Conseil des ministres du 12 mars 2025. Le bilan de la politique de lutte contre le terrorisme.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Auteur(s) moral(aux) : Secrétariat général du Gouvernement

Texte intégral

Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a présenté une communication dressant le bilan de la politique de lutte contre le terrorisme.

1. La menace terroriste reste d'actualité

Le dispositif français de lutte antiterroriste a connu une montée en puissance sans précédent depuis les années 2010, marquées par le retour de la menace à un niveau inédit. La période d'accalmie constatée depuis la fin des années 1990 a en effet pris fin en mars 2012 avec l'affaire Mohamed Merah, puis avec les attaques massives de Paris et de Nice en 2015 et 2016. 50 attaques terroristes islamistes ont ainsi été perpétrées depuis 2012, conduisant à la mort de 274 personnes et causant plus de 800 blessés.

Plus récemment, après une période de 18 mois sans attentat, le niveau de la menace s'est soudainement élevé depuis le mois d'octobre 2023 avec la reprise du conflit israélo- palestinien, puis la chute récente du régime syrien, qui a renforcé l'instabilité géopolitique régionale : 6 attaques, dont 3 mortelles, ont été perpétrées sur notre sol depuis. En 2024, les services ont déjoué 9 projets d'attentats, portés la plupart par des sympathisants de l'état islamique, qui demeure la principale menace exogène.

La menace endogène reste dominante, armée d'individus sympathisants de la cause jihadiste, souvent jeunes et éloignés de la mouvance radicale traditionnelle : 70 % des impliqués dans des projets d'attentat depuis 2023 avaient moins de 21 ans, radicalisés en ligne pour la plupart.

2. Notre démocratie a su se doter d'un arsenal anti- terroriste d'ampleur

Face à ce défi majeur pour la sécurité de la Nation, les gouvernements successifs ont doté la lutte antiterroriste d'une gouvernance nouvelle et de moyens juridiques et capacitaires renforcés.

Une gouvernance clarifiée et confortée. La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), créée en avril 2014 a été instituée en 2018 cheffe de file de la lutte antiterroriste, tant en matière opérationnelle qu'au titre de la doctrine, disposant pour ce faire depuis 2019 d'un état-major permanent (EMaP) rassemblant l'ensemble des services de renseignement et judiciaires concourant à cette mission.

La coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) a instauré dès juin 2017, à la demande du Président de la République, un cadre d'échange entre les services de renseignement mobilisés et le parquet national antiterroriste (PNAT) et assure le suivi du plan d'action contre le terrorisme. A ce titre, elle est chargée par le Président de la République de l'organisation des retours d'expérience des attentats terroristes perpétrés et d'émettre des propositions d'amélioration du dispositif de lutte antiterroriste. En miroir de l'organisation des services, l'institution du PNAT en 2019 a centralisé le traitement judiciaire.

Un réarmement juridique. La loi "renseignement" de juillet 2015, modifiée en 2021, est l'acte fondateur, qui confie davantage d'instruments aux services de renseignement. La loi "SILT" d'octobre 2017, sous l'impulsion du Président de la République, l'a complétée en intégrant dans le droit commun les mesures nées de l'état d'urgence. Elle a élargi les moyens juridiques de l'autorité administrative aux fins de prévention des actes de terrorisme en lui permettant de disposer :

  • de périmètres de protection (dits "périmètres SILT") ;
  • du pouvoir de fermeture des lieux de cultes ;
  • de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) ;
  • de visites domiciliaires et de saisies.

D'autres textes ont renforcé la prise en compte de l'apologie du terrorisme et de l'entreprise terroriste individuelle (EIT). La loi relative à la sécurité publique a instauré un mécanisme inédit de communication officielle des actes judiciaires aux services de renseignement appelé "renseignarisation". De même, en 2021, au lendemain de l'attentat perpétré contre Samuel PATY en octobre 2020 et pour lutter contre le phénomène de "doxing", a été créée l'infraction de diffusion d'information personnelles exposant à un risque direct d'atteinte à l'intégrité physique (223-1-1 du code de procédure pénale).

Ces textes ont permis d'assurer la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques à arsenal juridique constant.

Des moyens humains et budgétaires renforcés pour les services. L'ensemble des services de renseignement et services judiciaires concourant à la lutte antiterroriste a bénéficié de renforts de personnels et de moyens financiers très conséquents.

La DGSI, par exemple, a connu depuis 2017 :

  • une hausse de 34 % de son effectif (+ 1 282 agents) ;
  • un doublement de son budget, en investissement comme en fonctionnement.

De même, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) a vu ses moyens humains en hausse de près de 25 %, avec également 1 300 agents de plus.

Les capacités techniques et matérielles des services ont connu une trajectoire analogue, afin d'accroître la détection et l'entrave.

Afin de mieux lutter contre les relais de la cause terroriste dans l'espace numérique, le parquet national de lutte contre la haine en ligne et la plateforme Pharos de la police judiciaire ont démultiplié leurs moyens pour assurer un traitement judiciaire plus réactif.

Parallèlement, la prise en compte des individus radicalisés souffrant de troubles psychiques, 16,5 % des individus signalés au fichier de traitement des signalements pour la prévention du terrorisme (FSPRT), a également été rénovée, prenant appui sur :

  • le partage d'informations et le suivi des individus inscrits au FSPRT dans les groupes d'évaluation départementaux (GED) présidés chaque semaine par les préfets de département avec l'autorité judiciaire et les différents services de renseignement, y compris le renseignement pénitentiaire ;
  • les échanges réguliers entre les ministères de la santé et de l'intérieur ;
  • l'interconnexion de fichiers (HOPSYWEB et FSPRT en 2020) ;
  • la mise en place d'une cellule dédiée à la DGSI en 2022.

Après la loi "PATR" de 2021, deux circulaires conjointes des ministres de l'intérieur et de la santé d'avril 2021 et d'octobre 2022 sont venues encadrer et promouvoir ces coopérations. De même, la vigilance à l'endroit des détenus radicalisés ou condamnés pour terrorisme ou des sortants de prison a appelé un renforcement des moyens consacrés au suivi, tant par le ministère de la justice que par le ministère de l'intérieur (à date, 353 détenus condamnés pour terrorisme et 422 détenus radicalisés).

La mobilisation des outils mis en place a été significative :

Le renforcement des capacités de détection et d'entrave a permis de déjouer 86 attentats islamistes depuis 2012 dont 55 depuis 2017. Plusieurs ont été déjoués durant les jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

À ce jour, plus de 15 000 individus sont déclarés au FSPRT, déployé en octobre 2015.

Depuis 2016, 19 072 interdictions administratives de territoire (IAT) ont été prises, dont 11 429 en 2024. Depuis 2018, 2 456 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) ont été signées, 1 586 visites domiciliaires ont été réalisées, 1 579 périmètres de sécurité ont été mis en œuvre. Depuis 2019, 73 déchéances de nationalité ont été prononcées.

126 jihadistes revenant de la zone syro-irakienne ont été incarcérés et 316 mineurs returnees sont actuellement pris en compte sur le territoire.

3. La mobilisation doit demeurer active

La mobilisation nationale contre le terrorisme doit se poursuivre et s'amplifier au regard de l'intensité de cette menace vitale pour notre société et pour nos institutions.

Nos sociétés connaissent depuis 30 ans une révolution technologique dont se sont naturellement emparés criminels et terroristes. L'avènement et la banalisation des messageries cryptées grand public au cours des années 2010 ont été un point de rupture pour nos forces, qui rencontrent des difficultés pour capter les contenus échangés par ces derniers. Il en va de même pour les interceptions satellitaires.

L'utilisation des algorithmes, nécessaire pour traquer les apprentis terroristes parmi les millions de données circulant chaque minute sur internet, ou le recours à l'intelligence artificielle pour gérer les données récoltées par les interceptions, constituent aussi les défis législatifs et technologiques.

Il reste aujourd'hui à compléter le dispositif législatif par un volet propre aux individus encore radicalisés qui sortent de prison, en particulier pour ceux souffrant de troubles psychiatriques.

La conciliation entre l'efficacité de la lutte anti-terroriste et l'exercice des libertés fondamentales est ainsi au cœur de la lutte anti-terroriste, tout autant que le combat contre le crime organisé qui doit s'inspirer de ces outils. Notre démocratie saura trouver les voies et moyens pour y parvenir.

Enfin, il convient de continuer à soutenir, en "aval", les victimes des attentats et leurs proches, et de tout faire, en « amont », pour déjouer de nouvelles attaques : c'est le sens de la présence du Président de la République et du garde des sceaux hier, 11 mars, à Strasbourg, à l'occasion de la journée européenne en mémoire des victimes des attentats, puis de la pose de la première pierre du futur site unique de la DGSI par le Président de la République et le ministre de l'intérieur. À la demande du Président de la République, c'est ainsi, entre les deux futurs sièges de la DGSI et de la DGSE, un effort de 2,6 milliards d'euros que la Nation consent pour soutenir ses services de renseignement et, par là-même, la lutte déterminée contre le terrorisme.