Interview de Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, à RMC Info le 23 janvier 2025, sur la réduction d'un tiers du budget du ministère des sports, la colère des sportifs quant à cette réduction et les difficultés financières de la ligue 1.

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Média : RMC Info

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Marie BARSACQ, vous êtes la ministre des Sports et vous êtes dans la tourmente. Nouvelle ministre des Sports, très engagée sur votre domaine et vous vous retrouvez avec une baisse d'un tiers du budget du ministère des Sports, moins 33 %. Une scène hier soir, vous donniez vos vœux au monde du sport et la moitié des présidents de Fédération sportive de France ont ostensiblement quitté la salle, se sont levés et partis avant que vous ne puissiez prononcer votre propre discours. Comment vous l'avez vécu ?

MARIE BARSACQ
Écoutez, j'ai tout à fait entendu le message adressé par les dirigeants du mouvement sportif, alors c'était moins de la moitié quand même. Ce qui était important, c'est qu'effectivement ils m'adressent un message ; ce message, les athlètes l'avaient adressé avant eux. Les collectivités également. Et ce message, il dit simplement qu'il ne faut pas aller trop loin dans la réduction du budget des sports. C'est évidemment un message que j'entends, sur lequel je travaille depuis mon arrivée au ministère des Sports et sur lequel évidemment je suis très mobilisée. Puisque vous le savez, j'ai occupé des fonctions précédemment à Paris 2024 sur l'héritage des Jeux. Donc c'est évidemment un sujet qui m'anime.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous étiez d'ailleurs la directrice exécutive, impact et héritage du comité d'organisation des Jeux Olympiques. Mais c'est quand même assez étonnant, j'aimerais bien comprendre ce qu'il se passe. C'est-à-dire que quand je vous écoute, vous, vous êtes contre cette baisse du budget des sports. Les sportifs sont contre la baisse du budget des sports. Le Président de la République est contre la baisse du budget des sports. Il a fait savoir à nos confrères de l'équipe, il a dit qu'il ne voulait pas que ce budget baisse et il donne raison à la colère des sportifs. Mais alors qu'est-ce qui bloque ?

MARIE BARSACQ
En fait, on est dans une phase de discussion et de dialogue, notamment avec les parlementaires, dans la perspective de la commission mixte paritaire de la semaine prochaine. Donc c'est une évidence qu'aujourd'hui, on a besoin de faire entendre sa voix dans ce contexte où on est en négociation sur le bon équilibre du budget. Évidemment, le sport doit prendre une part et mon ministère, évidemment, dans le cadre de la réduction de la dette et de l'effort qui doit être consenti, mais il faut être…

APOLLINE DE MALHERBE
En fait, c'est un effort fondamental à tout le monde, y compris à vous, mais enfin, 33 %, c'est beaucoup.

MARIE BARSACQ
Tout à fait, c'est pour ça qu'en fait, ma position - et je l'ai clairement dit au Gouvernement - et elle est connue, je l'ai rappelée au Sénat également, c'est de s'en tenir à la mouture du Gouvernement BARNIER, de ne pas faire d'efforts supplémentaires, parce qu'arriver jusqu'à 33 %, c'est beaucoup. Et en plus, nous avons aussi la possibilité d'entendre également les besoins du terrain, les besoins des clubs pour accueillir de nouveaux pratiquants au lendemain des Jeux. Et il y a un amendement qui a été voté par le sénateur, un amendement porté par le sénateur SAVIN, un autre porté à l'Assemblée nationale par le député DIRX, qui viennent là aussi proposer d'abonder le budget des sports pour pouvoir répondre à ces besoins qui sont évidents aujourd'hui.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez gagner la partie ?

MARIE BARSACQ
Je ne sais pas. En tout cas, je suis mobilisée. Je suis aussi évidemment solidaire du Gouvernement dans ma démarche.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est ça qui est compliqué, c'est quand on vous écoute, vous êtes à la fois solidaire des sportifs et solidaire du Gouvernement.

MARIE BARSACQ
Oui mais parce qu'on est dans une phase de négociation.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est compliqué quand même.

MARIE BARSACQ
Oui, parce que la solidarité gouvernementale, c'est aussi de dire les choses et de mettre les problèmes sur la table.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, j'ai l'impression que pour le coup, vous avez une forme de liberté, une liberté de parole. C'est d'ailleurs ce dont vous faites usage ce matin. Ça vous gêne de le dire, mais moi, je le constate. On est aussi avec Alexis HANQUINQUANT qui est avec nous. Bonjour Alexis.

ALEXIS HANQUINQUANT, CHAMPION PARALYMPIQUE DE TRIATHLON
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Alexis, vous êtes évidemment champion paralympique de triathlon, Teddy RINER, Léon MARCHAND, vous-même, vous avez signé cette tribune dans laquelle vous parlez d'un véritable sabotage du monde sportif. Vous avez entendu la ministre à l'instant, qu'est-ce que vous lui dites ? Elle vous écoute.

ALEXIS HANQUINQUANT
Je lui dis que forcément, j'ai toute confiance en elle. Bien sûr qu'on nous a assez parlé d'héritage. Et effectivement, c'est un sabotage quelques mois plus tard de très vite refermer la page de Paris 2024. On ne peut pas dire qu'on n'a pas vécu tous ensemble des moments magiques. Et les champions d'aujourd'hui ont besoin forcément du soutien de l'État et surtout les champions de demain. Parce qu'on ne crée pas des champions comme ça du jour au lendemain. Et le budget… l'État doit forcément s'impliquer à savoir si justement on a eu des très bons résultats sur Paris, mais est-ce qu'on veut continuer à être une vraie nation avec des vrais résultats sportifs sur les compétitions internationales qui vont venir avec Milan, avec Los Angeles et bien d'autres compétitions encore.

APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous répondez à ça madame la ministre ?

MARIE BARSACQ
Qu'évidemment, Alexis a raison de le dire. Nous avons aussi besoin de nous projeter vers 2030. Et puis avant 2030, il y aura 2028. On a vu que la dynamique avait été enclenchée par les moyens supplémentaires qui ont été donnés à la haute performance à marcher. Les médailles étaient au rendez-vous. C'est une dynamique qu'il faut poursuivre. Les Anglais ont beaucoup misé sur la haute performance. Et on voit qu'ils sont toujours au rendez-vous des Jeux Olympiques et Paralympiques. Donc ça nous a montré la voie. Il faut que nous aussi on continue sur la haute performance.

(…)

APOLLINE DE MALHERBE
A long terme, c'est ça ce problème-là ? A long terme, pour les jeunes de France, madame la ministre ?

MARIE BARSACQ
Oui, c'est pour ça qu'il faut continuer à donner des moyens au plan Génération 2024, qui est un plan qui a commencé déjà l'année dernière, qui avait été enclenché avant les Jeux pour anticiper justement les besoins que nous allions avoir à la rentrée pour doter la France d'équipements de proximité pour accueillir tous ces nouveaux pratiquants.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne vous sentez pas un peu schizophrène, Marie BARSACQ ?

MARIE BARSACQ
Non, pas du tout. Mon combat, ça a toujours été celui du sport, du développement du sport. Aujourd'hui, il y a un sujet sur la table. On a un effort budgétaire collectif à faire. Le sport doit prendre sa place, mais toute sa place et rien que sa place, pas trop. Et là, aujourd'hui, il faut faire entendre aussi que nous sommes dans une période particulière au lendemain des Jeux où nous avons tous construit cet héritage et il faut le faire.

APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous accepteriez ? C'est-à-dire que si on vous dit, "Bon, OK, on vous a entendu. On ne va pas faire 33 %, on va faire moins 15. On va couper la part en deux." C'est à ça que vous espérez arriver à la fin des négociations ?

MARIE BARSACQ
Le message était clair, je vous l'ai dit, c'est de nous en tenir à la proposition de budget qui avait été élaborée par le Gouvernement BARNIER et de permettre aux députés et aux sénateurs d'abonder aussi le budget des sports comme ils l'ont prévu sur la taxe.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'était combien ? C'était une baisse ? C'était quand même en baisse, mais pas à ce point.

MARIE BARSACQ
Oui, c'était une baisse, mais pas à ce point, effectivement.

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, c'était à moins 29.

MARIE BARSACQ
Oui, mais il faut aussi comprendre aujourd'hui que la situation économique dans laquelle nous sommes ; tout le monde doit faire un effort, mais je crois que les sportifs sont capables de comprendre qu'on doit faire un effort, mais pas n'importe quel effort. Et le sujet, c'est qu'il faut…

APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais moins 29 %, vous accepteriez ?

MARIE BARSACQ
Non, mais avec l'amendement qui a été voté par les sénateurs et les députés, ça fait plus que moins 29 %. Donc, c'est pour ça que ces amendements sont importants. Ils vont être en discussion à la commission mixte paritaire et ça va être du coup…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça fait un effort moindre.

MARIE BARSACQ
Ça fait un effort moindre, exactement.

APOLLINE DE MALHERBE
Marie BARSACQ, une question bonus ; la Ligue 1 est au bord de la faillite et notamment à cause de la question de DAZN qui veut renégocier son contrat. Qu'est-ce que vous allez faire ? C'est quand même une énorme menace aujourd'hui.

MARIE BARSACQ
Oui, c'est vrai que la situation est très critique pour la Ligue 1. Je dois recevoir et voir prochainement monsieur LABRUNE et les acteurs du football professionnel. C'est très inquiétant et en même temps, on voit que la Ligue 1 rencontre son public. Les affluences dans les stades sont bonnes. On a des clubs qui performent, on voit le club de Brest…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais côté télé, c'est une catastrophe. C'est-à-dire que sur place, oui, dans les stades ; mais côté télé, ça devient la croix et la bannière et plus personne ne regarde ou alors ne regarde officiellement…

MARIE BARSACQ
Oui, il faut retravailler le produit télé. Il faut revoir aussi le système au global, mais en tout cas, c'est le bon moment…

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous avez les moyens de leur faire pression ?

MARIE BARSACQ
C'est le bon moment de mettre les sujets sur la table. C'est comme pour le budget, il faut se mettre autour de la table, discuter, mettre les sujets sur le tapis et surtout ne rien cacher et prendre des décisions courageuses.

APOLLINE DE MALHERBE
Le rendez-vous est pris avec monsieur LABRUNE ?

MARIE BARSACQ
Il est en cours de calage.

APOLLINE DE MALHERBE
Il est en cours de calage. Vous n'avez toujours pas de date ?

MARIE BARSACQ
Alors, je ne sais pas, parce que pour tout vous dire, hier, j'ai eu une folle journée, ça ne vous a pas échappé. Je n'ai pas regardé mon agenda hier.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est juste, c'est juste. Merci Alexis HANQUINQUANT d'avoir effectivement porté encore, de continuer à porter le drapeau en quelque sorte pour le sport de France. Merci d'avoir été avec nous, champion paralympique de triathlon. Et vous, Marie BARSACQ, merci d'avoir donc défendu votre budget. Même si honnêtement, je suis un peu étonnée par les chiffres. C'est-à-dire que vous avez l'air de dire : "on ne va pas arriver à 33, mais enfin, si on arrive à 29…"

MARIE BARSACQ
Un peu plus que 29, vous verrez.

APOLLINE DE MALHERBE
Allez, il est 7h49, vous êtes bien sur RMC et RMC Story. Bon réveil à tous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 janvier 2025