Déclaration de Mme Marina Ferrari, ministre déléguée chargée de l'économie du tourisme, sur la lutte contre la contrefaçon, à l'Assemblée nationale le 27 novembre 2024.

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  • Marina Ferrari - Ministre déléguée, chargée de l'économie du tourisme

Circonstance : Débat sur le rapport du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) relatif à l'évaluation de la lutte contre la contrefaçon

Texte intégral

Mme la présidente
L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) relatif à l'évaluation de la lutte contre la contrefaçon.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les rapporteurs, les orateurs des groupes, puis le Gouvernement, représenté par la ministre déléguée chargée de l'économie du tourisme, Mme Marina Ferrari ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

(…)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'économie du tourisme.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée chargée de l'économie du tourisme
Nous voici réunis dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. Cette instance importante, créée par la révision constitutionnelle de 2008, a pour mission – comme son nom l'indique – d'évaluer les politiques publiques. Permettez-moi d'abord d'excuser le ministre des comptes publics et la ministre de la consommation, qui m'ont chargée de les représenter, et de féliciter les deux rapporteurs pour la qualité de leur travail sur l'évaluation de la lutte contre la contrefaçon. Ce rapport s'inscrit dans la continuité des travaux conduits précédemment par les députés Christophe Blanchet et Pierre-Yves Bournazel entre 2018 et 2020.

La lutte contre les trafics de contrefaçons doit évoluer rapidement, tant la circulation de produits contrefaits progresse de manière exponentielle, structurellement et quantitativement. Une étude de l'OCDE et de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) de 2021 estimait déjà que la contrefaçon représentait 2,5 % du commerce mondial et jusqu'à 5,8 % des importations de marchandises dans l'Union européenne. Par ailleurs, les pratiques des trafiquants évoluent du fait du développement du commerce en ligne et de l'apparition de réseaux organisés calqués sur le modèle des grands réseaux criminels.

Face à ce nouveau paradigme, nous ne sommes toutefois pas restés inactifs. D'une part, nous avons fait évoluer les cadres législatifs européen et national. D'autre part, nous avons lancé deux plans d'action, en 2021 puis en 2024. Messieurs les rapporteurs, votre travail publié fin 2023 est bienvenu : il offre un état des lieux récent de la lutte contre la contrefaçon et met en perspective, à bientôt un an du lancement du second plan, les avancées obtenues et les points d'amélioration sur lesquels il nous faut travailler.

La contrefaçon est un défi majeur pour notre pays, qui est le deuxième le plus touché au monde, après les États-Unis et avant l'Italie. Au niveau européen, une production domestique de grande ampleur se développe. Les flux de produits finis de contrefaçon laissent la place à un trafic de composants ou d'ingrédients contrefaits qui sont assemblés sur le territoire national. L'exemple le plus probant de cette nouvelle pratique est celui de la contrefaçon de parfums : flacons, étiquettes, emballages, formules chimiques et matières premières arrivent séparément et sont ensuite assemblés sur le territoire français. Ces pratiques ne sont pas sans risques pour les consommateurs, les matières utilisées étant potentiellement très dangereuses.

L'évolution du nombre d'articles saisis témoigne de l'explosion de la contrefaçon : il est passé de 200 000 en 1994 à plus de 11 millions en 2022. C'est dire si la menace est grande – oui, nous devons utiliser le terme de menace pour parler de la contrefaçon. Menace, tout d'abord, pour la santé et la sécurité des consommateurs, 15 % des produits saisis au sein de l'Union Européenne étant réputés dangereux.

Menace, ensuite, pour nos entreprises et notre économie. Au niveau européen, une étude de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle a estimé que la contrefaçon avait entraîné en 2023 des pertes de chiffre d'affaires à hauteur de 16 milliards d'euros. Cela touche particulièrement le secteur de l'habillement, avec 12 milliards de pertes, suivi du secteur de la cosmétique – 3 milliards de pertes – et de celui des jouets – 1 milliard. La contrefaçon représenterait 200 000 emplois détruits ou non créés en Europe et près de 38 000 en France, selon les dernières estimations de la Cour des comptes, qui datent de 2017.

La contrefaçon fait également peser une menace réputationnelle sur nos entreprises. Enfin, elle représente une menace environnementale. Les contrefaçons sont souvent confectionnées dans des centres de production à l'international, qui ne respectent pas les normes en vigueur en Europe et en France et les produits contrefaits contiennent parfois, je le répète, des produits toxiques.

Face à ce phénomène en constante évolution, les services de l'État adaptent leurs méthodes et leurs moyens d'intervention, ce qui commence à produire des résultats très tangibles. Alors qu'en 2022, nous avions retiré du marché plus de 11 millions d'articles contrefaits, ce chiffre a dépassé 20 millions en 2023, ce qui représente une hausse de plus de 77 % des saisies douanières.

Ces résultats sont notamment à mettre au crédit du déploiement, à partir de 2021, du premier plan d'action de la douane en matière de lutte contre la contrefaçon, lancé par le ministre chargé des comptes publics de l'époque, M. Olivier Dussopt. Ces résultats ne seraient pas ce qu'ils sont sans l'engagement des douanières et des douaniers qui agissent au quotidien pour vérifier la conformité des marchandises entrant sur notre territoire et lutter contre ces trafics. Je profite de cette tribune pour saluer leur travail et leur engagement et adresser à nos 16 000 agents des douanes un remerciement appuyé.

Je m'arrêterai quelques instants sur le travail exceptionnel conduit à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024. Nous avons instauré pendant plusieurs mois, en collaboration avec d'autres pays européens, un dispositif spécifique de lutte contre la contrefaçon concernant l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, qui reposait sur des contrôles depuis la phase d'importation jusqu'à la vente des marchandises dans des boutiques, sur les marchés ou en ligne. Entre novembre 2023 et juillet 2024, cette action a permis de saisir 630 000 contrefaçons au niveau européen, dont plus de 500 000 étaient destinées au marché français.

Outre l'opération interministérielle Coubertin, qui a mobilisé près de 4 000 agents de la police, de la gendarmerie et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l'importante opération coup de poing Héraclès, qui a mobilisé quatre-vingts agents de cinq brigades des douanes franciliennes, a permis de saisir plus de 135 000 contrefaçons dans dix-sept entrepôts de l'Est parisien préalablement repérés. Cette opération a démontré l'efficacité incontestable des contrôles renforcés, l'importance de la formation – 1 600 agents des douanes et 130 agents de la DGCCRF ont été formés – et la place centrale du partage d'informations qualifiées entre les différents acteurs.

Le constat de l'évolution de la contrefaçon a conduit à l'élaboration du nouveau plan d'action national anticontrefaçon pour la période 2024-2026, présenté en mars dernier par le ministre des comptes publics Thomas Cazenave. Ce plan tire les enseignements du précédent, qu'il prolonge et complète. J'insisterai sur deux volets de ce nouveau plan résolument offensif, qui prouvent que nous nous adaptons aux nouveaux canaux de diffusion des produits contrefaits et à l'évolution des profils des contrefacteurs.

Le premier volet concerne l'identification et le démantèlement des réseaux organisés de fraude. En complément de l'approche traditionnelle ciblée sur les marchandises, la douane renforce le volet opérationnel de son action en mobilisant l'ensemble des services douaniers concernés, des services de renseignement aux services de constatation et d'enquête, dans une optique de lutte contre les réseaux organisés de fraude. Concrètement, il ne s'agit plus seulement de contrôler, saisir et détruire, mais bel et bien de démanteler les réseaux pour agir à la source, à l'image de l'arrestation, les 19 et 20 novembre 2024, de plusieurs individus en Grèce, en Allemagne, en Bulgarie et en France, à la suite du démantèlement par les gendarmes de Normandie d'une importante usine de fabrication de cigarettes de contrefaçon près de Rouen en janvier 2023.

Le second volet du plan porte sur le renforcement de la coopération avec les plateformes de vente en ligne pour traquer les ventes de contrefaçons dans l'espace numérique. Je l'ai dit, le développement du commerce en ligne attire les organisations criminelles, qui utilisent ces plateformes. Plusieurs mesures de régulation ont été appliquées au niveau européen, échelon pertinent pour toucher les géants du numérique, mais également au niveau national pour compléter les dispositifs.

Je citerai cinq textes très importants. Premièrement, le règlement sur les services numériques ou Digital Services Act (DSA), adopté en octobre 2022 et entré en vigueur en février 2024, repose sur un principe simple : ce qui est interdit hors ligne est également interdit en ligne. La contrefaçon est bien évidemment visée. Les dispositions du DSA portent notamment sur l'obligation de mettre en place un système de signalement des contenus illicites, la désignation d'un coordinateur national des services numériques et de signaleurs de confiance – leur désignation est en cours –, l'obligation de transparence quant à l'identité du vendeur – point essentiel –, ou sur des sanctions financières. J'ai entendu un de vos collègues dire que le texte n'était pas applicable : des enquêtes sont en cours et des sanctions, qui peuvent atteindre 6 % du chiffre d'affaires mondial annuel de l'exercice précédent pour les grandes plateformes qui ne se conforment pas au règlement, commencent à être prononcées.

Deuxièmement – et j'en profiterai pour répondre au rapporteur Mauvieux –, j'avais eu l'honneur, en tant que secrétaire d'État chargée du numérique, de défendre la loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (Sren), qui transpose le texte précédent. Elle a permis de renforcer le rôle de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), désignée comme coordinateur national des services numériques. Monsieur le rapporteur, le texte entre en vigueur, il est dans sa phase d'application et nous veillerons collectivement à ce que les choses avancent au plus vite.

Troisièmement, la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces offre désormais la possibilité aux agents habilités de saisir les opérateurs de plateformes en ligne pour leur demander le retrait des contenus proposant des contrefaçons. Elle autorise également la conclusion de protocoles d'accords bilatéraux entre les plateformes de vente en ligne et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) afin de faciliter l'identification de vendeurs impliqués dans le commerce de contrefaçon. Ce travail est en cours.

Quatrièmement, le règlement sur la sécurité générale des produits (RSGP) adopté en mai 2023 au niveau européen, qui devrait entrer en vigueur à la fin de l'année, conduira à considérer les plateformes comme des prestataires de services d'exécution de commandes. Leur responsabilité en matière de sécurité et de conformité des produits pourra ainsi être appelée en cas d'impossibilité d'identifier les vendeurs.

Cinquièmement, la loi influenceurs, due à l'initiative des députés Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte et promulguée en juin 2023,  permet d'interdire la promotion de tout bien ou service contrefaisant – pratique qui tend à se répandre. Grâce à l'important travail législatif que vous avez fourni, nous sommes à présent mieux armés pour agir contre la contrefaçon, mais nous devons continuer à adapter en permanence nos dispositifs.

Vous l'aurez compris, le gouvernement est pleinement mobilisé pour lutter contre le fléau de la contrefaçon. Comme nous l'avons fait pour le règlement sur la sécurité générale des produits, il nous faut toutefois sans arrêt réinterroger nos pratiques, compléter nos dispositifs et les adapter aux pratiques des contrefacteurs.

Certaines des propositions de votre rapport ont donc particulièrement attiré notre attention. Concernant la création de la réserve opérationnelle de la douane, possibilité offerte par la loi du 18 juillet 2023, les principaux textes d'application ont été remis au secrétaire général des ministères économiques et financiers pour transmission au guichet unique. Ces textes seront ensuite présentés aux instances représentatives des personnels, puis au Conseil d'État. Après leur validation, les premiers recrutements de réservistes opérationnels douaniers pourraient intervenir fin 2025. Je vous remercie d'avoir défendu ardemment la création de cette réserve.

Concernant votre proposition no 3, qui vise à ouvrir largement l'accès au rôle de signaleur de confiance prévu par le DSA, nous partageons votre sentiment et l'Arcom travaille en ce moment à la désignation des candidats. Concernant votre proposition no 7, qui vise à instaurer une traçabilité du tabac transformé importé en France ou en transit au moyen d'un numéro d'identification, les services de la DGDDI se sont positionnés en faveur d'un travail au niveau européen visant à soumettre ces catégories de produits aux accises. Cette inclusion permettrait le suivi des marchandises dans le système d'information européen – je sais que vous avez déposé une proposition de loi en ce sens, monsieur Blanchet. Enfin, pour ce qui concerne vos propositions nos 12 et 13, relatives à la communication et à la sensibilisation des publics, plusieurs actions nationales récurrentes sont conduites, mais je conviens volontiers que nous devons renforcer nos actions en la matière.

Je ne suis pas entrée dans le détail de vos quinze propositions – d'autres, comme le renforcement du rôle de la police municipale, seraient d'ailleurs à promouvoir –, mais je tenais à vous remercier à nouveau pour la qualité de vos travaux. Messieurs les rapporteurs, je me ferai le relais auprès du gouvernement de votre souhait de voir inscrire à l'ordre du jour du Sénat la proposition de la loi relative à la contrefaçon défendue par le rapporteur Blanchet et adoptée par l'Assemblée. (M. Christophe Blanchet, rapporteur, et Mme Lise Magnier applaudissent.)

Mme la présidente
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Joël Bruneau.

M. Joël Bruneau (LIOT)
La lutte contre la contrefaçon est d'intérêt général, tant son impact sur l'emploi, la pérennité de notre tissu industriel et la sécurité de nos concitoyens est important. J'ai exercé pendant dix ans la belle mission de maire d'une ville de plus de 100 000 habitants – Caen – dotée d'une police municipale. Cette dernière assure bien souvent le premier niveau d'intervention, notamment sur l'espace public. Je connais bien les limites des prérogatives des polices municipales en matière de lutte contre les trafics et la contrefaçon, en particulier celle du tabac. Ma question est la suivante : envisagez-vous, en lien avec les autres ministres, en particulier celui de l'intérieur, d'harmoniser les prérogatives des unités et services de police judiciaire avec celles des douanes ? Cela aurait l'intérêt de permettre une meilleure coordination de la lutte contre la contrefaçon.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
Je souhaite vous apporter quelques précisions. Une expérimentation prévue par la loi sur la sécurité globale de 2021 donnait à la police municipale le pouvoir de verbaliser la vente à la sauvette. Malheureusement, cette disposition a été déclarée inconstitutionnelle en vertu de l'article 66 de la Constitution. En revanche, le développement d'une collaboration étroite entre la police nationale, la gendarmerie et les polices municipales est de nature à améliorer la connaissance des réseaux et à faciliter ainsi l'action de la police judiciaire, notamment grâce au repérage effectué par la police municipale.

Vous m'interrogez en deuxième lieu sur l'articulation entre police judiciaire et douane. Au titre du code de la propriété intellectuelle, les officiers de police judiciaire peuvent procéder à la constatation d'infractions de contrefaçon et à leur saisie. La police nationale et la gendarmerie font appel à la douane en cas de découverte de contrefaçons, car la douane dispose des informations sur les marchandises authentiques grâce aux demandes d'intervention adressées par les titulaires de droits. Une coordination et une bonne articulation entre les services existent donc et permettent une action plus efficace.

Troisièmement, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur du 24 janvier 2023 a élargi le champ de l'amende forfaitaire délictuelle, qui s'applique dorénavant à la vente à la sauvette et qui donne ainsi à la police nationale et à la gendarmerie une capacité d'action plus rapide. Je ferai néanmoins part au ministre de l'intérieur de votre souhait de voir davantage d'harmonisation entre les services, afin qu'il puisse vous adresser une réponse plus complète.

Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu (GDR)
Le débat sur le rapport relatif à l'évaluation de la lutte contre la contrefaçon fait apparaître une certitude : l'État court derrière les contrefacteurs avec des longueurs de retard qui ne cessent de s'accroître. Comme l'a expliqué mon collègue Jean-Paul Lecoq, la fragilisation de la chaîne du contrôle, de l'investigation et de la pénalisation qui relie la douane, la DGCCRF et la justice empêche de combattre le phénomène tentaculaire de la contrefaçon, qui s'étend avec l'e-commerce et les échanges de marchandises de plus en plus nombreuses qui sillonnent la planète. Rendez-vous compte que cette question se pose jusqu'à Vierzon, où il existe un opérateur ferroviaire de proximité qui envoie et reçoit trois trains complets de containers par semaine à destination ou en provenance du port du Havre. Si la douane est parfois présente à Vierzon, on ne peut pas dire que les équipements et les contrôles suivent : il n'y a pas de scanner pour vérifier les entrées et sorties des 200 containers qui transitent chaque semaine et les douaniers sont plutôt affectés à produire les documents fiscaux – au demeurant essentiels – qui permettent aux containers de ne pas être contrôlés en provenance ou à destination du Havre.

Au-delà de ces constats, je souhaite vous poser trois questions précises – des questions de profane. Premièrement, les services de l'État ont-ils pu établir un lien entre contrefaçon et cryptomonnaies ? Si oui, comment cela se traduit-il ? Deuxième question : dans le rapport, il est demandé d'inscrire systématiquement le thème de la contrefaçon dans les échanges bilatéraux et internationaux. Au niveau fiscal, la fraude à la TVA est due pour partie à la contrefaçon ; savez-vous l'évaluer, même à gros traits ? Troisièmement, s'agissant des médicaments et du tabac, serait-il incongru de penser qu'il existe une zone grise entre fabricants de produits licites et de produits contrefaits, et que de grands laboratoires ou de grandes firmes de tabac seraient susceptibles de jouer sur les deux tableaux ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
Il me sera difficile de répondre à vos trois questions en deux minutes. Puisque vous avez évoqué les moyens de la douane dans votre propos liminaire,…

M. Nicolas Sansu
Ce n'est pas la question !

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
…je vous rappelle que ses effectifs sont quasiment stables depuis 2021 et que, dans le cadre du dernier plan antitabac, des investissements importants sont destinés à améliorer la détection de la fraude de tabac. Vous avez évoqué l'action de la douane à Vierzon. Je tiens à rendre hommage à ses agents, qui travaillent bien puisque la brigade de Bourges a saisi depuis le début de l'année 5 090 articles de contrefaçon qui représentent une valeur de plus de 197 000 euros. Plusieurs investissements sont cofinancés et planifiés : dix scanners mobiles de basse intensité seront positionnés très prochainement sur tout le territoire. Nous procédons au redéploiement et à l'adaptation des missions de nos douaniers, davantage qualifiés dans le domaine du numérique et de la cyberdouane.

Aucun lien entre cryptomonnaies et contrefaçon n'est aujourd'hui suffisamment établi. Toutefois, dans la nouvelle stratégie financière et dans le plan national d'action contre la contrefaçon, des dispositions convergent pour donner aux agents chargés des contrôles les moyens d'approfondir les éventuels liens entre les constatations en matière de contrefaçon et les avoirs financiers détenus par les réseaux qui organisent ces trafics. Les cryptomonnaies peuvent servir à financer des achats de contrefaçon, mais quand elles sont utilisées à mauvais escient, elles le sont plutôt pour acheter des stupéfiants ou des armes. En revanche, je me permets de vous rappeler que la France a été précurseur en matière de règlement relatif aux cryptomonnaies, puisque la régulation des prestataires de services sur actifs numériques (Psan) – régulation des fournisseurs de services – a été à l'origine d'une nouvelle réglementation qui se déploie en Europe. Je n'ai plus le temps pour répondre aux autres questions ; nous pourrons en reparler ultérieurement. Sachez simplement que nous ne disposons pas des éléments marquants et probants qui nous permettraient d'identifier l'éventuelle zone grise que vous évoquez et dans laquelle évolueraient les fabricants de médicaments et de tabac.

Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.

M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR)
Premièrement, le tabac fait l'objet d'une taxation lourde et croissante au nom de politiques publiques sanitaires et d'équilibre budgétaire. Le nombre de tonnes de tabac saisies a triplé en deux ans. Or chaque augmentation de la fiscalité du tabac accroît l'attractivité relative de la contrefaçon et donc sa consommation en France. Avez-vous chiffré la relation entre le niveau de taxation du tabac et le manque à gagner fiscal lié à la contrefaçon, ainsi que le coût sanitaire associé à des produits dont la qualité est moindre et qui affectent potentiellement la santé de nos concitoyens ? S'agissant de la possibilité de verbaliser la vente à la sauvette, qu'en est-il de la verbalisation du vendeur en dehors du délit de flagrance ?

Deuxièmement, on observe une dynamique exponentielle de la saisie des produits contrefaits, en lien avec notre balance déficitaire, l'essor des plateformes d'intermédiation et les difficultés de pouvoir d'achat. On passe ainsi de 9 millions d'articles contrefaits saisis en 2021 à 20 millions en 2023. Certes, il faut y voir l'excellente performance de nos douaniers et agents de la DGCCRF. Pour autant, on ne peut ignorer la vague de fond qui déferle sur le pays et qui répond à une demande croissante. Dans ce contexte, de quels moyens entendez-vous doter la douane d'ici à cinq ans pour lui permettre de faire face à ce phénomène explosif et dangereux pour nos concitoyens comme pour nos entreprises ? Je pense en particulier à trois types de moyens : les moyens informatiques, notamment pour la détection et le suivi à l'ère de l'intelligence artificielle ; les moyens humains, qui demeurent au cœur du dispositif ; les moyens post-procéduraux et judiciaires, pour une sanction effective et durable des fraudeurs, y compris et surtout à l'étranger.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
En matière de lutte contre le trafic de tabac, il convient de distinguer la contrefaçon de la contrebande – ce sont deux phénomènes très différents. Autant nous ne pouvons pas faire de lien entre taxation et contrefaçon, autant un lien peut être établi entre taxation et contrebande. La France mène une politique extrêmement forte en matière de lutte contre le tabagisme, qui nous conduit à pratiquer une politique très différenciée à l'égard des acteurs du tabac dans la lutte contre la contrefaçon. Par ailleurs, vous évoquez la question de la verbalisation de la vente à la sauvette. Vous pensez peut-être davantage à la possibilité de verbaliser les acheteurs…

M. Alexandre Allegret-Pilot
Non !

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
En ce cas, je ne comprends pas bien le sens de votre question puisqu'il existe déjà la possibilité de verbaliser la vente à la sauvette dans le cadre d'une amende forfaitaire délictuelle.

Enfin, vous m'interrogez sur les actions que nous entendons conduire. Nous avons lancé un plan d'action antitabac pour la période 2023-2025, présenté par le ministre des comptes publics d'alors,  M. Gabriel Attal, et structuré autour de quatre axes – l'amélioration du renseignement douanier, le renforcement des moyens d'action et d'enquête, l'adaptation de la politique contentieuse et du cadre juridique, la communication – et de soixante-huit actions. Ce plan a déjà produit des résultats tangibles, puisque les groupes de lutte antitrafic de tabac (Glatt) sont désormais opérationnels et que la belle opération Colbert a été conduite.

Mme la présidente
La parole est à Mme Angélique Ranc.

Mme Angélique Ranc (RN)
La hausse spectaculaire de la vente de tabac de contrefaçon impose aujourd'hui de prendre des mesures strictes pour étouffer cette filière illégale. Même si la distinction entre tabac de contrebande et tabac de contrefaçon demeure difficile à établir, il reste que les deux sont inextricablement liés. Les usines clandestines qui alimentent l'Hexagone sont situées sur le territoire national, mais également en dehors de nos frontières. En ce qui concerne le tabac de contrefaçon, qui finance bien souvent les réseaux criminels européens, l'absence de traçabilité empêche de contrôler les ingrédients qui le composent. Le marché illégal de tabac a également un impact néfaste sur les commerces de proximité. À titre d'exemple, les volumes de tabac vendus par les 136 buralistes de mon département de l'Aube depuis le début de l'année ont chuté de 16 % par rapport à l'an passé, ce qui représente un manque à gagner substantiel. Dans le même temps, le marché de contrebande et de contrefaçon a explosé, car les consommateurs font de plus en plus le choix du commerce illégal. Ainsi, selon une étude de la société Seita, un paquet de cigarettes sur trois provient de l'étranger ou de la contrefaçon.

Ces funestes statistiques mettent en lumière la nécessité de durcir la réponse pénale contre les réseaux de criminels qui privilégient le tabac contrefait, bien plus intéressant pour eux que les autres trafics car moins sanctionné. Dans cette perspective, envisagez-vous d'instaurer une interdiction du territoire français aux étrangers se livrant au trafic de contrefaçons ? Cette mesure aurait un effet positif sur ce fléau, dans la mesure où selon Fondapol, les étrangers représentent une très forte majorité des prévenus dans les affaires de contrefaçon et de contrebande de cigarettes. Ces chiffres doivent également nous interroger sur la violence de la politique fiscale en France, qui sanctionne in fine les buralistes par la hausse des taxes et pousse de plus en plus de Français à se tourner vers le tabac illégal. Alors que le prix de la cigarette a été multiplié par trois en vingt ans, l'explosion de tabac de contrefaçon tombe sous le sens. Ainsi, quelles mesures comptez-vous prendre pour desserrer l'étreinte financière de l'État sur les buralistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
La lutte contre la contrefaçon et la lutte contre les trafics de tabac sont deux sujets que la douane traite de façon bien distincte, puisque la politique de lutte contre le tabagisme amène à éviter toute défense des intérêts des industriels du tabac et à ne pas considérer les fabricants de tabac manufacturé comme des titulaires de droits de propriété intellectuelle comme les autres. En matière de contrefaçon du tabac, le phénomène le plus marquant est celui des usines clandestines de cigarettes que nous voyons fleurir sur le territoire national. Plusieurs dizaines de sites de production sont démantelés chaque année en Europe – soixante-huit en 2023 sur le territoire européen. Je me permets de vous citer trois exemples qui illustrent l'efficacité des politiques que nous conduisons en la matière. Le 12 janvier 2023, à Saint-Aubin-lès-Elbeuf, en Seine-Maritime, c'est une véritable usine de fabrication de cartouches de cigarettes illégales qui a été démantelée par la gendarmerie. En décembre 2023, à Toulouse, trois machines ont été saisies, ainsi que des armes et 571 kilogrammes de cigarettes, grâce à l'action de la police. En janvier 2024, les douaniers de Bourg-en-Bresse ont intercepté à la circulation, pour la première fois sur le territoire national, l'ensemble des éléments entrant dans une ligne de production de cigarettes de contrefaçon. D'autres enquêtes sont en cours.

Vous souhaitez que l'on puisse interdire de territoire les contrevenants. L'article 432 ter du code des douanes permet déjà, en matière de trafic de tabac et de stupéfiants, l'interdiction du territoire national. J'essaierai de vous apporter d'autres éléments de réponse sur le sujet du tabac à l'occasion des questions suivantes.

Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Carrière.

M. Sylvain Carrière (LFI-NFP)
La contrefaçon progresse exponentiellement en France : 5,6 millions de produits ont été saisis en 2019, 11 millions en 2021 et 20 millions en 2023. Selon la direction générale des douanes et droits indirects, elle représente 2 milliards d'euros de pertes fiscales.

Elle nous coûte également 38 000 emplois sur le territoire national, car les premières victimes de la contrefaçon, outre les 45 millions de consommateurs qui ont recours au commerce en ligne, sont les petites et moyennes entreprises. Le dispositif visant à imposer aux plateformes une veille contre la contrefaçon est un début, mais cela ne sera jamais suffisant, car ces multinationales qui ne jurent que par le profit n'ont que faire des PME lésées. Elles n'ont que faire des commerces qui se meurent et des cœurs de ville désertés au profit d'entreprises étrangères déloyales. Ce qui les intéresse, c'est le profit économique. Pour être concurrentielles et capter des parts de marché, elles se nourrissent de prix bas, qu'importe si les produits respectent la propriété intellectuelle et les normes de sécurité. Prenez Amazon, dont les entrepôts fleurissent partout en France ; cette multinationale héberge sur son site des vendeurs tiers. Pour chaque vente, elle perçoit une commission variant entre 8 et 15 %. Qui pourrait croire que le géant américain a intérêt à lutter contre une activité qui lui apporte des revenus si importants ? Personne. Les sanctions prévues sont bien trop faibles et les contrôles quasi inexistants.

Dans le même temps, les effectifs des douaniers n'augmentent pas. À l'heure où le marché de la contrefaçon se généralise, ces agents se retrouvent bien seuls.

Madame la ministre, quelles mesures réellement dissuasives comptez-vous prendre contre ces plateformes et quand comptez-vous enfin recruter massivement des douaniers, à qui le nombre fait terriblement défaut dans une lutte qui ne fait que commencer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
Vous m'interrogez au sujet de la lutte contre les comportements illicites sur les grandes plateformes. Permettez-moi de rappeler quelques aspects du règlement européen relatif aux services numériques, dit DSA, entré en vigueur en février et transposé en droit français par la loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, dont les décrets d'application sont en train de paraître.

Le DSA contient plusieurs mesures cruciales ; vous pouvez en contester le bien-fondé, mais elles commencent à produire des effets. Premièrement, il rend obligatoire l'instauration d'un système de signalement des contenus illicites. Nous y travaillons actuellement. Deuxièmement, il rend obligatoire la désignation de signaleurs de confiance. L'Arcom, qui a été désignée coordinateur national pour le numérique, doit les choisir parmi ceux qui ont fait acte de candidature. Troisièmement, le DSA oblige les plateformes à coopérer avec les autorités judiciaires et à suspendre tous les comptes qui publient des contenus illicites, ce qui inclut bien sûr les annonces de produits contrefaits. Quatrièmement, il rend obligatoires l'interdiction du ciblage publicitaire des mineurs et du ciblage à partir des données sensibles, la vérification de l'identité du vendeur – c'est l'objet des articles 30 et 32 – et l'analyse des risques systémiques présents sur les plateformes – article 34 –, qui doit faire l'objet d'un rapport d'évaluation fourni aux autorités – article 35.

Monsieur le député, vous affirmez que ce texte ne produit pas d'effets, mais les sanctions financières applicables aux plateformes peuvent aller jusqu'à 6 % de leur chiffre d'affaires mondial. Sachez que des enquêtes de la Commission européenne sont en cours, même si elles ne concernent pas le problème spécifique de la contrefaçon, et que des sanctions commencent à être prises. Je ne doute pas que vous veillerez à ce que nous puissions, ensemble, contraindre ces plateformes à respecter le texte.

Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Saint-Pasteur.

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC)
Les chiffres explosent et donnent le vertige. La contrefaçon percute notre pays de diverses manières, touchant la vie économique, les enjeux environnementaux ou encore la santé de nos concitoyens. C'est un véritable fléau. Pour n'en prendre qu'un exemple, cet été, sur le port de Marseille, 80 000 pièces automobiles contrefaites – filtres à air, à huile, à carburant, joints de culasse, amortisseurs, etc. – ont été saisies. Je tiens à saluer le travail et l'investissement des douaniers qui, par cette saisie, ont empêché des accidents et probablement des morts.

Il faut malheureusement reconnaître que nos concitoyens ne mesurent pas toujours l'impact terrible de la contrefaçon. Ils ne mesurent d'ailleurs pas non plus ses effets dans les pays producteurs, où sont fabriquées dans des entreprises criminelles, dans des conditions inimaginables, les multiples contrefaçons qui arrivent sur notre sol, voire que certains de nos concitoyens importent par eux-mêmes. Ainsi, selon l'étude publiée l'année dernière par l'Unifab, 40 % des Français déclarent avoir déjà acheté un produit de contrefaçon. Le combat est donc ardu et nécessite que nous déployions des moyens.

Il nécessite aussi que nous nous adaptions à la nouvelle donne que représente l'explosion du commerce en ligne et la multiplication des marketplaces. Le parallèle avec notre politique de défense semble pertinent. Dans le domaine militaire, nous avons besoin d'ordinateurs quantiques, de supercalculateurs et de cybersécurité pour monter en puissance face au risque cyber ; dans celui de la lutte contre la contrefaçon, il nous faut aussi un puissant réseau de cybersurveillance. C'est un point crucial du rapport du CEC. Pourtant, le constat d'une insuffisance de moyens est posé en page 65. Nous manquons notamment de cyberdouaniers, alors que les flux connaissent une croissance exponentielle.

Quels sont les axes envisagés pour renforcer significativement les moyens humains dans le volet cyber et pour améliorer notre capacité à attirer des profils très recherchés dans le domaine ? L'investissement est essentiel et sera très largement compensé par les coûts évités en matière de santé publique, d'environnement et d'économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
Je vous remercie d'avoir rappelé l'explosion vertigineuse des chiffres de la contrefaçon. Je crois nécessaire de diffuser collectivement ce message pour sensibiliser nos concitoyens sur leurs propres pratiques et sur leurs achats en ligne.

Vous m'interpellez au sujet des moyens dédiés à la douane. Comme je l'ai rappelé, les effectifs des services de la douane sont stables depuis 2021, mais nous travaillons à un renforcement important. Il s'agit de redéployer les douaniers sur de nouvelles missions, dont la cybercriminalité fait bien sûr partie. De mémoire, 68 millions d'euros ont été engagés pour financer des moyens d'intervention supplémentaires et plus de 79 millions d'euros pour investir dans du matériel. De nouveaux scanners arrivent, des brigades de cyberdouane se créent. Des unités déconcentrées ont été déployées pour lutter contre le trafic dans les régions identifiées comme les plus sensibles, ce qui permet à l'action de l'État d'être guidée par les besoins du terrain et les spécificités des territoires. Je rappelle également qu'il existe des services déconcentrés de la douane et des référents en région. J'ajoute enfin que les douaniers sont dotés de chiens qui repèrent les produits illicites, afin de rendre l'action de la douane la plus concrète possible.

Je vous rejoins cependant : nous devons toujours veiller à mieux adapter nos moyens aux besoins de la lutte contre la contrefaçon.

M. Christophe Blanchet, rapporteur
Très bien !

Mme la présidente
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras.

Mme Valérie Bazin-Malgras (DR)
Par ma question, je souhaite soutenir les buralistes français, qui sont aux abois. La contrefaçon de cigarettes est un fléau qui fragilise fortement l'activité des buralistes, dégrade la santé publique, alimente le marché noir et prive l'État de recettes fiscales. Les chiffres sont édifiants, voire terrifiants. Plus de 8 milliards de cigarettes contrefaites par an sont fumées en France, soit plus de 400 millions de paquets, ce qui représente près de 20 % de la consommation totale. Dernier exemple en date, le démantèlement d'une usine de contrefaçon dans la Drôme, la semaine dernière, a permis la saisie de 50 tonnes de tabac et de 4,5 millions de paquets.

Les buralistes sont en colère et ils ont raison. Ces trafics mettent à mal leur commerce, leur réseau de proximité, qui reste essentiel pour nos villes et nos campagnes. L'État doit impérativement prendre des mesures coercitives, innovantes et pragmatiques pour mettre fin à ce crime organisé. Madame la ministre, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour intensifier la lutte contre ce fléau ? Comment comptez-vous renforcer la coopération douanière avec nos partenaires européens afin d'endiguer ce trafic qui menace notre santé publique, notre sécurité et surtout nos buralistes ? (M. Christophe Blanchet, rapporteur, applaudit.)

M. Alexandre Dufosset
Excellent !

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
Je vous remercie de prendre la défense de nos buralistes qui, loin de se limiter à la vente de tabac, sont bien souvent des commerces de proximité indispensables à la vie de nombreuses communes.

Comme je l'ai rappelé, nous sommes pleinement engagés dans la lutte contre le trafic de tabac. Toutefois, il convient de distinguer la contrefaçon de la contrebande. Les saisies de tabac de contrefaçon représentent 17 % des saisies douanières de 2023. La majeure partie des produits saisis, en quantité comme en nombre de constatations, concernent la contrebande, c'est-à-dire du tabac manufacturé, réputé produit légalement dans son pays d'origine. Il en va ainsi du tabac en provenance du Luxembourg, d'Andorre, d'Espagne, de Belgique ou d'Italie, voire d'Algérie.

J'ai évoqué plus tôt certaines opérations coup de poing organisées grâce à la coopération internationale, parmi lesquelles une opération menée avec l'Allemagne, la Grèce, la Pologne et la Bulgarie qui nous a permis d'interpeller plusieurs personnes dont quatre en France. Cette arrestation illustre le renforcement de notre politique de coopération et l'importance des agences européennes comme Europol et l'unité de coopération judiciaire Eurojust.

Pour ce qui est de la protection des buralistes face à la contrefaçon de tabac, deux mesures principales sont en vigueur. La première est l'instauration d'un système de traçabilité du tabac à l'échelle européenne ; c'est à ce propos que j'ai évoqué la possibilité de soumettre le tabac brut aux accises. La seconde consiste en un protocole d'accord comprenant des aides financières destinées à la transformation des points de vente. Dans ce cadre, une enveloppe maximale de 20 millions d'euros par an est octroyée aux buralistes.

Ayant épuisé mon temps de parole, je pourrai vous donner des informations complémentaires après la séance.

Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet (Dem)
Madame la ministre, je comprends que vous vouliez agir au niveau européen pour la traçabilité du tabac, mais franchement, si nous ne l'organisons pas en France, cela ne fonctionnera pas. Pour l'instant, cela ne marche pas. Si nous ne traçons pas le tabac en France, nous tournerons en rond et ferons dans dix ans les mêmes rapports et les mêmes constats qu'aujourd'hui ; la seule différence, c'est qu'il y aura beaucoup moins de buralistes.

Ma question concerne le plus grand exportateur de produits de contrefaçon vers la France, c'est-à-dire la Chine. Nous fêtons le soixantième anniversaire de nos accords diplomatiques bilatéraux, et je sais que certains contrats avec la Chine sont en cours d'élaboration ; c'est le contexte idéal pour signer un accord sur la vigilance réciproque en matière de contrefaçon.

Le tapis roulant de l'aéroport de Roissy fait défiler les colis en provenance de Chine au rythme de sept colis à la seconde, parmi lesquels six sont des produits de contrefaçon, comme M. Mauvieux et moi-même l'avons constaté. Le mieux, ce serait que ces colis ne partent pas de Chine. Je ne connais pas de manière infaillible de les en empêcher, mais nous pourrions commencer par inclure dans nos accords bilatéraux des clauses imposant à la Chine d'effectuer un contrôle sur place. Si la contrefaçon coûte 10 milliards d'euros par an à la France et que 75% des produits d'exportation sont chinois, la Chine nous doit 7,5 milliards, CQFD ! C'est très bien de signer des traités avec nos amis chinois, mais il s'agirait aussi d'éviter qu'ils nuisent à la France.

Enfin, je souhaite revenir sur les titulaires de droits. Quand ceux-ci veulent signaler un objet de contrefaçon sur une plateforme, les démarches varient considérablement selon le site internet en question. Certaines plateformes bienveillantes comme Rakuten ou eBay, exemplaires en la matière, leur demandent de remplir un formulaire d'une page, mais d'autres les obligent à remplir vingt-cinq pages ! Or les petites PME peuvent remplir une page, mais pas vingt-cinq. On empêche ainsi les titulaires de droits et de brevets français de se défendre face à des annonces frauduleuses en ligne.

Mme Danielle Brulebois
Excellent !

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
Je comprends votre circonspection quant à l'idée de mieux tracer le tabac brut au niveau européen pour le soumettre aux accises. Toutefois, je rappelle que les accises sont régies par une directive européenne ; c'est donc bien à cet échelon qu'il faut défendre la position française. Si vous trouvez une solution législative qui nous permette de prendre cette mesure au niveau national, le gouvernement vous suivra bien volontiers.

Nous partageons bien sûr la position que vous avez exprimée concernant la Chine. Malheureusement, nous n'avons pas d'accord commercial avec la Chine qui nous permette d'imposer ou même de préciser des clauses particulières qui seraient contraignantes. Sans doute devons-nous avancer sur ce sujet afin de mieux nous protéger. En revanche, au niveau européen, nous avons mis en place des clauses miroirs qui nous permettent de mieux nous protéger dans le domaine des importations de produits licites.

Enfin, vous m'interrogez sur les difficultés de procédure auxquelles sont confrontés les titulaires de droits. Pour l'avoir moi-même expérimenté, je sais que faire une démarche de signalement ou d'enregistrement sur la plateforme en ligne d'un grand opérateur est toujours assez compliqué. Toutefois, nous travaillons étroitement avec les grands opérateurs numériques afin de les contraindre – ou en tout cas de les inciter très fortement – à simplifier leurs procédures non seulement pour les titulaires de droits, mais aussi pour mieux protéger nos concitoyens signalant les problèmes qu'ils rencontrent.

Mme la présidente
Le débat est clos.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 29 novembre 2024