Déclaration de Mme Élisabeth Borne ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de l'innovation et du numérique, sur l'évaluation de la loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap, à l'Assemblée nationale le 5 mars 2025.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Élisabeth Borne - Ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de l'innovation et du numérique

Texte intégral

M. le président
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : "L'évaluation de la loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation", demandé par le groupe Socialistes et apparentés dans le cadre de sa séance thématique. Conformément à l'organisation arrêtée par la conférence des présidents, nous entendrons d'abord les rapporteurs – qui ont établi une note mise en ligne sur le site internet de l'Assemblée nationale –, puis les orateurs des groupes et, enfin, le gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

(…)

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
Je salue l'initiative du groupe socialiste et de la présidente de la commission, Mme Fatiha Keloua Hachi, d'avoir choisi de mettre à l'ordre du jour l'évaluation de la loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des AESH et des assistants d'éducation.

Je partage l'objectif et, lorsque j'étais première ministre, je l'avais fait mien lors du vote de la loi. Je remercie à mon tour Michèle Victory, qui a permis cet indispensable travail transpartisan.

L'inclusion n'est pas un slogan, c'est un engagement. Un engagement de l'école, de la République, de chacun d'entre nous. C'est dès l'école que tout se joue : l'avenir des enfants en situation de handicap, leur accès au savoir, leur autonomie, leur épanouissement.

Depuis 2017, nous avons fait des choix clairs : il y a sept ans, 2 milliards d'euros étaient consacrés à l'école inclusive. Aujourd'hui, nous investissons 4,5 milliards d'euros, soit plus du double. Cet engagement financier a permis d'étendre le maillage des dispositifs Ulis : il en existe désormais plus de 11 000, répartis équitablement entre le premier et le second degré.

M. Paul Vannier
Pas dans le privé, en tout cas !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Nous poursuivons leur développement avec 300 créations par an, un effort particulier étant consenti en direction du lycée professionnel pour que chaque jeune puisse bénéficier d'une formation et d'une insertion professionnelle adaptée.

Dans le cadre de la stratégie nationale relative aux troubles du neurodéveloppement, nous avons également développé avec l'appui du secteur médico-social, en maternelle et au niveau élémentaire, des unités d'enseignement pour enfants autistes, désormais présentes dans chaque département.

Nous consentons un effort continu pour soutenir les élèves en situation de handicap, grâce aux recrutements massifs d'accompagnants – qui sont à 97 % des accompagnantes. Au niveau national, nous sommes ainsi passés de près de 93 000 AESH en 2017 à 143 000 en 2024. Dès la rentrée 2025, 2 000 nouveaux postes seront ouverts, représentant près de 3 200 nouveaux recrutements.

Le métier d'AESH est désormais le deuxième du ministère de l'éducation nationale après celui de professeur. Au regard de leur nombre, comme de leurs missions, les AESH sont plus que jamais indispensables au succès de l'école inclusive.

Nous avons pris des mesures fortes pour renforcer l'attractivité du métier et leurs conditions de travail. La rémunération d'abord : depuis 2017, elle a été globalement revalorisée de plus de 40 %.

M. Paul Vannier
Elles vivent sous le seuil de pauvreté !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Une revalorisation progressive des grilles de rémunération est intervenue depuis 2022. En outre, une indemnité annuelle est versée aux AESH travaillant en REP et REP+. (Mme Anaïs Belouassa-Cherifi s'exclame.)

En septembre 2023, une enveloppe budgétaire a permis de rehausser la grille indiciaire. Les AESH perçoivent désormais une nouvelle indemnité de fonctions, et l'indemnité versée aux AESH référents – ceux qui aident leurs pairs – est également en hausse.

Enfin, comme pour l'ensemble des fonctionnaires, la valeur du point d'indice a été augmentée à deux reprises.

M. Paul Vannier
Et gelé à plusieurs reprises !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
D'autres mesures viennent compléter cet engagement : un meilleur remboursement des frais de transport domicile-travail, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et une bonification de points d'indice majorée.

Sans compter l'indemnité d'éducation prioritaire, un ou une AESH peut désormais percevoir jusqu'à 1 614 euros net mensuels pour un temps complet. Mais nous le savons, trop peu accèdent à un temps complet. Augmenter leur temps de travail et, par conséquent, leur rémunération, c'est précisément l'un des objectifs de la loi Vial, qui permet aux AESH qui le souhaitent d'intervenir pendant la pause méridienne en étant rémunéré par l'État.

Les plus de 60 000 assistants d'éducation sont également un maillon essentiel dans la vie scolaire, assurant le lien entre les équipes pédagogiques et les élèves.

En 2025, 600 nouveaux postes d'AED seront créés, renforçant ainsi leur présence dans les établissements scolaires. Grâce à la loi du 16 décembre 2022, entre 2022 et 2024, leur rémunération a été revalorisée de 1 335 euros brut par an pour un temps complet, et ils ont bénéficié d'une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat de 800 euros. Enfin, les AED perçoivent également une prime lorsqu'ils exercent dans un établissement de l'éducation prioritaire.

En complément de ces avancées salariales, nous avons cherché à stabiliser ces métiers. La loi du 16 décembre 2022 a ainsi permis de réduire de six à trois ans le délai pour l'accès des AESH au CDI. Elle a ouvert ce droit aux AED après six ans d'ancienneté – c'est le droit commun de la fonction publique. Près des deux tiers des AESH sont désormais en CDI, soit trois fois plus qu'avant la loi, quand cela concerne 14 % des AED.

Ces différentes mesures garantissent une meilleure stabilité dans l'accompagnement des élèves. Mais nous ne pouvons ignorer le chemin encore à parcourir : des difficultés persistent pour recruter en continu de nouveaux AESH afin de suivre les notifications des MDPH, qui tombent tout au long de l'année et connaissent, dans certains départements, des hausses de 15 %.

C'est aussi ce qui explique qu'au fil des notifications, un AESH puisse intervenir dans plusieurs établissements, ou qu'il soit amené à prendre son poste avant d'avoir suivi les soixante heures de formation prévues, la prise en charge de l'élève étant prioritaire – j'imagine que nous en serons tous d'accord.

Dans certains territoires, nous nous heurtons en outre à l'insuffisance du vivier de personnels. Par ailleurs, certains AESH, notamment des parents qui doivent prendre en charge leurs propres enfants, ne souhaitent pas augmenter leur temps de travail pendant la pause méridienne. (M. Paul Vannier s'exclame.) Mais je le dis clairement : aucun AESH n'a vu son temps de travail réduit pour des raisons budgétaires.

Un groupe de travail incluant les personnels concernés réfléchit actuellement à un nouveau cadre de gestion des AESH qui inclurait des solutions concrètes à ces difficultés. De même, une concertation est en cours pour revoir le cadre de gestion des AED, car celui-ci date de 2003 et ciblait initialement des étudiants, lesquels représentent désormais 30 % des assistants d'éducation.

L'effort pour faire de l'école inclusive une réalité ne se limite pas à la loi du 16 décembre 2022. Une société inclusive ne se décrète pas, elle se construit, et ce avec l'ensemble des acteurs : élus locaux, parents d'élèves, associations, organismes gestionnaires, professionnels du secteur médico-social. Si nous avons recruté massivement, stabilisé les métiers d'AESH et d'AED et engagé une revalorisation des rémunérations, nous devons aller plus loin. Il nous faut intensifier la formation des professeurs, tant initiale que continue, en y intégrant mieux l'accessibilité des savoirs et la différenciation pédagogique. La réforme des concours et des maquettes de formation doit pleinement prendre ces enjeux en considération. Les plans de formation académiques et départementaux doivent faire de l'inclusion un axe prioritaire. Le travail conjoint avec le secteur médico-social dans les écoles et établissements doit s'accompagner de formations croisées pour renforcer la coopération.

M. Paul Vannier
C'est McKinsey qui le dit ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Trop de familles se heurtent encore à des démarches complexes, à des délais interminables et à des ruptures de parcours inacceptables. C'est pourquoi, en septembre 2024, nous avons lancé dans quatre départements l'expérimentation des pôles d'appui à la scolarité (PAS). Leur objectif est clair : mieux coordonner les moyens, apporter des réponses plus rapides, éviter les ruptures de suivi, anticiper les besoins d'accompagnement et donc le recrutement, la formation et l'affectation des AESH. Dès la rentrée prochaine, de nouveaux territoires rejoindront l'expérimentation de ce dispositif dont la généralisation est prévue d'ici à 2027. En parallèle, les équipes mobiles d'appui médico-social continuent d'intervenir en amont pour prévenir les difficultés avant qu'elles ne deviennent des obstacles.

À l'heure où le bien-être et la sécurité des élèves représentent des enjeux majeurs, nous devons renforcer encore davantage les équipes de vie scolaire. Un climat apaisé, dans une école pour tous, est une exigence républicaine. C'est une promesse que nous devons tenir. Par la loi, bien sûr, mais aussi par un engagement collectif au plus près du terrain, avec tous les acteurs concernés, car chaque enfant, sans exception, doit trouver à l'école la place qui est la sienne : celle qui lui permet d'apprendre, de grandir et de s'émanciper. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Pierrick Courbon.

M. Pierrick Courbon (SOC)
Ce débat nous met au moins d'accord sur un point : il n'y aura pas d'école véritablement inclusive tant qu'on n'accordera pas une juste reconnaissance aux professionnels qui la font vivre au quotidien.

Reconnaître les accompagnants d'élèves en situation de handicap, c'est d'abord leur donner un vrai statut. La loi dont nous parlons est une première étape notable dans cette voie, mais nous devons aller plus loin en adoptant certaines mesures indispensables : la titularisation des AESH au sein de la fonction publique, la refonte de leur formation et la définition claire de leurs missions. Au vu des différentes propositions de loi déjà déposées ou en gestation, la titularisation fait l'objet d'un relatif consensus dans notre assemblée.

Sans attendre la concrétisation de cet objectif, qui prendra forcément du temps, nous devons nous atteler à la revalorisation des salaires, qui demeurent largement insuffisants et sont loin de refléter la réalité du travail accompli par les AESH. Pour créer des conditions de rémunération dignes et des carrières plus attractives, il est urgent de réévaluer la grille indiciaire existante, qui, couvrant trente-trois années de carrière, ne comporte que onze échelons. Au bout de trente-trois ans, les AESH ne gagnent que 413 euros brut de plus qu'en début de carrière.

Inutile d'aller chercher beaucoup plus loin : nous tenons là une raison majeure du défaut d'attractivité dont souffre cette profession essentielle. Dans leur évolution de carrière comme dans d'autres domaines, les AESH ne sont pas traités comme les autres agents publics ; aucun agent des catégories B ou C ne doit attendre aussi longtemps pour changer d'échelon. Il apparaît donc nécessaire de faire évoluer à la fois les deux paramètres que sont le niveau des échelons et leur durée.

Dans l'attente de la création d'un réel statut de la fonction publique pour les AESH – cela ne tardera pas, je l'espère –, je voudrais savoir quelles mesures le gouvernement entend instaurer dès maintenant pour revaloriser leur grille indiciaire. (Mmes Fatiha Keloua Hachi, rapporteure, et Ayda Hadizadeh applaudissent.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Comme je l'ai déjà dit, je pense que le problème réside moins dans la grille indiciaire des AESH que dans la quotité de travail qui leur est proposée. Nous espérons donc que l'application de la loi Vial permettra d'augmenter le temps de travail de nombreux AESH. Surtout, il faut garder à l'esprit qu'obéir aux notifications des MDPH, l'une après l'autre, conduit à fractionner le travail des AESH entre plusieurs établissements, empêche d'anticiper leur formation et complique la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. Nous devons pouvoir proposer aux AESH un emploi à temps plein, ce qui est difficilement compatible avec la course aux notifications. Je crois fermement que le travail mené par les pôles d'appui à la scolarité permettra d'anticiper les besoins, de mieux organiser l'activité des AESH au sein des équipes pédagogiques d'un établissement donné et d'augmenter ainsi leur quotité de travail.

C'est dans ce sens que nous devons travailler, au-delà des réflexions engagées depuis plusieurs mois avec les représentants de la profession pour améliorer la reconnaissance des acquis de l'expérience et les parcours professionnels des AESH.

M. le président
La parole est à Mme Ayda Hadizadeh.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC)
Je voudrais d'abord prendre un moment pour me réjouir du consensus qui nous réunit sur le sujet des AESH. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est urgent d'améliorer la situation des accompagnantes d'élèves en situation de handicap – ce sont majoritairement des femmes – et des assistantes d'éducation. Une telle convergence entre les différents groupes de notre assemblée est rare, il faut donc en profiter. Nous devons saisir toutes les occasions de nous unir et de travailler ensemble.

Madame la ministre, vous avez souligné la contradiction entre le système des notifications et les principes de gestion des personnels de l'éducation nationale. Elle doit nous conduire à dépasser l'approche quantitative pour adopter une approche qualitative : dans le cadre de la réforme envisagée, il convient aussi de travailler avec les MDPH sur la manière dont elles effectuent les notifications. Une évolution est nécessaire dans ce domaine. Nous recevons dans nos permanences non seulement des AESH, mais aussi de nombreux parents désespérés par la gestion des notifications. Pour réformer le statut des AESH, il est essentiel de prendre en considération ce point.

Par ailleurs, nous ne saurions attendre que la réforme du statut aboutisse pour résorber l'inégalité de traitement entre les AESH selon les territoires. Dans certains endroits, elles sont associées au travail des équipes pédagogiques ; dans d'autres, elles ne le sont pas. Dans certains cas, elles peuvent échanger avec les parents d'élèves ; dans d'autres, elles ne le peuvent pas. Il est urgent d'uniformiser leur situation et d'instaurer l'égalité entre toutes les AESH.

Enfin, la réforme ne doit pas laisser de côté les AED, qui luttent quotidiennement contre le harcèlement et pour l'intégration des élèves les plus en difficulté. Il faut réfléchir aussi à leur cas et travailler avec eux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Corentin Le Fur applaudit également.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Je partage vos propos. Nous devons nous autoriser à remettre en question le mode de fonctionnement qui consiste à suivre les notifications au fil de l'eau. De nombreux élèves et parents doivent attendre plusieurs mois après la rentrée pour que la notification soit émise ; dans l'intervalle, l'élève va à l'école sans l'accompagnement dont il a besoin, voire n'y va pas du tout.
J'invite chacun des groupes parlementaires à participer aux évaluations que nous menons dans le cadre des PAS : elles doivent aboutir à un dispositif permettant d'anticiper les besoins dans chaque établissement. C'est dans l'intérêt des élèves et des parents comme dans celui des AESH, dont l'emploi du temps se trouve éclaté entre plusieurs établissements. Leur employeur, l'éducation nationale, doit être capable d'anticiper les besoins et de leur proposer une réelle formation avant leur prise de poste.

J'entends votre remarque relative à l'intégration variable des AESH au sein des équipes pédagogiques et des équipes de vie scolaire. Comme je le disais, l'école inclusive est l'affaire de tous, pas seulement celle des AESH ; c'est pourquoi j'ai demandé qu'une formation à la prise en charge des élèves en situation de handicap soit dispensée dans toutes les académies et dans tous les départements, ce qui devrait permettre d'intégrer pleinement les AESH dans les équipes pédagogiques.

Enfin, je partage votre opinion quant à l'importance du rôle des assistants d'éducation. Dans un contexte où la violence augmente au sein de la société et par conséquent dans les établissements scolaires, nous avons plus que jamais besoin des AED. Leur cadre d'emploi date de 2003 ; depuis cette date, le monde a bien changé, c'est pourquoi un travail est en cours pour faire évoluer ces dispositions.

M. le président
La parole est à Mme Sylvie Bonnet.

Mme Sylvie Bonnet (DR)
Selon le panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire publié chaque année par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), la part des AESH au sein des personnels de l'éducation nationale est désormais de 10,8 %. Ils sont au nombre de 128 466 et représentent 81 164 ETP. Les AESH sont quasiment aussi nombreux que les professeurs de l'enseignement privé, premier degré et deuxième degré confondus.

Grâce à la loi du 16 décembre 2022, le nombre d'AESH disposant d'un CDI a triplé en un an. Toutefois, si le pourcentage des CDI est en hausse, celui des AESH à temps incomplet imposé par l'employeur, qui s'élève à 97,7 %, est resté dramatiquement stable. Pour l'immense majorité d'entre eux, ce temps incomplet entraîne un niveau très bas de rémunération : les AESH perçoivent en moyenne 900 euros net par mois, une somme inférieure au seuil de pauvreté.

À en croire le panorama statistique, les conditions de travail ne sont pas plus satisfaisantes. Seuls 21 % des AESH interrogés ont déclaré être satisfaits de leur niveau de rémunération, et 23 % de leurs perspectives de carrière. Enfin, le sentiment de valorisation du métier dans la société ne dépasse pas 24 %.

Ces données montrent malheureusement les insuffisances de la loi du 16 décembre 2022. En effet, la rémunération, les contrats et la reconnaissance ne sont pas au niveau des ambitions que nous devons avoir pour les AESH et pour les AED, qui se tiennent aux côtés des élèves en situation de handicap.

Les AESH de la Loire que j'ai rencontrés ces dernières semaines m'ont fait part de leurs difficultés à remplir leurs missions dans de bonnes conditions pour les enfants et pour eux-mêmes : fatigue, manque de formation, manque de reconnaissance envers les équipes enseignantes, incohérence des accompagnements mutualisés imposés par la MDPH. Dans un cours de physique-chimie, par exemple, comment pourrait-on reformuler et scripter pour quatre élèves en même temps ?

Madame la ministre, soutiendrez-vous la création d'un véritable statut pour les AESH, comme le proposent les députés de la Droite républicaine avec Corentin Le Fur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Les AESH avec lesquels j'ai échangé m'ont fait part des mêmes problèmes que ceux que vous avez rencontrés, madame la députée. Je mesure pleinement que la situation n'est pas satisfaisante. Il en est ainsi parce que les emplois du temps des AESH peuvent actuellement être éclatés entre plusieurs établissements et parce que nous sommes parfois amenés à recruter des AESH que nous n'avons pas eu le temps de former. Vous entendez sans doute dans vos permanences, comme moi, des parents qui attendent un AESH pour leur enfant. Si nous leur expliquons qu'il est parti en formation, vous imaginez bien que cela créera des difficultés.

Nous devons donc parvenir à un cadre d'emploi plus stable pour les AESH, en leur proposant des emplois à temps plein. Comme je l'ai dit, si un AESH peut exercer à temps plein, sa rémunération est de l'ordre de 1 614 euros net par mois. C'est nettement mieux que les 900 euros que touchent en moyenne les AESH qui travaillent, comme vous le savez, en moyenne à deux tiers de temps.

Avant de réfléchir à un statut de la fonction publique pour les AESH, la question qui nous est posée est celle de l'organisation globale de l'école inclusive, qui doit permettre de créer des emplois à temps plein, qualifiés, avec des perspectives professionnelles. Sur cette base, nous pourrons ensuite réfléchir au statut adéquat. C'est dans cet ordre-là qu'il faut aborder la question, en nous demandant comment passer du système de notifications au fil de l'eau des MDPH – dans lequel l'employeur, l'éducation nationale, court pour recruter des AESH alors que les parents attendent pendant de longs mois une accompagnante pour leur enfant – à une organisation qui permet l'anticipation des affectations et la formation de l'agent. Nous devons prioritairement travailler dans cette direction.

M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup.

Mme Josiane Corneloup (DR)
La loi du 16 décembre 2022 a créé une véritable dynamique en faveur de la transformation des contrats des AESH en CDI. Toutefois, cette dynamique se heurte à des limites importantes, notamment en ce qui concerne les conditions de travail. Le fait de modifier à chaque rentrée scolaire l'organisation de leur service, quant au lieu d'exercice, à l'emploi du temps, voire à la quotité de travail, remet en cause la stabilisation et la sécurisation des personnels qu'a permis le passage au CDI. Cette situation est préjudiciable tant pour les AESH que pour les enfants porteurs de handicap : alors qu'ils ont parfois été accompagnés pendant plusieurs années par la même AESH, qu'ils ont établi un lien de confiance avec elle tout à fait bénéfique, ils doivent s'adapter à quelqu'un d'autre. Où est l'intérêt de l'enfant ?

Les AESH sont également confrontés à la question épineuse de la quotité de travail – vous l'avez dit, madame la ministre –, qui correspond au temps scolaire et qui ne permet pas une rémunération effective suffisante : comme cela a été dit, beaucoup perçoivent entre 800 et 1 000 euros, soit un salaire qui ne permet pas de vivre décemment, alors qu'elles effectuent un travail remarquable et que, sans elles, il n'y a pas d'inclusion. Les temps de déplacement des AESH, du fait de la mutualisation dans le cadre des Pial, en particulier dans les territoires ruraux comme ma circonscription, sont souvent très importants. Or ils ne sont pas pris en compte, et même les indemnités kilométriques sont difficiles à obtenir.

Comme cela a également été souligné, la formation est essentielle, car l'AESH peut accompagner le matin un enfant porteur d'un handicap physique et l'après-midi un adolescent autiste. Très souvent, les soixante heures de formation initiale ne sont pas suivies ; elles ne le sont jamais avant la prise de poste.

Eu égard au rôle essentiel joué par les AESH, une meilleure reconnaissance de leur métier est indispensable. Nous devons leur conférer un véritable statut pour améliorer l'attractivité de leur métier et ainsi recruter les milliers d'AESH nécessaires pour répondre aux besoins des enfants porteurs de handicap. Nous sommes tous interpellés dans nos circonscriptions par des familles dont les enfants sont privés totalement ou partiellement d'AESH. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

M. le président
Toutes les interventions dépassent le temps imparti, à savoir deux minutes. Je vous prie de bien vouloir garder un œil sur le chronomètre pour que nous puissions tenir ce débat dans les temps, car un second débat est prévu cet après-midi.
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Votre question rejoint la précédente. Nous ne devons pas avoir à choisir entre l'intérêt de l'enfant et la qualité de l'emploi que nous proposons aux AESH. Pourtant, nous nous trouvons actuellement dans une telle situation.

Certains d'entre vous ont évoqué le fait qu'une AESH peut voir son organisation et son emploi du temps bouleversés pour prendre en charge un enfant. En effet, il arrive qu'un enfant ait absolument besoin d'un accompagnement individuel, que la ressource ne soit pas disponible au sein de son établissement et que nous soyons amenés à demander à une AESH qui travaille dans le cadre d'un accompagnement collectif de venir prendre le relais pour éviter qu'il soit déscolarisé.

Pour répondre aux enjeux que vous avez évoqués et aux interpellations des parents d'élèves en situation de handicap et des AESH, nous devons réfléchir collectivement, avec les départements et les MDPH dont ils ont la charge, ainsi que les communes, à la façon dont on peut mieux organiser l'accompagnement des élèves en situation de handicap. C'est le sens des pôles d'appui à la scolarité que nous expérimentons actuellement pour anticiper l'accompagnement, au lieu d'attendre les notifications de la MDPH, et améliorer ainsi la prévisibilité pour les parents, les élèves et les AESH.

C'est dans ce sens que nous devons poursuivre la réflexion – je suis très preneuse des travaux que mène la commission sur le sujet – afin d'offrir un meilleur accompagnement à chaque élève et des perspectives professionnelles, ainsi qu'un cadre de travail plus favorable, aux AESH.

M. le président
La parole est à M. Steevy Gustave.

M. Steevy Gustave (EcoS)
Aujourd'hui, je prends la parole pour celles et ceux qu'on ne voit pas, qu'on entend trop peu, mais sans qui l'école inclusive ne serait qu'un mensonge : les accompagnants des élèves en situation de handicap. Ils – ou plutôt elles – sont essentiels. Peut-on parler de justice sociale quand des femmes – car ce sont très souvent des femmes – doivent cumuler des emplois précaires pour survivre ? Moins de 1 200 euros par mois, des contrats à temps partiel, aucune reconnaissance, aucun avenir professionnel : voilà comment la République traite celles et ceux qui accompagnent nos enfants les plus vulnérables.

Madame la ministre, imaginez-vous passer une journée dans une école à Brétigny-sur-Orge à soutenir un enfant en détresse psychologique, un élève polyhandicapé, un adolescent autiste ? Considérez la patience, la douceur, l'énergie que cela exige… Imaginez-vous accomplir tout cela pour un salaire qui ne permet pas de vivre, devant le regard impuissant des enseignants ? Les AESH ne sont pas des variables d'ajustement, des aides que l'on sous-paie pour alléger la conscience de l'État, mais des éducateurs, des piliers de l'inclusion, des professionnels. Elles demandent simplement ce qui devrait être une évidence pour nous : un vrai statut, un salaire digne, des conditions de travail respectueuses.

Actuellement, 1 600 enfants de l'Essonne sont sans AESH ; ils attendent et souffrent avec leurs familles. Combien de temps continuera-t-on à leur dire qu'elles comptent moins que des économies budgétaires ? Quand on traite les AESH de cette façon, ce n'est pas seulement elles que l'on méprise, c'est l'ambition de l'école inclusive que l'on trahit.

Madame la ministre, ma question est simple : quand comptez-vous réformer le statut des AESH pour leur garantir un vrai contrat, une vraie reconnaissance et un vrai salaire ? Vous l'avez dit vous-même : l'inclusion ne doit pas être un slogan, mais un engagement, or un engagement, cela se prouve.

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Vous l'aurez compris, monsieur le député, nous ne parlons pas d'économies budgétaires alors que le budget consacré à l'école inclusive est passé de 2 milliards d'euros en 2017 à 4,5 milliards aujourd'hui. Si nous voulons avancer, accueillir effectivement dans les établissements scolaires tous les élèves en situation de handicap, y compris ceux qui sont actuellement en attente, et répondre à leurs besoins, il faut partir d'un diagnostic clair et établir les difficultés. Le système de notifications en continu, au fil des besoins, qui attribue des accompagnements selon des quotités représentant une fraction d'un emploi, entraîne de grandes difficultés et ne permet pas de construire des emplois de qualité, intégrés dans les équipes pédagogiques.

Il est donc nécessaire que nous réfléchissions tous ensemble. Et ce n'est pas seulement l'affaire de l'éducation nationale, mais aussi celle des MDPH et des départements qui en assurent la tutelle, ainsi que des mairies, car les élèves qui sont accompagnés dans leur scolarité ont aussi besoin d'un accompagnement dans le cadre périscolaire. C'est en travaillant tous ensemble, l'État, l'éducation nationale, la ministre en charge du handicap, les départements, les collectivités et les maires, que nous pourrons construire des emplois de qualité pour les AESH et un accompagnement de qualité pour les jeunes en situation de handicap.

Comme cela a été dit par Mme Hadizadeh, l'objectif consistant à améliorer la qualité d'accompagnement pour les élèves et celle de l'emploi pour les AESH peut tous nous rassembler. Travaillons-y conjointement.

M. le président
La parole est à M. François Ruffin.

M. François Ruffin (EcoS)
Madame la ministre, j'écoute ce que vous dites sur les accompagnants et les accompagnantes d'enfants en situation de handicap : vous dites que vous allez "réfléchir", qu'il nous faut "réfléchir" à l'organisation du travail des AESH, que nous devons "poursuivre la réflexion sur leur salaire", mais cela fait des années, madame la ministre, que, sur vos bancs, vous réfléchissez ! Cela fait des années que nous menons des missions, que nous produisons des rapports – celui que j'ai rédigé, "Pour la reconnaissance des métiers du lien", ou celui de Sébastien Jumel, parmi d'autres.
Cela fait sept ans que vous faites de l'école inclusive low cost, à bas coût, une école qui engendre une grande souffrance pour les enfants, qui ne sont pas suivis ou mal suivis, pour les parents, qui attendent, pour les enseignants, qui se débrouillent comme ils peuvent dans leur classe, et bien sûr pour les AESH elles-mêmes.

Évidemment, avec un salaire de 800 euros en moyenne, on est sous le seuil de pauvreté, mais surtout le sens du métier est cassé. "On n'accompagne pas dans la durée", me dit Valérie, "en voyant les élèves progresser". On fait du "saute-mouton" : "on saute d'un élève à l'autre, d'une classe à l'autre, d'un établissement à l'autre."

Que se passe-t-il ? Il y a trop d'élèves avec des dys – dysgraphies, dyslexies –, troubles de l'autisme, qui affluent dans les écoles. Quelles solutions avez-vous trouvées ? Alliez-vous garantir aux accompagnantes, pour les attirer, un salaire, des horaires, une carrière ? Non, vous avez décidé de leur faire suivre non plus un ou deux enfants, mais quatre, cinq, six, sept, jusqu'à onze enfants ! Vous avez explosé les emplois du temps des AESH. Vous avez rebaptisé ce saucissonnage d'un noble nom : "mutualisation". Ça faisait solidaire, progressiste, mais c'est bidon. C'est juste une politique du chiffre, une politique d'affichage. Cette mutualisation n'est pas seulement un échec, mais une maltraitance de tout le monde.

Alors, quel bilan tirez-vous des Pial et de la mutualisation ? Quand vous déciderez-vous à mettre les milliards indispensables pour sortir du bricolage, du bidouillage, et pour faire des AESH un vrai métier ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Ce débat mérite mieux que des caricatures. Alors que le nombre d'élèves accompagnés est passé de 150 000 en 2005 à 520 000 en 2025, que le budget est passé de 2 milliards en 2017 à 4,5 milliards cette année, que nous avons augmenté de 40 % la rémunération des AESH – je ne prétends pas qu'une rémunération de 1 600 euros net par mois, à deux tiers de temps, est satisfaisante –, nous pouvons dire que nous avons progressé en matière d'école inclusive et que nous ne sommes pas simplement en train de lancer des groupes de réflexion, comme vous le laissez entendre.

Certains peuvent laisser penser qu'il y a des réponses magiques, qu'on s'y prend vraiment très mal à l'éducation nationale, qu'il est très simple de réagir à des notifications qui tombent au fil de l'eau et de prendre en charge en urgence des élèves en difficulté qui, sinon, ne pourraient pas être scolarisés.

M. François Ruffin
Quel bilan tirez-vous des Pial et de la mutualisation ? C'est ça, ma question !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
On peut aussi reconnaître que le problème est compliqué, qu'il implique l'éducation nationale, les départements à travers les MDPH et les maires, avec qui nous devons bâtir des solutions. C'est par un travail collectif et transpartisan, comme cela a été fait à l'époque par Mme la députée Victory, que nous pourrons avancer et apporter de vraies réponses à nos jeunes, ainsi qu'aux AESH.

M. le président
La parole est à M. Emmanuel Mandon.

M. Emmanuel Mandon (Dem)
Ce débat arrive alors que nous nous trouvons à la croisée des chemins et où nous devons faire des choix pour garantir l'effectivité d'une école inclusive.

Nous soutenons tous les objectifs très ambitieux et humanistes de la loi de 2005, dont nous célébrons actuellement les 20 ans. Ce texte a permis d'esquisser le cadre législatif qui garantit aux élèves en situation de handicap leur scolarisation et leur accompagnement en milieu ordinaire.

Les chiffres actuels montrent qu'en vingt ans, le nombre d'enfants intégrés au dispositif a augmenté de 220 %, ce qui a logiquement entraîné une augmentation des effectifs d'AESH de plus de 50 %. Ces derniers forment désormais le second métier de l'éducation nationale. Si les chiffres, évidemment positifs, montrent qu'il y a bien une dynamique, le sujet reste sérieux et complexe. Madame la ministre, de manière très objective, vous avez reconnu le chemin qu'il reste à parcourir et les problèmes qui se posent dans nos territoires, notamment en matière de recrutement.

Nous voulons tous améliorer la prise en charge des élèves et la réponse à leurs besoins, lutter contre les ruptures de parcours et apporter des réponses plus rapides. Nous souhaitons également nous répondre aux attentes des AESH, en termes de rémunération, de formation initiale et continue…

Je rejoins également tout ce qui a été dit cet après-midi en faveur d'emplois de qualité, car de nombreux témoignages de terrain nous reviennent. Dans mon département de la Loire, au sein de l'académie de Lyon, pourtant bien organisée et bienveillante à l'égard de l'école inclusive, je constate que les conditions de travail sont dégradées et que trop d'agents sont envoyés dans des établissements différents.

Ma question est simple : alors qu'il est question de remplacer les Pial par des pôles d'appui à la scolarité, pourriez-vous nous en dire davantage sur la généralisation de ce dispositif, qui permettra d'entrer dans l'acte II de l'école inclusive ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Nous visons une généralisation des pôles d'appui à la scolarité, sous réserve de l'évaluation du dispositif. Cette démarche me semble bonne qui consiste à expérimenter une mesure, à l'évaluer et, le cas échéant, à l'adapter, avant de la généraliser si les résultats sont convaincants.

Les pôles d'appui à la scolarité sont expérimentés depuis la rentrée dernière. Les enseignants spécialisés – je voudrais rendre hommage à leur travail, car ils sont capables de déployer une pédagogie adaptée à chaque élève – sont entourés par des acteurs et des professionnels du médico-social qui effectuent une évaluation "à 360 degrés" du jeune en situation de handicap. Ils peuvent intervenir, sur sollicitation d'un établissement, pour définir les bonnes modalités d'accompagnement du jeune en situation de handicap – matériel pédagogique, pédagogie adaptée ou sollicitation d'une AESH. Finalement, on n'a pas besoin d'une notification de la MDPH pour bénéficier d'un accompagnement par une AESH. Plus on anticipera ce besoin d'accompagnement, plus on pourra recruter à temps les AESH, prendre le temps de les former et, ainsi, offrir de bonnes conditions de travail et d'accompagnement à nos jeunes.

Il faut que l'évaluation du dispositif soit menée, et que nous puissions ensuite partager ses conclusions. Je pense cependant que c'est en favorisant cette organisation qui anticipe, qui porte un regard pluridisciplinaire sur les difficultés rencontrées par les jeunes et qui propose un accompagnement global, que nous répondrons à l'exigence de l'école pour tous.

M. le président
La parole est à M. Emmanuel Mandon pour une seconde question.

M. Emmanuel Mandon (Dem)
Je ne développerai pas cette seconde question, car Mme la ministre l'a anticipée et y a déjà bien répondu. Permettez-moi seulement de dire que nous nous inscrirons dans cette démarche pragmatique, qui suit l'évolution des enjeux éducatifs – Dieu merci, nous avons progressé.

La recherche d'autonomie, qui était l'objectif de la loi, a abouti à de très belles réussites. Lorsque c'était possible – et c'est ce qui se passe généralement – elle a permis à l'élève de progresser. Saluons aussi le travail des professionnels, quels qu'ils soient, qui ont permis de dégager de belles perspectives. Nous souhaitons que les parlementaires puissent être associés à ce travail transpartisan, notamment sur le terrain et, peut-être, dans le cadre de nos académies.

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Je vous confirme que je souhaite naturellement que la représentation nationale soit associée à ces évaluations.

M. le président
La parole est à M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR)
Avec 140 000 professionnels mobilisés, les accompagnants d'élèves en situation de handicap constituent désormais le deuxième métier de l'éducation nationale. Leur rôle est essentiel pour garantir l'inclusion des élèves en situation de handicap. D'importantes avancées ont été réalisées ces dernières années, notamment grâce à la loi du 16 décembre 2022, qui a permis aux AESH d'accéder à un CDI après trois années d'activité.

Plus récemment, la loi du 27 mai 2024 et le décret du 14 février 2025 ont simplifié leur cadre administratif, en confiant à l'État la gestion de leur rémunération pendant la pause méridienne. Malgré ces progrès, l'accès à un temps plein reste un enjeu crucial. La durée de travail de la plupart des AESH est encore limitée à des temps partiels contraints, souvent inférieurs à vingt-quatre heures hebdomadaires, ce qui pèse sur leur rémunération et leur stabilité. En parallèle, leur emploi du temps fragmenté, réparti sur plusieurs établissements, génère des heures perdues en déplacement et un manque de reconnaissance du travail accompli.

Ce constat est partagé des enseignants aux familles, qui soulignent l'impact de ces conditions sur la continuité de l'accompagnement des élèves, ainsi que sur la difficulté à recruter et à fidéliser les AESH expérimentés. Comment pouvons-nous désormais aller plus loin ? Envisagez-vous des mesures pour faciliter l'accès à un temps plein, notamment par une meilleure organisation du temps de travail, et – pourquoi pas – par la prise en charge de l'intégralité du temps périscolaire ? Cela permettrait aux parents de préserver leur temps de travail.

En outre, la formation des AESH est un enjeu essentiel. Ces professionnels accompagnent des élèves aux besoins très variés, parfois en situation de polyhandicap ou avec des troubles du spectre autistique. Comment pourrait-on renforcer la formation continue, afin de garantir une prise en charge adaptée et efficace ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Votre question rejoint les précédentes. Je vois comme vous des situations qui peuvent paraître ubuesques, comme deux AESH exerçant chacune deux mi-temps dans deux établissements qui peuvent se croiser sur la route en milieu de journée pour intervertir leur lieu de travail. On voit très bien qu'il y a des marges de progrès pour éviter de multiplier le nombre d'élèves accompagnés par chaque AESH et les lieux de prise en charge des jeunes en situation de handicap. Il y a donc une réflexion à mener.

C'est le sens de l'expérimentation engagée grâce aux pôles d'appui à la scolarité, afin que l'emploi du temps des AESH ne soit pas défini par des notifications qui viennent au fil de l'eau et qui les empêchent bien souvent, parce que tout se fait dans l'urgence, de bénéficier des soixante heures de formation prévues en amont de la prise de poste.

Votre question renvoie à la réflexion que nous devons mener collectivement à partir des réalités territoriales afin de construire une organisation qui permette d'anticiper les besoins, d'instaurer un accompagnement global pour les jeunes, et de délivrer des formations en amont de la prise de fonctions et tout au long du parcours professionnel qui doit exister pour nos AESH, compte tenu de la diversité des situations de handicap qu'elles sont amenées à prendre en charge. Ce travail est en cours, parallèlement à la réflexion engagée sur les parcours professionnels de nos AESH.

Je tiens à rendre hommage au travail engagé par Mme la ministre Genetet, que je vois désormais siégeant parmi vous. Nous essayerons d'en tirer le meilleur profit.

M. le président
La parole est à M. Max Mathiasin.

M. Max Mathiasin (LIOT)
La loi du 16 décembre 2022 a permis aux accompagnants d'élèves en situation de handicap de conclure un contrat à durée indéterminée après trois ans d'exercice et aux assistants d'éducation après six ans d'exercice. Par ailleurs, ils ont bénéficié récemment d'une légère revalorisation de leur rémunération.

En plus de la question de la pérennité de l'emploi se pose celle de l'augmentation du temps de travail, afin d'atteindre un niveau de rémunération décent. L'État a créé une indemnité de fonction de 1 529 euros brut par an, pour une AESH exerçant à temps complet. Combien d'heures par semaine représente un temps complet pour une AESH ? Combien d'entre elles travaillent à temps complet ? Elles sont en général à 62 % du temps de travail, ce qui signifie un salaire inférieur à 1 000 euros par mois.

Que ce soit en Guadeloupe ou dans les autres territoires ultramarins frappés par la vie chère, où les produits de première nécessité sont 30 à 40 % plus coûteux que dans l'Hexagone, comment une personne peut-elle vivre et faire vivre sa famille, avec un salaire inférieur à 800 ou 900 euros par mois ? Peut-on augmenter le temps de travail ? S'il s'agit du facteur bloquant, peut-on détacher, au moins partiellement, le temps de travail du montant de leur rémunération ?

Il y a aujourd'hui plus de 520 000 élèves en situation de handicap pour 140 000 AESH. Si l'on veut que chaque élève bénéficie d'un accompagnement adapté et personnalisé, il faut rendre la profession plus attractive. Il est donc indispensable que les AESH et les assistants d'éducation reçoivent un salaire décent, à la fois digne et attractif.

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Votre question rejoint les précédentes. Je ne me satisfais pas plus que vous de voir des AESH toucher 62 % d'un salaire qui pourrait apparaître suffisant, mais qui ne l'est pas. C'était le sens des réflexions qui avaient conduit à la loi Vial relative à la possibilité, pour les AESH qui le souhaitaient, de prendre en charge les élèves pendant la pause méridienne. Nous devons réfléchir sur la manière d'augmenter leur temps de travail.

Concernant cette pause, les chiffres ne sont pas encore définitivement établis : ils semblent un peu plus élevés que nous ne l'avions prévu. Cela ne constituera toutefois pas une solution satisfaisante pour l'ensemble des AESH, d'une part parce que la prescription d'un accompagnement durant le temps scolaire ne couvre pas toujours la pause méridienne, d'autre part parce que certains AESH ont eux-mêmes des enfants et ne souhaitent pas travailler à ce moment de la journée. Il convient donc de continuer de réfléchir à la manière d'éviter le fractionnement, a fortiori entre plusieurs établissements, de leur emploi du temps, ainsi qu'à celle d'articuler la prise en charge du jeune lors du temps scolaire et celle qui a lieu en dehors, par exemple lors des activités périscolaires.

J'ai évoqué le fait que cette réflexion incombait à l'État, notamment au ministère de l'éducation nationale et au ministère chargé des personnes handicapées ; doivent également s'impliquer les collectivités locales, au premier rang desquelles les communes et départements, puisque ces derniers ont la responsabilité des MDPH. C'est à ce travail collectif que nous devons tous nous consacrer.

M. Emmanuel Mandon
Très bien !

M. le président
La parole est à M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen (LIOT)
Dans les établissements du second degré des Vosges, en 2020, nous comptions 1 373 élèves accompagnés par des AESH. En 2024, ils étaient 1 887, soit 514 élèves accompagnés supplémentaires en quatre ans. En 2020, 54 AESH supplémentaires étaient recrutées dans le département, puis 30 en 2023 : au total, à la rentrée 2024, elles étaient 797 pour s'occuper de 1 887 élèves, soit un ratio de 2,36 élèves par AESH.

À mesure que les années passent, nous constatons tous et toutes, dans tout le territoire, une forte hausse du nombre des jeunes concernés ; les recrutements, eux, n'augmentent pas autant qu'ils le devraient pour couvrir ces besoins et assurer un accompagnement correct. Nombreux sont les parents qui viennent nous voir afin de déplorer cette situation, et de réclamer un recrutement massif et rapide d'accompagnants.

En réalité, le problème ne se réduit pas au manque de personnel : même s'il convient de saluer des avancées, le métier d'AESH, comme l'ont rappelé nos collègues, reste financièrement précaire, avec une rémunération très généralement inférieure au seuil de pauvreté. En vue de recruter davantage, ainsi que de pérenniser ces recrutements, une revalorisation des grilles salariales serait indispensable, d'autant qu'elle s'inscrirait dans une démarche de reconnaissance du dévouement dont ces accompagnants font preuve à l'égard de nos enfants. De même, il importe de faire évoluer leurs contrats vers le temps plein, bien plus cohérent si l'on considère leurs missions actuelles.

Que comptez-vous faire pour permettre une meilleure prise en charge des élèves tout en tenant compte de la nécessité d'améliorer le statut, les conditions de travail, la rémunération des AESH ? Quelle est la prochaine étape du gouvernement ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Votre question rejoint celles précédemment posées. Il est exact, comme je l'évoquais tout à l'heure, que le nombre des jeunes en situation de handicap que nous devons prendre en charge s'accroît. Nous sommes passés, pour cet accueil en milieu scolaire, de 150 000 jeunes en 2005 à 520 000 jeunes aujourd'hui, établissements médico-sociaux inclus. C'est évidemment une bonne chose, signifiant à la fois que l'on repère mieux les situations de handicap et qu'accèdent à la scolarité des jeunes qui en auraient été privés naguère. Nous souhaitons que cela se fasse pour un maximum de jeunes au sein des établissements scolaires, ou le cas échéant, lorsque la situation le nécessite, dans les établissements médico-sociaux. Le nombre des AESH, je le répète, a également crû : 70 % des jeunes concernés bénéficient d'un accompagnement individuel ou collectif, selon les notifications des MDPH.

Votre département, monsieur le député, est au nombre des territoires dans lesquels nous rencontrons de vraies difficultés de recrutement. Ce métier connaît un problème d'attractivité : nous avons évoqué la façon d'améliorer la qualité des emplois, le temps de travail, et d'offrir de véritables perspectives d'évolution professionnelle. Tel est le sens du travail effectué au sein du ministère, mais auquel, encore une fois, j'invite chacun à contribuer, en particulier les maires et les conseils départementaux qui gèrent notamment les MDPH.

M. le président
La parole est à Mme Émeline K/Bidi.

Mme Émeline K/Bidi (GDR)
Madame la ministre, je me permets de vous interpeller plus particulièrement au sujet de La Réunion. En dépit de la loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des AESH, la profession compte toujours une majorité de femmes et reste marquée par la précarité, les temps partiels et les bas salaires. La note diffusée à l'occasion de ce débat fait état d'une évolution positive, que l'on ne peut nier ; mais à La Réunion, et plus largement outre-mer, les besoins sont particulièrement importants.

Les parents et les enfants attendent quelquefois plus d'un an une décision. Parfois, lorsque la notification est faite, le même délai s'écoule encore avant qu'un ou qu'une AESH n'intervienne vraiment – souvent sans couvrir le nombre d'heures initialement prévu. Parents et professionnels se plaignent de dysfonctionnements fréquemment dus aux nouveaux Pial : mutualisations à outrance, affectations dans plusieurs établissements – primaire et secondaire confondus, avec des enfants souffrant de pathologies très diverses –, manque de spécialisation, de formation, sans parler des problèmes de prise en charge durant la pause méridienne. Des AESH m'ont raconté avoir dû se former sur leurs deniers personnels afin de s'occuper de certains élèves ; d'autres, à la demande de professeurs démunis, les prennent en charge, dès lors que le besoin a été identifié, sans attendre la décision de la MDPH !

Madame la ministre, vous devez relever un double défi : garantir aux enfants handicapés une école inclusive et un accompagnement de qualité, assurer aux AESH, des conditions de travail dignes, les deux n'étant nullement incompatibles. Quelles mesures entendez-vous prendre pour réussir ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Vous avez bien résumé notre défi : répondre au plus vite aux besoins des élèves, des familles, et en même temps développer une capacité d'anticipation telle que nous puissions offrir aux accompagnants – lesquels, vous l'avez dit, sont souvent des accompagnantes – des emplois de qualité.

Sur le chemin de l'école pour tous, nous en sommes arrivés à une étape qui mérite que l'on réfléchisse à une organisation permettant d'éviter les situations que vous avez décrites, en d'autres termes la souffrance, l'angoisse des intéressés qui attendent la réponse de la MDPH au-delà du délai normal – dans les trois mois, selon la règle, mais dans beaucoup de départements, c'est en effet loin d'être le cas.

Tel est le sens des PAS : absolument rien n'impose à l'éducation nationale, qui dispose de la capacité d'évaluer les besoins, d'attendre la notification de la MDPH pour entamer un accompagnement et apporter une réponse à un jeune. C'est en ce sens que je souhaite avancer dans le cadre de l'élargissement de l'expérimentation. J'espère que l'académie de La Réunion sera, comme je le crois, de celles dans lesquelles nous créerons un PAS à partir de la prochaine rentrée : cela nous permettra de vérifier ensemble que cette nouvelle organisation correspond bien au double défi que vous avez mentionné.

M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.

M. Yannick Monnet (GDR)
Vous nous dites, madame la ministre, qu'il ne faut pas parler d'économies budgétaires, que vous avez accru les moyens. Je ne le nie pas ; reste que la question n'est pas de savoir si vous les avez augmentés, mais s'ils sont suffisants et adaptés. Force est de constater que ce n'est pas le cas.

Nombre de postes d'AESH, nous le disons depuis le début de cette discussion, ne sont pas pourvus, faute de candidats ; or ces vacances de postes sont souvent dues au fait que l'inspecteur d'académie a épuisé le potentiel budgétaire dont il dispose. Ainsi, à Neuilly-le-Réal, commune rurale de ma circonscription, Ilan, âgé de 9 ans, ne fera peut-être pas sa rentrée lundi prochain : son AESH est en arrêt maladie. Le maire, les agents municipaux, sont fortement mobilisés ; les parents veulent bien sûr le meilleur pour leur enfant ; la grande absente reste l'éducation nationale, qui nous répond ne pouvoir recruter de remplaçant. Au mieux, il serait possible de déplacer des moyens, c'est-à-dire d'en priver un autre enfant : vous conviendrez que ce n'est pas là une solution satisfaisante.

Pourtant, le 7 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes enjoignait au recteur de l'académie, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, d'assurer le remplacement d'une AESH dont le congé maladie avait entraîné la déscolarisation d'un élève de 7 ans. Cette décision de justice rappelle que l'éducation nationale a l'obligation de pourvoir à de tels remplacements.

Alors que le nombre des accompagnants notifiés croît plus vite que celui des postes, le gouvernement se révèle incapable de prendre de toute urgence les mesures qui permettraient d'accroître concrètement l'attractivité du métier : rappelons que le salaire moyen net s'y élève à 800 euros, que nombre de ces professionnels, essentiels à l'école inclusive, ne parviennent à boucler leurs fins de mois qu'en cumulant plusieurs emplois.

Allez-vous enfin entendre leurs revendications, celles des familles, et doter l'école inclusive de moyens suffisants et adaptés ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Je peux vous assurer que nous n'essayons pas de faire des économies sur l'école inclusive. Au moment de prévoir les créations de postes pour la rentrée 2025, nous avons essayé d'anticiper les notifications. Il faut admettre qu'en la matière, nous avons parfois des surprises – des hausses de 15 %, de 20 %, dans certains départements, contre 4 % dans d'autres qui ne partaient pas de beaucoup plus bas, ce qui nous amène à nous interroger au sujet de l'homogénéité du système. Il n'est pas évident de pourvoir des postes en vue de répondre à des besoins aussi imprévisibles !

C'est pourquoi j'ai répondu à votre collègue députée de La Réunion que l'on ne peut continuer, si j'ose dire, à courir derrière les divers cas de figure qui se présentent. Vous avez insisté sur les remplacements : je veux bien que chacun se mette à nous rappeler cette exigence en formant des recours, mais je suis parfaitement consciente de ce que représente l'absence d'un enseignant devant les élèves, d'un AESH auprès d'un jeune handicapé. Si nous connaissons des difficultés de recrutement, je ne suis pas persuadée que les astreintes nous faciliteront la tâche. Essayons donc ensemble de trouver des solutions, dans l'intérêt aussi bien des jeunes concernés que des personnels de l'éducation nationale.

M. le président
La parole est à Mme Angélique Ranc.

Mme Angélique Ranc (RN)
Depuis longtemps déjà, les accompagnants d'élèves en situation de handicap souffrent d'un statut précaire. Si la loi du 16 décembre 2022 a cherché à améliorer leurs conditions de recrutement, elle n'est pas parvenue pour autant à leur rendre justice. C'est pourquoi je souhaite revenir sur plusieurs points qui affectent les conditions de vie des AESH et l'attractivité de cette profession.

Le premier concerne l'immobilité professionnelle de ces agents. En effet, lorsqu'une AESH change de secteur géographique, son contrat n'est pas forcément reconduit à l'identique ni avec la même quotité horaire. Devant le risque d'une rémunération revue à la baisse en cas de changement de département, nombre d'entre elles préfèrent alors conserver leur travail et se retrouvent victimes d'une véritable paralysie géographique.

Le deuxième point a trait à leurs congés, qui ne leur sont pas toujours accordés. Conformément à la loi, une AESH a normalement droit à deux jours de fractionnement, c'est-à-dire à deux jours de congé supplémentaires. Or, dans les faits, les employeurs ne les leur accordent pas toujours et préfèrent déduire ces deux jours supplémentaires des obligations de service hebdomadaire ou des heures connexes. En principe, le droit au fractionnement est encadré par plusieurs décrets. Toutefois, ses modalités d'application peuvent être précisées par des circulaires et des accords locaux, qui varient en fonction des académies et des établissements. C'est pourquoi il serait nécessaire d'encadrer ce droit, afin qu'il soit effectif pour toutes les AESH, quels que soient l'académie ou l'établissement dans lesquels elles travaillent.

Enfin, le troisième point concerne leur rémunération. En effet, les AESH sont rémunérées sur la base de 62 % d'un temps plein : pour vingt-quatre heures hebdomadaires, cela correspond à une rémunération mensuelle d'environ 840 euros net. Vous conviendrez que cette somme est largement insuffisante pour vivre. Nombre d'entre elles sont donc contraintes d'exercer un travail supplémentaire ou de se reposer sur le salaire de leur conjoint, voire de changer de carrière afin de ne plus subir des conditions de vie aussi misérables.

Ces trois points contribuent fortement à rendre la profession peu attractive. C'est pourquoi j'ai souhaité vous interpeller : quels leviers comptez-vous utiliser afin de régler les problèmes d'immobilité géographique, de jours fractionnés et de rémunération ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Je vous remercie, madame la députée, de rejoindre notre débat. Il y a manifestement un petit problème de compréhension : les AESH ne sont pas rémunérées sur la base de 62 % ! Il se trouve que leur temps de travail est, en moyenne, de 62 %, mais elles sont bien sûr rémunérées en fonction du temps durant lequel elles travaillent.

Comme j'ai eu l'occasion de l'évoquer avec vos collègues, le débat porte précisément sur la manière d'améliorer notre organisation, afin de permettre aux AESH d'avoir des emplois du temps plus adaptés et de bénéficier de quotités de travail plus importantes, avec des affectations moins éclatées sur le territoire, au sein d'un nombre limité d'établissements : cela permettra de réduire leurs temps de déplacement et de leur proposer des emplois de meilleure qualité. C'est tout le défi auquel nous essayons de répondre. Il passe notamment par ce que j'évoquais avec vos collègues, à savoir l'anticipation des besoins, grâce aux pôles d'appui à la scolarité.

En ce qui concerne l'hypothèse que vous avez mentionnée d'une baisse du temps de travail liée à un changement d'affectation, je suis preneuse d'éléments, si vous en avez. Le contrat de travail stipule un temps de travail défini, c'est-à-dire un nombre d'heures ; il ne peut pas être modifié sans l'accord de l'AESH. Je vous invite donc à me transmettre les éléments dont vous disposez, pour que je m'efforce d'y répondre. Autant l'organisation du travail peut être amenée à évoluer en fonction des besoins des jeunes dont une AESH s'occupe, autant le volume horaire de travail, lui, ne devrait pas changer.

M. le président
La parole est à Mme Anne Sicard.

Mme Anne Sicard (RN)
L'application de la loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation reste le véritable défi à relever pour garantir un accompagnement éducatif de qualité. Ces accompagnants sont encore trop souvent confrontés à des contrats précaires, à des bas salaires et à une absence de perspective d'évolution de carrière. Pourtant, ces professionnels jouent un rôle crucial dans l'inclusion scolaire, souvent sous-estimé, et le manque de personnel qualifié reste un problème.

Pour répondre aux besoins croissants des élèves en situation de handicap, il faut recruter davantage et mieux, même si la situation s'est améliorée entre 2022 et 2025. Pour cela, il faut en finir avec la précarité des contrats à durée déterminée et les temps partiels. Si la loi de 2022 vise effectivement à promouvoir les contrats à durée indéterminée, il faudrait raccourcir les délais pour y accéder : obtenir un CDI après une première période de trois ans s'agissant des AESH et de six ans s'agissant des AED, c'est trop long ! Sans perspective d'évolution de carrière digne de ce nom et sans augmentation des salaires, ces métiers n'attireront pas.

Par ailleurs, si l'on ajoute à la précarité de ces accompagnants scolaires les conséquences alarmantes de la diminution des ressources allouées au handicap par les collectivités, en raison de la forte augmentation des tarifs horaires de la prestation de compensation du handicap (PCH), il ne fait décidément pas bon être en situation de handicap sous l'ère Macron !

Antoine de Saint-Exupéry disait : "Si tu diffères de moi, […], loin de me léser, tu m'enrichis." Telle pourrait être la devise des accompagnants. Toutefois, que fait l'État pour aider efficacement à l'accompagnement des plus faibles ? Aussi, afin de garantir l'application et la pérennité de la loi du 16 décembre 2022, êtes-vous prête, madame la ministre, à renforcer le statut des AESH et des AED par une cédéisation plus rapide, en accordant les financements nécessaires ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Vous ne serez pas surprise si je vous dis que je ne partage pas votre point de vue. Depuis 2017 et le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, nous sommes passés de 320 000 enfants en situation de handicap accueillis dans les établissements scolaires à 520 000. C'est donc un réel progrès pour les jeunes concernés et leurs familles. Vous connaissez sans doute, comme moi, des parents qui sont dans l'angoisse de ne pas pouvoir scolariser leur enfant : passer de 320 000 enfants accueillis à 520 000 constitue, je le répète, une avancée considérable.

Certes, nous n'avons pas parcouru la totalité du chemin et il faut aller plus loin encore. Nous y travaillons, main dans la main, avec Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre chargée de l'autonomie et du handicap. Il faudrait certainement assurer davantage la prise en charge des élèves en situation de handicap, y compris, pour certains d'entre eux, dans des établissements médico-sociaux. On estime à 30 000 le nombre d'élèves actuellement accueillis dans les établissements de l'éducation nationale qui pourraient relever du médico-social. Nous devons donc certainement pouvoir aller plus loin.

En ce qui concerne les moyens consacrés à l'école inclusive, c'est-à-dire l'école pour tous, nous sommes passés de 2 à 4,5 milliards d'euros – je l'ai répété à plusieurs reprises, mais vous n'étiez pas là. Je peux donc vous assurer que le gouvernement partage cette préoccupation, que le président de la République soutient depuis 2017. Nous y consacrons les moyens nécessaires et déployons toute l'énergie possible pour améliorer la situation des AESH. Permettez-moi de rendre de nouveau hommage à la députée Michèle Victory, rapporteure de la proposition de loi à l'origine de la loi de décembre 2022, qui nous a permis d'avancer sur ces sujets. Je n'affirme pas que nous sommes parvenus au bout du chemin ; néanmoins, nous avons largement progressé.

M. le président
La parole est à Mme Anne Genetet.

Mme Anne Genetet (EPR)
Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir rappelé tout ce qui a déjà été réalisé en matière d'accompagnement des élèves en situation de handicap. J'ai d'ailleurs une pensée pour toutes les familles qui ambitionnent d'amener leurs enfants au plus haut niveau, ainsi que pour les enfants qui sont porteurs d'un handicap invisible – c'est parfois difficile à vivre et l'on ne s'en rend pas toujours compte. Vous venez de rappeler les moyens qui ont été déployés et je souhaite insister sur la revalorisation de ces métiers difficiles mais tellement importants pour nos jeunes et l'avenir de notre pays.

Ma question porte sur l'attractivité du métier d'AESH. Nous savons qu'il est difficile de trouver des personnels, pour les différentes raisons qui ont été évoquées au cours de ce débat. C'est pourquoi nous pourrions réfléchir à des pistes d'amélioration, afin de leur permettre de compléter leur activité au sein des établissements scolaires, de diversifier leurs compétences ou encore de développer leur formation initiale et continue. Ainsi, les AESH pourraient compléter leur formation en assumant également des fonctions d'assistant d'éducation – il me semble que cela a été évoqué partiellement –, ou en accompagnant la réussite scolaire pour des missions plus ponctuelles.

Par ailleurs, en matière d'avancement de carrière, ne pourrait-on pas valoriser davantage leurs acquis de l'expérience, afin de leur permettre d'accéder à des concours pour devenir enseignant ou conseiller principal d'éducation ou postuler à certains métiers du soin – je pense aux métiers d'aide-soignant ou d'auxiliaire de puériculture ? L'éducation nationale, qui est déjà forte de plus de 134 000 AESH, pourrait ainsi leur proposer l'évolution de carrière à laquelle ces personnels peuvent prétendre, grâce à l'expérience acquise.

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Vous connaissez parfaitement, chère Anne Genetet, le travail qui a été engagé, avec l'ambition d'offrir aux AESH, dans la continuité de la proposition de loi de Mme Victory, un temps de travail le plus complet possible, tout en revalorisant leur rémunération. Je le répète : depuis 2017, la rémunération des AESH a été revalorisée de plus de 40 %. Nous partageons donc tous la préoccupation d'améliorer la situation et l'attractivité de ce métier.

L'accès à un temps plein et, dans la mesure du possible, au sein d'un même établissement constitue un enjeu très important. Nous devons faire en sorte que les AESH, qui interviennent parfois dans plusieurs établissements – parce que les notifications des MDPH y ont conduit – et subissent des temps de trajet parfois longs, puissent sortir de situations difficiles à vivre. Je l'ai rappelé tout à l'heure : il existe des situations assez ubuesques, dans lesquelles des AESH se croisent sur la route pour intervenir chacune le même jour dans deux établissements identiques. Il faut donc œuvrer, avant tout, à mieux structurer leur temps de travail. Ensuite, il faudra sans doute réfléchir à d'autres pistes de missions qu'elles seraient à même de remplir, afin d'être en mesure de proposer un temps complet à toutes celles qui le souhaitent et de sortir des temps partiels subis, comme c'est trop souvent le cas dans cette profession.

Enfin, je partage vos propos quant à une meilleure reconnaissance des acquis de l'expérience – cela fait partie des travaux en cours. Je crois beaucoup, de façon générale, à la validation des acquis de l'expérience et il serait nécessaire de la mettre en place pour les AESH notamment, afin de leur permettre de poursuivre leur vie professionnelle vers d'autres métiers, notamment du médico-social, pour lesquels elles disposeront certainement de toutes les compétences.

M. le président
La parole est à M. Bertrand Sorre.

M. Bertrand Sorre (EPR)
Les accompagnants d'élèves en situation de handicap jouent un rôle essentiel dans la vie des établissements scolaires et je tiens à saluer, à mon tour, leur professionnalisme et leur engagement indéfectible. Étant moi-même un ancien professeur des écoles en Segpa, je peux témoigner de leur engagement au quotidien et de l'importance de leur action.

La loi du 16 décembre 2022 a apporté des avancées significatives pour les AESH, notamment avec la hausse très importante du nombre de personnels bénéficiant d'un CDI. Nous partions de tellement loin – vous l'avez souligné, madame la ministre. Je tiens à saluer l'engagement du président de la République depuis 2017, ainsi que des gouvernements successifs.

Par ailleurs, la rémunération des personnels a été revalorisée. À cette augmentation s'ajoute une indemnité de fonction, ainsi qu'une prime de 10 % pour les AESH référents. L'État a également pris en charge la pause méridienne, jusqu'alors financée par les collectivités territoriales, permettant ainsi aux AESH d'accéder, et c'est une nouveauté, aux prestations sociales de l'éducation nationale.

Cependant, malgré ces avancées notables, malgré les 2 000 postes supplémentaires inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) pour l'année 2025, la précarité demeure une réalité pour une partie d'entre eux. En effet, leur revenu net mensuel reste souvent inférieur au seuil de pauvreté. Cette situation est principalement due à la quotité de travail, directement liée au rythme scolaire, ce qui empêche de percevoir une rémunération suffisante.

En outre, de nombreux AESH déplorent un manque de formation initiale et continue tout au long de leur carrière, alors que celle-ci est essentielle pour s'adapter aux évolutions du métier et aux besoins, toujours différents, de chaque élève. C'est pourquoi, madame la ministre, au-delà des mesures de rémunération que vous entendez prendre, ma question porte sur le sujet crucial de la formation. Envisagez-vous de renforcer et d'élargir l'offre de formation initiale et continue pour ces personnels ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Le principal enjeu, c'est que les AESH bénéficient bien des soixante heures de formation auxquelles ils ou elles peuvent prétendre avant leur prise de fonction. Cela renvoie à nos échanges sur la nécessité d'anticiper les besoins et de ne pas découvrir des notifications au fil de l'année alors que les parents impatients de voir arriver l'accompagnant ou l'accompagnante de leur enfant ne comprendraient pas que l'AESH qu'ils attendent parte se former.

Ce qui, au-delà, me paraît très important, c'est que les membres de l'équipe éducative, comme ceux de l'équipe de vie scolaire, puissent partager un certain nombre de formations. Nous devons travailler ensemble : l'éducation nationale – avec ses personnels de santé scolaire –, les AESH, les équipes médico-sociales, les professeurs.

Les formations sur la prise en compte des situations de handicap, ouvertes aux enseignants, doivent également pouvoir bénéficier aux AESH. J'ai adressé des instructions en ce sens aux recteurs et aux directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen). Ils devront s'assurer que ces formations sont proposées et partagées dans chaque académie et dans chaque département afin que les élèves en situation de handicap soient pris en charge de manière globale.

M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP)
Vingt ans après la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la France ne se donne toujours pas les moyens d'avoir une école inclusive.

À la rentrée, première école que je visite : une élève inscrite mais déscolarisée, faute d'accompagnement ; une enseignante qui interrompt son cours pour s'occuper, comme elle peut, de cette autre élève qui va d'une classe à l'autre, sans activité, pour la même raison. Deuxième école que je visite : les AESH y sont passées, en un an, de deux à sept. Les élèves qui ont besoin d'un accompagnement individuel à temps complet n'ont droit qu'à quelques heures dans la semaine, les autres n'ont plus rien.

Cette réalité, nous l'observons tous dans nos circonscriptions. La pénurie d'accompagnantes, pourtant, n'est pas une fatalité : elle est la conséquence directe des conditions de travail indignes de ce métier pourtant essentiel. Les AESH, pour 98 % d'entre elles, se voient imposer un temps partiel et leur revenu est nettement inférieur au seuil de pauvreté.

En Italie, tous les professeurs sont formés à des pratiques inclusives, disposent d'un matériel adapté et de l'appui d'un enseignant spécialisé, affecté dans leur classe. En France, on demande aux AESH d'accompagner des enfants avec tous les types de handicap, après une formation indigente de seulement soixante heures, en distanciel. C'est honteux – nous parlons d'accompagnement humain.

Plutôt que de prendre de vraies mesures de professionnalisation, le gouvernement a choisi de gérer la pénurie par la mutualisation des moyens avec les Pial. Résultat : des conditions de travail encore dégradées – deux heures dans un établissement et trois dans un autre, sans prise en compte des temps de trajet, sans aucune continuité dans l'accompagnement des élèves, sans considération pour la difficulté d'intervenir dans des situations très différentes. Magnifique optimisation, qui aggrave le sentiment de la perte de sens du métier !

Les solutions, pourtant, on les connaît : prendre en compte le travail invisible de préparation, d'autoformation et de coordination avec les enseignants par un temps plein de vingt-quatre heures, créer un statut de fonctionnaire avec une formation digne de ce nom et des perspectives d'évolution, réduire les effectifs des classes pour qu'il soit possible d'y pratiquer la différenciation pédagogique. C'est le sens de la proposition de loi de Nadège Abomangoli et Murielle Lepvraud.

Quels sont vos arguments, madame la ministre, pour vous opposer à ces mesures de bon sens – en dehors de raisons budgétaires à courte vue ? La maltraitance institutionnelle subie pas les AESH, les enfants et leurs parents coûte bien plus à notre société que les économies que l'on réalise sur leurs dos. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Steevy Gustave applaudit également.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Ce qui me frappe, chaque fois que j'entends des députés de La France insoumise parler de notre école, de l'école de la République, c'est la description apocalyptique qu'ils en font.

Mme Clémence Guetté
Venez dans nos circonscriptions !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Vous semblez vous employer en permanence à rompre la confiance des Français envers l'école publique ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Et cela me choque, au nom de tous nos professeurs, de tous les personnels de l'éducation nationale, qui font le maximum pour accompagner au mieux nos jeunes et leur permettre de s'émanciper.

Mme Anne Stambach-Terrenoir
C'est de leur souffrance dont nous parlons !

Mme Clémence Guetté
Vous ne faites pas le maximum !

Mme Zahia Hamdane
Quelles sont vos solutions ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Nous sommes passés de 2 milliards d'euros consacrés à l'école inclusive en 2017 à 4,5 en 2025 : est-ce là ce que vous appelez des économies budgétaires ? Passer de 90 000 AESH en 2017 à 143 000 aujourd'hui, est-ce cela des économies ?

Mme Anne Stambach-Terrenoir
Et la formation ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Sur les notifications, je vous invite à revoir la répartition des missions. Ce sont les MDPH qui notifient les accompagnements – le cas échéant mutualisés – et l'éducation nationale y répond. Vous n'étiez pas là, madame la députée,…

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Si, elle était là !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
…mais j'ai déjà eu l'occasion de le dire : je souhaite que nous anticipions et que nous prenions en charge les élèves en situation de handicap sans avoir à attendre les notifications. Nous avons commencé à le faire à la dernière rentrée avec les pôles d'appui à la scolarité. Je souhaite que nous développions cette approche à la rentrée prochaine, en vue d'une généralisation en 2027. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. le rapporteur applaudit également.)

Mme Anne Stambach-Terrenoir
On va faire en fonction des moyens et non des besoins ! C'est scandaleux !

M. le président
La parole est à Mme Anaïs Belouassa-Cherifi.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP)
La loi du 11 février 2005 édictait un principe clair et louable : les élèves en situation de handicap doivent être scolarisés dans des milieux dits ordinaires. Deux décennies plus tard, la réalité est loin de ces belles promesses. À la rentrée 2024, ce ne sont pas moins de 20 000 élèves en situation de handicap qui se sont retrouvés sans établissement scolaire, tandis que des milliers d'autres se voient limités dans leur accès à l'éducation. L'école inclusive, lorsqu'elle se heurte à un manque criant de moyens, reste un idéal inaccessible.

L'insuffisance du nombre d'AESH est le principal problème. Ces professionnels, indispensables au succès de l'inclusion scolaire, sont sous-payés, précarisés, insuffisamment nombreux. Le développement des pôles inclusifs d'accompagnement localisés les amène à devoir s'occuper de plusieurs enfants en même temps dans plusieurs établissements – au détriment de ces enfants.

Si la loi de 2022 a permis de tripler le nombre d'AESH en CDI, le quotidien de ces personnes n'en est pas modifié pour autant, pas plus que leur rémunération ou leurs perspectives de carrière.

Si l'on veut une école véritablement inclusive, les AESH, préalablement à leur prise de poste, doivent recevoir une formation complète sur tous les types de handicap.

Neuf AESH sur dix, il faut le rappeler, sont des femmes, exerçant bien souvent à temps partiel et rémunérées en moyenne 900 euros par mois, ce qui les situe bien au-dessous du seuil de pauvreté.

Il est urgent de revaloriser ce métier. Notre intention n'est pas de noircir le tableau, mais de vous alerter, madame la ministre, sur ces réalités qui sont, partout, celles des élèves et des AESH.

Je voudrais donc vous entendre sur ces trois points fondamentaux : l'évolution de la rémunération des AESH, leur formation en amont et tout au long de leur carrière, et leur intégration, primordiale, aux équipes pédagogiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Steevy Gustave applaudit également.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
Je vous rejoins dans l'idée que nous avons fait une partie du chemin. Nous avons augmenté considérablement les moyens consacrés à l'école inclusive, ce qui nous permet d'accueillir désormais 520 000 jeunes en situation de handicap. Parmi eux, 30 000 devraient en toute logique être accueillis dans des établissements médico-sociaux : des places seront créées dans ces derniers, à cet effet, la rentrée prochaine. Les jeunes y seront mieux accompagnés, sans que ne soit rompu le lien avec les établissements scolaires – nous serons alors vraiment dans une société inclusive.

Nous devons bien évidemment progresser encore et aller au-delà des avancées rendues possibles par la loi de décembre 2022. Nous devons mieux anticiper les besoins d'accompagnement des jeunes, sans les découvrir au fil des notifications des MDPH. C'est le rôle des pôles d'appui à la scolarité que nous avons créés, qui nous permettront d'anticiper le recrutement et la formation des AESH.

Nous devons, enfin, réfléchir à une organisation qui nous permettra de proposer différentes missions, au sein d'un même établissement, aux AESH.

Je peux vous assurer de ma détermination à mener ce travail à bien.

M. le président
La parole est à M. Lionel Vuibert.

M. Lionel Vuibert (NI)
La lutte contre la précarité des AESH mérite toute notre attention et tout notre engagement : il y va de la dignité et du bien-être de nos enfants et de ceux qui les accompagnent.

Dans mon département, les Ardennes, on recense 2 400 élèves en situation de handicap. Près de la moitié d'entre eux bénéficie d'une notification d'accompagnement, à temps plein ou à temps partiel, individuelle ou mutualisée. Les hommes et les femmes qui les accompagnent, que l'on appelle parfois "les invisibles de l'éducation", jouent un rôle essentiel dans l'éducation et dans l'épanouissement de ces enfants. Dans les Ardennes, 559 AESH sont actuellement en activité, pour seulement 338 équivalents temps plein – contrats qui, pour près de la moitié d'entre eux, sont des CDD.

Ces chiffres, s'ils sont encourageants en comparaison de la situation qui prévalait avant 2022, révèlent toutefois la préoccupante précarité de la majorité de ces professionnels : des accompagnants qui doivent cumuler plusieurs emplois pour pouvoir joindre les deux bouts, des assistants d'éducation qui peinent à obtenir des situations stables.

La loi de 2022 a été un premier pas dans la reconnaissance de leur travail ; nous devons néanmoins interroger son efficacité. Les accompagnants sont les piliers de l'inclusion scolaire. Nos enfants peuvent bénéficier, grâce à eux d'un accompagnement adapté : il est de notre devoir de garantir qu'ils disposent des moyens nécessaires pour exercer leurs missions dans de bonnes conditions.

La lutte contre la précarité des AESH et des assistants d'éducation est un enjeu de justice sociale. Ensemble, faisons en sorte que la loi de 2022 ne soit pas qu'un point de départ, mais un véritable tremplin vers un système éducatif toujours plus juste et inclusif. Les mesures prises ont-elles réellement amélioré les conditions de travail et la rémunération des accompagnants ? Les formations, indispensables, sont-elles accessibles et adaptées ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État
La loi de décembre 2022 a rendu possibles d'incontestables progrès. C'est grâce à elle que les deux tiers des AESH bénéficient aujourd'hui d'un CDI. Dans le même temps, Bertrand Sorre l'a rappelé, nous avons pris de nombreuses mesures de revalorisation de la rémunération des AESH – à temps plein, elle serait de 1 600 euros net par mois. Demeure malheureusement, et c'est ce qui nous occupe aujourd'hui, le problème de la quantité de travail. Avec une charge de travail de 24 heures hebdomadaires, dans le premier degré, multipliée par 36 semaines, et en ajoutant les semaines de formation auxquelles ont droit les AESH, on arrive seulement à ce fameux deux tiers de temps – on ne peut s'en satisfaire.

Nous devons donc travailler à organiser mieux encore notre système, pour mieux former les AESH, qui doivent devenir des membres à part entière des équipes éducatives et travailler en coordination avec leurs collègues. Ces derniers – professeurs et acteurs de la vie scolaire – devraient pouvoir bénéficier également de formations à la prise en charge des élèves en situation de handicap.

Il faut que nous reconnaissions enfin la juste place de ces hommes et de ces femmes – nombreux et surtout nombreuses – au sein de l'éducation nationale. C'est tout le sens de mon engagement.

M. le président
Le débat est clos.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 11 mars 2025