Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2025
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Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez le contexte dans lequel nous vous soumettons ce projet de loi de finances.
L'aggravation des tensions internationales a pesé et pèse encore sur nos perspectives de croissance. Par ailleurs, l'incertitude consécutive à la censure du Gouvernement en décembre dernier a limité l'action de nos entrepreneurs et des acteurs économiques du pays. En effet, en faisant tomber le Gouvernement, cette censure a privé la France de budget. Depuis lors, nous fonctionnons en service minimum, et les acteurs économiques n'ont pas de visibilité.
Dans ce contexte, l'urgence budgétaire devient une urgence absolue. Aussi, je salue la responsabilité avec laquelle les groupes parlementaires et les partis politiques se sont mobilisés pour parvenir à un texte de redressement financier.
Je remercie sincèrement les quatorze membres de la commission mixte paritaire et leurs suppléants, qui se sont réunis la semaine dernière pendant quatorze heures pour aboutir à un texte qui me semble de nature à concilier nos priorités.
Je salue tout particulièrement M. le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, qui a œuvré en continu, avant, pendant et dans les jours qui ont suivi la réunion de cette commission, pour que nous parvenions à la version du texte qui vous est présentée aujourd'hui.
Il n'est que temps d'adopter un budget pour 2025, afin de restaurer notre souveraineté, notre crédibilité et notre capacité à aborder l'avenir. Nous en avons besoin pour lancer enfin notre agenda de réformes et d'investissements, au bénéfice notamment de notre industrie. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget est un début, et non une fin. (M. le rapporteur acquiesce.)
Les efforts demandés sont réalistes et ambitieux : réalistes, parce qu'ils tiennent compte d'un contexte macroéconomique en demi-teinte ; ambitieux, parce que, comme l'a rappelé M. le rapporteur, ce budget prévoit des mesures d'économies indispensables pour respecter notre trajectoire.
Je rappelle que nous devons passer sous la barre des 3% de déficit d'ici à 2029. Il n'y a là ni totem ni diktat : c'est le seuil qui permettra de mettre un terme à la croissance de notre endettement. Nous le devons à nos enfants ; nous le devons à notre pays.
C'est aussi un impératif de souveraineté : nous avons versé l'année dernière à nos créanciers plus de 50 milliards d'euros d'intérêts. Cela correspond, à titre d'exemple, à plus de la moitié du montant de l'impôt sur le revenu qui a été perçu sur la même période.
Personne ne peut pour autant se satisfaire totalement de ce budget de redressement. L'effort est partagé : il est réparti entre, d'une part, 30 milliards d'euros d'économies – effort inédit –, et, d'autre part, 20 milliards d'euros de hausses d'impôts, qui sont proportionnelles aux capacités contributives de chacun.
Enfin, nous avons innové sur la méthode, en dialoguant avec tous les partis et tous les groupes qui ont accepté cette démarche.
Ce texte, préparé par d'autres gouvernements que le nôtre, est un texte de compromis. Il a été construit en premier lieu avec les partis qui nous soutiennent, par ce socle commun dont je veux remercier les représentants et dont nous avons repris de très nombreuses propositions.
Il intègre également de nombreuses propositions d'autres partis, notamment celles du parti socialiste, qui a accepté le dialogue et qui, hier, à l'Assemblée nationale, a eu le courage d'accepter un compromis et de ne pas censurer le Gouvernement. Je remercie l'ensemble des parlementaires qui, par leur vote comme par leur abstention, ont approuvé ce compromis.
Dans ce cadre, le Premier ministre a accepté de rouvrir le dossier des retraites et d'instruire celui des revenus et des salaires. Nous avons aussi accru nos efforts pour la transformation écologique, le logement, l'éducation nationale et les outre-mer.
J'y vois un progrès dans le fonctionnement de notre démocratie et, avec Mme la ministre des comptes publics, je prends l'engagement devant vous de poursuivre avec la même méthode pour préparer les autres textes que nous vous présenterons.
Cette méthode va en effet au-delà de ce projet de loi de finances. Elle est – elle doit être – une méthode de gouvernement, qui est d'ailleurs soutenue par le Président de la République et par le Premier ministre. Qu'elle nous permette d'adopter le budget dont la France a tant besoin !
J'ai donc l'honneur, après nos nombreux débats et les discussions qui ont conduit au vote conclusif de la commission mixte paritaire, de vous présenter le projet de loi de finances pour l'année 2025. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Bernard Buis et Marc Laménie applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements au banc des commissions. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances et rapporteur de la commission mixte paritaire, cher Jean-François, mesdames, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les sénateurs, nous en sommes désormais à l'étape finale de l'adoption de ce projet de loi de finances, afin de surmonter, ensemble, l'incertitude et l'instabilité budgétaires que nous vivons depuis plusieurs semaines.
Sous l'autorité du Premier ministre, et en coopération étroite avec Éric Lombard, j'ai pris deux engagements lors de ma prise de fonctions comme ministre des comptes publics.
Le premier était de doter rapidement la France d'un budget en nouant un compromis politique ; le second de réduire nos déficits publics, en proposant un effort national qui pèse d'abord sur l'État au travers de la réduction de ses dépenses de fonctionnement.
Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur général, ce budget est un budget d'urgence. Il s'agit de faire face au coût de la censure et de reconstruire les bases de la confiance dans notre économie, après deux mois pendant lesquels l'action publique aura été à l'arrêt, deux mois pendant lesquels chaque jour passé sans budget aura coûté plus de 100 millions d'euros aux Français, aux acteurs économiques et au pays.
Au total, la facture s'élèvera à plus de 12 milliards d'euros. C'est massif ; c'est de la croissance et de l'argent perdus.
L'urgence à agir dans le contexte politique que nous connaissons a nécessité une méthode nouvelle et inédite pour notre pays : trouver un compromis sur l'objet dont découlent toutes les politiques, c'est-à-dire sur notre budget.
Après des mois d'instabilité politique, de surenchère et d'irresponsabilité – j'y insiste –, nous avons réussi à trouver un compromis grâce à l'engagement sincère et authentique de toutes les forces politiques qui ont bien voulu y participer. Je veux saluer leurs représentants qui siègent ici, à la chambre haute.
Nous avons collectivement prouvé qu'il était possible de discuter, de débattre et de s'opposer sans pour autant bloquer le pays. Cet engagement s'est concrétisé vendredi dernier, après le vote en commission mixte paritaire du projet de loi de finances pour 2025.
Le Gouvernement a contribué, à la place constitutionnelle qui est la sienne, à faciliter et à forger ce compromis. Mais vous, parlementaires, en avez été les véritables artisans. Permettez-moi à cet égard de saluer le rôle déterminant du rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson.
Le Gouvernement a choisi de respecter ce compromis en l'intégrant totalement dans le texte qui est soumis à votre vote.
Cet accord trouvé entre les deux chambres n'appartient à personne. Il n'est idéal pour aucun parti, mais il est meilleur que le texte que nous avons trouvé en arrivant.
M. Michel Savin. Mais non !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il est meilleur, car il a permis d'intégrer des avancées significatives, chacun ayant fait preuve de volonté politique et ayant fourni l'effort nécessaire pour le voir aboutir.
Ces avancées répondent aux enjeux du moment : le contexte international et le retour de la guerre en Europe, la sécurité des Français et la lutte contre l'immigration illégale, la cohésion des territoires et la lutte contre les inégalités et, enfin, le renforcement de nos grands services publics.
Il s'agit donc d'un budget de compromis. C'est un budget pour notre pays, un budget pour les Français.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les priorités que vous avez exprimées ces dernières semaines ont amené ce texte à privilégier l'avenir et celui de nos enfants : tout d'abord, en tenant l'engagement des lois de programmation militaire, alors que le contexte international exige aujourd'hui plus qu'hier que nous soyons forts et sûrs d'être protégés ; ensuite, en continuant d'investir pour la sécurité des Français, conformément aux lois de programmation et d'orientation des ministères de l'intérieur et de la justice ; enfin, en redonnant confiance à nos compatriotes ultramarins, par des investissements exceptionnels dans le potentiel de ces territoires, en particulier celui des plus meurtris, Mayotte et la Nouvelle-Calédonie.
Ce texte privilégie également l'avenir en ce qu'il préserve le budget de la recherche. Nous investissons davantage et de manière efficace dans la transition écologique. Nous renforçons nos services publics par la création de postes d'enseignants et d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) à l'école, mais aussi en renforçant les moyens de l'hôpital.
Enfin, vous l'avez dit, monsieur le ministre, nous demandons un effort fiscal exceptionnel aux grandes entreprises et aux ménages aux plus hauts revenus, sans augmenter les impôts des classes moyennes.
Nous faisons des efforts difficiles, réels et concrets – les plus importants pour l'État depuis vingt-cinq ans –, mais nous continuons d'investir dans l'essentiel.
J'en viens à mon deuxième engagement, à ma deuxième boussole, qui est aussi la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs : l'urgence de réduire le déficit.
Loin d'être un dogme ou une idéologie, la réduction du déficit est une nécessité pour notre pays, une condition de notre souveraineté nationale. C'est un enjeu de crédibilité et de force par rapport aux autres puissances. C'est aussi un engagement moral pour nos enfants et leurs enfants après eux.
Le Premier ministre François Bayrou l'a rappelé dans sa déclaration de politique générale devant le Sénat : notre cible est de repasser sous la barre des 3% de déficit public au plus tard en 2029.
Dès cette année, nous réduirons ce déficit à 5,4% du PIB, contre 6% en 2024. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a rappelé que cet effort était accessible, à la condition que nous exécutions strictement et sérieusement ce budget.
Monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, vous savez combien vous pouvez compter sur ma totale vigilance, ainsi que sur celle d'Éric Lombard, pour qu'il en soit ainsi.
Nous réunirons dans les tout prochains jours les secrétaires généraux de l'ensemble des ministères. Cette mobilisation collective pour suivre l'exécution d'un budget est inédite, mais elle est nécessaire.
Pour atteindre cet objectif, l'effort consenti, d'environ 50 milliards d'euros, porte majoritairement sur la baisse des dépenses de fonctionnement de l'État.
Mes collègues membres du Gouvernement sont venus vous présenter les uns après les autres, programme par programme, mission par mission, le contenu de ces économies. Au bout du compte, nous sommes parvenus à une baisse de 2% des crédits ministériels, soit l'effort le plus important qui ait été consenti en la matière depuis vingt-cinq ans.
Dès le prochain budget et jusqu'en 2029, nous devrons toutefois lancer des réformes structurelles pour dépenser mieux et revoir l'organisation de notre action publique, avec les collectivités, dans la sphère sociale et, plus largement, dans toutes nos ramifications administratives.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le pays ne peut pas rester dans l'impasse.
M. Michel Savin. Il est dans l'impasse avec Macron !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il est de notre responsabilité d'adopter ce budget, certes difficile, mais essentiel si nous voulons redonner confiance en la France.
Je commençais en vous disant que ce budget n'était celui d'aucun parti. Par votre vote, vous pouvez en faire le budget du pays. La France en a besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
source https://www.senat.fr, le 20 février 2025