Interview de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à TF1 le 14 mars 2025, sur la lutte contre la fraude sociale, le renforcement du nutriscore pour les produits salés, sucrés et gras et le laboratoire Sanofi.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : TF1

Texte intégral

SEHLA BOUGRIOU
Bonjour Catherine VAUTRIN, merci d'être avec nous.

CATHERINE VAUTRIN
Bonjour,

SEHLA BOUGRIOU
Vous présentez, aujourd'hui, un plan de lutte contre la fraude sociale 13 milliards d'euros estimés, en tout, à l'heure où les Français sont appelés à faire un effort considérable pour renforcer l'armée. Concrètement, comment allez-vous faire pour récupérer une partie de cet argent ?

CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, ce n'est pas que l'armée. Parce que finalement, le budget de la sécurité sociale de notre pays, c'est 650 milliards d'euros. Il y a 22 milliards de déficit. Donc, vous voyez, c'est 13 milliards de fraude par rapport à 22 milliards de déficit. C'est un enjeu majeur. Et donc l'idée, c'est évidemment d'aller chercher tous ceux qui fraudent. Ceux qui fraudent, par exemple, c'est celui qui ne déclare pas son travail et donc, à ce moment-là, il n'y a pas de cotisations sur le travail. Alors que le modèle de la sécurité sociale, c'est la solidarité intergénérationnelle portée par le travail. Donc, déjà, ça pose un problème. Le deuxième sujet, c'est l'allocataire du RSA qui fraude. L'exemple le plus criant, vous lisez tous les jours dans les journaux, qu'on arrête, par exemple, un trafiquant de drogue et on découvre qu'il avait des sommes en liquide, chez lui, très important, et en même temps, il est bénéficiaire du RSA, c'est inacceptable. Donc, vous voyez, ce sont des sujets sur lesquels, il qu'on aille recouvrer partout où on peut aller recouvrer.

SEHLA BOUGRIOU
Et comment ? De quelle manière ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, sur les entreprises, c'est le travail qui est fait par ce qu'on appelle l'URSSAF, qui suit des contrôles, qui regarde la situation des entreprises et qui, non seulement, dit à l'entreprise, vous nous devez, par exemple, 10 000 euros de cotisations sociales, mais ensuite, nous avons des professionnels qui vont chercher cet argent, ça va jusqu'au tribunal où des personnels de l'URSSAF sont au tribunal aux côtés des magistrats pour récupérer l'argent. Un autre exemple pour l'entreprise, très concret, c'est quand une entreprise fait travailler une autre entreprise et lui demande s'il est à jour de ces cotisations sociales. Cela, c'est un certificat qui est fait par l'URSSAF.

SEHLA BOUGRIOU
Vous parliez, à l'instant, des trafiquants. Lundi, l'Assemblée nationale examinera cette proposition de loi contre le narcotrafic. Typiquement, pour récupérer cet argent qui est perçu par ces trafiquants, comment vous faites ? Cela passe par une meilleure communication, notamment entre les services ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, au-delà de la communication entre les services, évidemment, cela passe par un travail entre la justice et les administrations sociales et fiscales…

SEHLA BOUGRIOU
Qui ne communiquent pas assez, aujourd'hui.

CATHERINE VAUTRIN
L'objectif est très concrètement de voir comment on récupère cet argent et bien évidemment, pourquoi pas, d'aller récupérer une partie de l'argent du narcotrafic. Vous avez deux idées. D'abord, se faire rembourser ce qu'ils ont indûment perçu et d'autre part, pourquoi pas, aller taxer une partie de l'argent qui est récupérée.

SEHLA BOUGRIOU
Une petite parenthèse je ne sais pas si vous avez vu que Laurent WAUQUIEZ, lui, propose de plafonner l'ensemble des revenus tirés des aides sociales à 70 %. Cela ne concerne pas la fraude, mais tous les bénéficiaires aujourd'hui des aides sociales. Que répondez-vous ?

CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, on fait déjà une première chose qui me paraît très importante. On a commencé le 1er mars dernier avec l'idée de remplir à la source les déclarations de RSA et de prime d'activité. Premièrement, cela aide les bénéficiaires parce que c'est compliqué, entre le salaire brut, salaire net, beaucoup de nos concitoyens se trompaient. D'autre part, cela permet évidemment, là encore, de lutter contre le trafic. Après, si vous voulez, ce qui est important, c'est de regarder, que chacun soit dans son droit, son juste droit. Après, je laisse la campagne électorale de la droite républicaine se dérouler…

SEHLA BOUGRIOU
Fermer la porte.

CATHERINE VAUTRIN
Mon objectif aujourd'hui, il est déjà de regarder très concrètement le revenu, finalement social, de référence. Comme aujourd'hui, on a un revenu fiscal de référence. Cela permet que chacun sache exactement où il en est.

SEHLA BOUGRIOU
J'en parlais au début de cette interview. Les efforts budgétaires seront considérables ces prochains mois. Les syndicats, les groupes politiques qui continuent de lutter pour revenir sur l'âge de départ légal à la retraite qui a été fixé à 64 ans l'année dernière. Qu'est-ce que vous leur dites aujourd'hui ?

CATHERINE VAUTRIN
Je suis très prudente puisqu'aujourd'hui, Jean Jacques MARETTE réunit les syndicats. Vous le savez, il se retrouve tous les jeudis. Il y avait une réunion hier et pour l'instant, ce que nous avons demandé aux partenaires sociaux, organisations patronales comme organisations représentant les salariés, nous leur avons demandé de travailler sur un retour à l'équilibre aux alentours pour l'année 2030. Derrière, on les laisse travailler. J'ai entendu, il y a quelques minutes Marylise LEON dire "C'est une chance de négocier". Je ne vais pas commencer à leur dire ce qu'il faut faire. Laissons les négocier et reprenons les propositions. Et je souhaite ardemment qu'ils puissent effectivement faire des propositions. Parce que ce que l'on joue, c'est le maintien de notre modèle social.

SEHLA BOUGRIOU
Vous avez la double casquette, vous êtes ministre du Travail, mais aussi de la Santé…

CATHERINE VAUTRIN
Et de la famille et des solidarités.

SEHLA BOUGRIOU
Exactement.

BRUCE TOUSSAINT
Beaucoup de casquettes.

SEHLA BOUGRIOU
Exactement. Vous avez un très large portefeuille. Il y a un étiquetage bien connu des Français. C'est le nutriscore. L'arrêté gouvernemental se faisait attendre depuis début 2024 pour le renforcer, pour être plus sévère avec les produits salés, sucrés et gras. La ministre de l'Agriculture était contre, cela s'est débloqué, aujourd'hui, vous vous en félicitez ?

CATHERINE VAUTRIN
Tout le Gouvernement est rassemblé autour d'une volonté. Premièrement, lutter contre le surpoids, l'obésité. Pourquoi ? Derrière cela génère des sujets aussi lourds que les maladies cardiovasculaires, le diabète et certains cancers. Derrière quelles solutions ? Informer les Français. Le nutriscore y contribue. C'est une innovation française, je le rappelle, le professeur HERCHBERG qui a mis en place le nutriscore.

SEHLA BOUGRIOU
Vous entendez ? Je vous interromps, vous entendez les critiques, elle estime, la ministre de l'Agriculture, que cela pénalisera les emblèmes de notre gastronomie. Le ROQUEFORT, trop gras, trop riche trop salé…

CATHERINE VAUTRIN
Nous avons travaillé avec Annie GENEVARD et je veux travailler et je veux souligner le travail qui est le sien. L'idée, c'est de dire que nous avons d'excellents produits de la gastronomie française et du terroir, qui sont de très bons produits, qu'on doit consommer avec modération. La référence du nutriscore, c'est 100 grammes. Je ne pense pas que vous mangiez, en une fois, 100 grammes de ROQUEFORT. Mais tout le sujet, c'est un très bon produit, mais comme d'autres, il faut en consommer de temps en temps avec modération. Mais cela fait la réputation de notre pays, donc être raisonnable sur ce que l'on mange, mais évidemment continuer à travailler sur le sujet de la gastronomie française. Un dernier point là-dessus, vous le savez, les distributeurs sont très engagés, c'est un élément important, informer les Français sur ce qu'ils consomment, c'est les aider à mieux consommer.

BRUCE TOUSSAINT
Les producteurs, eux aussi pourraient décider de ne pas mettre le nutriscore sur leur produit, tout simplement.

CATHERINE VAUTRIN
Mais ils ont le choix, ils font ce qu'ils veulent, Il n'y a aucune obligation. En fait, ce que nous avons fait, c'est que l'arrêté qui sort est un arrêté qui propose de prendre la nouvelle qualification du nutriscore. Une entreprise qui ne veut pas le faire ne le fait pas. Ce n'est pas une obligation, c'est une indication. En revanche, ce que l'on voit, c'est que dans le choix des Français, la notion de nutriscore est une information qu'ils regardent et qui les fait préférer certains produits à d'autres.

SEHLA BOUGRIOU
Catherine VAUTRIN, un dernier mot, si vous le permettez, sur ce qui est en train de se passer avec le laboratoire SANOFI. Après le Doliprane, le laboratoire tricolore se sépare de son usine qui fabrique l'Aspégic. D'abord, est-ce que vous regrettez ce désengagement au niveau de la santé grand public et ensuite, est-ce que vous avez obtenu des garanties sur les emplois ? Plus de 276 emplois, pour être précise dans le Loiret.

CATHERINE VAUTRIN
Comme vous l'imaginez, il y a deux sujets derrière ce que vous dites. Le premier, c'est la souveraineté industrielle française et c'est particulièrement important en matière de médicament. Deuxièmement, il y a évidemment l'accompagnement de chacun des salariés et la nécessité de préserver leur employabilité.

SEHLA BOUGRIOU
Merci beaucoup Catherine VAUTRIN.

BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Catherine VAUTRIN, merci Sehla BOUGRIOU. On va se retrouver dans quelques instants.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2025