Texte intégral
THOMAS SOTTO
Il est 8h16, l'interview d'Amandine BEGOT. Se soigner va nous coûter plus cher, ça, c'est sûr. Mais une fois qu'on a dit ça, on se pose beaucoup de questions. Alors Amandine, ce matin, vous avez choisi de recevoir la ministre de la Santé et de l'Accès aux soins, Geneviève DARRIEUSSECQ. Bonjour et bienvenue à vous.
AMANDINE BEGOT
Bonjour madame la ministre.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Bonjour.
AMANDINE BEGOT
Merci d'être, ce matin, ici dans le studio de RTL. On a plein, plein de questions à vous poser, notamment sur ces médicaments qui seront - et vous l'avez annoncé lundi - moins bien remboursés, 5% de moins. On est d'accord. Ça concerne quels médicaments ? Tous les médicaments ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Alors, ça concerne les médicaments, tous les médicaments, sauf ceux qui sont, aujourd'hui, pris en charge à 100% par l'assurance maladie, bien sûr, ce qui sont des médicaments en fait très onéreux, bien souvent réservés à des maladies graves, des médicaments souvent innovants aussi. Donc ceux-là seront préservés.
AMANDINE BEGOT
Des traitements notamment contre le cancer par exemple ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Par exemple.
AMANDINE BEGOT
A partir de quand ces médicaments seront moins bien remboursés ? Dès le mois de janvier ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
La loi va être votée et mise en œuvre le plus rapide, enfin normalement, le plus rapidement possible en fonction des capacités de nos équipes à porter techniquement les choses.
AMANDINE BEGOT
Mais ça veut dire très vite, dès le mois de janvier ou ça sera… ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Ecoutez, normalement c'est dès le mois de janvier.
AMANDINE BEGOT
Moins bien remboursés également - et ça vous l'avez annoncé lundi - les consultations chez le médecin. Là, ça concerne aussi toutes les consultations ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Alors ça concerne toutes les consultations, mais ça ne concerne pas tous les Français. C'est-à-dire que les 13 millions de Français qui sont en longue maladie continueront d'avoir des soins gratuits…
AMANDINE BEGOT
Ceux qui ont une prise en charge à 100% ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Et des médicaments gratuits, qu'on soit bien d'accord, 13 millions de Français. 7,5 millions… enfin, toutes les personnes qui ont des mutuelles, bien entendu, la prise en charge se fera par les mutuelles.
AMANDINE BEGOT
Ça veut dire que les mutuelles vont compenser cette baisse du remboursement du ticket modérateur, c'est comme ça qu'on l'appelle. C'est souvent un peu complexe. Mais les mutuelles disent, ce matin, qu'on ne va pas pouvoir faire ça comme ça, et tout encaisser. En clair, elles préviennent déjà sans doute que les tarifs augmenteront l'an prochain pour compenser tout ça.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Aujourd'hui, dans le budget qui a été proposé, il nous faut trouver 5 milliards d'économies. 5 milliards d'économies pour arriver à avoir un budget le moins déséquilibré possible, qui quand même pour l'assurance maladie, va être déséquilibré à moins de 16 milliards. Donc 5 milliards d'économies. En ces 5 milliards d'économies, il était prévu de transférer aux assureurs complémentaires, aux mutuelles, de transférer 1 milliard 140 millions. J'ai réussi à diminuer ce quantum, cette somme. Nous leur transférons 900 millions. Et donc, ces 900 millions, au départ aussi, il était prévu de faire un ticket modérateur pour les consultations médicales, c'est-à-dire un moindre remboursement pour les consultations médicales de 10 points. Je n'ai pas souhaité ça, j'ai souhaité que ce soit 5 points pour la consultation médicale.
AMANDINE BEGOT
En gros, ce que vous nous dites ce matin, c'est que le Gouvernement fait des efforts, les mutuelles doivent en faire aussi ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je pense que les mutuelles doivent être en responsabilité. Il y a une analyse, un rapport parlementaire du Sénat qui a mis en évidence que par exemple l'an dernier, où elles ont eu aussi besoin de prendre en charge de l'optique par exemple, elles ont augmenté leurs cotisations, mais beaucoup plus que ce qu'elles auraient dû augmenter pour avoir la somme. Donc moi je leur demande, et je vais travailler avec les mutuelles et les assurances complémentaires, je leur demande de faire les choses mais dans une marge qui soit acceptable.
AMANDINE BEGOT
Vous leur demandez, pardon, mais vous pouvez leur demander tout ce que vous voulez, elles font bien ce qu'elles veulent à l'arrivée, et à l'arrivée, pardon, c'est nous patients qui allons payer.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Écoutez, vous n'avez pas tort de dire qu'en fait ils font ce qu'ils veulent, mais je crois que nous avons un contrat de responsabilité ensemble vis-à-vis des patients. Aujourd'hui, l'assurance maladie prend en charge 80% de toutes les dépenses maladie. Alors que c'était 71% il y a 10 ans. Donc nous avons, aujourd'hui, 400 000 Français qui rentrent dans le système de longue maladie, donc de prise en charge à 100 %. Donc une démographie, beaucoup plus de personnes âgées, beaucoup plus de maladies chroniques, beaucoup plus de prise en charge complète par l'assurance maladie, et donc nous avons un équilibre qui n'est plus du tout le même.
AMANDINE BEGOT
Donc pardon, pour être très claire Geneviève DARRIEUSSECQ, vous leur dites ce matin à ces mutuelles, "Vous faites un effort" ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je leur dis tout simplement, "Ecoutez, on a besoin de vous pour équilibrer la prise en charge des Français dans la maladie".
AMANDINE BEGOT
N'augmentez pas vos tarifs.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Pas ceux qui sont très malades, et je veux dire que les 400 000 Français qui rentrent dans les longues maladies, les mutuelles ne les ont plus en charge. Donc si vous voulez, il y a des équilibres qui doivent se trouver, et je leur demande de trouver un équilibre qui soit acceptable afin que nous puissions tout simplement continuer de protéger les français.
AMANDINE BEGOT
Ce n'est pas une hausse d'impôt déguisée quand même ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Non, ce ne sont pas des impôts, c'est de la protection sociale. Et vous savez, la santé, on dit qu'elle n'a pas de prix, mais elle a un coût. Et aujourd'hui, ce que nous votons, ce que nous sommes en train de travailler actuellement, c'est quand même 9 milliards de plus pour l'assurance maladie. 9 milliards de plus pour les objectifs de dépense de maladie. 9 milliards de plus, ça fait 63 milliards de plus depuis 2019. C'est énorme. Donc en fait, ce sont des besoins qui sont constants et en augmentation. Ce qui n'est pas satisfaisant, si vous voulez, c'est qu'aujourd'hui, on voit bien les limites de ces équilibres budgétaires, et nous aurons vraiment besoin de penser à une loi d'orientation différente, avec une transformation de notre système, notamment vers la prévention et des prises en charge budgétaires différentes. Donc je crois vraiment que c'est un travail d'avenir qu'il nous faut faire avec les parlementaires qui le demandent, d'ailleurs.
AMANDINE BEGOT
Autre piste d'économie dit, ce matin dans le Parisien, Antoine ARMAND, votre collègue ministre de l'économie, le transport sanitaire en matière de taxis. Cela coûte, dit-il, 3 millions d'euros par an à l'assurance maladie ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Non, 3 milliards.
AMANDINE BEGOT
3 milliards, pardon, oui, excusez-moi, 3 milliards, oui. Il y a des abus, il faut durcir les règles ou pas pour ces taxis sanitaires ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je pense qu'il faut que là aussi nous soyons dans la rationalité. Qu'il puisse y avoir des déplacements partagés, par exemple. Qu'il puisse y avoir une convention, voilà. Il faut que les taxis arrivent à conventionner avec l'assurance maladie pour dégager un équilibre qui soit un équilibre compatible avec…
AMANDINE BEGOT
Et ces 3 milliards, il faudrait dire de quoi ? De moitié ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je n'ai pas la somme parce que ces 3 milliards correspondent à une activité également. On ne peut pas... Les taxis font leur travail. Mais je crois que nous avons besoin, avec eux, de conventionner et d'avoir un équilibre là aussi qui ne mette pas en péril toutes ces dépenses parce que cette augmentation vertigineuse, elle est très inquiétante pour l'équilibre de nos dépenses de santé.
AMANDINE BEGOT
Toujours juste à propos de médicaments et en un mot et après je vais laisser Luc qui nous accompagne, ce matin, vous poser une dernière question. Où est-ce qu'on en est des pénuries ? Est-ce que vous pouvez nous dire, cet hiver il n'y aura pas de pénurie d'antibiotiques ? On a évoqué la pénurie d'insuline ou de ventoline, en tout cas des difficultés d'approvisionnement sur les antibiotiques, vous êtes rassurée et rassurante ce matin ou pas ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Aujourd'hui, quand il y a des pénuries, ce n'est pas qu'à l'échelle de la France, c'est à l'échelle européenne parce qu'on est dans un marché qui est mondialisé. Aujourd'hui, nous avons pris des mesures pour essayer de limiter, voire même, de faire en sorte qu'il n'y ait pas de pénurie. Nous demandons aux laboratoires pharmaceutiques de faire des stocks. Nous avons des contrôles sur ces stocks et nous travaillons activement pour qu'il n'y ait pas de pénurie.
AMANDINE BEGOT
Il n'y en aura pas, à priori, cet hiver ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Nous faisons tout pour qu'il n'y en ait pas, pour rassurer les Français, mais vous dire de façon abrupte, aujourd'hui, qu'il n'y en aura pas, nous faisons tout pour qu'il n'y en ait pas.
AMANDINE BEGOT
Madame la Ministre, dernière question, je vais laisser Lucas qui est mon binôme de Duoday vous la poser. Duoday, on le rappelle, c'est cette opération durant laquelle une personne en situation de handicap passe une journée en entreprise. L'idée, c'est de faciliter l'insertion des personnes en situation de handicap, mais aussi de changer notre regard à nous tous sur le handicap. Lucas, je te laisse poser la question.
LUCAS
Bonjour Madame la Ministre, vous avez annoncé un nouveau carnet de santé pour janvier prochain avec plusieurs pages pour informer les parents des risques des écrans. Où en est-on du grand plan écran promis par Emmanuel MACRON en janvier dernier ? Est-il définitivement abandonné ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
C'est une excellente question. Je suis venue, moi aussi, avec mon DuoDay, Alexandre, qui est un champion paralympique. Je vais répondre à cette question. Moi, je suis très préoccupée par la nocivité des écrans, de l'abus d'écrans, notamment des enfants, des plus jeunes, sur la santé. Très préoccupée. Et c'est un sujet où l'on doit avancer. Il y a eu effectivement un rapport qui a été remis au Président de la République au printemps dernier. Nous allons nous appuyer sur ce rapport.
AMANDINE BEGOT
Le PRESIDENT avait promis un grand plan. Pardon mais il tarde.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Oui, mais enfin bon…
AMANDINE BEGOT
Le problème est grave.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
OK, il y a eu la dissolution. Le problème est grave. Mais dans la temporalité, il y a eu la dissolution, il y a eu un nouveau gouvernement. Il y a un budget à construire. Mais vous voyez, dès le mois de janvier, il y aura effectivement des carnets de santé pour les enfants, où il y aura des pages de prévention, puisque c'est la prévention que nous devons faire là. Il y aura aussi, dans les carnets de maternité, des pages d'information pour les jeunes parents, de prévention également vis-à-vis de ces écrans. Et oui, nous allons mettre en œuvre un plan construit avec mes collègues.
AMANDINE BEGOT
Et vous serez pour, par exemple, l'interdiction avant un certain âge de portable, d'écran, smartphone ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Oui, mais bon. Moi, je vois bien la difficulté. Vous rentrez dans les familles et vous dites aux gens "il est interdit à votre enfant…" Ça ne va pas se passer comme ça. Je crois qu'il faut que nous fassions beaucoup de prévention. Ça me paraît plus logique.
AMANDINE BEGOT
Merci beaucoup Geneviève DARRIEUSSECQ, ministre de la Santé et de l'Accès aux soins, d'être venue ce matin sur RTL. Et merci et bravo Lucas.
LUCAS
Merci.
THOMAS SOTTO
Lucas donc co-intervieweur ce matin. Il y aura bien une augmentation de… une baisse du remboursement de 5 % des médicaments dès le mois de janvier, nous dit la ministre de la Santé.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2024