Déclaration de de Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine, sur l'adaptation des logements aux transitions démographique et environnementale, à l'Assemblée nationale le 27 novembre 2024. ,

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Circonstance : Débat sur le rapport du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, relatif à l'évaluation de l'adaptation des logements aux transitions démographique et environnementale

Texte intégral

M. le président
L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, relatif à l'évaluation de l'adaptation des logements aux transitions démographique et environnementale.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les rapporteures, les orateurs des groupes, puis le gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

(…)

M. le président
La parole est à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine
Nous sommes réunis pour discuter d'un enjeu fondamental : l'adaptation des logements aux défis combinés des transitions démographique et environnementale. Ce sujet touche directement la vie quotidienne de millions de nos concitoyens, la qualité de notre parc immobilier, la dynamique de notre économie et, bien sûr, l'avenir écologique de notre pays.

Permettez-moi de saluer, pour commencer, le travail approfondi et éclairant réalisé par Mmes Véronique Louwagie et Annie Vidal. Leur rapport met en lumière les enjeux stratégiques, identifie des points de blocage et propose des solutions concrètes pour améliorer l'efficacité et l'impact des politiques publiques dans ce domaine. Nous partageons leur ambition et nous engageons à agir avec détermination.

Les deux transitions auxquelles nous faisons face, démographique et environnementale, constituent des défis majeurs et imbriqués. D'un côté, nous devons répondre aux besoins spécifiques d'une population vieillissante ; de l'autre, il est impératif de transformer le parc immobilier pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone à l'horizon de l'année 2050 et, surtout, réduire au plus vite les factures énergétiques des ménages.

Notre parc immobilier reflète l'histoire de la France et est à l'image des défis auxquels nous sommes confrontés : plus de 40% des logements ont été construits avant 1975, époque au cours de laquelle les normes énergétiques étaient bien moins exigeantes qu'actuellement. En 2023, on dénombre environ 6,6 millions de passoires thermiques, dont 4,8 millions sont des résidences principales. Ces logements sont une source majeure d'émissions de gaz à effet de serre, contribuent à la précarité énergétique et pèsent lourdement sur les finances des ménages les plus modestes.

Par ailleurs, la société française vieillit : d'ici à 2040, un quart de la population française aura plus de 65 ans. Cette évolution démographique appelle à une meilleure adaptation des logements, pour favoriser le maintien à domicile et prévenir les situations de dépendance.

Cela implique une double approche : anticiper les besoins d'accessibilité et garantir un cadre de vie décent, confortable et durable. Ces constats sont au cœur des politiques publiques que nous menons et le rapport parlementaire qui nous est présenté aujourd'hui formule des propositions précises pour y répondre.

À l'heure actuelle, la rénovation des logements repose essentiellement sur deux piliers : MaPrimeRénov' pour la rénovation énergétique et MaPrimeAdapt', qui gagnerait d'ailleurs à être mieux connue et qui permet l'adaptation des logements au vieillissement ou à la perte d'autonomie. Ces deux dispositifs sont gérés par l'Anah.

Le rapport pointe avec justesse cette dualité et formule des propositions qui visent à créer des passerelles opérationnelles entre les deux dispositifs. Ces propositions méritent d'être étudiées avec attention et nous sommes particulièrement favorables à la création d'un dossier unique permettant aux usagers de naviguer facilement entre les aides, tout en simplifiant les démarches administratives.

Le vieillissement de la population appelle à une adaptation massive des logements, pour favoriser le maintien à domicile. MaPrimeAdapt', créée récemment, représente une avancée significative. Cependant, son déploiement doit être élargi et simplifié, afin de répondre aux attentes des ménages. Une fois encore, nous saluons et partageons les propositions qui visent à intégrer les critères d'éligibilité fondés sur le potentiel d'adaptation des logements et à mieux articuler cette aide avec les autres dispositifs. Malgré tout, MaPrimeAdapt', qui date de moins d'un an, connaît des débuts encourageants : en 2024, 210 millions d'euros ont été mobilisés pour financer l'adaptation de 37 500 logements, chiffre qui sera atteint en fin d'année.

Le rapport souligne également les limites de l'adaptation des logements inadaptables. Dans certains cas, il est plus pertinent d'envisager un parcours résidentiel, en développant des solutions telles que les résidences autonomie ou l'habitat inclusif. Cette réflexion préventive est indispensable pour éviter des investissements coûteux et inefficaces. Je peux d'ores et déjà vous annoncer que nous simplifierons les règles de construction applicables à l'habitat inclusif et que nous travaillerons avec l'Anah pour mobiliser des financements afin de soutenir des projets en la matière.

S'agissant de la rénovation énergétique, le rapport souligne également que les dispositifs actuels peinent à encourager les rénovations globales, pourtant essentielles pour atteindre nos objectifs de lutte contre la précarité énergétique. Je partage le constat que nous ne sommes qu'au milieu du chemin en la matière ; néanmoins, les derniers chiffres publiés par MaPrimeRénov' montrent que nous avançons, puisque 71 000 dossiers ont été déposés en 2024 pour des rénovations d'ampleur, dont la moitié au troisième trimestre. Nous serons au rendez-vous des objectifs annuels, à savoir 85 000 rénovations globales à la fin de l'année. Nous dépasserons les 100 000 rénovations globales l'année prochaine et visons les 200 000 rénovations à l'horizon de l'année 2027.

L'accompagnement des ménages est un autre levier clé pour accélérer la rénovation énergétique. Nous avons rendu obligatoire depuis janvier 2024 le recours à un accompagnateur France Rénov' pour les rénovations d'ampleur. Ce dispositif guide les ménages à chaque étape, depuis l'audit énergétique, le choix des artisans, le plan de financement jusqu'aux écogestes post-travaux.

En étroite relation avec les collectivités territoriales, nous avons réussi à garantir que les accompagnateurs France Rénov' – 3 485 professionnels agréés, au sein de 1 035 structures – soient en nombre suffisant pour soutenir les ménages dans leurs projets, ce qui a d'ailleurs contribué à la reprise de la dynamique. Nous avons mobilisé 300 millions pour cette montée en puissance des accompagnateurs et la prise en charge des audits qu'ils réalisent. Nous travaillons à recruter et à former 5 000 agents d'ici à 2025, capables de soutenir 200 000 projets de rénovation globale par an, d'ici à 2027 au plus tard. Cette montée en puissance doit se faire en luttant, bien sûr, contre la fraude. C'est d'ailleurs tout le sens de la proposition de loi qui vise à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, dont M. Thomas Cazenave est le rapporteur, et que nous soutenons totalement.

Les bâtiments anciens représentent un défi particulier. Le rapport pointe à juste titre le manque de doctrine claire pour encadrer les travaux énergétiques dans ces bâtiments. L'absence de critères précis pour l'isolation par l'extérieur dans l'avis rendu par les architectes des bâtiments de France (ABF) freine de nombreux projets. Nous soutenons les propositions visant à établir une ligne directrice opposable, qui offrirait aux porteurs de projets une meilleure prévisibilité tout en respectant les exigences patrimoniales. Nous devons également nous interroger sur l'opportunité de l'intervention des ABF en matière de travaux non visibles depuis la rue – c'est-à-dire dans les lots ne donnant pas sur la rue.

Mme Perrine Goulet
Bien !

Mme Valérie Létard, ministre
Restreindre la compétence des ABF aux seuls travaux visibles depuis la rue est une piste intéressante, qui pourrait débloquer de nombreux projets tout en allégeant les démarches administratives.

Mme Perrine Goulet
C'est clair !

Mme Valérie Létard, ministre
Nous devons y travailler avec le ministère de la culture.

Enfin, les mesures relatives à la location des passoires thermiques, qui constituent une disposition clé de la loi " climat et résilience ", soulèvent des questions légitimes, notamment quant aux relations entre bailleurs et locataires. Nous partageons l'analyse du rapport : il est indispensable de clarifier les droits et devoirs de chacun pour éviter les situations d'impasse.

Les copropriétés, où les prises de décisions sont souvent longues et complexes, nécessitent un traitement spécifique. Le dispositif MaPrimeRénov' Copropriété offre des solutions adaptées, mais des ajustements sont nécessaires pour accélérer les processus de décision et encourager les rénovations collectives. Une proposition de loi défendue par les députés Bastien Marchive et Inaki Echaniz, qui traite spécifiquement de ces sujets, sera examinée en séance publique la semaine prochaine. Elle devrait permettre de clarifier l'ensemble du dispositif.

M. Gérard Leseul
Bravo !

Mme Valérie Létard, ministre
La rénovation et l'adaptation des logements sont au cœur des enjeux sociaux, économiques et écologiques de notre époque. Les propositions du rapport d'information offrent une base solide pour renforcer nos politiques publiques et répondre aux attentes de nos concitoyens. Nous nous engageons à poursuivre cette ambition avec des moyens considérables : près de 4 milliards d'euros sont alloués à l'Anah, auxquels s'ajoutent les interventions de l'État, les certificats d'économie d'énergie et les quotas carbone. Ces efforts doivent être accompagnés d'une simplification des dispositifs, d'un meilleur accompagnement des ménages et d'un dialogue renforcé avec les acteurs locaux. Ensemble, construisons un parc immobilier plus durable, plus résilient et plus inclusif. C'est une responsabilité collective et une promesse pour les générations futures. Je vous remercie pour votre engagement, vos travaux et votre attention.

M. le président
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. David Taupiac.

M. David Taupiac (LIOT)
Je profite de ce débat pour attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur le potentiel de la maîtrise d'ouvrage d'insertion (MOI) et les difficultés qu'elle rencontre. Le recours à la MOI présente de nombreux avantages. Ce mécanisme permet de produire des logements locatifs très sociaux comptabilisés dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), de réhabiliter des habitats délabrés ou insalubres et de redynamiser des centres anciens, notamment des centres-bourgs situés en milieu rural. Les structures agréées pour la mise en œuvre de tels projets bénéficient du soutien de l'Anah par le biais d'un conventionnement très social avec travaux, qui se traduit par un taux de subvention pouvant atteindre 60 % du coût de l'opération, le plafond étant fixé à 1 250 euros du mètre carré.

Malgré cela, la MOI connaît une perte de vitesse. Parmi les freins identifiés figure le seuil de 1 250 euros du mètre carré. Ce seuil, qui n'a pas été révisé depuis 2013, bloque de nombreuses opérations en raison de la forte augmentation des coûts liés à la construction depuis dix ans, qu'il s'agisse du prix du foncier ou des matériaux, des exigences liées à la rénovation énergétique ou des surcoûts occasionnés par la remontée des taux d'intérêt. À titre d'exemple, l'indice du coût de la construction des immeubles à usage d'habitation a augmenté de plus de 30% sur cette période.

Le rehaussement du plafond est donc nécessaire pour rendre à la MOI son attractivité d'origine – nous en avons besoin, notamment dans la ruralité. Depuis deux ans, cette question a fait l'objet d'amendements de notre part, qui ont été rejetés sans réponse satisfaisante. Elle fait même partie des marqueurs transmis au gouvernement par notre groupe dans le dernier PLF avant son départ au Sénat, mais là encore ils n'ont pas été repris. C'est pourquoi nous insistons : revoir ce plafond compléterait les mesures de lutte contre l'habitat indigne, tout en contribuant pleinement au choc d'offre souhaité en matière de logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre
Vous m'interrogez sur la maîtrise d'ouvrage d'insertion, un dispositif très particulier mobilisé par l'Anah, en m'expliquant que la non-revalorisation du dispositif depuis de nombreuses années le rend de moins en moins attractif et de moins en moins utilisé. Je n'ai pas de réponse précise à vous apporter aujourd'hui, mais je rencontrerai le 11 décembre le conseil d'administration de l'Anah. Je m'engage à interroger la directrice générale et le président de l'Anah sur la façon dont nous pourrions réinterroger ce dispositif et les marges de manœuvre permettant de s'orienter dans la direction que vous proposez. À l'issue de cette rencontre, je vous rendrai compte des échanges auxquels elle aura donné lieu.

M. le président
La parole est à M. Matthieu Bloch.

M. Matthieu Bloch (UDR)
Compte tenu de la complexité juridique et administrative de MaPrimeRénov' et des faibles synergies avec d'autres dispositifs tels que les C2E, quelles mesures concrètes le gouvernement envisage-t-il pour harmoniser et simplifier ces dispositifs afin d'accélérer les rénovations globales tout en garantissant leur efficacité énergétique réelle ? Peut-on également espérer une refonte des critères d'éligibilité pour éviter les effets dissuasifs constatés, notamment pour les ménages modestes ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre
Nous profiterons de la sixième période des C2E, qui s'ouvre en 2026, pour rapprocher encore plus les C2E et MaPrimeRénov', comme vous le suggérez. Vous l'aurez compris, la réponse à votre question se situe dans ce nouvel exercice que nous préparons dès à présent. Nous continuons à être mobilisés dans le domaine de la rénovation globale pour que les dispositifs d'accompagnement financiers soient à la hauteur de l'ambition. Tout comme plusieurs de vos collègues, nous recherchons les voies et moyens permettant d'accompagner les ménages modestes, au-delà des mécanismes existants.

Par la création de la banque de la rénovation et les dispositifs de préfinancement, il s'agit d'accompagner le plus grand nombre de ménages vers des programmes de rénovation globale, mais sans opposer cette dernière aux monogestes, auxquels certains ménages souhaitent recourir. Le dispositif MaPrimeRénov' a été modifié en janvier et en mai pour tenir compte du fait que l'accent porté sur la seule rénovation globale posait des problèmes – cela avait créé un stop and go. Nous devons continuer les monogestes tout en essayant, grâce aux accompagnateurs Rénov', de les faire se succéder pour aller vers des rénovations complètes. Pour revenir à votre question, nous allons faire en sorte que tout cela converge.

M. le président
La parole est à M. Matthieu Marchio.

M. Matthieu Marchio (RN)
Nous voilà encore confrontés à une série de décisions qui, sous couvert de transition énergétique, frappent de plein fouet nos concitoyens les plus modestes. Parlons franchement : les dispositifs comme MaPrimeRénov' sont profondément inadaptés et gâchés par une fraude massive. Comment justifier qu'après tant de promesses, les chaudières à gaz performantes soient désormais exclues de ces aides ? Des familles qui souvent ont suivi les recommandations publiques se retrouvent trahies par un système qui leur retire toute possibilité de soutien financier.

Et que propose-t-on à la place ? Une pompe à chaleur. Parlons-en : ces équipements coûtent jusqu'à 20 000 euros, une somme astronomique pour des millions de Français. Qui peut se permettre un tel investissement alors que l'inflation, la hausse des prix de l'énergie et les contraintes fiscales asphyxient déjà nos foyers ? Comme si cela ne suffisait pas, votre gouvernement envisage de supprimer la TVA réduite sur les chaudières à gaz en la portant à 20%, ce qui alourdirait encore la facture des ménages qui veulent changer de chaudière.

Voilà une politique punitive et aveugle qui vise à pénaliser les Français au lieu de les soutenir dans une transition énergétique qui devrait être progressive, réaliste et respectueuse des capacités de chacun. Nous sommes face à une écologie dogmatique, dictée par Bruxelles et soutenue sans nuance par ce gouvernement déconnecté des besoins réels de nos territoires. Pourquoi persister dans cette politique qui écrase les Français au lieu de les accompagner ? Renoncez à l'augmentation de la TVA sur les chaudières. Nous demandons une vraie transition énergétique, pragmatique et respectueuse, qui ne transforme pas l'écologie en punition. Il est temps de replacer les besoins des Français au cœur des priorités.

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre
Je ne suis pas sûre que consacrer 4 milliards d'euros à accompagner les ménages modestes, qui ont besoin de s'orienter vers un mode de chauffage, une isolation et un aménagement de leur logement leur permettant de réduire les factures énergétiques, pour les aider à s'engager dans un parcours de rénovation thermique de leur logement, soit une punition.

Vous évoquiez les énergies fossiles. Ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui est responsable de la mise en œuvre de la loi " climat et résilience ", et moi-même devons rendre des comptes quant à l'application des directives européennes. Nous avons des délais à respecter. Pour ce qui concerne les chaudières à gaz, la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD) nous impose d'entrer dans cette trajectoire. Pour en avoir échangé avec ma collègue, cette disposition se limite à l'application claire et concrète d'une directive. Rappelons toutefois que pour l'ensemble des projets, y compris en matière de rénovation globale, le financement peut atteindre 90% des montants engagés par les ménages dans le cas de projets d'investissement ambitieux.

M. le président
La parole est à M. Thierry Sother.

M. Thierry Sother (SOC)
Le logement représente tout à la fois le premier poste de dépenses des ménages et le secteur le plus consommateur d'énergie avec les transports. La transition énergétique du parc de logements relève donc autant de l'urgence climatique que de l'urgence sociale. Agir sur le secteur du bâtiment n'est pas seulement nécessaire pour le climat. La massification des rénovations répond aux enjeux de relance économique, d'emploi et de pouvoir d'achat grâce à la réduction de la facture d'énergie, mais également aux préoccupations de santé publique.

Le bilan du dispositif MaPrimeRénov' est pour le moins mitigé, mais le rapport dont nous débattons a plusieurs mérites : tout d'abord, celui d'aborder la question de l'adaptation des logements d'un point de vue global sous l'angle du dérèglement climatique et du vieillissement démographique ; ensuite, celui de poser la question de la nécessaire réforme de MaPrimeRénov' – nous formulons l'espoir que cette réforme soit plus positive que la précédente.

Ce qui doit être amélioré en priorité pour ces dispositifs, c'est la question du reste à charge, qui a été évoquée dans de nombreux rapports et en particulier celui de la Fondation Abbé Pierre sur l'état du mal-logement en France. Le reste à charge reste important et même bloquant, non seulement pour les ménages modestes et très modestes, mais aussi pour les ménages intermédiaires, en particulier pour les rénovations lourdes. La Cour des comptes et le Haut Conseil pour le climat ont déjà formulé des mises en garde à ce sujet. Le reste à charge s'élève de 11 800 à 37 000 euros en moyenne. Qui peut le payer ?

Deux prêts existent pour couvrir ces restes à charge : l'éco-PTZ et le prêt avance rénovation, mais comme l'indique le rapport, ils sont trop limités. Il existe d'autres solutions, concrètes, réalistes et financées, comme celle envisagée par Stéphane Delautrette et le groupe Socialistes et apparentés : une avance remboursable versée par l'Anah couvrirait la différence entre le montant de la PrimeRénov' et le coût total des travaux. Les ménages la rembourseraient soit sous forme d'un prêt à taux zéro, soit au moment de la vente du bien ou de la succession. Ma question – pour ne pas dire mon espoir – est la suivante : soutenez-vous cette position du groupe Socialistes en faveur du zéro reste à charge pour les ménages les plus modestes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre
Nous accordons toute notre attention à la question du reste à charge. Comme vous l'avez rappelé, l'éco-PTZ existe mais il est difficile d'accès pour les plus modestes, même si l'Anah consent des avances aux ménages les plus modestes qui engagent la rénovation thermique de leur logement. Pour financer le reste à charge, il faut donc approfondir les solutions actuelles et en trouver de nouvelles. M. Delautrette a déjà engagé des travaux relatifs à la banque de la rénovation. De plus, depuis la formation de ce gouvernement, nous avons mis en place une mission chargée d'engager une réflexion sur cette banque de la rénovation. Présidée par Yannick Borde, président du réseau Procivis, et Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts, et composée de parlementaires, cette mission rendra ses conclusions en février prochain et devrait proposer des solutions précises et concrètes qui permettront d'associer l'ensemble des acteurs qui peuvent apporter leur contribution sur cet enjeu du reste à charge. Il convient donc d'attendre ces conclusions, mais sachez que ce sujet constitue pour nous une véritable préoccupation.

M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup.

Mme Josiane Corneloup (DR)
Je regrette que les territoires ruraux soient si peu considérés dans la définition des politiques de logement, qui ne prennent pas en compte les besoins des petites communes rurales, exclues de l'accession aidée alors qu'elles représentent 88 % des communes françaises et abritent un tiers de la population. Avec la fin du PTZ pour les maisons individuelles, un primo-accédant aura désormais bien du mal à devenir propriétaire, notamment les jeunes aux revenus modestes, qui se heurtent à des difficultés pour emprunter. Ces municipalités doivent composer avec la raréfaction du foncier amplifiée par le ZAN, tout en proposant différentes formes de logement en adéquation avec les attentes des jeunes ménages, des jeunes actifs et des personnes plus âgées qui connaissent une perte d'autonomie. Dans ce contexte de crise, les communes rurales redoublent d'ingéniosité pour proposer des solutions pertinentes. Cela va de la tiny house – petit logement amovible, souvent monté sur roues, qui permet de répondre à la mobilité professionnelle des apprentis ou des stagiaires – à l'implantation de béguinages intergénérationnels avec des pavillons individuels et une maison commune.

Malgré le succès de toutes ces expérimentations, celles-ci sont trop peu considérées ; elles doivent être davantage encouragées et aidées pour être plus largement déployées. Dans la majorité des communes, existe également un important patrimoine bâti vacant, public et privé, qui doit être réhabilité, ce qui permettrait de redonner vie à de nombreux centres-bourgs. Quelles mesures comptez-vous prendre pour inciter les bailleurs sociaux à venir en milieu rural et à s'engager dans cette réhabilitation, tant dans la mobilisation des crédits que dans l'accompagnement en ingénierie des communes ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour que nos territoires ruraux puissent conserver leur population, voire accueillir de nouveaux arrivants, et proposer des logements adaptés aux habitants, en particulier aux personnes âgées dans nos territoires ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre
L'habitat en milieu rural est un enjeu auquel on ne peut être que sensible et attentif. En lien avec le cabinet de ma collègue Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, nous avons engagé une réflexion sur la rénovation en milieu rural afin de trouver les voies et moyens d'encourager les bailleurs sociaux à conduire des opérations susceptibles de s'équilibrer. En effet – vous le savez bien –, il est plus difficile de trouver un équilibre financier viable sur des opérations qui portent sur des petits volumes et des petits logements. Malgré ces difficultés, nous nous attelons au problème et y réfléchissons. D'ores et déjà, conformément à la volonté du premier ministre, le PTZ s'appliquera à tous les territoires dans le neuf, collectif comme individuel, ainsi que dans l'ancien avec rénovation en ce qui concerne la zone détendue, notamment dans la ruralité. Le dispositif est donc largement ouvert aux jeunes primo-accédants.

Par ailleurs, les dispositions actuellement examinées par le Sénat prévoient que les primo-accédants ne soient pas touchés par l'augmentation des DMTO. Cette exception leur permettra de ne pas être concernés par l'augmentation de ce qu'on appelle les frais de notaires, qui risquerait d'annuler les effets du PTZ et de l'accès plus facile à un prêt, et de limiter ainsi l'acquisition d'un logement par un jeune ménage en milieu urbain comme en milieu rural. Enfin, nous allons étudier les moyens d'encourager les formes innovantes de logement, comme les tiny houses que vous avez évoquées.

M. le président
La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios (HOR)
Depuis le 1er janvier 2021, le programme d'aide à la rénovation énergétique de l'Agence nationale de l'habitat, auparavant destiné uniquement aux copropriétés fragiles, est maintenant accessible à toutes les copropriétés. Toutefois, les petites copropriétés urbaines, souvent dotées de chauffage individuel dans des bâtiments anciens, rencontrent des difficultés à atteindre le fameux seuil de 35% de gain énergétique nécessaire pour bénéficier de cette aide. Ainsi, MaPrimeRénov' bénéficie principalement aujourd'hui aux copropriétés modernes et plutôt de grande taille. Reconnaissant ces difficultés de rénovation de petites copropriétés, l'Anah a instauré un dispositif expérimental destiné aux copropriétés de moins de vingt lots. Ces copropriétés seront exemptées de critères de performance, à condition de démontrer qu'elles ne peuvent pas atteindre le seuil de 35% en raison de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales. Cependant, un gain minimal de performance de 15% est exigé pour éviter tout détournement du dispositif. Dans le rapport, une proposition est faite pour étendre cette doctrine à l'ensemble des copropriétés anciennes ainsi qu'au logement individuel, afin de lever de nombreux freins à la rénovation thermique et permettre que chacune des copropriétés, même les toutes petites, puisse en bénéficier. Quelle est votre position sur cette dix-neuvième proposition du rapport ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre
Je ne peux pas répondre précisément à votre question, puisque l'expérimentation menée cette année se termine tout juste. Il faut d'abord en mesurer les effets, avant d'élargir – comme vous le souhaitez – le périmètre de MaPrimeRénov' Petite copro. Nous allons évaluer avec l'Anah l'organisation, la réception et l'efficacité de ce dispositif expérimental avant d'envisager son extension. Des échanges avec son conseil d'administration, notamment avec sa directrice générale et son président, se tiendront très vite en ce sens. Nous reviendrons alors vers vous.

M. le président
La parole est à M. Nicolas Bonnet.

M. Nicolas Bonnet (EcoS)
Comme je l'évoquais dans mon propos introductif, un des enjeux de MaPrimeRénov' est de répondre aux problématiques liées au changement climatique. Si la question de son atténuation, par la réduction des consommations hivernales d'énergie, est bien connue, celle de l'adaptation des logements aux périodes de forte chaleur, qui vont être de plus en plus intenses et de plus en plus fréquentes, est cruciale. Dans les logements, on a souvent beaucoup trop chaud et ce sont nos aînés qui en souffrent le plus. Or, au lieu d'utiliser certains matériaux d'isolation dont les propriétés thermiques sont les mêmes en été qu'en hiver et dont l'achat est éligible à MaPrimeRénov', d'autres apporteraient un meilleur confort d'été – même si je préfère le terme d'habitabilité d'été, puisqu'il s'agit davantage de la capacité à vivre correctement dans un logement que du confort stricto sensu. Quelles mesures comptez-vous prendre pour faire évoluer MaPrimeRénov' afin d'éviter les mal-adaptations, c'est-à-dire des travaux de rénovation qui visent uniquement à s'adapter aux conditions hivernales et non aux conditions estivales, et favoriser au contraire les rénovations adaptées à l'été comme à l'hiver ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre
Le confort d'été est déjà intégré à de nombreux dispositifs : le plan national d'adaptation au changement climatique, le diagnostic de performance énergétique (DPE), MaPrimeRénov' Ventilation et la réglementation environnementale RE 2020. De plus, les travaux de confort d'été vont bénéficier de la TVA à 5,5%. Vous nous rappelez la nécessité de la bonne utilisation des matériaux de rénovation. En la matière, les conseillers et accompagnateurs France Rénov' sont mobilisés pour conseiller et orienter les Français vers les bons opérateurs, afin de faire les bons choix et de trouver les meilleures solutions.

M. le président
Le débat est clos.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 29 novembre 2024