Interview de Mme Sophie Primas, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement, sur le déplacement de Marine Le Pen et l'immigration à Mayotte, le déficit public, la possible hausse des impôts sur les plus hauts revenus, le budget de l'État, les agriculteurs et l'interpellation de trois influenceurs Algériens soupçonnés de faire l'apologie du terrorisme.

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Média : LCI

Texte intégral

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Bonjour et bienvenue Sophie PRIMAS. Vous êtes donc porte-parole du Gouvernement. On vient de voir Marine LE PEN donc à Mayotte, déplacement de deux jours, pour vous mettre la pression en fait, pour expliquer que vous devez faire plus, plus vite, et notamment sur les questions migratoires.

SOPHIE PRIMAS
Ecoutez, je ne vais pas commenter le voyage de Marine LE PEN. Elle est parlementaire, elle est présidente d'un groupe politique. Comme tous les parlementaires, elle a le droit d'aller à Mayotte, de regarder la situation, et je suis certaine qu'elle verra aussi la mobilisation des services de l'État, de toutes les sociétés qui sont en train de travailler à Mayotte, de déblayer les chemins, de s'occuper des déchets, de remettre en route les questions d'assainissement, d'eau potable, d'électricité. Elle verra aussi la mobilisation qu'il y a dans ce territoire, à Mamoudzou bien sûr, mais on essaye d'aller le plus loin possible dans toutes les régions isolées, donc elle verra. Et je pense qu'au contraire, elle pourra apporter sa patte aux différents projets de loi qui vont être examinés d'ici la fin du mois de février, qui concerneront Mayotte. Elle aura probablement des propositions que nous écouterons.

SOAZIG QUEMENER
Alors, elle veut beaucoup parler d'immigration, Marine LE PEN. On voit qu'il y a un débat au sein du Gouvernement. François BAYROU qui parle du droit du sol, pourquoi ne pas repenser le droit du sol à Mayotte. Et de l'autre côté, Élisabeth BORNE, interrogée hier soir, l'ancienne Première ministre, qui dit que pour elle, ce n'est pas une priorité. Alors c'est quoi la ligne du Gouvernement sur cette question précise ?

SOPHIE PRIMAS
Je pense que le Premier ministre a été extrêmement clair. Je pense que quand on parle de Mayotte, il faut parler des règles d'immigration. C'est absolument essentiel. Vous savez, Mayotte, c'est finalement la porte d'entrée de la France pour toute la région des Grands Lacs, pour la Tanzanie, pour un certain nombre de pays africains. Et donc parler de l'immigration à Mayotte, c'est évidemment avoir un regard responsable sur le devenir de ce département.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Madame PRIMAS, pardon de vous interrompre, mais justement, au lieu de parler en action, qu'est-ce qui se passe alors ? Qu'est-ce que vous faites de différent de ce qui a été fait ou ce qui n'a pas été fait ?

SOPHIE PRIMAS
D'abord, je voudrais dire pour ceux qui nous écoutent que le droit du sol à Mayotte est différent du droit du sol sur la métropole. Il y a déjà des règles qui existent qui sont différentes du droit du sol. Donc je pense qu'il faut regarder ce droit du sol. Il faut éventuellement le modifier. Vous savez, dans le Gouvernement, il y a un ancien sénateur que je connais bien qui s'appelle Thani Mohamed SOILIHI, qui est lui-même mahorais et qui a déjà déposé des propositions de loi sur le droit du sol à Mayotte. Ce n'est pas un nouveau sujet. Maintenant, il faut passer à l'action.

SOAZIG QUEMENER
Donc il va falloir le dire à Élisabeth BORNE.

SOPHIE PRIMAS
Écoutez, la différence entre Élisabeth BORNE et puis les différents autres membres du Gouvernement, elle s'exprime. Elle est légitime. Notre travail aujourd'hui, c'est de trouver le chemin commun donc voilà, on va trouver ce chemin commun.

PASCAL PERRI
Une des priorités, madame la ministre, c'est de rétablir les radars, vous savez, le fonctionnement des radars. On l'a assez peu évoqué. En ce moment-là, au moment où on se parle, ce sont des charters d'immigrés qui arrivent sur l'île de Mayotte. Il n'y a plus aucun contrôle radar qui existait…

SOPHIE PRIMAS
C'est remis en route.

PASCAL PERRI
Alors est-ce que ça fonctionne ?

SOPHIE PRIMAS
Oui, ça refonctionne.

PASCAL PERRI
Depuis quand ?

SOPHIE PRIMAS
Depuis quelques jours, ça refonctionne. Ça a été une des priorités notamment de tous ceux qui sont en train de surveiller l'île. Il y a un certain nombre d'équipements, vous l'avez dit, qui ont été complètement détruits par la tornade et donc par l'ouragan. Et en réalité, une des priorités qui a été mise, c'est de remettre en route ces systèmes…

PASCAL PERRI
Mais vous avez constaté ce pic de flux d'immigrés en situation irrégulière venant des Comores et des Grands Lacs ?

SOPHIE PRIMAS
Il y a eu un apport effectivement d'immigration qui, évidemment, ont profité du fait que les côtes étaient moins surveillées. Donc on est en train... Et ça a été une des priorités. Et aujourd'hui, les radars sont en place.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Madame PRIMAS, à l'instant, le ministre de l'Économie annonce que le Gouvernement vise un déficit public entre 5 et 5,5% du PIB pour l'année à venir. Alors vous n'êtes pas à Bercy, mais j'ai une question. C'est sur quelle base ? Il n'y a pas de budget. On ne sait pas où sont les économies. On ne sait pas où sont les efforts. C'est sur la base de ce qui existait ?

SOPHIE PRIMAS
Alors vous savez que le budget, dont vous n'ignorez pas l'urgence à l'examiner et à le voter, va repartir de la feuille de route qui a été laissée par Michel BARNIER et prendre en considération un certain nombre de discussions qui sont en cours depuis ce matin avec l'ensemble des groupes politiques, l'idée étant évidemment de trouver la voie et de trouver un budget qui soit en capacité d'être voté à l'Assemblée nationale, puis évidemment au Sénat. Donc les hypothèses de croissance, elles dépendront aussi des différents choix, des différentes propositions qui seront faites toute cette semaine par les groupes politiques.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Donc 5 à 5,5%, c'est un peu du doigt mouillé, quoi. Pardonnez-moi l'expression.

SOPHIE PRIMAS
Il n'y a pas de doigt mouillé. Mais on va attendre d'avoir discuté avant de donner le résultat des courses. Pardonnez-moi, on ne peut pas donner le résultat de la course avant…

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Mais moi, je vous pardonne. Mais comme c'est le ministre de l'Économie qui l'annonce, c'est pour ça que je vous le soumets. Vous comprenez bien.

SOPHIE PRIMAS
Amélie DE MONTCHALIN s'est exprimée également ce matin sur d'autres médias et a dit qu'effectivement, on serait aux alentours de 5%, entre 5%... Et voilà, raisonnablement autour de 5%. Ça veut dire que ça peut être 5,2%, 5,3%. Voilà. On verra.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Alors justement, dans un instant, nous allons revenir en direct pour nous pencher sur les annonces d'Amélie DE MONTCHALIN. Il n'y aura pas de hausse d'impôts pour les Français, a priori, nous dit-elle. On en reparlera dans quelques instants.

SOAZIG QUEMENER
Pour la majorité des Français.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Ouais. Sophie PRIMAS, elle est notre invitée, porte-parole du Gouvernement. À tout de suite.

(…)

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
La porte-parole du Gouvernement est notre invitée, ce matin, Sophie PRIMAS, dans le Parisien ce matin, Madame de MONTCHALIN a fait un point sur les pistes du Gouvernement pour le budget. Il n'y aura pas de hausse d'impôts pour la majorité des Français, dit-elle. Alors ça veut dire quoi ? Parce que quand on s'intéresse à la majorité, il y a toujours une minorité qui est concernée.

SOPHIE PRIMAS
Forcément.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Qui va payer plus alors ?

SOPHIE PRIMAS
Madame de MONTCHALIN a dit qu'effectivement, elle ne s'interdisait pas, dans la discussion avec les différents groupes politiques une hausse d'impôts temporaires sur les plus hauts revenus. Elle va faire de la lutte contre l'optimisation fiscale une piste intéressante pour le Gouvernement. Donc, il y a probablement, les ménages les plus aisés, qui vont probablement avoir une contribution plus importante.

PASCAL PERRI
L'optimisation, ce n'est l'application de la loi, c'est les parlementaires qui la votent.

SOPHIE PRIMAS
C'est ce qu'elle dit d'ailleurs. Elle dit qu'effectivement l'optimisation fiscale n'est pas illégale, c'est une optimisation fiscale sur laquelle on peut travailler d'un point de vue législatif.

PASCAL PERRI
Pour prolonger juste une seconde, ce n'est pas une folie d'augmenter les impôts dans un pays ou de penser à augmenter les impôts dans un pays où on est déjà au record du monde, pratiquement ?

SOPHIE PRIMAS
Ah, mais vous avez raison. Simplement, la situation budgétaire de notre pays, est tellement catastrophique et tellement difficile, que je pense que ce serait mentir aux Français de ne pas dire que tout le monde va faire des efforts. Chacun dans ses capacités et tout le monde, c'est les Français, les grandes entreprises qui font des super bénéfices. Même si c'est tout à fait contre-productif. Et je connais votre position, Monsieur PERRI, là-dessus, qui n'est pas loin d'être la mienne. Mais je pense qu'on est dans un état budgétaire tellement difficile qu'il faut que chacun se rende compte qu'il faut contribuer.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Et les retraités, Madame PRIMAS, alors ? Puisque leur situation est un peu gazeuse. Il devait y avoir des indexations, puis c'est désindexé puisque le budget est caduc. On ne sait pas bien qui est amené à avoir des pensions qui augmentent, qui n'augmentent plus, qui va contribuer plus. Aidez-nous à y voir plus clair ce matin.

SOPHIE PRIMAS
Alors, pour l'instant, comme il n'y a pas de budget, les indexations sont faites. Donc, les retraites vont augmenter. Moi, j'ai compris que dans les discussions, c'était un point très très lourd. En fait, dans les discussions avec les différents groupes parlementaires. Et donc, je pense que ça ne sera pas beaucoup bougé sur la situation actuelle, mais il faudra quand même y réfléchir. Il faut réfléchir aux retraites, à la fois pour se dire comment est-ce que le travail continue à contribuer, à financer notre système social ? Ça, c'est une question de fond qu'on ne peut pas faire entre minuit et une paire de draps, vous voyez, dans un budget en urgence, c'est vraiment une question qu'il va falloir travailler dans les mois qui viennent. Et j'ai compris que c'était quelque chose qui était vraiment très difficile pour tous les groupes politiques. Donc, il faut mieux, je pense, un statu quo.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Donc il faut repenser le texte ? Est-ce qu'il faut repenser la réforme qui a mis les Français dans la rue, qui a provoqué l'ire de l'opposition ? Est-ce qu'il faut revenir sur ce texte ?

SOPHIE PRIMAS
Je pense que la position du Premier ministre, elle est très claire, c'est-à-dire qu'on ne suspend pas la réforme des retraites parce que ça serait une folie, encore une fois, budgétaire. En revanche, mettre les partenaires sociaux, mettre les groupes politiques autour de la table et voir là où elle doit être améliorée, sans dégrader les finances publiques, et même en les améliorant, ça, ce sont des pistes de travail que nous allons demander à tous les groupes politiques de faire.

SOAZIG QUEMENER
Amélie de MONTCHALIN parle de dix milliards d'euros d'économies supplémentaires à faire par rapport au texte du Sénat. Mais est-ce que l'enjeu, de toute façon, pour durer, pour votre Gouvernement, ce n'est pas de lâcher les déficits ?

SOPHIE PRIMAS
On ne peut pas. Je veux dire, on est aujourd'hui dans une situation politique qui est dramatique. Pourquoi ? Parce que les enjeux budgétaires sont dramatiques.

SOAZIG QUEMENER
Mais dix milliards, c'est considérable ? Où est-ce que vous allez trouver…

SOPHIE PRIMAS
C'est considérable. Vous savez que l'objectif de Michel BARNIER dans le Gouvernement précédent, c'était soixante milliards. Soixante milliards, c'est considérable. Et c'est bien la raison pour laquelle l'objectif de notre déficit, il est aux alentours de 5 %, mais il faut qu'on revienne à ces 3 % dans les trois, quatre, cinq ans qui viennent, c'est absolument obligatoire. Aujourd'hui, la charge de la dette, c'est le budget le plus important.

PASCAL PERRI
55 milliards d'euros par an.

SOPHIE PRIMAS
Et c'est plus que l'Éducation nationale.

PASCAL PERRI
Le crédit de la dépense.

SOPHIE PRIMAS
Donc, ça fait longtemps. Moi, vous savez que je suis ancienne sénatrice. Ça fait très longtemps que le Sénat tire la sonnette d'alarme en disant : "Attention, on va dans le mur, on va dans le mur, on va dans le mur". Aujourd'hui, on est dans le mur. Et donc, il faut faire ses économies, même si c'est difficile.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Les agriculteurs de la coordination rurale sont sur la route aujourd'hui. Ils disent leur colère. Notamment à une date que vous leur avez vous-même annoncée, une date de rencontre avec François BAYROU, c'était pour le 13 janvier, si je ne dis pas de bêtises. Est-ce que vous avez une nouvelle date, peut-être plus proche, à leur annoncer ce matin ?

SOPHIE PRIMAS
En fait, je pense que derrière ces manifestations, il y a deux choses. Il y a la colère endémique des agriculteurs pour des bonnes raisons, qui est une colère qui a été exprimée au moment où Gabriel ATTAL était Premier ministre. On a l'impression que c'est la nuit des temps, mais c'était il y a un an environ. Donc, il y a vraiment ce malaise agricole que je connais bien parce que c'est un milieu que je connais bien et qui est justifié, qui est très ancien, qui s'est construit au fil des années, donc, il y a cette revendication agricole. Et puis après il y a, j'allais dire, des échéances qui sont liées aussi à la vie des organisations agricoles, aux organisations syndicales, des chambres d'agriculture à la fin du mois de janvier.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Est-ce qu'il faut les recevoir plus vite ? Est-ce qu'il faut leur envoyer un signal pour discuter avec eux plus vite que dans une semaine ?

SOPHIE PRIMAS
Mais le 13 janvier, ça ne changera rien. La déclaration de politique générale ne sera pas réalisée. Nous savons avec Annie GENEVARD qui est restée au Gouvernement et c'est une très bonne chose que les lois sont en attente. Elles ont été vues à l'Assemblée nationale.

PASCAL PERRI
Elle était au Sénat le 14.

SOPHIE PRIMAS
Moi, j'ai quitté le Sénat en juillet de l'année dernière. Nous étions, la veille de l'examen de ce texte en Commission des affaires économiques. Donc, ce texte, il est là. Il a eu le temps de maturer dans les différentes assemblées. Il est prêt. Il faut juste nous laisser le temps de l'examiner.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Alors, l'actualité a été marquée par l'interpellation d'un troisième influenceur de nationalité algérienne. Il est soupçonné de faire l'apologie du terrorisme. François.

FRANÇOIS CLEMENCEAU
Oui. Est-ce que vous ne craignez pas qu'avec ces trois arrestations, les Algériens y voient comme une réponse à l'arrestation chez eux de Boualem SENSAL, l'écrivain français, pour des motifs qui sont à peu près comparables ? Apologie du terrorisme chez nous, mais chez eux, c'est apologie atteinte à la sécurité de l'État. Bref, cette instrumentalisation ne risque-t-elle pas, avec pas loin de 800 000 Algériens chez nous, 35 000 Français là-bas, de faire monter précisément la tension entre les deux pays ?

SOPHIE PRIMAS
Alors, pardonnez-moi de vous dire que je ne peux pas comparer les propos de Boualem SENSAL avec les propos de ces trois influenceurs. La violence du propos de ces trois influenceurs sur notre territoire, elle est absolue et elle est impossible à comparer avec les écrits de Boualem SENSAL.

FRANÇOIS CLEMENCEAU
Ce n'est pas moi qui les compare, c'est le Président algérien TEBBOUNE.

SOPHIE PRIMAS
Non, non. Mais je le dis parce que je veux dire à nos compatriotes algériens qui vivent en France, il n'y a pas de commune comparaison. Ce n'est pas possible de comparer ces deux types d'expressions. Vous avez d'un côté ces influenceurs qui ont des expressions d'appel au meurtre sur notre territoire. Ça, dans la bouche de n'importe quel influenceur, qu'il soit algérien d'une autre nationalité ou qu'il soit français, c'est juste insupportable et donc, ça doit faire l'objet d'arrestations.

FRANÇOIS CLEMENCEAU
Et ça ne risque pas de faire monter la tension entre les deux pays qui franchement n'en ont pas besoin ?

SOPHIE PRIMAS
Peut-être, mais en tout cas, on ne peut pas admettre que sur notre territoire, quelle que soit la nationalité des influenceurs, on ait des propos de haine et d'appel au meurtre sur notre territoire. Ce n'est pas possible.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Merci beaucoup, Sophie PRIMAS, d'avoir été l'invitée du 6-9 ce matin.

SOPHIE PRIMAS
Merci.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Porte-parole du Gouvernement dans quelques instants. C'est l'Info en plus, restez avec nous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 janvier 2025