Texte intégral
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification. Monsieur le président, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, permettez-moi de vous dire l'émotion mais également l'humilité qui sont les miennes alors que je m'exprime pour la première fois ici, au Sénat, dans cet hémicycle.
À l'émotion personnelle se mêle également la responsabilité, celle de porter, avec ce ministère, la voix des 5,7 millions d'agents qui composent la fonction publique et qui méritent notre totale reconnaissance, notre respect et notre considération. Nous traversons en ce moment des crises majeures, du point de vue humanitaire, à Mayotte, mais également du point de vue institutionnel ou économique. Face à ces crises, ce sont eux qui sont en première ligne pour protéger les Français.
C'est pourquoi je me fais le devoir de les défendre, de les protéger et de leur simplifier la vie. Ce devoir est d'autant plus grand que notre contexte budgétaire extrêmement difficile impose à l'État des efforts d'une ampleur inédite. C'est un discours que j'assume totalement, avec responsabilité, mais aussi avec transparence. Si nous voulons préserver nos services publics, si nous voulons prendre notre part dans cet effort collectif, il faut le faire et il faut le faire maintenant.
Cette part, les services que j'ai l'honneur de diriger la prennent pleinement. Nous faisons ainsi un effort considérable en réduisant, de 138 millions d'euros dans le texte initial, les crédits des programmes 349 " Transformation publique ", 352 " Innovation et transformation numériques ", 148 " Fonction publique " et 368 " Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques ". Cela représente une baisse de 22% par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 et cela ne tient pas compte des amendements à cette mission.
Ma collègue Amélie de Montchalin et moi-même vous proposerons d'aller un cran plus loin dans l'ambition budgétaire. Par exemple, une proposition de baisse de nos crédits vise à recentrer la direction interministérielle du numérique (Dinum) sur sa mission première, qui est de maximiser l'impact des projets numériques, en diminuant leurs coûts de fonctionnement. En outre, cette limitation s'accompagne d'une mesure de périmètre, puisque ce projet de loi de finances acte le rassemblement des crédits de la Dinum sur le programme 129 " Coordination du travail gouvernemental ", afin de mettre en application les recommandations de la Cour des comptes.
En parallèle, nous devons nous assurer de l'efficacité de la dépense publique, afin que chaque euro prélevé sur le compte des Français soit un euro bien dépensé. Malgré les contraintes budgétaires que j'évoquais, je souhaite donc continuer de mener les transformations d'ampleur et faire en sorte que chaque investissement réalisé soit visible et améliore significativement le quotidien de nos concitoyens.
Ceux qui ont déjà navigué sur un voilier le savent parfaitement : par gros temps, il faut accepter de réduire la voilure pour tenir son cap. Le cap de la France, c'est l'assainissement de ses comptes publics, indispensable si nous voulons préserver les services publics qui font la grandeur de notre pays. Pour moi, ces efforts nécessaires, dans le cadre de ce projet de loi de finances, ne sont pas antinomiques avec les principaux défis de la fonction publique : renforcer son attractivité et faciliter la vie des agents comme des usagers.
C'est pourquoi, au nom du Gouvernement, j'assumerai une baisse de l'ordre de 6 milliards d'euros des dépenses sur la masse salariale de l'État. Cet engagement budgétaire répond à un impératif moral et politique, qui est, je le sais, largement partagé sur les travées de cet hémicycle. Je tiens à avoir un mot particulier pour les présidents et les sénateurs de la majorité sénatoriale et des groupes Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) et Les Indépendants – République et Territoires, avec lesquels je partage la même ambition pour notre pays.
Pour renforcer l'attractivité du service public, nous avons en main de nombreux leviers, dont certains sont d'ordre budgétaire. Je pense évidemment à la question de la formation de nos fonctionnaires, investissement essentiel pour garantir un service public de qualité. Ainsi, nous avons augmenté de 5 % les crédits consacrés aux actions de formation interministérielle. Je n'oublie pas non plus la question de l'action sociale interministérielle, présente dans ce budget.
Je veux par ailleurs citer le chantier de la transformation publique au service de la simplification. Si les crédits alloués à la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et à la Dinum ont été mis à contribution, je défends un budget de plus de 100 millions pour transformer et changer l'action publique. Ces dépenses représentent des investissements directs dans un service public plus réactif, plus moderne, plus satisfaisant pour les agents comme les usagers.
J'en viens aux jours de carence. Il est vrai, comme l'ont montré les calculs des inspections, que le passage d'un à trois jours de carence pourrait engendrer 289 millions d'euros d'économies en année pleine. Pour autant, lorsque je suis arrivé à la tête de ce ministère, j'ai voulu consulter l'ensemble de la représentation syndicale et j'ai discuté avec les agents, afin de comprendre les raisons d'une certaine forme de colère. Cette idée, tous la vivaient comme une mesure stigmatisante et estimaient qu'elle n'était pas la meilleure approche pour résoudre la question de l'absentéisme.
Je vais être honnête ; initialement, j'étais plutôt favorable à cette mesure. Néanmoins, après les consultations auxquelles j'ai procédé, j'ai été convaincu que nous avions surtout besoin de retrouver le chemin d'un dialogue social apaisé et serein. C'est ce que propose le Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai bien entendu vos propos : nous devons poursuivre nos efforts budgétaires, simplifier la vie des Français et des usagers, améliorer l'attractivité de la fonction publique. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Francis Szpiner applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le président, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est la première fois que je m'exprime devant vous en tant que ministre des comptes publics. Si j'éprouve un plaisir sincère à vous retrouver, je tiens également à vous assurer de mon très grand respect pour le Sénat.
Nous traversons une période exceptionnelle en matière économique et budgétaire. Le Premier ministre nous a fixé un cap : redonner au plus vite un budget au pays et sortir la France du surendettement, afin de retrouver les marges de manœuvre permettant de financer les politiques essentielles pour notre avenir et nos concitoyens, tout en demeurant attachés à la justice fiscale et sociale et à l'efficacité de la dépense publique.
Notre objectif, vous le savez, est de revenir à un déficit de 5,4% du PIB cette année, puis, à partir de l'année prochaine, de bâtir nos budgets non plus de façon automatique, mais en partant des besoins du terrain. Ce sera un changement de méthode nécessaire et attendu.
Pour trouver les économies supplémentaires – vous le savez, la censure du Gouvernement a eu un coût direct estimé à environ 12 milliards d'euros (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.) –, nous nous sommes fixé cinq principes très simples : réduire de 5 % les dépenses des opérateurs dont le budget a connu une hausse continue depuis des années ; réduire de 10 % nos achats publics ; ne pas reconduire les crédits n'ayant pas été utilisés l'an dernier – les reports ne doivent plus être la norme –, ce qui restaurera la maîtrise de notre dépense ; arrêter d'arroser le sable mouillé, si vous me permettez cette expression triviale, c'est-à-dire ne plus octroyer de subventions aux bénéficiaires dont la trésorerie est abondante ; prendre en compte, enfin, l'effet de la loi spéciale et des services votés, ce qui signifie que le temps passé sans budget ne pourra pas être rattrapé et que les dépenses faites sur neuf mois n'équivaudront pas mécaniquement à celles qui auraient été faites sur douze.
Au-delà de ces mesures, un certain nombre de politiques publiques seront améliorées ou réduites, en suivant de très nombreuses préconisations de la Cour des comptes ou de rapports parlementaires.
Aujourd'hui, nous examinons les crédits d'un certain nombre de missions.
Il s'agit d'abord de la mission " Régimes sociaux et de retraite ", qui doit tirer la conséquence de l'absence de décalage de six mois de la revalorisation des pensions, due au rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 au travers de la censure du précédent gouvernement. Je tiens à le répéter, cette censure a un impact important sur la trajectoire de finances publiques et elle contraint la méthode et le contenu de nos travaux.
Mmes Colombe Brossel et Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas la censure, c'est la dissolution !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale " Gestion du patrimoine immobilier de l'État ", nous proposons de créer une société foncière, qui a été évoquée dans les précédentes interventions. Cette foncière jouera un rôle central dans la gestion du patrimoine immobilier de l'État, en donnant une vision opérationnelle permettant d'optimiser la gestion et d'améliorer la rénovation énergétique et thermique de nos bâtiments. À cet égard, les pilotes de la région Grand Est et de Normandie nous permettront d'étudier comment le foncier public peut être mieux mis à contribution pour construire des logements destinés aux agents publics et aux étudiants.
Les crédits de la mission " Gestion des finances publiques " ont connu des hausses importantes au cours des deux dernières années, afin de renforcer nos moyens contre les fraudes. Je l'ai déjà indiqué et je le répète, vous me verrez au cours des prochaines semaines agir de manière très volontariste pour continuer la lutte contre toutes les fraudes.
Nous renforcerons ainsi les moyens de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) en matière de renseignement douanier, ainsi que ses capacités navales dans les zones touchées par le trafic de stupéfiants. À cet égard, je salue l'examen en séance publique, dans cet hémicycle, d'ici quelques jours, de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
Au sein de la DGFiP, les moyens humains consacrés au renseignement fiscal sont également renforcés. Nous accroîtrons également de 1 million d'euros les moyens de Tracfin, pour répondre aux exigences de la lutte renforcée contre la criminalité organisée et les narcotrafics.
La transformation numérique est au cœur de nos stratégies, puisqu'un tiers des crédits sont destinés à résorber la dette technique et à investir dans les outils d'avenir. Pour ce qui concerne les dépenses de personnel, les administrations, en particulier la DGFiP, ont fourni un effort exceptionnel de rationalisation des effectifs. J'en profite pour saluer les agents publics de ces administrations, les hommes et les femmes qui œuvrent, au sein de ces administrations, au fonctionnement régulier de l'État, mais qui luttent également contre toutes les fraudes.
Permettez-moi de remercier, en conclusion, Mme la rapporteure spéciale, M. le rapporteur spécial et Mmes les rapporteurs pour avis de leurs travaux. Je mesure combien les délais sont courts, combien les modalités de travail sont perfectibles, mais je tiens, sans les justifier, à vous dire que, si nous travaillons ainsi, c'est parce que les Français attendent un budget, un budget qui n'augmente pas les impôts qu'ils paient et qui nous remette sur une trajectoire budgétaire sincère, sérieuse, de façon à pouvoir faire face aux futures crises. Il s'agit d'un enjeu national et vous pouvez compter sur mon engagement dans cette voie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
source https://www.senat.fr, le 3 février 2025