dans "les 4V." Bonjour et bienvenue.

JULIEN ARNAUD
Oui, Laurent SAINT-MARTIN dont la parole est particulièrement attendue ce matin, au lendemain des annonces de Laurent WAUQUIEZ. Bonjour Laurent SAINT-MARTIN.

LAURENT SAINT-MARTIN
Bonjour.

JULIEN ARNAUD
Merci d'être là. C'est vrai qu'il y eu ces annonces majeures pour les retraités hier soir. Finalement, les pensions seront bien revalorisées au 1er janvier à hauteur de la moitié de l'inflation dans un premier temps en tout cas, on le précise. On va l'expliquer en détail, mais d'abord sur la forme, c'est donc Laurent WAUQUIEZ, le président du groupe Les Républicains, qui est venu l'annoncer. C'est qui le patron, exactement, Laurent SAINT-MARTIN ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Le Premier ministre a dit, depuis le début de ce Gouvernement, que nous voulions une méthode de concertation avec cette coalition qui est ce socle majoritaire à l'Assemblée nationale et au Sénat, et qu'il puisse y avoir des évolutions du texte. Je rappelle que ce budget a été construit dans des temps extrêmement courts, quelques semaines seulement, et que nous avions, nous-mêmes, la volonté de le faire évoluer à l'écoute des groupes parlementaires. Et le Premier ministre a toujours été très ouvert là-dessus et c'est une bonne chose. Il faut qu'avec les groupes, il puisse y avoir des compromis trouvés avec le Gouvernement.

JULIEN ARNAUD
Oui, mais ensuite, il y a les annonces. Et ce sont les ministres et le Premier ministre qui font les annonces. Pardon mais ce qu'on a vu hier, on ne l'avait jamais vu avant.

LAURENT SAINT-MARTIN
Eh bien, peut-être que nous avons aussi besoin de démontrer davantage que l'évolution de ce texte vient des compromis entre le Gouvernement et les parlementaires du socle majoritaire. Je crois que c'est important de montrer qu'on est ensemble, justement dans cette démarche d'évolution d'un texte. Vous l'avez dit, des évolutions substantielles.

JULIEN ARNAUD
Vous étiez au courant, vous ? Vous étiez au courant, que Laurent WAUQUIEZ allait faire ces annonces hier soir à 20h ?

LAURENT SAINT-MARTIN
C'est évidemment l'issue d'un accord entre le Gouvernement et le groupe de la droite républicaine.

JULIEN ARNAUD
Donc vous le saviez ? Vous saviez qu'il y aurait ces annonces hier soir ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Je savais qu'il y avait eu, effectivement, cet accord sur le fond, c'est-à-dire…

JULIEN ARNAUD
Oui mais sur les annonces… Pardon, est-ce que vous saviez pour les annonces ? Question simple.

LAURENT SAINT-MARTIN
Oui.

JULIEN ARNAUD
Oui, vous le savez ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Oui. La question était de savoir effectivement : qui allait annoncer quand ? Mais j'ai envie de vous dire ça, pardon. C'est quand même un sujet qui intéresse assez peu de monde. Ce qui compte c'est de savoir : comment est-ce que les petites retraites évoluent par rapport au texte initial ? Et donc effectivement, je vous confirme qu'il n'y aura aucune perte de pouvoir d'achat pour toutes les retraites qui sont en dessous de l'équivalent du SMIC. Et c'est cela la nouvelle importante.

JULIEN ARNAUD
Je vous pose la question parce qu'il semble qu'Antoine ARMAND, votre collègue de l'Economie, lui, n'était pas au courant de cette annonce. C'est ce qu'il dit en off comme on dit en tout cas pour l'instant. On verra ce qu'il en dit publiquement. Mais vous, vous nous dites que vous étiez au courant, dont acte. Est-ce que sur le fond, vous confirmez tout ce qu'il a dit ? Revalorisation au 1er janvier pour tous, mais de la moitié de l'inflation et ensuite, au 1er juillet, sur la revalorisation sur la totalité de l'inflation, mais pour les retraités jusqu'au niveau du SMIC. Est-ce que c'est précisément cela les nouvelles conditions ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Oui, c'est cela. C'est-à-dire qu'au 1er janvier, l'ensemble des retraites sera revalorisé à hauteur de 0,9 en fait, c'est-à-dire la moitié de l'inflation. Donc on verra exactement quelle sera l'estimation de l'inflation. Mais cela devrait être aux alentours de 0,9. Et puis, effectivement, au 1er juillet 2025, il y aura un rattrapage pour toutes les retraites qui sont en dessous du niveau du SMIC pour qu'il n'y ait pas justement de perte de pouvoir d'achat et que ce soit l'équivalent d'une année indexée sur l'inflation complète pour ces retraités-là.

JULIEN ARNAUD
Cela veut dire que l'économie pour les finances publiques sera de combien ? Initialement, la mesure prévue devait permettre d'économiser à peu près 3,8 milliards d'euros. Je parle sous votre contrôle. Là, on va économiser combien ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Elle sera autour de 3 milliards d'euros.

JULIEN ARNAUD
D'accord. Donc un coût autour de 800 millions d'euros.

LAURENT SAINT-MARTIN
En fonction de la réalité de l'inflation, cela peut varier. Mais nous serons effectivement entre 500 et 800 millions d'euros de rendus, on va dire, aux petites retraites.

JULIEN ARNAUD
Alors, Laurent WAUQUIEZ a parlé hier, pour compenser cette perte de fusion des organismes publics. Ça va permettre de compenser 800 millions d'euros, simplement de fusionner comme cela quelques organismes ? Et puis, c'était déjà prévu. C'était déjà dans les tuyaux, ça.

LAURENT SAINT-MARTIN
Oui. Alors, il y a des choses qui sont faisables à court terme, d'autres à plus long terme. Ça, c'est vrai. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que le travail précis que nous devons faire sur la trésorerie des opérateurs, mais aussi la fusion, le rapprochement d'un certain nombre d'entre eux est un travail important et courageux à faire. On a probablement multiplié, de façon trop importante, le nombre d'agences, le nombre d'opérateurs. C'est vrai dans l'État, c'est vrai dans les collectivités. Il va nous falloir rationaliser tout cela. C'est un travail dont on a lancé l'initiative. C'est un travail qui doit se poursuivre justement avec les parlementaires. Et permettez-moi de vous dire que le sujet que l'on a aujourd'hui avec les retraites, je veux que nous l'ayons avec tous les groupes parlementaires du socle majoritaire. Et on travaille de la même manière avec le groupe Ensemble pour la République, notamment sur le sujet, vous le savez, des allégements généraux de charges. Et c'est une discussion que l'on a. Et ce que vous avez vu sur le cas des retraites avec le groupe de la droite républicaine, je veux que nous l'ayons rapidement aussi, de la même façon, avec le groupe Ensemble pour la République, pour faire une évolution franche, claire sur les allégements généraux de charges, c'est-à-dire le coût du travail, qui est vraiment une priorité politique et à juste titre, selon moi, du groupe Ensemble pour la République.

JULIEN ARNAUD
C'est-à-dire que vous pourriez avoir la main moins lourde, moins dure pour les entreprises sur les allégements de charges. C'est une demande qui est très, très relayée ces derniers jours. Quand on regarde Le Figaro ce matin, il y a plusieurs chefs d'entreprise. On parlait d'Alexandre BOMPARD, le patron de CARREFOUR. Lui, il a commencé à élever la voix. Il y a aussi le patron de la CMA CGM et plein d'autres qui disent "cette fiscalité menace la capacité d'investissement des entreprises et donc, à terme, l'emploi." Est-ce qu'il y aura des annonces de votre part bientôt sur ce plan ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Oui, et je tiens à dire que le maintien de la politique de l'offre, la compétitivité des entreprises françaises, l'attractivité de notre pays qui est un record depuis cinq ans. Nous sommes le pays le plus attractif d'Europe. Tout cela, nous devons le conserver. Donc il faut entendre évidemment les chefs d'entreprise, mais aussi les parlementaires qui le disent depuis plusieurs semaines.

JULIEN ARNAUD
Cela va se traduire par quoi ?

LAURENT SAINT-MARTIN
C'est le cas du groupe Ensemble pour la République. Et c'est pour cela que je dis que nous sommes en train de travailler à un compromis permettant effectivement, je reprends votre expression, d'avoir la main moins lourde. En fait, ce n'est pas une main lourde ou pas lourde, c'est tout simplement une nécessité de résorber notre déficit public et en même temps de ne pas le faire en cassant ce qui marche, c'est-à-dire notre politique d'activités et d'emplois dans notre pays. Et donc, moi, j'ai entendu, j'ai entendu les priorités du groupe Ensemble pour la République, de Gabriel ATTAL, de Gérald DARMANIN, de David AMIEL… CAZENEUVE. Ils nous l'ont dit pendant de longues semaines. Il faut les entendre. C'est très important.

JULIEN ARNAUD
Et sur quelles pistes ? Sur la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, par exemple ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Il faut qu'il y ait moins d'économies faites sur les allègements généraux de charges que ce qui est proposé dans la copie initiale du Gouvernement. Et je l'ai entendu de la part de ces députés, et nous allons arriver dans les prochains jours, dans les tout prochains jours, à un compromis là-dessus.

JULIEN ARNAUD
Vous pouvez nous donner quelques pistes, peut-être ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Non, mais nous sommes justement en train d'y travailler. Je veux que l'on puisse aboutir là, dans les tout prochains jours, de la même façon que nous l'avons fait sur les retraites avec le groupe de la droite républicaine. C'est encore une fois cet état d'esprit de co-construction avec les groupes de la majorité. Moi, je trouve que c'est une bonne pratique.

JULIEN ARNAUD
On aura les annonces quand ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Dans les prochains jours, je l'espère.

JULIEN ARNAUD
Est-ce que c'est le prix à payer pour avoir un accord politique du côté de l'Assemblée parce que vous n'êtes pas forcément sûr d'avoir une majorité dans vos propos. Alors, ce n'est même pas sûr d'avoir une majorité tout court. Le vote cet après-midi, mais c'est un texte, on le précise, de vote qui sera présenté aux députés, ce n'est pas du tout le texte que vous avez proposé, c'est un texte que vous-même, vous ne voteriez pas cet après-midi, dire une chose…

LAURENT SAINT-MARTIN
Ce qui sort de l'Assemblée nationale en première lecture, c'est un texte Frankenstein. Il y a plusieurs dizaines de milliards d'euros d'impôts en plus. Et ne croyons pas que ce soit uniquement pour quelques milliardaires et quelques grandes entreprises. En vérité, ça va très vite concerner l'ensemble des Français. Ça a été fait beaucoup par le nouveau Front Populaire, souvent avec l'abstention du Rassemblement national qui du coup, a rendu majoritaires ces votes-là très régulièrement. Et en parallèle de ça, le Rassemblement national a réussi à faire adopter justement l'absence de la contribution française à l'Union européenne, ce qui est un non-sens absolu puisque la France, que je sache ce matin, est toujours dans l'Union européenne. Donc, c'est un texte qui mêle l'enfer fiscal, mais aussi énormément de dispositions qui sont contraires, tout simplement, au droit, soit le droit national, soit le droit européen. Donc vous comprenez bien que pour le Gouvernement, ce texte, en l'état, n'est pas acceptable.

JULIEN ARNAUD
Mais alors à quoi ça sert franchement ce débat ? Puisque depuis le début, en réalité, vous savez que ça se finira par un 49.3 ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Non, mais d'abord le débat parlementaire, Julien ARNAUD, je l'ai déjà dit ici sur ce plateau, il est nécessaire dans notre pays, les élus…

JULIEN ARNAUD
Ce n'est pas ce que disent certains députés. Éric WOERTH, par exemple, il dit : "Franchement, ça ne sert à rien, c'est donner une tribune à nos adversaires et en fait, c'est une perte de temps et on n'a pas le temps".

LAURENT SAINT-MARTIN
Mais regardez ce que ce serait… Vous avez parlé d'Alexandre BOMPARD et d'un certain nombre de chefs d'entreprise qui peuvent à raison craindre que notre pays devienne justement l'antithèse de ce qu'il a été ces sept dernières années, à savoir, un pays dans lequel on ne pourrait plus investir, un pays dans lequel les impôts deviendraient totalement confiscatoires, mais regardez avec le budget que le nouveau Front populaire a proposé finalement, en réponse à l'initiative du Gouvernement, on serait dans cette situation-là. Nous, on s'y refuse. Mais le débat parlementaire permet aussi de faire tomber les masques et de démontrer que d'un côté, on veut sortir de l'Europe, de l'autre, on veut le faire fiscal. Moi, je crois que le texte d'équilibre du Gouvernement, il est justement, au contraire, non seulement une réponse raisonnable, responsable de réduction de nos déficits publics, mais aussi du maintien de l'attractivité de notre pays.

JULIEN ARNAUD
Laurent SAINT-MARTIN qui nous a annoncé ce matin des annonces futures pour qu'il y ait moins de lourdeurs sur les entreprises, des discussions, donc, en cours sur les allègements de charges. Merci beaucoup.

LAURENT SAINT-MARTIN
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 novembre 2024