Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Et l'invitée de 7h40, c'est vous, Véronique LOUWAGIE, bonjour.
VERONIQUE LOUWAGIE
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes la ministre en charge des petites et moyennes entreprises, du commerce. On va parler TVA, simplification pour les entreprises, fin des négociations commerciales, prix. Mais je voudrais d'abord vous interroger sur la question de la TVA, parce que ça a préoccupé énormément de ceux qui nous écoutent. Arnaud, notre auditeur, tout à l'heure, nous alertait sur cette question. Il est lui-même auto-entrepreneur. On va reprendre les points. Aujourd'hui, une micro-entreprise, un auto-entrepreneur paie la TVA, à partir de 37 500 euros de chiffre d'affaires. Vous aviez annoncé que ce serait à partir de 25 000 euros. Et puis finalement, face à la bronca, vous avez fini par céder. Vendredi, vous avez dit " c'est gelé, on n'y touche pas, jusqu'au 1er juin. " Et après, madame la ministre ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Je voudrais dire que la méthode qui est utilisée, c'est celle du Gouvernement, c'est-à-dire d'écouter, échanger, concerter. Effectivement, cet abaissement du seuil de franchise de TVA à 25 000 euros n'a pas fait l'objet suffisamment d'échanges, de discussions, à la fois avec les acteurs et les parlementaires. C'est la raison pour laquelle, dès le 7 février, Éric LOMBARD a annoncé la suspension de la mesure, le temps des concertations. J'ai conduit ces concertations jusqu'au 28 février, où nous avons réuni un grand nombre de fédérations. Il apparaît aujourd'hui qu'il n'y a pas de consensus. Il y a finalement trois catégories. Une catégorie d'entreprises qui souhaitent maintenir ce seuil à 25 000 euros, comme il a été adopté ; une autre catégorie qui ne souhaite pas du tout revenir sur ce seuil, qui souhaite maintenir les seuils comme ils existaient auparavant, à 37 500 et 85 000. Et puis, il y a une autre catégorie, à l'intérieur, qui considère qu'il faut des ajustements, des adaptations.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez vraiment trouvé dans la concertation des auto-entrepreneurs ou des représentants de micro-entreprises qui vous disent " non, non, mais on est super contents de payer la TVA à partir de 25 000 euros "
VERONIQUE LOUWAGIE
Dans les 50 acteurs que nous avons consultés, il y a tout le monde des entreprises. Parce que vous avez des artisans, des commerçants qui ne sont pas auto-entrepreneurs ou qui ne sont pas sous le seuil de franchise de TVA. Il faut adapter et prendre en compte aussi ces entreprises.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous voulez dire que ceux-là, qui ne sont pas des micro-entrepreneurs, qui sont justement ceux qui payent la TVA, au fond, ils trouvaient que c'est une forme de concurrence déloyale.
VERONIQUE LOUWAGIE
Voilà, tout à fait, dans le bâtiment, par exemple et c'est un point qui ressort dans la troisième catégorie. Il y a deux points saillants qui ressortent. La question du bâtiment, où effectivement, ce seuil de 25 000 mérite d'être étudié pour les acteurs du bâtiment. Et puis, un autre point saillant, qui est qu'effectivement, pour les entreprises de service, notamment service à la personne, le seuil de 25 000 n'est pas adapté, et un seuil de 37 500 convient très bien. Ce sont ces deux points-là qui recueillent un grand nombre, je dirais, d'accords ou de points de vigilance, en tout cas, de la part des acteurs.
APOLLINE DE MALHERBE
Et justement, madame la ministre, il y a Loïc qui nous a appelé au 32 16. Bonjour Loïc.
LOÏC, AUDITEUR
Bonjour.
VERONIQUE LOUWAGIE
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes vous-même auto-entrepreneur à Valence dans la Drome. Dans quel domaine d'ailleurs ?
LOÏC
Dans le nettoyage, service à la personne.
APOLLINE DE MALHERBE
Dans le nettoyage, service à la personne. Et Loïc, vous aviez une question à la ministre.
LOÏC
Alors, ce n'est pas tout à fait une question. En fait, c'est plus une constatation. De part, en plus, pas dans mon secteur, c'est plus dans le bâtiment. Madame la ministre en parlait justement à l'instant. Je me posais en fait une sorte de question, à savoir, le secteur du bâtiment est en crise actuellement, en France. Et je me dis que, est-ce que la Fédération française du bâtiment n'aurait pas lancé cette histoire de seuil de TVA suite à la concurrence déloyale, selon eux, pour essayer de récupérer des parts de marché ?
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'au fond, Loïc, la question que vous posez, c'est en fait, est-ce que vous avez fait ce choix, madame la Ministre, avec Bercy, pour vraiment des raisons de sous ou en réalité pour faire plaisir à la fédération qui est en crise ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Alors, juste dire que nous avons une nouvelle directive européenne qui modifie un certain nombre des règles au 1er janvier 2025. Et tous les pays, d'ailleurs, travaillent aujourd'hui sur l'ajustement de ce seuil de franchise de TVA, qui, je le rappelle, ne concerne pas que les micro-entrepreneurs. Donc, c'est dans ce cadre qu'effectivement - et vous avez la Belgique qui a travaillé sur ce sujet la semaine passée, et d'autres pays y travaillent - c'est par rapport à cette directive européenne…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous avez été un peu zélé quand même. C'est-à-dire que la directive ne vous demandait pas autant ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Non, la directive ne demande pas autant puisqu'elle donne un seuil total de 100 000 euros. En revanche, elle nous demande plutôt d'avoir un seul seuil. Je rappelle que nous, nous avions quatre seuils. Donc, c'était aussi un objet de simplification. Mais là, nous ouvrons une période de concertation, une phase de travail maintenant avec les parlementaires pour effectivement trouver une voie de passage au 1er juin.
APOLLINE DE MALHERBE
Je vous repose la question, ça veut dire qu'au 1er juin, potentiellement, le seuil d'exemption de TVA peut redescendre à 25 000 euros ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Aujourd'hui, le seuil de franchise de TVA est redescendu à 25 000 euros puisque ça a été adopté par la loi de finances. Donc maintenant, nous travaillons à une réflexion.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez geler jusqu’au 1er juin.
VERONIQUE LOUWAGIE
Voilà. De maintenant au 1er juin, nous allons travailler avec les parlementaires pour trouver une voie de passage, une voie d'équilibre pour prendre en compte notamment…
APOLLINE DE MALHERBE
Pourriez-vous trouver une sorte de point au milieu entre les 37 500 et les 25 000 ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Deux points saillants sont ressortis ; un point sur le bâtiment, où effectivement le seuil de 25 000 apparaît quand même assez adapté. Et un autre point qui est 37 500, qui est un véritable seuil de besoin pour les entreprises, notamment de services et de services à la personne.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc on comprend que ça pourrait tourner autour des 30 000 ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Oui, ou peut-être deux seuils.
APOLLINE DE MALHERBE
Deux seuils en fonction des activités ?
VERONIQUE LOUWAGIE
En fonction de ces deux points saillants, je pense que les parlementaires vont pouvoir profiter de l'état des lieux que nous avons fait durant cette concertation et travailler sur une voie d'équilibre, une voie de passage.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Véronique LOUWAGIE, donc vous qui êtes la ministre des Petites et moyennes entreprises et du Commerce. Autre question très importante, la question de la simplification. Depuis que je fais quasiment ce métier, j'ai l'impression que tout le monde me parle de la simplification et nous dit toujours, d'ailleurs avec presque des mots de plus en plus fleuris, en disant " arrêtons d'emmerder les français. " Tout le monde dit " c'est super, ils sont enfin courageux. " Sauf que dans les faits, il n'y a pas grand-chose qui se passe. Est-ce que, vraiment, vous allez simplifier ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Oui, moi je pense qu'aujourd'hui, la dépense la plus importante au niveau des entreprises, c'est la perte de temps. Donc il faut véritablement arriver à élaguer dans l'arbre normatif. Donc j'ai engagé un tour de France de la simplification pour aller au contact des chefs d'entreprise, des artisans, des commerçants, des industriels. Demain, nous lançons à Bercy un mouvement très fort qui va donner lieu à l'examen d'un projet de loi simplification de la vie économique dans quelques semaines. Je vais m'attaquer également sur tout ce qui est réglementaire et puis sur d'autres modes opérationnels mis en oeuvre. Par exemple les CERFA, nous avons aujourd'hui 1 800 CERFA. Ce sont ces imprimés administratifs que doivent remplir les citoyens et les entreprises. J'engage un processus pour au moins en diminuer de 200, 250 d'ici la fin de l'année.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais j’ai l’impression que ça, Bruno Le MAIRE nous le disait déjà quand même, non ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Alors, il y a eu, ça ne vous a pas échappé, depuis 12 mois, 18 mois, une certaine instabilité qui n'a pas permis de faire avancer ces dossiers.
APOLLINE DE MALHERBE
Je sais bien, une sorte de chaos politique… Mais ça m'étonne justement parce que là-dessus, il y a un consensus. Pourquoi vous attendez toujours d'avoir des majorités, pas de majorités ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Au-delà du consensus, il y a une prise de conscience importante. Cette prise de conscience d'ailleurs a dépassé la France puisque l'Union Européenne s'en saisit. Donc à partir d'une prise de conscience comme cela, il y a une volonté, une ambition. Nous rentrons dans le mode opérationnel et je peux vous dire qu'en qualité de ministre des Entrepreneurs, j'y serai très vigilante.
APOLLINE DE MALHERBE
Fin des négociations commerciales. Emmanuel LECHYPRE nous le disait tout à l'heure. En gros, on va arriver à un jeu à peu près à somme nulle en termes de prix. Mais tout de même, il disait que ceux qui avaient dû davantage se serrer la ceinture, ça reste les PME alors que les gros industriels, eux, sortent leur épingle du jeu. Est-ce le constat également que vous faites ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Je ne peux pas vous faire état du constat. Les négociations se sont terminées samedi. J'ai engagé un certain nombre de contrôles dès hier. Parce que le respect de la date butoir est très importante. Parce que si des entreprises ne signent pas les contrats avant le 1er mars, elles bénéficient d'un avantage indu après par rapport à leurs concurrents. Donc je ne peux pas vous dire ce qu'il en est exactement. En revanche, ce que je peux vous dire, c'est que je serai très vigilante, que des contrôles seront établis sur toutes les centrales françaises et européennes. 1 000 contrats seront contrôlés à peu près, 200 fournisseurs, c'est 60% des volumes avec une attention très particulière pour les PME. Parce que vous avez raison, les PME n'ont pas du tout l'arsenal législatif, juridique pour effectivement faire un poids. Je rappelle qu'une situation particulière cette année, c'est qu'un distributeur à lui seul, avec une centrale, représente 30% des achats. C'est-à-dire que 30% des volumes des achats sont négociés par un seul distributeur.
APOLLINE DE MALHERBE
Le rapport de force étant la défaveur des PME dans ce cas.
VERONIQUE LOUWAGIE
Bien sûr, donc j'ai demandé une attention très importante pour tout ce qui concerne les PME. Nous prendrons mesure de la manière dont se sont passées les négociations commerciales, avec beaucoup de tension cette année. Parce qu'il y avait un écart très important entre la déflation que demandaient les distributeurs et des hausses tarifaires que demandaient les entreprises, et notamment les PME. Donc une attention très particulière en ce qui concerne les PME. J'ai demandé également qu'au-delà du contrôle des contrats, soit pris en compte tout ce qui concerne des menaces, des déséquilibres flagrants. Et nous tiendrons compte de tout ça pour éventuellement faire évoluer la loi EGalim 4.
APOLLINE DE MALHERBE
Elle pourrait encore évoluer, cette loi EGalim ? Vous estimez qu'elle doit encore évoluer ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Oui, je pense qu'elle a apporté des réponses. Tout le monde est d'accord là-dessus. J'étais au Salon de l'agriculture la semaine dernière et c'est un message que nous recevons de tous. Mais en revanche, tout est perfectible. Il faut prendre en compte cette situation des PME qui se trouvent en difficulté. Et là vous parliez de simplification, il y a quelques instants ; des procédures très lourdes également pour les PME. Il nous faut encore mieux les protéger. Et la loi EGalim pourra apporter des ajustements et des améliorations par rapport à cela.
APOLLINE DE MALHERBE
Véronique LOUWAGIE, une dernière question. Vous êtes à la tête du ministère des Petites et Moyennes Entreprises. Quand on entend le ministre de l'économie Éric LOMBARD qui dit hier " il faut une économie de guerre ", est-ce que ça veut dire que nos propres entreprises, que nos PME doivent aussi se mettre à construire des obus ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Il faut surtout, par rapport à nos entreprises, que nous les aidions à être compétitifs. C'est très important.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est plutôt une question de compétition mondiale ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Oui, il y a une question de compétition. Nos entreprises ont besoin d'être compétitives, bien entendu, ont besoin d'une rentabilité. Nous devons, à terme, diminuer nos dépenses publiques pour diminuer nos prélèvements ; les prélèvements qui pèsent aujourd'hui sur les ménages et sur les entreprises. Nous devons les aider dans la simplification. Je rappelle que le coût aujourd'hui de toute cette charge administrative c’est 3%...
APOLLINE DE MALHERBE
Donc ce n'est pas à eux de changer de production ? Quand il dit « économie de guerre », il ne pense pas qu'on doit se mettre comme un certain nombre d'entreprises qui étaient devenues des producteurs de masques au moment du Covid, qu'il faudrait aujourd'hui se mettre à produire des obus. Vous voyez ma question ?
VERONIQUE LOUWAGIE
Oui, tout à fait. Je pense qu'il faut que nous aidions les entreprises à être compétitives. Il faut que nous les aidions à se développer. Les accompagnons dans un certain nombre de mutations. Je pense à l'intelligence artificielle. Il faut également les accompagner dans les productions industrielles. Redonner une force à notre industrie, ça me paraît très important.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Véronique LOUWAGIE, ministre déléguée en charge du Commerce, de l'Artisanat et des PME, d'être venue répondre à nos questions.
VERONIQUE LOUWAGIE
Merci à vous.
APOLLINE DE MALHERBE
On a bien compris que sur la question du seuil, ça ne va peut-être pas descendre jusqu'à 25 000, mais ça ne remontera sans doute pas à 37 500. Réponses dans les deux mois qui viennent.
VERONIQUE LOUWAGIE
Ce sont les parlementaires qui choisiront.
source : Service d'information du Gouvernement, le 11 mars 2025