Interview de Mme Agnès Canayer, ministre déléguée, chargée de la famille et de la petite enfance, à France Info TV le 20 novembre 2024, sur le dispositif "petit déjeuner à l'école", l'accueil et le taux d'encadrement des jeunes enfants dans les crèches, la protection de l'enfance et la baisse de la natalité.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info TV

Texte intégral

Jean-Baptiste MARTEAU 7 h 44, l'heure de l'interview politique de la matinale. Alix BOUILHAGUET, vous recevez Agnès CANAYER. C'est la ministre déléguée chargée des familles ou de la famille – puisque le thème a l'air d'avoir été changé - et de la Petite enfance.

Alix BOUILHAGUET
Oui, on va parler natalité, parentalité.

Jean-Baptiste MARTEAU
C'est parti pour l'interview politique de la matinale.

Alix BOUILHAGUET
Bonjour Agnès CANAYER. Jean-Baptiste MARTEAU disait votre titre précis, c'est "de la Famille" avant c'était "des Familles." Pourquoi avoir changé ?

Agnès CANAYER
Bonjour. Écoutez, c'est l'intitulé du ministère qui m'a été confié. Peu importe, ce qui importe, c'est l'enfant. L'enfant, il a une famille, quelle que soit sa famille.

Alix BOUILHAGUET
Aujourd'hui, c'est la Journée internationale des droits de l'enfant. Cette semaine, j'imagine que vous l'avez lu attentivement. L'UNICEF a publié une radiographie alarmante des enfants et des ados français ; principal constat : les mécanismes de l'exclusion existent dès l'enfance, inégalités et rejet social, mais aussi précarité matérielle. 23 % des sondés disent sauter un repas par jour. Comment on lit ces inégalités ?

Agnès CANAYER
Écoutez, c'est vrai que c'est le reflet de notre société. C'est pour cela que nous oblige à faire de la prévention très tôt, même avant la naissance des enfants. C'est le plan "1 000 premiers jours" avec des entretiens périnataux, un accompagnement de la mère, notamment aussi pour éviter la dépression postpartum. Et puis ensuite, c'est le pacte des solidarités qui met en place un ensemble de mesures. Je pense notamment à la cantine à 1 euro pour faire en sorte que les enfants puissent avoir au moins un repas à l'école chaque jour.

Alix BOUILHAGUET
En 2019, le Gouvernement avait lancé les petits-déjeuners gratuits à l'école. En fait, seuls 300 000 élèves en sont bénéficiaires sur 12 millions. Pourquoi est-ce que ça ne marche pas ?

Agnès CANAYER
Parce que nous travaillons avec Paul CHRISTOPHE, le ministre à la Solidarité, pour faire en sorte que les collectivités, notamment les communes, s'engagent dans ce dispositif. Alors, il y a un certain nombre de réserves, parce que certains enfants ont déjà un petit-déjeuner. Pour d'autres, c'est une nécessité. Je pense qu'on doit mieux cibler le dispositif. Et nous y travaillons.

Alix BOUILHAGUET
Ah, ça veut dire que toutes les écoles ne mettent pas à disposition ce fameux petit-déjeuner censé être gratuit depuis 2019 ?

Agnès CANAYER
Non, ça dépend de l'engagement des collectivités.

Alix BOUILHAGUET
On a aussi, dernièrement, vu des dysfonctionnements dans le secteur de la petite enfance, notamment dans les crèches privées. Comment est-ce qu'on rend plus attractifs ces métiers qui sont souvent à faible attractivité, peu rémunérés, mal considérés ?

Agnès CANAYER
Alors il y a un enjeu fort. Avant tout, c'est l'attractivité des métiers de l'humain, de la petite enfance, de l'enfance et même du grand âge. Nous devons travailler à mieux coordonner les parcours pour qu'une personne qui est formée, qui travaille d'abord avec des enfants en bas âge, puisse aussi après, pourquoi pas, travailler avec des plus âgés, voire avec des enfants du secteur du handicap. Ça, c'est un enjeu fort de formation. C'est un enjeu fort aussi de temps, d'attractivité, de valorisation des métiers. On lance une campagne nationale ces jours-ci pour renforcer l'attractivité des métiers, mieux faire connaître ces métiers de l'humain pour que nombre de jeunes et de moins jeunes s'engagent dans ces formations pour venir rejoindre ces secteurs du social.

Alix BOUILHAGUET
Mais quitte à mieux les rémunérer. Cette question sera aussi sur la table ?

Agnès CANAYER
Cette question est sur la table. Mais les rémunérations ont déjà été augmentées. Je pense notamment aux assistantes maternelles. Je pense notamment au personnel des crèches avec la mise en place de la prime Ségur. Donc, maintenant, ce n'est pas simplement une question financière. C'est aussi une question de valorisation des métiers.

Alix BOUILHAGUET
Il y a un collectif qui s'appelle "Pas de bébés à la consigne" qui réclame un plan d'urgence pour la petite enfant et la publication, notamment d'ici la fin de l'année, d'une série de décrets, notamment sur le taux d'encadrement.

Agnès CANAYER
Effectivement, je les ai rencontrés hier, puisqu'ils manifestaient. L'objectif pour eux, c'est de renforcer le taux d'encadrement. Mais pour nous, ce qui importe, ce n'est pas tant le taux d'encadrement, c'est la qualité aussi de l'accueil des jeunes dans les structures petite enfance. Cette qualité est au cœur de notre engagement, notamment avec le service public de la petite enfance qui prendra effet au 1er janvier 2025. Les communes devront organiser le service public de la petite enfance, recenser l'offre et décliner les besoins et s'assurer de la qualité dans toutes les structures petite enfance grâce notamment à l'application du référentiel national de la qualité de l'accueil des jeunes et des contrôles renforcés.

Alix BOUILHAGUET
Mais là, vous dites qu'il n'y a pas de problème de taux d'encadrement aujourd'hui en France ?

Agnès CANAYER
Il y a un taux d'encadrement qui est déjà fixé par décret. C'est un adulte pour 5 bébés et un adulte pour 8 enfants marcheurs. Ces décrets… Aujourd'hui, on voit que la difficulté, c'est même de respecter ces taux d'encadrement. Il manque 10 000 postes dans le secteur de la petite enfance. Et la priorité aujourd'hui, c'est avant tout d'embaucher et donc de renforcer l'attractivité des métiers. On pourrait augmenter tous les taux d'encadrement, s'il n'y a pas les professionnels qui sont là, ça n'aboutira à rien.

Alix BOUILHAGUET
Récemment, il y a aussi eu un procès, celui de Châteauroux, où des dizaines d'enfants placés ont été maltraités et abusés. Ça a démontré quand même le naufrage de l'aide sociale à l'enfance. Comment être plus efficace, mieux aiguillé, mieux contrôlé ?

Agnès CANAYER
Alors effectivement, la protection de l'enfance aujourd'hui est en crise. Et nous devons - Michel BARNIER s'y est engagé, jeudi dernier, devant les départements de France - repenser la protection de l'enfance. Repenser la protection de l'enfance, c'est replacer le projet individualisé de l'enfant au cœur des actions qui sont mises en place. C'est faire en sorte que les enfants soient plutôt accueillis par des individus, assistants familiaux, tiers dignes de confiance, plutôt que dans des grandes institutions plus nombreuses, plus collectives, où sont souvent mis en place plus de dérives. Et nous devons aussi renforcer les contrôles grâce à des inspections-contrôles, mieux coordonner l'action des préfectures, l'action des PMI et des départements. C'est le rôle des comités départementaux de la protection de l'enfance.

Alix BOUILHAGUET
Donc ça, c'est quelque chose qui sera effectif rapidement ?

Agnès CANAYER
Oui, tout à fait, parce que nous devons nous y engager rapidement. La réflexion sur l'évolution de la protection de l'enfance prendra un peu de temps. On va y travailler notamment avec mes collègues, le garde des Sceaux, parce que nous devons aussi embarquer la Justice, embarquer l'Éducation nationale, embarquer la Santé. Mais sur les contrôles, nous devons nous y attacher maintenant. Une instruction a été envoyée au préfet pour qu'il s'assure qu'il y ait le respect de ces normes et de ces règles dans les établissements de la protection de l'enfance.

Alix BOUILHAGUET
Vous parliez à l'instant de la Justice, parce qu'effectivement, parfois, votre ministère va de pair avec la Justice. On en est où de la sanction des parents défaillants ? On en avait parlé notamment après les émeutes de juin 2023.

Agnès CANAYER
Écoutez, c'est un sujet qui est sur la table. Et je sais qu'il y a une proposition de loi qui sera débattue à l'Assemblée nationale sur ce sujet très prochainement pour mettre en place le cadre juridique qui permettra effectivement de mieux responsabiliser les parents défaillants.

Alix BOUILHAGUET
Donc à ce stade, pour l'instant, il n'y a pas encore de contenu ?

Agnès CANAYER
Le contenu est en train d'être travaillé. C'est travaillé par mon collègue le ministre en charge de la Justice. Mais d'ores et déjà, des travaux ont déjà été initiés à l'Assemblée nationale. Et je pense qu'ils seront débattus très prochainement.

Alix BOUILHAGUET
Emmanuel MACRON avait appelé au réarmement démographique. Et pourtant, on a constaté que les Français font de moins en moins d'enfants. D'après l'INSEE, 48 200 bébés en moins, soit 677 800 enfants en 2023. Et on sent que la tendance se poursuit en 2024, la tendance à la baisse. C'est le niveau le plus bas depuis la fin du baby-boom. Comment est-ce que vous expliquez ça ? Est-ce que c'est juste la crainte de l'avenir ?

Agnès CANAYER
Eh oui. Et pourtant, il y a un désir d'enfants en France, mais une faible réalisation. C'est vrai que c'est avant tout une question de confiance. Pourtant, la nationalité, c'est essentiel pour notre société. C'est essentiel démographiquement, économiquement, socialement. Et donc, on doit redonner confiance aux parents. Je pense qu'aujourd'hui, le sujet majeur, c'est qu'il y a une peur de l'avenir, une peur de la société de demain. Donc il y a une peur de l'environnement, l'éco-anxiété mais il y a aussi une peur de la difficulté de concilier sa vie professionnelle et sa vie familiale. Et l'enjeu notamment de l'augmentation des nombres de places de crèche et de la qualité de l'accueil du jeune enfant en structure petite enfance doit permettre de rassurer les parents, je l'espère, et de les amener à avoir confiance dans l'avenir et donc à faire des bébés.

Alix BOUILHAGUET
À la place du congé parental, Emmanuel MACRON souhaitait un nouveau congé de naissance plus court, mieux rémunéré. Il devait entrer en vigueur l'année prochaine. Ça en est où ? On n'a pas le sentiment que le calendrier sera tenu ?

Agnès CANAYER
Alors ce sujet est toujours au cœur des réflexions. C'est un engagement et c'est un enjeu fort, parce qu'on voit bien qu'aujourd'hui, notamment sur la première année de l'enfant, l'environnement familial est essentiel et le lien parent-enfant se tisse avant tout à ce moment-là. Donc c'est fondamental. Le sujet est en réflexion. Et nous pensons pouvoir, au cours de l'année 2025, faire des annonces sur à la fois comment on fait en sorte que et le père et la mère ou l'autre parent, pardon, puissent prendre ce congé parental et notamment sur sa durée et le taux de rémunération.

Alix BOUILHAGUET
Donc vous dites 2025, on restera dans les clous ? Il sera mis en place, ce congé de naissance ?

Agnès CANAYER
Oui, tout à fait. Il sera travaillé en 2025.

Alix BOUILHAGUET
Parfait. Merci beaucoup, Agnès CANAYER. Bonne journée à vous.

Agnès CANAYER
Bonne journée à vous


source : Service d'information du Gouvernement, le 22 novembre 2024