Texte intégral
ORIANE MANCINI
Bonjour Geneviève DARRIEUSSECQ.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes la ministre de la Santé et de l'Accès aux soins. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la Presse régionale représentée par Fabrice VEYSSEYRE-REDON du groupe EBRA, les journaux régionaux de l'est de la France. Bonjour Fabrice.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Oriane. Bonjour Geneviève DARRIEUSSECQ.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Geneviève DARRIEUSSECQ, on va parler du budget de la Sécurité sociale puisqu'il est voté cet après-midi au Sénat. Mais d'abord, un mot sur le budget. On a vu, hier, Marine Le PEN qui s'est rendue à Matignon, voir Michel BARNIER qui, à la sortie, a dit maintenir sa menace de censure si Michel BARNIER ne change pas et le juge campé sur ses positions. Est-ce qu'il faut faire des compromis avec le RN pour éviter la censure ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Je pense surtout qu'il faut trouver les meilleures solutions pour les Français. Je ne sais pas si c'est elle qui les porte. En tous cas que nous ayons des solutions équilibrées sur ce budget qui est un budget, bien entendu, avec besoin de beaucoup d'économies, besoin d'efforts de certains. Et je souhaite que tout cela soit équilibré.
ORIANE MANCINI
Et il n'est pas suffisamment pour le moment ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Écoutez, je ne vais pas me prononcer là-dessus. Les députés, les sénateurs ont à le faire. Il faut un budget équilibré. Il l'était dans le format que le Premier ministre a proposé. Madame Le PEN juge que ce n'est pas suffisant sur certaines mesures, j'imagine.
ORIANE MANCINI
Mais par exemple sur les retraites, puisque c'est un dossier que vous suivez particulièrement. Parmi ces lignes rouges, il y a l'abandon de la désindexation des pensions de retraite. Est-ce que vous êtes prêts à revenir là-dessus ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Je pense que ce n'est pas le facteur majeur qui doit nous faire revenir en arrière. La façon… Il faut le construire. Enfin, je veux dire à tous les Français, les retraites vont être payées au mois de janvier. Parce que ce qui m'a été demandé sur un marché ou sur le terrain, c'est "mais on ne va pas toucher nos retraites ?" Donc en plus, il y a une mauvaise compréhension. Donc les retraites vont être payées. Elles ne seront pas forcément augmentées du taux de l'inflation.
ORIANE MANCINI
Mais moitié moins si le Parlement va au bout de ça.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
A quelles mesures ? Dans quel temps et dans quelles proportions et pour quel type de retraite ? C'est ça qui est important. Si j'ai bien compris, là où en sont les débats potentiels, les retraites les plus faibles, on va dire, seront protégées d'emblée.
ORIANE MANCINI
En deux temps.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Et puis, les retraites plus importantes attendront le mois de juillet et verront… Voilà, je crois qu'il faut trouver un équilibre.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, mais alors, ce que vous nous dites c'est que l'équilibre c'est ce qu'a proposé le Gouvernement. Il n'y a pas de marge de manœuvre avec les parlementaires que ce soir avec le Sénat ou l'Assemblée nationale.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Je pense qu'il y a eu… Alors, il n'y a pas que les retraites, il y a des équilibres qui se font à tous les niveaux. Il y a eu des discussions qui ont été faites au niveau de l'Assemblée. J'ai cru comprendre qu'il y avait eu des discussions, par exemple avec monsieur WAUQUIEZ sur l'équilibre des retraites. Je crois qu'il faut continuer à parler comme ça avec tous. Vous savez, la co-construction…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Donc avec tous, c'est y compris avec le RN ? Est-ce que l'accord qui a été trouvé avec Laurent WAUQUIEZ, on peut trouver des accords similaires avec Marine Le PEN ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Je pense qu'il faut trouver des accords pour les Français et pour l'état des finances de notre pays. Est-ce que Marine Le PEN a des bonnes idées ? Est-ce que madame PANOT a des bonnes idées ou a des idées constructives, c'est-à-dire quelque chose qui ne veut pas détruire, mais quelque chose qui veut construire ? Moi, aujourd'hui…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, mais alors, la réponse à votre question, c'est quoi ? Est-ce qu'elles ont des bonnes idées ou pas ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Je pense qu'ils ont des idées qui sont dans leur champ, qui sont plutôt une recherche démagogique de solutions, parce qu'en définitive, quel serait leur équilibre ? Donc trouvons-nous le bon moyen et d'équilibrer les choses et de faire en sorte que tous participent au niveau… nous participions tous au niveau auquel on peut participer sans dégrader complètement ou sans dégrader nos conditions de vie. Je crois que c'est ça qui est essentiel.
ORIANE MANCINI
Vous êtes ministre MoDem. Le MoDem est d'accord surtout avec ce budget parce qu'on les a sentis un petit peu critiques, les députés MoDem pendant l'examen du texte ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Oui, mais heureusement. Le MoDem est là avec sa ligne qui est en fait une ligne assez claire, c'est justement d'avoir une ligne d'équilibre et c'est par exemple de travailler sur la justice fiscale. Ça a toujours été le mantra, porter le MoDem avec force, à juste titre il me semble, et d'avoir un équilibre qui maintienne l'activité économique nécessaire dans notre pays et un équilibre qui maintienne aussi le pouvoir d'achat des Français et qui maintienne une vie dans notre pays qui soit acceptable par le plus grand nombre, par tous, avec une attention pour les plus fragiles. C'est ça notre ligne.
ORIANE MANCINI
On va parler du budget de la Sécurité sociale. Il sera voté au Sénat cet après-midi. Sans grand suspense, il sera voté favorablement ici au Sénat, mais il y a quand même eu des modifications, notamment, le Sénat a voté 7 heures de travail annuel non rémunéré pour financer la dépendance. Alors, le Gouvernement a donné un avis défavorable. Mais hier, à votre place, Laurent SAINT-MARTIN disait qu'il fallait poser ce débat sur la table. Est-ce que vous êtes d'accord ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Je crois qu'il faut tout poser sur la table, mais qu'il faut le discuter, qu'il faut le discuter avec les partenaires sociaux et qu'il faut que nous arrivions à trouver des solutions d'évolution sur ces sujets. Est-ce que nous avons une journée de plus non travaillée ? Est-ce que c'est une journée de plus travaillée payée ?... Enfin, travaillée non payée…
ORIANE MANCINI
C'est quoi la bonne solution pour vous ? Est-ce qu'il faut 7 heures de travail ? Est-ce qu'il faut qu'à un jour férié - ce qui revient à peu près au même - mais avec des modalités plus strictes ? Est-ce que, pour vous, il faut que les Français travaillent plus non rémunérés pour financer la dépendance ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Nous sommes dans une situation où il va falloir que nous travaillions sur tous les modes de financement de notre modèle social. L'objectif, est-ce que c'est de garder notre modèle social ? Je crois que oui. L'objectif, c'est de garder notre modèle de solidarité. L'objectif aujourd'hui, c'est comment… le deuxième objectif, comment le finançons-nous alors que nous avons des conditions démographiques qui ne sont plus du tout celles de 1945 quand la sécurité sociale a été créée ?
ORIANE MANCINI
Mais le financement passe par un travailler plus du coup ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Le financement, il peut passer par différents modes, ça peut être le travailler plus, ça peut être des modes de financement différents. Franchement, nous avons besoin de nous poser, mais pour ça, il faut du dialogue social. Et je pense que c'est ce que voulait dire Laurent SAINT-MARTIN, mon collègue, c'est que changer, imposer une journée supplémentaire de travail non rémunéré nécessite que l'on en discute. Et d'ailleurs, ce n'est pas l'imposer, c'est peut-être…
ORIANE MANCINI
Ça fait sept ans qu'Emmanuel MACRON promet une loi grand âge, une grande loi dépendance. Elle n'a toujours pas vu le jour. À quel moment on arrête de discuter et on agit du coup ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Oui. Et moi, ça ne fait pas sept ans, mais je vous le dis aujourd'hui, pour ce qui est de la sécurité sociale, de l'assurance maladie, il va falloir aussi que nous ayons une loi d'orientation et de transformation de notre système de santé.
ORIANE MANCINI
Pour aller vers quoi ?
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Pour compléter même cette question, on va vers une diminution du remboursement des consultations, diminution du remboursement des médicaments. Est-ce qu'on va avoir un système toujours plus coûteux et à la fois de moins en moins bien remboursé par la sécurité sociale ? Je pose la question aussi au docteur. Je rappelle que vous êtes médecin de profession, vous êtes allergologue.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
On va dans un système de plus en plus coûteux, oui, très simplement parce que la population vieillit donc les maladies chroniques augmentent. Et donc les besoins de soins et donc de financement de l'assurance maladie augmentent. L'ONDAM aujourd'hui, dont nous avons discuté au Sénat…
ORIANE MANCINI
L'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
…c'est plus 9 milliards d'euros cette année, enfin, pour 2025 ; c'est plus 63 milliards depuis 2019. C'est-à-dire que nous sommes, aujourd'hui, à 264 milliards pour 2025 donc c'est toujours plus. Mais c'est toujours plus parce que nous vieillissons davantage et nous avons besoin de plus de soins. Donc ce qu'il nous faut, c'est assurer et assumer cette évolution de notre démographie et de notre population qui doit l'assumer…
ORIANE MANCINI
Mais qui doit l'assumer ? Est-ce que ce sont les patients qui doivent l'assumer ? Est-ce que vous dites "aujourd'hui, il faut que le reste à charge des patients augmente" ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Alors aujourd'hui, le reste à charge des patients, il est le plus faible de tous les pays de l'OCDE. Et je dois dire que ce que prend en charge l'assurance maladie aujourd'hui, c'est 80% de toutes les dépenses de santé. Il y a dix ans, c'était 75%. Ce que prennent en charge les assureurs complémentaires, les mutuelles, aujourd'hui c'est 12,5% et il y a dix ans, c'était 13%. Donc l'assurance maladie prend toujours plus en charge.
ORIANE MANCINI
Trop, elle prend trop ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Non, parce qu'il y a plus de maladies de longue maladie qui sont remboursées à 100%. Donc les mesures que nous pouvons prendre, bien entendu, de déport sur l'assurance complémentaire de certains remboursements ne touchent pas ceux qui sont en longue maladie, ne touchent pas les plus fragiles qui sont à la C2S, bien entendu. Et par contre, effectivement, il y a des Français qui consultent peut-être moins, qui ne sont pas en longue maladie, qui vont devoir faire appel à leur mutuelle pour être complètement remboursés. Ce qui est déjà le cas puisque 96% des Français ont des mutuelles.
ORIANE MANCINI
Mais il y en a… Il y a des millions de Français qui n'ont pas de mutuelle. Qu'est-ce que vous leur dites à ceux-là ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Il y a 3 millions de Français qui n'ont pas de mutuelle. Et moi, ce que je souhaiterais vraiment, c'est identifier dans ces personnes, quels sont ceux qui renoncent à leur droit, c'est-à-dire que m'expliquent et je le crois volontiers, que beaucoup de Français en précarité et avec des tout petits revenus, y compris des retraités, ne sont pas affiliés à la C2S parce qu'ils n'ont pas fait la démarche. Donc il faut aller vers eux pour les affilier à cette C2S, à cette complémentaire santé solidaire, afin qu'ils soient complètement couverts. Je crois que c'est ça qui est important. Le non-accès aux droits leur fait perdre ces…
ORIANE MANCINI
Donc vous allez travailler pour que tout le monde ait accès à ses droits. Mais ceux qui, néanmoins, n'ont pas de mutuelle, est-ce que vous leur dites qu'il va falloir renoncer à des soins ? Ou est-ce que le Gouvernement va faire un effort pour que ce qui est compensé par la mutuelle pour les autres Français soit compensé aussi pour eux ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Je vous dis qu'il y a la C2S pour les plus fragiles. Ensuite, il y a ceux qui font le choix de ne pas avoir de mutuelle, un choix personnel, parce qu'ils estiment peut-être qu'ils ont les moyens de prendre en charge le restant puisque l'assurance maladie rembourse toujours majoritairement les choses.
ORIANE MANCINI
Est-ce qu'à moyen terme, il va falloir réfléchir au remboursement des médicaments, des consultations en fonction des revenus ? Est-ce que ça c'est une piste à suivre ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Je ne suis pas très favorable à ce genre de choses. Je pense qu'on part complètement de l'esprit, de la création de notre modèle social.
ORIANE MANCINI
Vous avez signé un accord aussi avec les industries du médicament sur ces questions de dépense ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Oui, nous avons fait, assez rapidement d'ailleurs, un accord avec l'industrie pharmaceutique. Vous voyez bien que dans ces dépenses d'assurance maladie, les dépenses de médicaments augmentent de façon très importante. Nous avons fait un accord avec l'industrie du médicament afin d'abord déjà de venir en soutien des difficultés pour 2024, que nous avons identifiées très tardivement, c'est-à-dire il y a quelques jours, avec des moindres rentrées qui mettaient l'exercice 2024 en difficulté.
ORIANE MANCINI
Mais juste, comme ça se fait ? Je crois que c'est un milliard dont on s'est rendu compte qui manquait dans le budget. Comment ça se fait qu'on s'en soit rendu compte juste avant l'arrivée du texte Sénat ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Écoutez, moi, j'essaie de comprendre depuis que je suis là, les mécanismes mis en œuvre avec les médicaments, parce qu'il y a des économies demandées à l'industrie du médicament, il y a des remises sur les médicaments. C'est quelque chose de relativement complexe et qui nous a mis peut-être cette année, en difficulté de prévisibilité. Donc, moi, ce que je souhaite et ce que je vais demander avec Laurent SAINT-MARTIN, c'est une mission d'évaluation de l'IGAS et de l'IGF…
ORIANE MANCINI
Inspection générale des affaires sociales.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
…afin qu'ils puissent nous dire si ces mécanismes sont des mécanismes solides sur lesquels on peut vraiment… Parce que cette découverte tardive des services me laisse à penser qu'il y a des choses qui n'ont pas été évaluées parce que le mécanisme est trop complexe.
ORIANE MANCINI
C'est-à-dire que ça peut conduire à des dérapages dont vous n'avez pas la maîtrise et dont vous, ministre, vous n'avez pas connaissance.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Exactement.
ORIANE MANCINI
Donc il y aura une mission commune demandée par vous et Laurent SAINT-MARTIN pour essayer de comprendre comment on en arrive à un tel coût de la sécu.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Essayer de comprendre et voir s'il y a des choses à réajuster.
ORIANE MANCINI
Elle sera lancée quand, du coup, cette mission d'information ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Le plus rapidement possible. Nous terminons le PLFSS et puis nous allons signer ça le plus rapidement possible
ORIANE MANCINI
Un mot juste sur le PLFSS, parce que le Sénat a voté la taxe Lapin. Dans ce PLFSS, pour responsabiliser les patients qui annulent leur rendez-vous. Le Gouvernement s'y est opposé, alors que c'est Gabriel ATTAL lui-même qui avait lancé ce chantier quand il était Premier ministre. Du coup, pourquoi maintenant vous vous y opposez ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Alors moi, je ne suis pas du tout opposée à la taxe Lapin. Je peux vous dire qu'en tant que professionnel de santé ayant exercé
ORIANE MANCINI
Mais il y a un avis défavorable du Gouvernement.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Quand vous avez des plages horaires qui sont réservées pour quelqu'un qui ne vient pas alors que vous avez d'autres personnes qui attendent, c'est une vraie difficulté. Je crois qu'il y avait surtout, c'était surtout une difficulté de mise en œuvre. Ça ne peut pas être pris par l'assurance maladie. Enfin, c'est absolument impossible, puisque l'assurance maladie n'a pas à savoir qu'il existe, enfin ne peut pas savoir qu'il y a un rendez-vous. C'est hors de son champ de compétences, on va dire, et de visions. Donc il faut l'adapter, mais je crois qu'il nous faut prendre le temps de voir comment on peut adapter ça, et que ce soit une relation directe entre le médecin et le patient. Donc c'est la difficulté de mise en œuvre qui…
ORIANE MANCINI
Plus que la taxe Lapin en elle-même ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Oui, oui.
ORIANE MANCINI
Là-dessus, vous la défendez ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Oui, la philosophie de la taxe Lapin, moi, je la défends. Mais il faut agir vraiment sur le civisme.
ORIANE MANCINI
Donc ça veut dire que vous allez la reproposer, la taxe Lapin. Ce chantier, il n'est pas abandonné par le Gouvernement ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Je sais que le Sénat y est très attaché, je sais que le Président MOUILLER y est très attaché. Et nous allons faire en sorte de continuer de voir comment potentiellement on peut l'appliquer. Mais je crois que le fait d'avoir parlé de cette taxe Lapin a sensibilisé la population ; c'est ce qu'il faut aussi. Parce que l'idée, ce n'est pas de taxer les gens, mais l'idée, c'est de leur faire prendre conscience que quand ils ne font pas les choses, par exemple annuler un rendez-vous ou dire qu'ils ne peuvent pas venir, ils mettent en difficulté le…
ORIANE MANCINI
Donc, vous, vous souhaitez qu'elle voit le jour.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
C'est du civisme, ce n'est pas taxer pour taxer.
ORIANE MANCINI
Un dernier mot sur le budget de la Sécurité sociale, puisque demain, il y aura une commission mixte paritaire pour trouver un accord justement entre les députés et les sénateurs sur ce texte. Gabriel ATTAL, il n'a pas encore annoncé la position de son groupe. Elle sera annoncée ce matin, qui appartient pourtant évidemment au socle commun. Est-ce que vous pensez que Gabriel ATTAL et le groupe EPR, Ensemble pour la République, pourraient bloquer l'accord ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Non, je souhaite que non. À titre personnel, je pense que Gabriel ATTAL et son groupe sont parfaitement responsables. Moi, j'entends qu'ils ont des attentes fortes sur la protection du travail. Je crois que les politiques que nous avons menées - et je m'inclue dedans, parce que j'étais dans beaucoup de Gouvernements - que nous avons menées depuis 7 ans, c'était des politiques pour créer de l'emploi, pour faire en sorte que les Français aient accès au travail. Avant, j'entendais beaucoup parler de chômage dans les familles, j'en entends beaucoup moins parler aujourd'hui. Donc je crois que ce sont vraiment des politiques qui ont porté leurs fruits, et je pense que Gabriel ATTAL, bien sûr, ne veut pas que les choses aillent dans l'autre sens. Donc il est attentif à cela. Mais nous trouverons, j'espère, les voies et moyens d'avancer.
ORIANE MANCINI
Fabrice, vous avez des questions sur l'accès aux soins ?
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, mais si vous permettez, j'ai juste une petite question en rebond à la question d'Oriane sur l'industrie pharmaceutique, qui est souvent accusée de s'enrichir sur notre système de santé. Qu'en dit la ministre de la Santé ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Je dis que l'industrie pharmaceutique est indispensable pour fabriquer des médicaments. Alors, on peut expliquer ce que l'on veut, est indispensable aussi pour porter de la recherche, parce que quand on dit que nos dépenses de santé en termes de médicaments augmentent beaucoup, oui, les Français prennent peut-être beaucoup de médicaments et quelquefois trop. Mais aussi, il y a beaucoup de médicaments innovants dans des maladies comme les cancers, comme le diabète, comme la mucoviscidose, enfin, des tas de maladie. Et ces médicaments innovants permettent une meilleure santé des Français et ils sont très chers.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
C'est la contrepartie.
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Oui.
ORIANE MANCINI
Sur l'accès aux soins.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Sur l'accès aux soins, effectivement, 30 % des Français vivent dans un désert médical. Est-ce que ce chiffre est confirmé ? 30 % à peu près, c'est ça ? Est-ce que, comme le préconisent certaines initiatives parlementaires, vous êtes prête, vous, à remettre en question la liberté d'installation des médecins ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Non. Je pense que ce n'est pas la solution. La coercition ne me paraît pas être la solution. Donner envie d'aller, oui. Alors bien sûr, on va me dire : "Toutes les mesures incitatives ont été prises. Il y en a beaucoup sur la table aujourd'hui et ça ne donne pas forcément toujours de résultats". Mais je suis désolé. La création des maisons de santé pluridisciplinaires donne des résultats et elles s'étendent de plus en plus sur le territoire. L'objectif, c'est d'en avoir 4 000 dans le pays. Nous n'y sommes pas encore en 2027, donc nous devons continuer de construire ça avec les professionnels parce que les professionnels veulent travailler en équipe. Donc, tout ce qui est mis en œuvre pour travailler en équipe, les maisons pluriprofessionnelles, les infirmières en pratiques avancées qui sont dans ces maisons pluriprofessionnelles, potentiellement les assistants médicaux pour dégager du temps médical. Toutes ces facilités, il faut les poursuivre. Ensuite, moi, j'ai vu des il y a des ordres, par exemple l'ordre des kinés et l'Ordre des pharmaciens qui ont mis en œuvre des mesures pour limiter l'installation, par exemple dans des zones très fournies en praticiens, et faire en sorte qu'on ne peut s'installer dans ces zones que si quelqu'un part à la retraite. Ça, c'est une, ce sont des décisions qui sont des décisions de professionnels, d'engagements, de professionnels de santé et c'est vrai que, par exemple, j'en ai parlé avec le président de l'Ordre des médecins, bon pour l'instant, qui ne sont pas sur cette dynamique, mais qui peuvent réfléchir aussi à prendre des mesures qui ne soient pas coercitives, qui soient des mesures facilitantes pour ces déserts médicaux.
ORIANE MANCINI
Fabrice, sur l'hôpital.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, sur l'hôpital, beaucoup de plans, ces dernières années, beaucoup de milliards aussi d'argent public dans les hôpitaux. Et pourtant, la crise demeure, voire s'enracine. Qu'est-ce qui ne va pas dans notre hôpital, Geneviève DARRIEUSSECQ ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
D'abord, moi, je suis peut-être une optimiste, mais je vois aussi ce qui va bien, c'est-à-dire que nous avons quand même des hôpitaux avec des beaux plateaux techniques, avec des services de pointe en spécialité. On est bien soigné en France et moi, je veux saluer tous les soignants, les médecins, les infirmiers, les aides-soignants, tous ceux qui travaillent dans l'hôpital parce qu'il y a de la compétence, il y a de la confiance à avoir dans nos hôpitaux. Ensuite, il y a des secteurs qui sont en difficulté. Le secteur, par exemple, des urgences, c'est un vrai sujet, très simplement parce que tout le monde allait aux urgences. Il faut que nous redonnions aux urgences leur mission première, qui est de traiter les urgences et c'est ce qui se fait avec la création des services d'accès aux soins et avec les soins non-programmés qui permettent de désengorger les urgences. Autre secteur en difficulté, la gériatrie, parce que manque d'attractivité des secteurs, mais nous avons besoin de ce secteur et nous avons besoin de lits d'aval pour désengorger justement les urgences. Et nous avons besoin de trouver voies et moyens pour que les personnes âgées ne viennent pas aux urgences et attendent sur des brancards pendant des heures. Troisième secteur, la pédiatrie, je peux en parler, on manque de pédiatres aujourd'hui. Et nous avons besoin de travailler sur tous ces secteurs qui sont plus en difficulté que d'autres.
ORIANE MANCINI
Le Gouvernement a annoncé hier de nouvelles mesures pour lutter contre la violence faite aux femmes. Vous avez accompagné Michel BARNIER lors de ses annonces, notamment une qui porte sur la soumission chimique. C'est au cœur du procès Mazan. Michel BARNIER a annoncé des kits de détection de soumission chimique. Est-ce que vous savez déjà comment ils vont fonctionner précisément ces kits ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Alors, moi, je pense aujourd'hui que ce qui va être mis en place et en œuvre très rapidement, c'est la possibilité pour les femmes qui pensent avoir été victimes de soumission chimique d'aller très vite chez un médecin ou voir un médecin, alors là, aux urgences pour le coup, il faut en voir un assez rapidement, et de pouvoir avoir en laboratoire une détection immédiate sur toute une gamme de produits. Parce que ces produits disparaissent vite de l'organisme et on a besoin de tracer cela de façon rapide. Et c'est une prise en charge qui sera prise en charge par la sécurité sociale. Tout ça est en expérimentation, c'est mille euros le dosage.
ORIANE MANCINI
Mais, dans combien de départements, du coup, ce sera possible ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Alors, je ne suis pas capable de... Là, je vous dirai des bêtises, donc, je ne vais pas vous dire combien de départements. Mais aujourd'hui, mais ce qui est certain, c'est qu'il me semble important que ces femmes qui ont des doutes sur une soumission chimique potentielle puissent immédiatement aller dans un laboratoire et avoir ces tests, parce que tout cela est très négatif, Moi, tolérance zéro, par rapport à tous ces sujets de violences faites aux femmes, que ce soit, alors, en soumission chimique, c'est absolument incroyable. Tolérance zéro, tous les moyens mis pour protéger les femmes et ça, ça en fait partie.
ORIANE MANCINI
Dernier sujet dont on va parler ensemble, c'est le sujet de la fin de vie. Le débat sur la fin de vie qui reprendra à l'Assemblée nationale le 27 janvier. C'est quel texte exactement qui sera examiné à l'Assemblée nationale ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Écoutez, aujourd'hui, le Premier ministre n'a pas encore déterminé. Il voulait consulter avant de déterminer quel texte serait pris en compte à l'Assemblée nationale. A titre personnel, je pense que... Je dis à titre personnel. Je pense qu'on peut très bien porter le texte, la PPL d'Olivier FALORNI, c'est-à-dire le texte qui a été déjà travaillé à l'Assemblée nationale. J'ai fait partie de la commission spéciale et de tous les débats en tant que député, puisque j'étais député dans cette période-là. Donc, je vois très bien où nous en sommes, il y a des choses à améliorer qui ont été votées, certainement, mais qui peuvent encore être améliorées …
ORIANE MANCINI
Pour vous, il faut repartir de cette proposition de loi ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Je pense que ce serait le plus logique, puisqu'il y a déjà un débat qui a commencé. Mais nous devons poursuivre ce débat.
ORIANE MANCINI
Et Michel BARNIER tranchera quand, du coup ? Vous en avez parlé avec lui, plutôt pour repartir d'un projet de loi ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Non, Michel BARNIER a toutes les options sur la table. Ce qu'il voulait, c'était consulter les députés, les sénateurs et aussi l'écosystème qui porte cette loi et prendre une décision après avoir consulté toutes ces personnes, mais il n'était pas du tout hostile à la reprise du texte FALORNI.
ORIANE MANCINI
Vous visez une adoption à quelle échéance sur ce texte fin de vie, du coup ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Écoutez, c'est un parcours parlementaire complet. Donc il faut des allers-retours entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
ORIANE MANCINI
Fin de l'année 2025 ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Le plus rapidement possible. Mais oui, ce serait bien.
ORIANE MANCINI
Un dernier mot là-dessus, puisque Agnès FIRMIN-LE BODO, votre prédécesseur, elle s'était engagée à ce que fin 2024, tous les départements aient une unité de soins palliatifs. On en est où de cette promesse ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Nous y travaillons.
ORIANE MANCINI
Mais ce sera fin 2024 ? C'est dans cinq semaines, du coup ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Parce que dans la loi en question, il y a tout un pan sur les soins palliatifs. Mais la stratégie de déploiement des soins palliatifs, elle est en œuvre, avec des financements qui sont en œuvre. Et cette année, en 2025, nous mettons cent millions d'euros également supplémentaires pour continuer de déployer…
ORIANE MANCINI
Mais fin 2024, il n'y aura pas tous les départements avec une unité de soins palliatifs, du coup ?
GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ
Des unités mobiles, oui, il y en aura partout. Ce qu'il n'y aura pas forcément, ce sont des services de soins palliatifs. Mais des équipes mobiles, il y en aura partout. La difficulté, c'est de trouver les professionnels, quelquefois.
ORIANE MANCINI
Merci, Geneviève DARRIEUSSECQ. Merci beaucoup d'avoir été notre invitée ce matin. Merci, Fabrice.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Merci beaucoup.
ORIANE MANCINI
À la semaine prochaine, on va tout de suite passer au Club des territoires.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 novembre 2024