Texte intégral
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis honoré de prendre pour la première fois la parole devant le Parlement. Permettez-moi d'avoir une pensée pour la ministre d'État Élisabeth Borne et pour le Premier ministre François Bayrou, que je remercie de leur confiance.
Je suis résolument convaincu de l'importance de ce grand et beau ministère pour l'avenir de notre jeunesse, pour l'avenir de notre recherche, qu'elle soit libre, académique et désintéressée ou tournée vers les entreprises, pour l'avenir de notre industrie et de notre nation.
Le budget 2025 de la mission interministérielle "Recherche et enseignement supérieur" (Mires) est étudié, comme vous le savez, dans un contexte de finances publiques contraint.
Il est naturel que la mission interministérielle "Recherche et enseignement supérieur" et l'enseignement supérieur et la recherche (ESR) prennent leur part dans l'effort demandé à la Nation, mais il est nécessaire que cette part soit juste, compte tenu de l'importance de ces politiques publiques pour l'avenir du pays. Cette ligne directrice a conduit nos discussions. Le budget que nous vous proposons d'adopter répond précisément à cet objectif.
En premier lieu, le Gouvernement a entendu les inquiétudes du secteur universitaire et les appels à sanctuariser le budget de nos universités. Le travail fourni ces derniers jours avec l'aide de la ministre d'État pour préserver nos établissements d'enseignement supérieur nous permet de proposer une copie significativement plus favorable pour ceux-ci.
En second lieu, en ce qui concerne la loi de programmation de la recherche, nous préservons les moyens prévus par nos prédécesseurs dans le PLF pour 2025 – à ce titre, je salue chaleureusement le travail effectué par mon prédécesseur Patrick Hetzel.
La progression des crédits des trois programmes concernés par cette loi de programmation s'élève donc à 173 millions d'euros.
Cette enveloppe permet notamment d'appliquer l'accord du 12 octobre 2020 relatif aux ressources humaines et d'acter plusieurs mesures pour l'attractivité des carrières dans l'ESR, en particulier pour les populations les plus fragiles. La sanctuarisation de ce budget en 2025 permettra de conserver la dynamique de la loi de programmation de la recherche dans les années à venir.
Les amendements du Gouvernement ayant pour objet la Mires visent à répondre à cette double exigence de maîtrise des finances publiques et de soutien aux établissements d'enseignement supérieur.
Ainsi, sur le périmètre de l'ESR, le rabot gouvernemental est porté à 193,2 millions d'euros. Il intègre les mesures d'économies nécessaires annoncées à la fin de 2024, ainsi que les dernières mesures qui s'imposent compte tenu de la situation nouvelle et exceptionnelle à laquelle nous sommes confrontés.
J'ai veillé à ce que ces économies pèsent le moins possible sur les universités. Je sais les contraintes qui pèsent sur elles et la situation financière parfois difficile de certains établissements. Je présenterai ainsi un amendement visant à ce que la plus grande partie de cet effort porte sur les organismes de recherche dont la trésorerie permet d'absorber ces mesures d'économie exceptionnelles, sans remettre en cause la dynamique de la loi de programmation de la recherche.
Nous serons évidemment particulièrement attentifs à la manière dont ces établissements présenteront leurs budgets et pourront gérer leur déroulement au cours des mois à venir.
Toujours pour épargner les universités et accompagner la réussite de nos étudiants partout dans vos territoires, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons décidé d'accompagner les établissements en compensant la moitié de la hausse du taux du CAS "Pensions". Je suis heureux d'annoncer aujourd'hui cet effort supplémentaire de 100 millions d'euros. Je proposerai d'adopter un amendement en ce sens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget prévu pour la Mires s'élève à 31 milliards d'euros en 2025. Le budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche s'élève dans le projet de loi de finances pour 2025 à 26,8 milliards d'euros, répartis sur trois programmes : 15,3 milliards d'euros pour le programme 150, "Formations supérieures et recherche universitaire", 8,3 milliards d'euros pour le programme 172, "Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires", et 3,2 milliards d'euros pour le programme 231, "Vie étudiante".
Par rapport à celui pour 2024, ce budget est en progression de plus 89 millions d'euros. Il s'inscrit dans la continuité de l'effort consenti pour l'enseignement supérieur et la recherche depuis 2017.
Le montant cumulé de l'augmentation de ce budget est important : 4,3 milliards d'euros sur la période 2017-2025 et 2,7 milliards depuis le lancement en 2021 de la loi de programmation de la recherche, commencée sous le gouvernement Philippe et dont l'examen s'est achevé sous le gouvernement Castex.
La progression de ces crédits traduit l'engagement important de la Nation pour sa jeunesse, pour l'innovation, pour l'industrie et pour notre avenir collectif : l'État investit dans l'enseignement supérieur et la recherche.
Malgré la contrainte qui pèse sur les finances publiques, nous pouvons donc maintenir notre ambition pour l'ESR, autour de trois axes forts.
Premièrement, renforcer l'attractivité des carrières scientifiques et l'investissement dans la recherche est nécessaire pour maintenir notre excellence scientifique.
Deuxièmement, il nous faut accroître la performance des établissements d'enseignement supérieur et améliorer la réussite des étudiants.
Troisièmement, nous devons poursuivre la transformation des établissements et, ainsi que cela a été mentionné plus tôt, encourager les universités à obtenir des financements additionnels, notamment en Europe.
En ce qui concerne le premier axe, le budget 2025 sanctuarise le cœur de la LPR – il n'y a nulle désorbitation, contrairement à ce qui a été avancé. Le projet de loi de finances pour 2025 ouvre ainsi 91 millions d'euros de crédits supplémentaires sur le programme 150 et 67 millions d'euros sur le programme 172. Ces moyens permettront de préserver l'application du protocole d'accord du 12 octobre 2020 relatif aux ressources humaines.
Le budget de l'ANR est maintenu en 2025, afin de permettre à cette agence de continuer à financer les projets de recherche dans des domaines stratégiques en lien avec les grands défis contemporains.
En outre, l'abondement financier versé aux établissements est revalorisé, ce qui assure le soutien des laboratoires et des unités de recherche. Ce point est particulièrement important : rien ne sert de financer des programmes ou des projets de recherche si dans les universités et les organismes de recherche on ne dispose pas des infrastructures et des ressources nécessaires pour les réaliser.
Je tiens également à rappeler les moyens importants investis dans la recherche via France 2030. Sur la période 2020-2027, les acteurs de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation bénéficient de l'investissement de 13 milliards d'euros issus de ce plan, soit 25 % de son enveloppe totale de 54 milliards d'euros.
De nouvelles actions sont par ailleurs en cours, pour un montant de 650 millions d'euros, via l'action n° 11, "Recherche dans le domaine des risques" du programme 190, "Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables", et via les nouveaux programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR).
Notre deuxième objectif est d'améliorer la réussite des étudiants.
Le projet de loi de finances pour 2025 tend ainsi à renforcer le soutien financier au réseau des œuvres universitaires et scolaires, dont la subvention progresse de 30 millions d'euros. Cet effort permettra notamment de faire face à la hausse de la fréquentation des restaurants universitaires, qui comptent 2 613 places supplémentaires en 2025, tout en améliorant la qualité des repas malgré l'accroissement du coût des denrées alimentaires.
Par le PLF pour 2025, nous réaffirmons enfin notre engagement en faveur des étudiants les plus précaires. Nous maintenons le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et ceux qui sont en situation de précarité, mesure déployée depuis 2020.
Entre 2022 et 2024, le nombre de repas à tarif social a augmenté de 17 %, quelque 42,5 millions de ces repas ayant été servis en 2023-2024.
Une enveloppe supplémentaire de 13 millions d'euros est prévue en 2025 pour le dispositif issu de la loi visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite loi Levi.
M. Laurent Lafon. Excellent !
M. Philippe Baptiste, ministre. Cette initiative assure à des milliers d'étudiants l'accès à des repas équilibrés à un tarif très avantageux, contribuant ainsi à leur réussite académique.
Nous maintenons également en 2025 la subvention en faveur des logements du réseau des œuvres universitaires et scolaires. Depuis 2018, la progression de ces crédits a permis la création de près de 30 000 logements sociaux étudiants, dont 12 000 sont directement gérés par les Crous.
Enfin, nous poursuivrons le déploiement des dispositifs en faveur de l'égalité des chances. Le budget 2025 permet de maintenir notre politique de bourses sur critères sociaux, permettant aux étudiants les moins favorisés un accès à l'enseignement supérieur dans des conditions facilitées.
Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) continuera à financer les dispositifs contribuant directement à la réussite et à l'insertion des étudiants, comme les cordées de la réussite, les prêts étudiants garantis par l'État et les diplômes universitaires passerelles. L'effort pour rendre les universités plus inclusives, notamment en matière de handicap, est également poursuivi.
Il faut également renforcer la performance des établissements. En 2025 interviendra le lancement de la troisième vague des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp) auprès de 55 établissements.
Le ministère pérennise une enveloppe de 35 millions d'euros à destination de ces contrats, qui offrent aux établissements davantage de latitude pour innover et répondre aux grands défis éducatifs et scientifiques de demain.
Il est évidemment possible de s'interroger sur la part relativement réduite des Comp par rapport à l'ensemble des financements disponibles, mais nous reviendrons un peu plus tard sur ce chantier. Cette troisième vague sera également l'occasion de mettre en avant la démarche de simplification rappelée par le Premier ministre.
Dernière priorité, le ministère poursuit l'accompagnement des établissements dans leurs projets de transformation, en particulier dans leurs investissements immobiliers, en mettant en particulier l'accent sur la rénovation énergétique du parc universitaire et des Crous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget pour 2025 répond donc à une double exigence : préparer l'avenir, tout en contribuant à la maîtrise des finances publiques. Je ne doute pas que, au cours de notre discussion, certains points pourront encore faire l'objet d'ajustements.
Avant de conclure, je veux prendre le temps de répondre aux interventions de ce matin, qui ont abordé de nombreux sujets tout à fait structurants.
J'ai entendu en particulier un rappel de la "clause de revoyure" de la LPR. Je m'engage effectivement à respecter cette échéance, afin de dresser devant vous le bilan de la première partie de l'exécution de cette loi et de vous soumettre de nouvelles propositions.
D'autres points fondamentaux ont été évoqués.
Un orateur a souligné la nécessité de favoriser les équilibres entre public et privé dans le domaine de la recherche. En effet, la recherche a une double vocation : l'accroissement des connaissances dans le cadre d'une liberté académique très forte, mais aussi, évidemment, l'enrichissement de nos politiques d'innovation et de transfert, afin de soutenir la compétitivité de nos entreprises. C'est fondamental. Il faut donc examiner tous les dispositifs existants aujourd'hui, afin de les ajuster si nécessaire.
A également été abordée la manière dont les moyens financiers sont attribués par l'État aux universités, afin de savoir s'il faut en modifier les modalités. C'est une question pertinente.
Ont aussi été mentionnées la vie étudiante et la manière de favoriser l'égalité des chances, de même que la place clé des universités dans les territoires, car, au-delà de la formation académique libre, les universités doivent proposer des formations directement professionnalisantes en lien avec leur territoire.
Un certain nombre d'orateurs ont cité les réformes des études de santé, mais également la question de l'antisémitisme, du racisme et de la liberté académique. Ce sont, là encore, des sujets présents à l'ordre du jour de mon ministère ; nous en reparlerons.
Pour conclure, je tiens à assurer à toute la communauté universitaire – les enseignants-chercheurs, les étudiants et tous ceux qui font vivre chaque jour l'université, partout en France hexagonale et dans les outre-mer –, au monde de la recherche, qu'elle soit purement académique ou tournée vers l'innovation, et à ceux qui font avancer notre pays en préparant l'avenir, que ce budget sécurise nos financements et nous permet, dans un contexte inédit, d'aborder l'année 2025 le plus sereinement possible. (M. Jean Hingray applaudit.)
source https://www.senat.fr, le 4 février 2025