Texte intégral
ORIANE MANCINI
Bonjour Patrick MIGNOLA.
PATRICK MIGNOLA
Bonjour Oriane MANCINI.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement. On est ensemble pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale, représentée par Julien LECUYER de la Voix du Nord. Bonjour Julien, c'était très long cette phrase.
JULIEN LECUYER
Mais c'est très bien. Bonjour Oriane, bonjour Monsieur le Ministre.
ORIANE MANCINI
On va commencer, Patrick MIGNOLA, en parlant du comité interministériel sur l'immigration qui a lieu cet après-midi. Gouvernement réuni autour de François BAYROU dans un contexte de vive tension avec l'Algérie. Est-ce que François BAYROU va entrer dans un véritable bras de fer avec l'Algérie et prendre des mesures fortes ?
PATRICK MIGNOLA
On va essayer de ne pas utiliser de grands mots parce que les escalades verbales ne sont pas toujours la meilleure façon de gravir sur l'échelle de l'efficacité.
ORIANE MANCINI
Ça vient de Bruno RETAILLEAU, ça ?
PATRICK MIGNOLA
Vous voyez cette situation ?
JULIEN LECUYER
Ça vient de chez vous.
PATRICK MIGNOLA
Dites-moi, Monsieur LECUYER.
JULIEN LECUYER
Non mais tout simplement que vous reprochez l'escalade des mots. Vous avez tout à fait raison, mais cette escalade des mots, elle vient du Gouvernement lui-même.
PATRICK MIGNOLA
Oui, mais de toute façon, il y a une position du ministre de l'Intérieur qui est dans son rôle.
ORIANE MANCINI
Il en a trop fait, Bruno RETAILLEAU ?
PATRICK MIGNOLA
Il y a une position du ministre des Affaires étrangères qui est dans son rôle. Je vais y revenir dans un instant. Le but est que ce comité interministériel nous permette de prendre des mesures concrètes parce qu'il y a des situations qui sont incompréhensibles pour les Français, qui sont inacceptables pour le Gouvernement et qui doivent déboucher désormais sur des arbitrages très concrets. La première chose que je voudrais dire sur ce sujet, d'abord, parce que je trouve qu'on n'en parle pas assez, c'est avoir une pensée sur le fait qu'il ne faut pas confondre, il ne faut que personne ne confonde la tension avec le Gouvernement algérien et le respect qu'on doit continuer d'avoir pour les Algériens de France, pour les Franco-Algériens ou pour les Français qui ont des familles d'origine algérienne. Parce que moi, c'est ce que j'entends sur le terrain. Parfois, les gens nous disent : "Vous voyez bien la situation, la tension internationale entre les deux pays nous met en difficulté, au fond, dans notre propre pays". La deuxième chose, c'est qu'on doit trouver toutes les voies et moyens pour qu'on parvienne à faire baisser la tension. On voit bien qu'il y a une sorte de calcul de la part du Gouvernement algérien pour, finalement, se faire une popularité interne à bon compte en mettant sur le dos du Gouvernement français toutes les difficultés qui sont, avant tout, les difficultés qui se posent au peuple algérien. Et puis la troisième chose qu'il faut avoir à l'esprit, c'est que, désormais, on est rentré dans un temps où l'efficacité doit compter plus que tout. Et donc, comment on fait pour que, quand il y a des OQTF, elles soient appliquées ? Donc, est-ce qu'il faut jouer sur les visas ? Est-ce qu'il faut jouer sur les dignitaires ? Est-ce qu'il faut jouer sur les coopérations économiques, qui peuvent être un vrai argument dans la relation franco-algérienne ? Et donc, on va tout mettre sur la table, étant entendu que ce comité interministériel doit parler plus largement des sujets migratoires et, en particulier, du pacte asile-immigration qui a été voté par l'UE.
JULIEN LECUYER
Monsieur le Ministre, le Gouvernement a déjà commencé, puisqu'on a appris par la voix de Jean-Noël BARROT qu'il y avait des mesures de restriction de circulation et d'accès au territoire national pour certains dignitaires algériens. Ça, ça a déjà été pris. Mais alors on se pose la question de savoir à quel point ça peut jouer sur les relations avec les autorités algériennes, sachant déjà combien de personnes ça peut concerner, cette mesure ?
PATRICK MIGNOLA
Je crois que, pour le moment, c'est une dizaine de personnes et ça a vocation, éventuellement, à augmenter.
JULIEN LECUYER
Une dizaine de personnes, ça peut faire pression sur les autorités algériennes ?
PATRICK MIGNOLA
C'est plusieurs dizaines de personnes et c'est une mesure qui a été prise immédiatement. Il y a d'autres mesures qui seront proposées aujourd'hui.
JULIEN LECUYER
Mais lesquelles sont en première ligne ?
PATRICK MIGNOLA
Je vous l'ai dit, vous pouvez avoir une politique sur les visas, mais ça avait été tenté par le passé avec une efficacité qui était relative…
JULIEN LECUYER
En 2021... Avec pas d'effet.
ORIANE MANCINI
Donc ça, ça ne sera pas proposé aujourd'hui.
PATRICK MIGNOLA
Il y a des sujets de coopération économique, incontestablement. Il y a des sujets diplomatiques avec l'Algérie, où un certain nombre de points avaient été rompus et il faut inlassablement revenir... Enfin, je veux dire, on n'est pas dans un moment où on veut organiser un conflit ouvert avec l'Algérie. On souhaite simplement que le droit international soit respecté.
ORIANE MANCINI
Et Xavier BERTRAND, par exemple, ce matin, ils proposent la restriction des vols entre Paris et Alger.
PATRICK MIGNOLA
Oui. Alors ça, je pense qu'il faut qu'on fasse assez attention au fait qu'il y a un certain nombre de nos compatriotes qui ont besoin d'aller en Algérie. Et il peut y avoir des discussions avec AIR ALGERIE pour qu'il y ait moins de facilités ou en tout cas qu'il n'y ait pas autant de facilités qu'il y en avait compte tenu des liens historiques entre la France et l'Algérie…
ORIANE MANCINI
Des pénalités, c'est ce qu'ils proposent aussi, les pénalités envers l'Algérie.
PATRICK MIGNOLA
Oui. Donc vous aurez – je vous rassure – une batterie de mesures permettant de réagir et de trouver des solutions d'efficacité pour que les OQTF fonctionnent, mais je pense qu'il faut qu'on se place dans une vision plus globale. Aujourd'hui, ce qui est attendu par les Françaises et les Français, c'est que quand on prononce des OQTF, on puisse enfin parvenir à les appliquer. C'est-à-dire est-ce qu'on imaginerait l'inverse ?
ORIANE MANCINI
Oui, mais comment vous faites si l'Algérie refuse de les reprendre ?
PATRICK MIGNOLA
Est-ce qu'on imaginerait que les… soient expulsés et que finalement, la France ne les accepte pas ? Mais l'Algérie... Et c'est tout le travail de la diplomatie. L'Algérie a vocation à discuter avec la France. J'espère que l'Algérie se rappellera aussi qu'il y a un lien direct, historique et qui ne doit pas être un lien d'accusation, mais un lien de coopération. Nous le répéterons inlassablement et la France a un certain nombre de moyens réglementaires, économiques et diplomatiques.
JULIEN LECUYER
Et Bruno RETAILLEAU, quand il parle d'humiliation de la France à l'échelle de la diplomatie ?
PATRICK MIGNOLA
Bruno RETAILLEAU, il exprime, je le crois, ce que les Français ressentent assez profondément parce qu'il y a chez eux beaucoup d'incompréhension. Donc, il est dans son rôle de ministre de l'Intérieur. Il y a un ministre des Affaires étrangères qui dit : "Moi, je veux choisir la voie diplomatique". Et il y a un Premier ministre qui va plutôt qu'opposer, ajouter les positions de ces deux ministres pour qu'on soit plus efficace avec l'Algérie.
ORIANE MANCINI
Il va faire du en même temps. Le Sénat va débattre…
PATRICK MIGNOLA
Le en même temps, quand on additionne, ça marche bien.
ORIANE MANCINI
Le Sénat va débattre mardi prochain d'une révision des accords de 68. Est-ce que vous y êtes favorable ?
PATRICK MIGNOLA
Alors on peut évidemment débattre de ça. Mais je crois vraiment que le Sénat, d'abord, va réaliser un travail que moi, je respecte beaucoup parce que ça a été préparé. C'est-à-dire que ce n'est pas juste une idée qui a été lancée en l'air. Et c'est à l'intérieur des accords de 68 quels sont les types de mesures, on vient de les évoquer, qui pourraient, le cas échéant, être revues, mais on doit désormais réinstaurer un travail dans la durée avec l'Algérie, donc la question des accords de 68 est évidemment au cœur de tout ça, mais travaillons à changer la nature, à changer le paradigme de la relation entre la France et l'Algérie, entre la France et le Maghreb. Je crois qu'on vient de vivre six mois de crise politique au cours de laquelle le sentiment général, en France, mais également à l'étranger était qu'au fond, l'administration française était bloquante parce qu'elle était bloquée, parce que finalement, la France avait une voix qui portait moins. Maintenant qu'on s'est remis en route et qu'on retrouve une situation politique plus normale et plus stable, il faut que la France de nouveau parle au monde.
ORIANE MANCINI
Vous l'avez dit, il ne sera pas question que de l'Algérie, ce sera évidemment plus large ce comité international sur l'immigration. Est-ce qu'une nouvelle loi immigration est en préparation ?
PATRICK MIGNOLA
Non. Il y a plusieurs textes relatifs à l'immigration. D'ailleurs, il y en a un certain nombre qui, au Sénat, à l'Assemblée nationale, ont avancé. Le plus urgent étaient les dispositions qui ont été prises sur le cas de Mayotte, où le cyclone Chido a encore aggravé les situations locales.
ORIANE MANCINI
Mais il y aura un deuxième texte sur Mayotte ?
PATRICK MIGNOLA
Il y a surtout... Il y a un deuxième texte qui va arriver, qu'on a inscrit au Sénat d'ailleurs à la fin du printemps. Et c'est Manuel VALLS qui le prépare avec les élus locaux et les parlementaires Mahorais.
ORIANE MANCINI
Sur le droit du sol ?
PATRICK MIGNOLA
Mais on a surtout à travailler sur le pacte asile-immigration. Et c'est un des éléments à l'ordre du jour cet après-midi. Vous savez que l'Union européenne, il y a quelques mois... Et c'était très important a travaillé sur de nouveaux dispositifs qui permettent aux frontières de l'Union européenne... Et c'est une avancée majeure qui était attendue par la France, proposée par la France dès 2017 qu'à l'extérieur des frontières de l'Europe, il y ait des centres d'accueil et de rétention pour traiter les questions de l'asile, trier les questions de l'asile et de l'immigration économique, et qu'on puisse avoir non pas le système de Dublin qui ne fonctionnait pas très bien, mais avoir un système solidaire.
ORIANE MANCINI
Qui est que c'est le premier pays d'accueil qui doit gérer l'asile.
PATRICK MIGNOLA
Et d'ailleurs, je crois que personne ne s'est trompé au Gouvernement en expliquant que si sanctions devaient y avoir de la France vis-à-vis de l'Algérie, elles seraient d'autant plus fortement ressenties. Elles auraient d'autant plus d'efficacité si ces sanctions pouvaient être relayées aussi par d'autres pays européens. La question de l'immigration, c'est une question internationale. Elle est devant nous, que ce soit une immigration due à des raisons politiques ou à des raisons de guerre sur les territoires du Sud, que ce soit sur les questions climatiques, que ce soit sur les questions…
ORIANE MANCINI
Mais donc, il y aura un texte pour mettre en œuvre les mesures du pacte asile-immigration.
PATRICK MIGNOLA
Exactement. Et ça, c'est... Le texte, de toute façon, doit être transposé en droit français avant le printemps prochain. Et la volonté du Gouvernement, c'est de faire ce travail.
ORIANE MANCINI
D'accord. Donc, dès la rentrée parlementaire d'automne ?
PATRICK MIGNOLA
Exactement.
ORIANE MANCINI
On dit un mot de l'affaire Bétharram, Julien ?
JULIEN LECUYER
Oui, juste un mot, puisque François BAYROU, qui est accusé par certains d'avoir fermé les yeux sur les violences physiques et sexuelles dans cette institution privée, est désormais visé par une plainte pour non-dénonciation de crimes et délits. Est-ce que cette affaire va empoisonner l'action du Premier ministre ?
PATRICK MIGNOLA
Moi, je vais rappeler, parce que vous l'avez très bien formulé, en fait, il est accusé d'avoir fermé les yeux sur des violences physiques et des violences sexuelles. Et il y a une confusion qui est entretenue depuis le début de cette polémique sur le fait qu'il y a un cas de violence physique qui avait été connu en 1996 au moment où il était ministre de l'Éducation, et une inspection probablement insuffisante, mais en tout cas, une inspection avait eu lieu à l'époque, et des affaires de violences sexuelles qui ont été mises à jour en 1998 et jusqu'à une procédure en 2023. Moi, je comprends qu'un certain nombre de forces politiques, parce qu'elles ont sans doute intérêt ou que c'est leur méthode, ont envie de polémiquer avec des sujets comme ça. Moi, je veux me tenir en ayant rappelé cette simple chronologie pour expliquer la bonne foi du Premier ministre. Je veux simplement rappeler que dans cette affaire, on a d'abord des victimes à écouter, à protéger, auxquelles il faut donner des moyens, parce que finalement, c'est les seuls dont personne n'a parlé dans cette polémique.
ORIANE MANCINI
Mais il pouvait ne pas savoir, François BAYROU ?
PATRICK MIGNOLA
… Pour qu'il puisse poursuivre les enquêtes.
ORIANE MANCINI
Mais il pouvait ne pas savoir.
PATRICK MIGNOLA
Alors 1996, l'accusation qui est portée, vous savez, j'étais dans l'hémicycle de l'Assemblée, et même si parfois, il est inaudible, j'ai très bien entendu la question qui avait été formulée. La première question, la deuxième, la troisième, la dixième question qui lui a été posée pour essayer de le faire changer de version à chaque fois, et au demeurant, il ne l'a pas fait, c'était de lui dire : "Vous avez couvert en pleine connaissance de cause des affaires de violences sexuelles". Ce n'est évidemment pas le cas, ne serait-ce que chronologiquement, les affaires de violences sexuelles ont été connues bien plus tard. Il était à l'époque élu local, il y avait beaucoup d'autres élus locaux qui, eux non plus, à l'époque, n'avaient pas nécessairement connaissance, n'ont pas forcément diligenté les enquêtes.
JULIEN LECUYER
Mais sur les violences physiques, Monsieur le Ministre, il y a plusieurs témoignages qui semblent souligner qu'il a pu être averti de la multiplication des faits de violences physiques, son épouse en aurait été témoin, et lui-même a été alerté sur, non seulement à Bétharram, mais aussi au collège Henri IV de Bergerac, ça c'est le média Blast qui en fait état.
PATRICK MIGNOLA
En fait, trente ans plus tard, on peut toujours trouver des gens qui tiennent des propos absolument invérifiables, en l'occurrence, le dernier propos auquel vous faites référence, c'est quelqu'un qui va dans un commissariat, trente ans plus tard, en expliquant qu'un jour, il a vu un surveillant mettre une gifle à un élève, et que pas loin, il y avait la fille de François BAYROU, et donc que François BAYROU aurait dû savoir. Est-ce que si François BAYROU n'était pas Premier ministre, cette personne serait allée devant un commissariat, parce que tout d'un coup, un vieux souvenir lui était ainsi revenu ? Si on peut éviter, parce qu'une personne est devenue Premier ministre, d'essayer de salir et sa personne, et sa femme, et ses enfants, je pense que la démocratie française se porterait mieux.
JULIEN LECUYER
Est-ce que vous craignez avec la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, qui doit ouvrir ses travaux le 5 mars, François BAYROU sera certainement auditionné ?
PATRICK MIGNOLA
Je ne crois pas, je crois que la commission d'enquête a d'ailleurs posé une question bien plus large.
JULIEN LECUYER
Oui, bien plus large, mais…
PATRICK MIGNOLA
C'est-à-dire la question…
JULIEN LECUYER
Mais clairement, le député LFI Paul VANNIER, annonce déjà la couleur.
PATRICK MIGNOLA
Bien sûr, et Paul VANNIER va devoir demander à entendre François BAYROU sur ce sujet, et devra entendre aussi tous les ministres successifs de l'Éducation nationale qui se sont succédé jusqu'en 2023.
JULIEN LECUYER
Et pour vous, ça permettra de clarifier les responsabilités de chacun ?
PATRICK MIGNOLA
En fait, si les affaires de violence sexuelle ont été reconnues, ont été mises au jour à partir de 1998, au moment où François BAYROU n'était plus ministre, il y avait à partir de 1998 un certain nombre de ministres de l'Éducation nationale. Et à défaut d'avoir confiance, ce qui est mon cas dans la bonne foi du député VANNIER, je suis sûr qu'il y aura aussi d'autres députés dans cette commission d'enquête qui auront vocation à entendre ce qu'en pensaient Ségolène ROYAL, Jacques LANG, Jean-Luc MELENCHON et un certain nombre d'autres. Parce que derrière tout ça, c'est quoi ? On est dans une question de société où je crois qu'on a fermé trop longtemps les yeux sur la question des violences physiques, sur la question des violences sexuelles. Moi, j'ai été le président de groupe à l'Assemblée nationale qui a voté l'interdiction de la fessée. Vous vous rappelez l'ironie, parfois les quolibets, les morts dont on a fait à l'époque l'objet. Je veux dire, c'était incroyable, on était en 2019. En 2019, quand on explique que la violence physique n'est pas une bonne façon d'éduquer les enfants, tout le monde nous dit, sur tous les bancs de l'Assemblée, de l'extrême droite à l'extrême gauche, qu'on s'intéresse à des sujets qui n'intéressent pas les Français et qu'il faut laisser à l'intérieur des portes des appartements. Nous, on avait dit l'inverse. D'ailleurs, le débat avait été de bonne tenue. Et à la fin, on avait fait voter à l'unanimité l'interdiction de la fessée. On était en 2019.
ORIANE MANCINI
François BAYROU qui est de retour au Salon de l'Agriculture, ce matin : "Tous les problèmes ne sont pas résolus", c'est ce qu'il a dit lundi quand il s'y est rendu. Est-ce qu'il y aura une nouvelle loi EGalim au Parlement avant l'été ?
PATRICK MIGNOLA
Une loi EGalim, le feuille de revente à perte, plus 10 %, qui va être prolongée encore pour trois ou quatre ans, ça c'est très attendu parce que si on veut avoir les idées bien claires sur le sujet. Là, on a réussi à faciliter la vie des chambres d'agriculture avec la loi démocratie sociale agricole. On a facilité la vie des agriculteurs et de l'installation, notamment des jeunes agriculteurs, avec la loi d'orientation agricole. Et on a essayé de réconcilier agriculture et écologie parce que les agriculteurs sont un des premiers acteurs de la transition écologique. Maintenant il faut qu'on s'intéresse au sujet des revenus, parce qu'il y a un certain nombre de marchés qui se portent bien, d'autres qui sont plus fragiles. Et dans la relation avec entre l'industrie agroalimentaire et la grande distribution, ça, c'est la partie qui vient.
ORIANE MANCINI
Et donc elle sera présentée dans cette nouvelle loi EGALIM.
PATRICK MIGNOLA
Le SRP+10, c'est dès le mois d'avril. Et EGALIM, normalement sur les travaux parlementaires, et ce n'est pas le ministre des Relations avec le Parlement qui va brusquer les parlementaires, mais si les travaux parlementaires avancent bien, ça peut être avant l'été ou juste après l'été pour qu'en fait sur la révision de la loi EGALIM, on avance encore d'un cran. Nous sommes le premier pays avec EGALIM à avoir pris une initiative de défense de revenus des agriculteurs. Je pense que là, on peut dégager un consensus avec l'ensemble des syndicats agricoles pour qu'on monte d'un cran dans la protection de revenus agricoles.
ORIANE MANCINI
Vous parlez d'agriculture et d'écologie. Le Sénat a voté un texte, une proposition de loi du plomb qui réintroduit dans certains cas certains néonicotinoïdes. Ce texte sera-t-il examiné à l'Assemblée nationale et quand ?
PATRICK MIGNOLA
Oui, je l'ai inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée pour parvenir à l'intégrer dans certains de ce que j'ai appelé des interstices parlementaires. Parce que vous le savez, on a le mois prochain la grande loi sur le narcotrafic. On a le mois suivant la grande loi sur la simplification. Le mois d'après, ce sera fin de vie et enfin, ce sera Mayotte, en fonction de l'avancée des travaux parlementaires. Il faut aussi que cette loi relative à lever les contraintes sur le métier d'agriculteur soit inscrite.
ORIANE MANCINI
Mais ça sera quand du coup ? Dans quel interstice ?
PATRICK MIGNOLA
Et donc on sera sur le printemps, voilà. Les interstices du printemps.
ORIANE MANCINI
Donc Mars-Avril ? Quand ?
PATRICK MIGNOLA
Oui, c'est ça. On va arriver…
ORIANE MANCINI
Le Gouvernement va la soutenir telle quelle ou il souhaite la modifier ?
PATRICK MIGNOLA
Non mais c'est le Parlement qui modifie la loi. En l'occurrence, c'est une proposition de loi…
ORIANE MANCINI
Oui. D'accord. Mais quelle va être la position du Gouvernement ?
PATRICK MIGNOLA
La position du Gouvernement, c'est qu'il y a énormément de travail qui a été réalisé lorsqu'il y a eu des interdictions pour des questions environnementales. Et vous évoquez les néonicotinoïdes. Ce n'est pas le moindre. Ces efforts ne doivent pas être arrêtés en bon chemin. Vous savez, quand on a déjà réglé 80 à 85 % des cas de non-recours au néonic, comme on l'avait fait sur le glyphosate, on est sur le bon chemin. Et donc il faut évidemment lever un certain nombre de contraintes, il faut évidemment accompagner les agriculteurs, mais l'objectif ne doit jamais être perdu, que nous ayons toujours un temps technologique et scientifique d'avance. Et donc il faut trouver ce bon équilibre. L'Assemblée le trouvera.
ORIANE MANCINI
Donc le Sénat ne l'a pas forcément trouvé, pour vous ?
PATRICK MIGNOLA
Le texte reviendra au Sénat et on essaiera là, pour le coup, le Gouvernement, de trouver le bon équilibre qui satisfasse à la fois le monde agricole, mais qui ne le fasse pas perdre. Je veux dire, ce n'est pas la guerre agriculture contre écologie. En fait, c'est le combat permanent qu'on doit avoir en tête qu'à chaque fois que la France fait un projet technologique pour avoir une agriculture saine et de qualité, c'est aussi des conquêtes de marché pour les agriculteurs français.
ORIANE MANCINI
Mais le Sénat est allé trop loin sur les néonicotinoïdes ?
PATRICK MIGNOLA
Ce n'est pas moi qui vais vous dire que le Sénat est allé trop loin ou que l'Assemblée n'ira pas assez loin. Il faut laisser les parlementaires travailler. En fait, vous savez, moi, j'appartiens à un Gouvernement qui essaie d'inaugurer une nouvelle forme de relation avec le Parlement. C'est-à-dire qu'il n'y a aucune majorité à l'Assemblée nationale. Et donc le temps où le Gouvernement pouvait venir sur votre plateau en donnant les bons et les mauvais points aux sénateurs et aux députés est révolu, en tout cas, je ne m'y livrerai pas.
ORIANE MANCINI
Un mot puisque vous nous avez parlé de la fin de vie. Est-ce que vous nous confirmez que ce seront bien deux textes différents qui seront examinés et quand seront-ils inscrits à l'ordre du jour ?
PATRICK MIGNOLA
Ils sont inscrits à l'ordre du jour de l'Assemblée au mois de mai. Ce sont deux textes différents qui seront deux propositions de loi, une sur les soins palliatifs et une autre sur l'aide active à mourir.
ORIANE MANCINI
Donc des propositions de loi.
PATRICK MIGNOLA
Propositions de loi.
ORIANE MANCINI
Donc vous ne repartez pas de zéro avec de nouveaux projets de loi.
PATRICK MIGNOLA
Non. Il y a eu un énorme travail qui a été fait par les parlementaires. J'étais encore hier soir dans une manifestation avec Olivier FALORNI.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que les propositions de loi, ça repart de la proposition de loi d'Olivier FALORNI ou c'est autre chose ?
PATRICK MIGNOLA
Oui. Bien sûr.
JULIEN LECUYER
Et est-ce que ce n'est pas une façon de tuer la partie fin de vie ? C'est ce que reprochent les personnes qui estiment qu'en déliant les deux, vous allez favoriser l'opposition à la partie fin de vie.
PATRICK MIGNOLA
Alors j'entends cet argument. Je vais vous en donner un pour montrer la bonne foi dans la démarche du Gouvernement. Nous considérons que les deux sujets des soins palliatifs et de l'aide active à mourir sont liés, mais ne doivent pas être dépendants l'un de l'autre. On va organiser, sur proposition d'ailleurs du président du Sénat, Gérard LARCHER, une discussion commune sur ces sujets : C'est très rare dans le monde parlementaire. En fait On va avoir deux textes qui vont faire l'objet d'une discussion commune, d'une discussion générale commune, et puis ensuite elles feront l'objet d'un vote le même jour, l'une après l'autre. Mais ça va permettre à chacun de pouvoir s'exprimer très librement et en conscience. Mais si je dois vous donner un argument pour montrer la bonne foi dans la démarche qui va être une démarche respectueuse des convictions de chacun. Un pays comme la Belgique, qui est souvent montré en exemple sur ce sujet de l'aide active à mourir, un pays comme la Belgique a voté l'aide active à mourir sans voter en même temps les soins palliatifs. Et donc je crois que ça ne sert à rien de se réinventer une polémique franco-française. Il y a deux textes parce qu'il y a, je crois, d'un côté une obligation médicale et même morale pour la société que les services de soins palliatifs soient soutenus, étendus à tout le territoire et que de l'autre, chacun puisse s'exprimer sur la manière d'accompagner la fin de la vie, les dernières heures, les derniers jours de la vie dans la dignité.
ORIANE MANCINI
Juste, est-ce que vous avez des dates un peu plus précises ?
PATRICK MIGNOLA
Le 17 mai, de mémoire ;
ORIANE MANCINI
Le 17 mai. Donc ça, ce sera le début de la discussion générale.
PATRICK MIGNOLA
Voilà, exactement. Il y a deux semaines gouvernementales d'accord qui ont été réservées.
ORIANE MANCINI
D'accord.
PATRICK MIGNOLA
De telle sorte que si d'aventure il devait y avoir un peu de flibusterie parlementaire, le texte puisse néanmoins aller au bout.
ORIANE MANCINI
Et donc un vote commun le dernier jour de l'examen du texte sur les deux textes.
PATRICK MIGNOLA
Exactement. Quand on sera allé au bout de la discussion. Voilà.
ORIANE MANCINI
Julien.
JULIEN LECUYER
Oui. Toujours sur le calendrier parlementaire. Parce que c'est vrai que... puisqu'on a été là-dedans.
ORIANE MANCINI
Il vous reste une minute. Allez-y. C'est bon.
JULIEN LECUYER
Donc une minute. Il y a 24 textes qui vont être examinés par le Parlement d'ici juin. On ne trouve plus de trace de la réforme de l'audiovisuel ni de la proportionnelle. On abandonne ?
PATRICK MIGNOLA
Non. Sur l'audiovisuel, le texte n'avait pas encore trouvé le compromis politique, notamment avec la gauche. Et donc Rachida DATI y travaille. Et sur la proportionnelle, le Premier ministre a commencé à consulter l'ensemble des forces politiques pour savoir si nous pouvons, à l'automne, ce que je crois possible, proposer aux deux Assemblées une solution. Parce que je crois que se dégager une majorité pour que nous allions vers un principe proportionnel sur le mode de scrutin législatif, la question sera de définir laquelle.
JULIEN LECUYER
J'avais une question aussi sur un autre mode de scrutin, c'est celui qui concerne Paris, Lyon, Marseille. Il y a un texte qui doit être examiné normalement en mars. Certains s'interrogent sur le fait que le Parlement ait vraiment le temps puisqu'il y a la loi de narcotrafic qui arrive juste avant et donc cela ne va pas nous laisser beaucoup de temps. Et puis, autre interrogation, et pas des moindres, c'est que la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël BRAUN-PIVET semble assez réticente vis-à-vis de cet examen qui intervient à moins d'un an des municipales.
PATRICK MIGNOLA
Non. La présidente de l'Assemblée, elle est dans son rôle parce que tous les textes de ce type ont toujours été soumis au Conseil d'État. En l'occurrence, le Conseil d'État aurait le temps de se prononcer avant que l'Assemblée nationale n'examine le texte. La réalité, c'est que pour ceux qui cherchent à polémiquer sur ce texte PLM qui serait arrivé trop vite sans qu'on le maîtrise tout à fait, je rappelle juste que c'est un sujet que tout le monde connaît dans la vie politique française. Le fait que le mode de scrutin de Paris, Lyon et Marseille soit différent du reste et que les habitants de Paris, de Lyon et de Marseille ne choisissent pas leur maire comme tous les autres Français, c'est un sujet que tout le monde a à peu près expertisé depuis 20 ans. C'est un peu comme la proportionnelle.
JULIEN LECUYER
J'entends. Mais n'empêche que ça arrive.
PATRICK MIGNOLA
... ne marchera pas très bien.
JULIEN LECUYER
N'empêche que d'un point de vue strictement factuel, ça intervient finalement très peu de temps avant le scrutin et qu'on peut entendre les accusations de tripatouillage.
PATRICK MIGNOLA
Oui. À chaque fois qu'on parle de mode de scrutin, on nous explique toujours que de toute façon, ce n'est pas le bon moment et qu'il y a d'autres priorités, ce qui est parfaitement exact. Il y a bien d'autres priorités économiques et sociales en France, mais il ne faut pas non plus qu'on se retrouve à chaque fois les soirs d'élections, et vous participez à ces plateaux de soir d'élection en se disant : "Ah ben peut-être qu'on aurait dû changer le mode de scrutin parce qu'il y a un maire qui a été élu alors qu'il ait fait moins de voix que son adversaire", ce qui est déjà arrivé par exemple à quelqu'un qui était bien connu au Sénat, qui était Jean-Claude GAUDIN, ou quelqu'un qui était bien connu à l'Assemblée, qui était Philippe SEGUIN.
ORIANE MANCINI
Un mot juste sur une élection, alors plus loin, c'est celle de 2027. Est-ce que vous êtes favorable à un candidat commun de la droite et du centre ou est-ce que vous dites que la droite c'est la droite et le centre c'est le centre ?
PATRICK MIGNOLA
Qu'il y ait une distinction entre la droite et le centre, je ne vais pas vous dire l'inverse. Mais jamais je ne répondrai à une question sur la présidentielle. Je pense que la démocratie française s'abîme à hyper personnaliser tous les sujets politiques. C'est-à-dire qu'en fait, si toutes les questions qui se posent aux Français…
ORIANE MANCINI
Ce n'est pas une question de personne. C'est est-ce que la droite et le centre peut avoir un même candidat.
PATRICK MIGNOLA
Bien sûr que si, parce que vous me dites en fait c'est tout de suite on se pose les questions de la présidentielle. Donc si on se pose les questions de la présidentielle, on se pose la question des personnes. On essaie de savoir s'il faut des primaires. Cela pourrit la vie démocratique française de parler des élections présidentielles. Là, on vient de voter un budget pour le pays. On vient de restabiliser politiquement le pays. On a devant nous à se remettre en route en matière économique, sociale, administrative. On a enfin à faire la réforme de l'État. Et pourquoi ? Parce qu'on est menacé par une situation politique internationale qui, pour la première fois, remet du danger sur le sol européen. Remettons ce pays en mouvement. Veillons, s'il faut, dans six mois ou dans un an, augmenter nos dépenses de sécurité européenne. Et arrêtons de s'obséder pour l'élection présidentielle.
ORIANE MANCINI
Merci Patrick MIGNOLA.
PATRICK MIGNOLA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 février 2025