Texte intégral
M. le président
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : " La politique du logement ", à la demande du groupe Horizons & indépendants. La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
(…)
La parole est à Mme la ministre chargée du logement.
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement
Grâce à l'initiative du groupe Horizons, nous évoquons ce soir un sujet majeur pour les Français : le logement. Le logement dans toutes ses composantes. Il a des effets sur la vie de tous nos concitoyens. Toutes vos interventions l'ont souligné et le constat est partagé : le logement est un pilier de nos politiques d'emploi, de santé, de transition écologique, de solidarité.
Or le secteur du logement est en crise. Là aussi, toutes vos interventions l'ont rappelé et les constats convergent. Ces circonstances font que l'exercice auquel je me prête devant vous est complexe. Je suis toutefois convaincue qu'en matière de logement, il est au moins possible d'arriver à un constat commun et que nous pouvons avoir une conjonction de bonnes volontés.
Dès mon arrivée, il y a quelques mois, j'ai pris des mesures d'urgence qui étaient nécessaires, compte tenu de la situation que vous venez tous de rappeler.
M. Inaki Echaniz
Qu'avait fait votre prédécesseur ?
Mme Valérie Létard, ministre
Grâce à la loi de finances, tout d'abord, le prêt à taux zéro a été élargi à tout le territoire pour le neuf, en plus d'être maintenu pour l'ancien en zone détendue, ce qui est de nature à favoriser le retour des ménages vers l'accession à la propriété. Cette extension concernera aussi bien les appartements que les maisons individuelles, et elle sera effective définitivement le 1er avril prochain, c'est-à-dire dans une semaine.
Certains d'entre vous ont évoqué l'augmentation des DMTO. J'ai plaidé, et cela a effectivement été maintenu dans le budget, pour que les primo-accédants qui bénéficieront du PTZ, dans l'ancien particulièrement, ne soient pas touchés par cette augmentation. L'exonération de DMTO sera effective pour les primo-accédants bénéficiant du prêt à taux zéro.
J'ajoute qu'un décret publié il y a quelques jours va permettre de cumuler le prêt à taux zéro dans l'ancien avec MaPrimeRénov' : vous le voyez, un large panel de solutions est proposé aux ménages modestes primo-accédants, afin que leur accession à la propriété devienne vraiment possible. (M. François Jolivet applaudit.)
Nous avons également accompagné la production de logements sociaux, qui doit être l'un des moteurs de la reprise. Le taux du livret A a baissé au 1er février 2025 et nous avons baissé la réduction de loyer de solidarité (RLS) –? c'est-à-dire la ponction qui est faite sur les fonds propres des bailleurs sociaux – pour la première fois depuis 2017. Cela va permettre de produire 100 000 logements et d'en rénover 130 000, grâce à l'engagement de tous les acteurs du logement social, dont je salue les efforts. Ils ont d'ailleurs signé un engagement collectif en ce sens, sous la présidence d'Emmanuelle Cosse et avec tous les présidents de fédérations.
Plusieurs d'entre vous –? M. Jeanbrun, notamment – ont évoqué les difficultés que peuvent rencontrer les maires et ont appelé à encourager et à soutenir les maires bâtisseurs. Je rappelle qu'une prime aux maires bâtisseurs, annoncée et décidée par le premier ministre, figure effectivement dans le budget, et qu'elle s'élève à 100 millions d'euros. Une circulaire, qui est en train d'arriver entre les mains des préfets, va immédiatement entrer en application : elle permettra d'accorder des aides directes aux maires, qui iront de 1 000 à 5 000 euros par logement, en fonction de différents indicateurs, notamment le type de logement et le respect des normes environnementales. C'est tout l'environnement du logement qui sera pris en compte. Tous les logements seront concernés, mais une bonification sera accordée pour les logements sociaux.
En complément, il importe de soutenir l'investissement locatif, compte tenu notamment de la fin programmée du Pinel. Grâce à la loi de finances et au soutien de nombreux parlementaires, en particulier de François Jolivet, qui a été moteur, il est désormais possible de donner jusqu'à 100 000 euros à ses enfants et à ses petits-enfants pour qu'ils achètent un logement neuf ou qu'ils fassent des travaux. Cette mesure, qui est transitoire, a vocation à dynamiser et à encourager la transmission entre générations, à favoriser l'investissement des primo-accédants dans le neuf, mais aussi à proposer du locatif abordable pour ceux qui auraient bénéficié de cette transmission.
Cette mesure est appelée à laisser la place à un cadre pérenne, sur lequel Mickaël Cosson et Marc-Philippe Daubresse travaillent depuis plusieurs semaines. Nous leur avons en effet confié la mission de réfléchir aux contours d'un futur statut du bailleur privé. L'enjeu est d'encourager l'investissement privé de nos concitoyens dans la pierre, qui souffre actuellement d'une désaffection. Si nous avons besoin de soutenir la production de logements sociaux, nous avons également besoin d'encourager les familles françaises à investir dans la pierre, afin de proposer une offre locative à nos concitoyens. Ce sont deux démarches qui, loin de s'opposer, se complètent. Si nous n'activons pas ces deux leviers, nous ne pourrons pas créer la dynamique qui est nécessaire pour satisfaire le besoin de logement que partagent toutes les catégories socioprofessionnelles, des plus modestes aux plus aisés. Il faut que nous soyons au rendez-vous de la production de logement.
Ce budget a aussi permis de maintenir le parc d'hébergement d'urgence et de dynamiser le plan Logement d'abord. Dans la mesure où les besoins sont énormes et ne cessent d'augmenter, les capacités d'accueil du parc d'hébergement d'urgence seront maintenues à 203 000 places durant l'année 2025, comme en 2024. Le gouvernement a par ailleurs débloqué 250 millions, afin d'assurer le financement de l'année 2024. Le plan Logement d'abord, qui consiste depuis 2018 à orienter les personnes sans-abri ou mal logées le plus rapidement possible vers le logement, tout en assurant un accompagnement social adapté à leurs besoins, s'est vu allouer 29 millions supplémentaires en 2025, afin de contribuer à l'objectif de 30 000 créations de places en intermédiation locative et de 10 000 places en pensions de famille sur la période 2023-2027. Depuis 2017, ce sont 50 000 personnes sans domicile qui ont été relogées, dans le cadre de ce dispositif.
Nous avons préservé le soutien à la rénovation énergétique, avec 2 milliards d'euros de l'État pour MaPrimeRénov'. La stabilité des paramètres des travaux, à laquelle je m'étais engagée, a été sécurisée en décembre, et je poursuis les efforts pour soutenir la dynamique sur le terrain. Contrairement à ce qui a pu être dit, la rénovation énergétique, ça marche, puisque 350 000 logements ont été rénovés, et que cela représente plusieurs centaines d'euros d'économies de charges pour les propriétaires occupants et les locataires qui ont bénéficié de ces rénovations. Dire que cela fonctionne, ce n'est pas nier que la dynamique est complexe et que l'effort demandé est important. J'ai entendu vos questions relatives au DPE et à d'autres aspects ; j'y reviendrai en détail lors de nos échanges, mais j'insiste sur le fait qu'il faut poursuivre nos efforts, au bénéfice de ceux qui occupent ces logements, et afin que leur pouvoir d'achat ne soit pas affecté.
Enfin, nous avons soutenu le financement de la rénovation urbaine et de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), avec un abondement de 50 millions. Une revue des projets est actuellement menée par les équipes de l'Anru, afin de se projeter dans le futur.
Je suis à l'œuvre pour que ces mesures portent leurs fruits, pour aller plus loin et pour décliner nos politiques publiques sur le terrain. Loger mieux, cela passe d'abord par la production de logements. Nous devons nous atteler à diminuer les coûts de production, par des simplifications en matière d'urbanisme et de normes de construction. Je pense là aussi aux territoires ultramarins et insulaires, que Mme Lebon a évoqués, où ces problématiques sont particulièrement sensibles. J'étais hier à Bruxelles ; je veillerai à ce que les orientations prises au niveau européen intègrent ces enjeux et que les textes européens ne soient pas surtransposés, pour maîtriser les coûts.
Pour produire plus de logements, il faut développer l'industrie de la transformation urbaine. Je serai demain dans les Hauts-de-Seine pour soutenir la transformation de bureaux vacants en logements, notamment étudiants, en m'appuyant sur des cas concrets et en prolongeant les travaux législatifs conduits par Romain Daubié.
Les bailleurs sociaux sont les principaux producteurs. La compression de l'échelle des salaires rend le logement social de plus en plus important dans les parcours résidentiels : c'est tout le sens de la baisse du taux du livret A, de la baisse de la RLS et de la mise en œuvre de la feuille de route signée avec le secteur. C'est aussi le sens de la production de logements étudiants, que nous devons dynamiser, après une année 2024 historique, où près de 10 000 logements sociaux ont été agréés.
Nous ne produirons pas non plus sans les élus locaux. Il faut de la simplification, notamment pour faciliter la délivrance des autorisations d'urbanisme et la baisse de l'artificialisation des sols, en lien avec François Rebsamen, qui suit de près la question du ZAN, que nombre d'entre vous ont évoquée, car elle est consubstantielle à nos politiques du logement et de l'aménagement. Je souhaite qu'un maire bâtisseur, un maire qui développe son territoire, soit un maire qui gagne, parce qu'il donne des solutions à ses habitants.
Loger mieux, cela implique aussi que les logements produits répondent aux besoins. Il y a des publics auxquels la solidarité nationale doit apporter son concours, parce que c'est l'un des piliers de notre pacte républicain. C'est le cas d'abord des personnes sans-abri. Il faut maintenir la dynamique engagée avec le plan Logement d'abord, lancé par le président de la République en 2018. Je serai par ailleurs particulièrement attentive au développement de la prise en charge de l'hébergement des femmes victimes de violence, en leur dédiant 2 000 places supplémentaires.
Loger mieux, cela implique de mobiliser le parc existant, mais aussi de l'exploiter mieux, c'est-à-dire d'en assurer la rénovation énergétique, en lien avec Agnès Pannier-Runacher. Au-delà de la stabilité des aides, à laquelle je me suis engagée, je veux continuer à donner confiance dans la rénovation énergétique. J'ai lancé, il y a dix jours, un plan pour restaurer la confiance dans le DPE et nous avons évité, en 2024, 230 millions de fraudes sur plus de 40 000 dossiers. C'est la preuve que nos systèmes fonctionnent, et nous allons continuer à les améliorer. Je suis mobilisée pour lutter contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil. Les décrets de la loi adoptée il y a un an seront tous pris dans trois mois, et nous irons plus loin.
Concernant l'aménagement du territoire, je suis élue d'un territoire très particulier, dans le bassin minier. Je connais la désindustrialisation, l'habitat indigne, les centres-villes qui se vident. Je sais combien il importe de planifier, de soutenir et de financer. Je crois qu'une vision de l'aménagement du territoire est nécessaire, au niveau local et au niveau national.
J'aimerais, pour finir, évoquer un sujet qui me tient particulièrement à cœur, du fait de mon parcours professionnel et politique : celui de la rénovation urbaine. Je serai très attentive à la mise en œuvre des programmes Anru. Aujourd'hui, tous les crédits ont été répartis et tous les quartiers sont en chantier, avec 3 460 opérations livrées, 12 000 en cours et 2,4 milliards de subventions versées. Je veillerai à ce que nous poursuivions cet effort. L'État y prend sa part en 2025 et nous préparons activement l'avenir, avec la revue de projets que j'ai évoquée, dont les conclusions me seront remises à la fin du mois de mai.
Mesdames et messieurs les députés, voilà ce que je voulais rappeler avant de répondre à vos questions.
Mme Ségolène Amiot
Les habitants seront-ils entendus ?
Mme Valérie Létard, ministre
Ils sont entendus tout au long du parcours, puisque la concertation démarre dès le début, dès la préparation d'un programme de rénovation urbaine. Si vous êtes mobilisée sur cette question, madame la députée, vous savez par ailleurs qu'il existe, dans tous les territoires et les quartiers, des instances de concertation régulière, pour s'assurer que les projets prennent en compte les attentes des habitants.
Je suis prête à répondre à vos questions. Vous l'aurez compris, le gouvernement est déterminé à mettre le logement au cœur de ses politiques publiques. Croyez-moi, je ferai en sorte que la question du logement, qui est au cœur des préoccupations de nos concitoyens, parce qu'elle touche aussi à leur pouvoir d'achat, ne soit pas oubliée, bien au contraire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR.)
M. Inaki Echaniz
Mieux vaut Létard que jamais !
M. le président
Nous en arrivons aux questions.
La parole est à M. Xavier Roseren.
M. Xavier Roseren (HOR)
Des métropoles aux stations touristiques en passant par les villes moyennes, la crise du logement touche désormais toutes les régions de France. Les travailleurs ne trouvent plus à se loger, les jeunes ne peuvent plus rester au pays, faute de logements abordables, les centres-villes se vident, sous la pression du marché des meublés de tourisme. Face à cette situation, nous avons adopté un texte essentiel, la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale : elle prévoit pour ces meublés un DPE obligatoire, met un terme aux avantages fiscaux disproportionnés dont ils faisaient l'objet, donne davantage de pouvoirs aux maires et permet d'instaurer, dans le cadre du plan local d'urbanisme (PLU), une servitude de résidence principale. Il convient désormais d'aller encore plus loin.
M. Inaki Echaniz
C'est vrai !
M. Xavier Roseren
Trois communes de la vallée de Chamonix ont ainsi limité le nombre des meublés de tourisme dont une même personne physique peut être propriétaire. Ce premier pas est encourageant ; néanmoins, le problème vient aussi des personnes morales, autrement dit des sociétés. Des fonds d'investissement achètent des immeubles et y installent des boîtes à clés, transformant des quartiers entiers en hôtels déguisés ; si nous voulons être efficaces, ces quotas doivent donc également s'appliquer aux personnes morales. L'enjeu est clair : empêcher que le logement ne serve plus qu'à faire du profit, au détriment de ceux qui souhaitent y vivre toute l'année. Nous n'avons fait que la moitié du chemin ; il reste urgent d'agir. Quelles mesures le gouvernement entend-il prendre pour que nos logements ne soient pas massivement convertis en meublés touristiques par des investisseurs qui échappent aujourd'hui à toute régulation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. –? M. Stéphane Vojetta applaudit également.)
M. Inaki Echaniz
Très bonne question !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Vous l'avez rappelé, la loi du 19 novembre 2024 dote les collectivités de nouveaux outils pour réguler la création de meublés de tourisme et lutter contre l'attrition des résidences principales. Je salue, bien sûr, les initiatives locales, y compris dans la vallée de Chamonix, qui révèlent qu'elles se sont d'ores et déjà emparées de ces dispositions,…
M. Inaki Echaniz
C'est vrai !
Mme Valérie Létard, ministre
…notamment l'obligation de déclarer ces meublés en mairie et de les enregistrer auprès d'un téléservice national. Les communes qui le souhaitent peuvent également fixer des quotas d'autorisation de changement d'usage et délimiter des secteurs où toute construction nouvelle est soumise à une servitude de résidence principale. Le contenu de la loi s'applique aux personnes physiques comme morales : une délibération du conseil municipal peut définir un régime d'autorisation temporaire de changement d'usage permettant à une personne physique ou morale de louer en tant que meublé de tourisme un local à usage d'habitation, et la possibilité de poser des quotas, liée au même article, s'étend aux biens des personnes morales. J'espère que cette réponse va dans le sens que vous attendiez.
M. Inaki Echaniz
Bravo à ceux qui ont écrit cette loi ! (Sourires.)
M. le président
La parole est à M. Salvatore Castiglione.
M. Salvatore Castiglione (LIOT)
Ma question, madame la ministre, concerne un sujet que je sais essentiel à vos yeux : l'Engagement pour le renouveau du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais (ERBM). Lancé en 2017, ce vaste programme prévoit entre autres la rénovation, notamment thermique, de 23 000 logements miniers en dix ans, ce qui permettra aux habitants des cités minières de retrouver des logements dignes et économes en énergie. Il y a là, pour ce territoire, une extraordinaire occasion à saisir dans tous les domaines : habitat, mobilités, emploi, formation, santé, culture, accès aux droits et aux services. L'ERBM contribue en effet à créer et soutenir les conditions d'un renouveau social, économique et urbain du bassin minier.
Sur ces 23 000 logements, les opérations de réhabilitation subventionnées par les signataires de l'ERBM et celles conduites, sans subventions, par les bailleurs sociaux ont permis, fin 2023, d'en livrer 11 000. Le 2 décembre dernier, vous avez tenu, lors d'une visite à Wallers-Arenberg, à assurer les élus locaux du soutien du gouvernement, ce qui, au sein du projet de loi de finances pour 2025, s'est traduit par une enveloppe supplémentaire de 8 millions d'euros consacrée à la rénovation de logements sociaux dans le cadre de l'ERBM. Cette augmentation du budget constitue pour notre territoire une excellente nouvelle : pouvez-vous nous indiquer comment, concrètement, ces crédits seront utilisés, et comment vous envisagez le travail en commun visant à planifier le prochain budget ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
L'État s'est effectivement engagé à cofinancer, de 2017 à 2027, un programme de rénovation des cités minières, à raison de 100 millions d'euros pour rénover les logements et autant pour aménager les espaces publics. Concernant le premier volet, qui relève du ministère chargé du logement, les financements de l'État atteignent, fin 2024, 124 millions, soit davantage que la promesse initiale ; comme je m'y étais engagée, le gouvernement a prévu, pour 2025, 8 millions supplémentaires, destinés à de nouvelles listes d'opérations travaillées avec les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), pour un total de 497 logements. La sélection de ces opérations est en cours.
S'agissant du second volet, celui des espaces publics, qui revient au ministère chargé des collectivités territoriales, l'État, entre 2022 et fin 2024, aura déboursé plus de 42 millions, soit près de la moitié de l'enveloppe. D'ici à fin 2027, il lui reste donc trois ans pour verser le reste, en s'alignant sur le calendrier des projets. La budgétisation pour 2025 s'élève à 17,5 millions, tous crédits confondus. À la fin de l'année 2024, sur les 200 millions prévus en tout, près de 170 millions avaient été engagés ; de plus, l'État a répondu présent chaque fois que des besoins complémentaires ont été identifiés, et continuera de le faire. Quant au déploiement, à la priorisation, M. le préfet y travaille pour l'année 2025, et anticipe déjà 2026 –? bien que les choses ne puissent, bien entendu, prendre forme qu'une fois que le débat budgétaire aura eu lieu.
M. le président
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot (GDR)
Ma collègue Lebon vous l'a dit, La Réunion a atteint un point de non-retour. Elle occupe désormais le quatrième rang des territoires où les loyers sont les plus élevés : 16 euros par mètre carré, dans une île où la moitié de la population vit avec moins de 1 100 euros par mois ; 1 000 logements sociaux construits par an, pour plus de 45 000 demandes non traitées. Il faudrait des offres mixtes, il faudrait passer par l'intermédiation locative, capter les 30 000 logements vacants du parc privé et leur donner un but social, comme le fait l'agence Soleil.
Il faut agir, à l'instar du Sénat, qui a récemment adopté en première lecture la proposition de loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer. Faisons en sorte que ce texte achève rapidement son parcours : nous sommes asphyxiés !
Le logement constitue en lui-même une priorité ; une autre est le confort thermique. Il devient urgent de construire des habitations adaptées à notre réalité climatique. La Réunion ne se trouve pas en Europe, le bon marché finit par y coûter cher, et le peuple paie le prix fort : il arrive que des logements neufs se révèlent insalubres ! Quelles seront vos prochaines actions en la matière ? Le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) prévoit un test de faisabilité pour les régions ultrapériphériques : vous engagez-vous à prendre cette mesure ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Vous avez évoqué, après votre collègue, la situation de La Réunion, et plus généralement des réalités ultramarines plus accentuées encore que dans l'Hexagone. Les priorités en matière de logement y sont différentes : il importe de considérer chaque espace avec beaucoup d'attention et de la façon la plus fine possible. Plus spécifiquement, vous avez mentionné la proposition de loi de Mme Audrey Bélim, adoptée au Sénat, il y a quinze jours, avec le soutien du gouvernement, puis transmise il y a trois semaines à l'Assemblée nationale ; au sujet des normes de construction qui affectent le quotidien des Réunionnais, le chantier est ouvert, et sera fondamental en vue de réduire les coûts, ce à quoi tend ce texte. Nous devons travailler à instaurer, par bassin, des comités relatifs aux produits de construction outre-mer : beaucoup reste à faire, car il convient d'aller chercher les solutions au plus près, afin, tout en améliorant la situation, de développer l'activité économique.
Je relancerai aussi la concertation au sujet des normes paracycloniques à La Réunion, celle-ci, contrairement aux Antilles, n'ayant pu bénéficier de l'évolution de la réglementation, faute d'accord avec les acteurs locaux de la construction. L'actualité nous a démontré la fréquence et la violence des événements climatiques : nous sommes déjà en retard, mais comptez sur notre engagement, qui sera renforcé dans le cadre du prochain plan Logement outre-mer, le Plom 3. Nous sommes en train de terminer ce dernier, en lien avec le ministère des outre-mer ; la concertation devra impliquer tous les élus, parlementaires compris, et nous essaierons d'être à la hauteur de vos attentes, du moins de travailler en bonne intelligence avec vous.
Mme Ségolène Amiot
Les deux premiers Plom ont échoué, croyez-vous que le troisième fonctionnera ?
M. le président
La parole est à M. Patrice Martin.
M. Patrice Martin (RN)
Lorsqu'ils récupèrent leur logement en fin de bail, nombre de propriétaires se sentent insuffisamment protégés. Malgré des dispositifs tels que l'état des lieux contradictoire ou le dépôt de garantie, les dérives observées sont inquiétantes : dégradations volontaires –? et cachées ; travaux non réalisés, refus, par vengeance, de signer l'état des lieux de sortie ; abandon des lieux par le locataire, sans restitution des clés. Il s'ensuit des coûts importants, de longues démarches, un sentiment d'impuissance…
M. Inaki Echaniz
Avec vous, c'est toujours la faute des locataires !
M. Patrice Martin
…et d'insécurité, qui peut les faire tarder à louer à nouveau leur bien. Censé constituer un moyen de s'émanciper financièrement, de sécuriser et diversifier ses revenus, de constituer un patrimoine durable, transmissible, l'investissement locatif est compromis. Quelles mesures comptez-vous prendre afin de protéger ces propriétaires et de garantir que leur logement leur sera restitué en bon état ? Comment comptez-vous lutter efficacement contre les abus ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Pour un particulier, l'investissement locatif dans la pierre comporte des risques ; afin d'encourager les ménages des classes moyennes à y trouver, par exemple, un complément de retraite, nous veillons à la visibilité, à la transparence et à l'attractivité du dispositif. C'est pourquoi, je le rappelais tout à l'heure, nous avons confié à MM. Mickaël Cosson et Marc-Philippe Daubresse une mission parlementaire visant à déterminer un statut fiscal du bailleur privé, l'idée étant d'accompagner les investisseurs pour qu'en dépit de ces difficultés, le retour sur investissement soit facilité et les conditions favorables. Cette valorisation devrait combattre le découragement des intéressés.
En tout cas, le chantier est lancé. Je ne peux pas encore en préciser les contours puisque nous aurons les retours en juin. Néanmoins, l'objectif est de préparer le débat budgétaire pour 2026, dans lequel ce sujet sera abordé, afin de redonner un cadre et du contenu pour favoriser les bailleurs privés.
M. le président
La parole est à M. Jorys Bovet.
M. Jorys Bovet (RN)
Je souhaite évoquer l'objectif du zéro artificialisation nette, inscrit dans la loi climat et résilience de 2021, qui vise à stopper l'artificialisation des sols d'ici à 2050. Cette réglementation réclamée par des lobbys écologistes déconnectés des réalités des Français fait naître des difficultés concrètes : elle freine le développement immobilier et industriel et rend encore plus difficile l'accès au logement pour des milliers de familles.
Mme Ségolène Amiot
Qui cuiront dans leurs logements, si on ne fait rien !
M. Jorys Bovet
Cette surenchère de normes trouve un écho particulièrement fort dans les territoires ruraux. Dans le département de l'Allier, dont je suis un élu, ces contraintes réglementaires pèsent lourdement sur les acteurs du bâtiment. En effet, les petites communes rurales, déjà en proie à des difficultés économiques, démographiques et sociales, manquent de moyens techniques et financiers pour appliquer les objectifs du ZAN. Ces normes freinent le développement local, limitent les possibilités de rénovation ou de construction et accentuent les inégalités territoriales.
En effet, le ZAN favorise les grandes métropoles, au détriment des zones rurales, dont les besoins sont souvent ignorés. Il privilégie des décisions technocratiques sur celles des élus locaux, qui sont pourtant les mieux placés pour prendre des décisions d'intérêt général concernant leurs territoires.
À l'heure où l'urgence devrait être de refaire de la France une puissance industrielle, il est urgent d'assouplir les contraintes liées au principe du zéro artificialisation nette, qui freine nos ambitions de développement. L'accumulation excessive de normes pénalise les professionnels de l'immobilier et du bâtiment, provoquant une intensification des tensions sociales, un creusement des inégalités territoriales, ainsi qu'une mise en péril de notre économie. Ne laissons pas des exigences trop rigides compromettre nos ambitions industrielles et menacer la croissance de nos territoires. Il est temps de trouver un équilibre entre transition écologique et réalité économique. (M. Patrice Martin applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Le Sénat a formulé de nouvelles propositions d'adaptation du ZAN dans le cadre de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite Trace, adoptée en mars par cette même chambre.
Le gouvernement soutient la démarche d'adaptation pragmatique, sans toutefois renoncer à l'objectif, ni dans les textes ni dans les faits, comme l'a rappelé le ministre François Rebsamen. Nous soutenons notamment une meilleure prise en compte des enjeux de l'industrie et proposons d'exonérer durant cinq ans environ 10 000 hectares pour la réalisation de petits projets industriels situés au cœur des territoires, en plus des programmes d'envergure nationale ou européenne (Pene) déjà identifiés. Nous veillerons à une meilleure adéquation entre l'emploi et le logement, en prévoyant une part de logements dans ces projets industriels. Nous avons également prévu de décaler la première période d'application –? initialement prévue de 2021 à 2031 – à 2024-2034, afin de tenir compte des années blanches au cours desquelles les collectivités n'ont pas pu agir. Enfin, nous avons proposé de maintenir la comptabilisation en espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf), que les collectivités connaissent mieux et qui permet de densifier les dents creuses, dans l'enveloppe urbaine.
En revanche, nous estimons nécessaire de maintenir l'objectif zéro artificialisation nette autour de l'horizon 2050, ainsi que des objectifs intermédiaires qui permettront de s'assurer d'une trajectoire crédible. Nous souhaitons également maintenir le calendrier d'adoption des documents d'urbanisme et laisser au Sraddet un rôle d'impulsion.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Vojetta.
M. Stéphane Vojetta (EPR)
Nous ne comptons plus les témoignages de travailleurs modestes qui n'arrivent plus à se loger près de leur emploi. La première injustice sociale dans notre pays, c'est d'être à la fois travailleur et précaire. Le parc HLM français, pourtant le plus grand d'Europe, ne suffit plus pour les accueillir et 2,8 millions de foyers attendent depuis six ans, en moyenne, de se voir attribuer un logement social.
Pendant ce temps, une petite partie du parc HLM est occupée par des locataires qui ont atteint un niveau de revenus qui les place parmi les 20 % des Français les mieux payés…
M. Inaki Echaniz
C'est faux !
M. Stéphane Vojetta
…ou qui possèdent un bien immobilier adapté à leurs besoins…
M. Inaki Echaniz
C'est encore faux !
M. Stéphane Vojetta
…ou susceptible de leur procurer des revenus suffisants.
C'est pourquoi le groupe Ensemble pour la République a choisi d'inscrire à l'ordre du jour de sa niche parlementaire la proposition de loi, dont je suis le rapporteur, visant à favoriser la rotation au sein du parc de logements sociaux.
M. Inaki Echaniz
Ah ! Le titre a déjà changé !
M. Stéphane Vojetta
Il s'agit d'un texte de justice sociale qui propose que la générosité de notre système de protection sociale profite à ceux qui en ont le plus besoin, plutôt qu'à ceux qui n'en ont plus besoin.
Lundi prochain, en séance, je tendrai de nouveau la main aux députés qui souhaiteront débattre d'améliorations sur ce texte. Je suis notamment prêt à en retirer les sanctions aux bailleurs, à exempter de surloyers les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), à assurer aux bailleurs l'accès à l'information nécessaire aux contrôles.
Pourtant, certains députés refuseront de nouveau d'en débattre. Au lieu de protéger les demandeurs modestes, ils choisiront de protéger quelques dizaines de milliers de propriétaires d'un bien immobilier adapté mais qui continuent à occuper un logement social.
M. Inaki Echaniz
Populisme !
M. Stéphane Vojetta
Ils choisiront de protéger ceux qui gagnent désormais plus que 80 % des Français, mais qui continuent à occuper un logement social. Ils nous expliqueront qu'un couple avec un enfant qui gagne 7 000 euros net par mois à Cholet ou à Amiens ne peut pas se loger par ses propres moyens. Ceux qui refuseront ce débat se disent de gauche, mais ils ne font que protéger leur caste. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme Cyrielle Chatelain
Quelle caste ?
M. Frédéric Maillot
Dans tes rêves !
M. Stéphane Vojetta
Cela, au détriment de la justice sociale. Quelle gifle et quel mépris envers tous les ménages modestes qui attendent un logement HLM !
Ma question, madame la ministre, est donc simple : cette proposition de loi, soutenue par le groupe EPR, principal appui de votre gouvernement, bénéficiera-t-elle en retour du soutien du gouvernement ?
M. Inaki Echaniz
Il faut poser la question à Juliette Méadel !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Je m'inscris évidemment en soutien à tout ce qui concourt à éviter l'immobilité subie…
Mme Ségolène Amiot
Bah, ça alors !
Mme Valérie Létard, ministre
…et qui vise à favoriser une plus grande rotation dans le parc social. (M. Inaki Echaniz s'exclame.) Toutefois, cette plus grande mobilité ne doit pas être la seule réponse. Il faut adopter une approche globale et pragmatique, alors que 2,7 millions de personnes attendent un logement. Le mécanisme de supplément de loyer de solidarité (SLS) dès le dépassement des plafonds touchera environ 130 000 ménages, qui paieront en moyenne 50 euros de plus par mois. Cela peut s'entendre pour les ménages les plus aisés, mais cette mesure ne doit pas être étendue aux ménages plus modestes. C'est pourquoi je propose de la limiter aux seuls logements financés par le prêt locatif social (PLS). Je ne souhaite pas non plus l'étendre aux zones de revitalisation rurale (ZRR) ni aux QPV, car cela irait à l'encontre de l'objectif de mixité sociale dans ces quartiers, que j'ai toujours défendue au cours de ma carrière.
En ce qui concerne l'évolution du seuil pour le maintien dans le logement, nous ne disposons pas d'étude d'impact, ce qui m'incite à rester prudente. Cette mesure pourrait toucher au maximum 30 000 ménages en stock dans les zones tendues, à l'exception des personnes âgées de plus de 65 ans qui ne doivent pas être concernées par ces dispositions. Si la symbolique est évidemment cohérente, le volume est assez marginal au regard du parc et de ses presque 5,5 millions de logements. La question se posera en outre de la capacité des ménages à se reloger dans le parc privé, dans le même secteur.
Par ailleurs, je me positionnerai en défaveur des sanctions prévues envers les bailleurs sociaux et je suggérerai à votre assemblée de faire porter la charge de la preuve à l'administration fiscale s'agissant des contrôles. L'Agence nationale du contrôle du logement social (Ancols) assure déjà ces contrôles, et tous ceux qui en ont fait l'expérience savent que cet organisme est d'une exigence absolue. Sachez que pour les ménages qui dépassent les 150% du plafond, l'Ancols exerce déjà des contrôles et adresse des notifications aux bailleurs sociaux, avec les exigences, voire les sanctions, correspondantes –? elle est donc tout à fait en mesure de le faire.
En ce qui concerne la prise en compte du patrimoine, le cadre est flou et difficile à calibrer.
M. Inaki Echaniz
Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup !
Mme Valérie Létard, ministre
Il s'agira de veiller à ce que les biens dont il est question soient équivalents –? je pense aux critères de décence de zones géographiques, ainsi qu'à ceux qui sont propriétaires dans des situations familiales compliquées, sans forcément l'avoir choisi.
Vous l'aurez compris, si l'objectif est louable, il faut travailler à un texte équilibré et je suis tout à fait disposée à le faire avec l'ensemble des députés de cet hémicycle.
M. Inaki Echaniz
Et donc ? Vous retirez votre proposition de loi pour y retravailler ?
M. Stéphane Vojetta
Nous en débattrons !
M. le président
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP)
Vingt ans après la création de l'Anru, quel est le bilan ? Des destructions massives : 175 000 logements rasés, dont 164 000 logements sociaux. Et l'Anru continue, avec un financement garanti jusqu'en 2026.
À Nantes, un quartier entier est rasé et 600 familles déplacées ; la démolition des immeubles est justifiée par l'insalubrité due au manque d'entretien, tandis que d'autres bâtiments, en parfait état, sont détruits pour améliorer la vue ! C'est le cas des vingt logements sociaux qui disparaîtront au 34-36 rue Romain Rolland, dans le cadre du projet Grand Bellevue. Ce ne sont pas seulement des bâtiments qui disparaissent, mais vingt foyers qui sont déracinés.
Détruire un logement social, c'est chasser des familles, les priver de leurs repères, de leurs voisins, de leur réseau de solidarité. Ce sont des relogements plus chers, plus loin, dans des lieux mal desservis, et des enfants désorientés.
Et pour quels résultats ? 48,4 milliards d'euros ont été investis, sans l'ombre de la mixité sociale promise. Et pour cause : les pauvres, parqués en périphérie dans les années 1970, se retrouvent aujourd'hui au cœur de villes saturées. Alors on les déplace, on rase tout et on construit pour ceux qui peuvent acheter.
Pire, sur les 164 000 logements sociaux détruits, seulement 142 000 seront reconstruits. Le principe « un logement détruit, un logement construit » était encore une fausse promesse. 28 000 familles attendent encore, à Nantes, un logement social.
Pourquoi persister dans cette politique absurde ? Pourquoi ne pas valoriser l'existant ? Pourquoi ne pas entretenir ou réhabiliter ? Cette politique est un scandale social, financier et écologique. Et combien d'émissions de CO2 supplémentaires pour reconstruire à nouveau ? Combien de quartiers déstructurés et d'histoires effacées au nom de la gentrification ?
Madame la ministre, quand cesserez-vous cette folie de la démolition ? Quand mettrez-vous enfin les habitants au cœur des décisions, pour tenir compte de leurs besoins, de leurs souhaits et non de votre vision ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
La rénovation urbaine est un outil essentiel du modèle français en matière de logement. Il a connu un succès collectif, même s'il est long, complexe et difficile à déployer. Vous connaissez certainement des quartiers prioritaires de la politique de la ville, sur lesquels l'effort est concentré. Il faut reconstruire et repenser ces territoires dans leur ensemble, en transformer l'urbanisme, favoriser la mixité sociale et ne pas laisser se constituer des ghettos ou des types de logement dans lesquels on ajoute de la pauvreté à la pauvreté. Il faut reconnecter ces quartiers à la ville, réinventer les fonctionnalités d'un quartier pour qu'il redevienne un quartier de ville à part entière, et le faire avec ses habitants.
Il est vrai que, dans le cadre de certains projets, des démolitions sont réalisées, même si l'Agence nationale de rénovation urbaine est très attentive à les limiter au maximum.
Mme Ségolène Amiot
600 foyers ont été déplacés ! 600 foyers !
Mme Valérie Létard, ministre
Lorsqu'il y a des démolitions, il y a aussi une reconstitution de l'offre. Le besoin de logements ne doit pas tout justifier. Les élus locaux, de gauche comme de droite, sont les premiers, parfois, à demander des démolitions. Il faut que les reconstructions de logements sociaux suivent pour reconstituer l'offre. Elles sont actuellement réalisées à 55 % et elles se poursuivent. L'Anru a majoré ses aides dans les grandes agglomérations les plus en tension pour atteindre ses objectifs.
Pour transformer ces territoires, il faut les recomposer. Il faut limiter les démolitions autant que possible. (Mme Danielle Simonnet s'exclame.) Néanmoins, elles sont parfois nécessaires dans le cadre de la reconquête et de la reconstitution d'un urbanisme…
Mme Ségolène Amiot
Tout ce qu'on fait, c'est déplacer les pauvres plus loin !
M. le président
Attendez ! Vous avez posé votre question, madame Amiot. La ministre y répond.
Mme Valérie Létard, ministre
Nous ne déplaçons pas les populations, nous transformons les quartiers.
Mme Ségolène Amiot
Tout ce que je vois, c'est qu'un quartier a été déplacé !
M. le président
La parole est à Mme Anaïs Belouassa-Cherifi.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP)
La loi de 2005 sur le handicap fixait un objectif de 100% d'accessibilité pour les nouvelles constructions. Cet engagement a été affaibli par l'article 64 de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) qui a réduit cet objectif à 20 %, sous prétexte d'arguments fallacieux. Car il n'est pas vrai de dire que construire un logement accessible coûte plus cher ; d'autant plus que l'évolution vers un logement accessible ne se produit jamais, tant le reste à charge pèse sur les personnes concernées.
Ces logements accessibles pourraient d'ailleurs profiter aussi à nos aînés et aux personnes en perte d'autonomie –? ils doivent également pouvoir vivre dignement, chez eux, s'ils le souhaitent. Ce paramètre est essentiel pour tenir compte des enjeux démographiques.
L'article 64 de la loi Elan, adoptée sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, a eu de lourdes conséquences pour les personnes handicapées : 56% d'entre elles sont confrontées à des difficultés d'accès au logement. Elles subissent trois fois plus de discriminations lors de leurs recherches et passent en moyenne vingt-sept mois à la recherche d'un logement adapté dans le parc social.
Un logement inadapté, ce sont des conditions de vie indignes. Cessons de considérer les personnes handicapées comme des citoyens de seconde zone. Orientons notre politique du logement pour elles et avec elles. C'est la raison pour laquelle mes collègues Sébastien Peytavie, Alma Dufour et moi-même avons déposé une proposition de loi visant à instaurer une accessibilité réelle des logements aux personnes en situation de handicap. L'exclusion des personnes en situation de handicap ne peut plus durer. Nous devons changer la loi et nos pratiques dans le neuf comme dans l'existant, dans le cadre de la rénovation. Rendrez-vous enfin public le rapport d'évaluation de la loi Elan qui aurait dû nous parvenir il y a quatre mois ? Soutiendrez-vous notre proposition de loi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Tout d'abord, je sais que vous êtes particulièrement impliquée sur ces questions dans le cadre de la mission d'évaluation de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Je prendrai toute ma part s'agissant du volet logement. En ce qui concerne l'adaptation des logements existants, 37 000 logements ont été adaptés en 2024 grâce à l'aide de MaPrimeAdapt'. Ce dispositif, qui représente un coût de 200 millions d'euros, a été prolongé en 2025. Les personnes en situation de handicap pourront évidemment en bénéficier.
Concernant l'habitat inclusif, ma collègue en charge de l'autonomie et du handicap, Charlotte Parmentier-Lecoq et moi-même cherchons à développer de nouvelles formes d'habitat. En particulier, 2 millions d'euros seront fléchés vers l'Anah pour lancer de nouvelles initiatives et expérimentations.
S'agissant de l'accessibilité des logements neufs, au-delà de la proposition de loi que vous défendrez et que nous étudierons, j'avais promis que le rapport relatif à l'assouplissement de la norme d'accessibilité serait remis au Parlement d'ici à la fin du premier trimestre. Il le sera dans les prochains jours –? je l'ai reçu ce soir. Enfin, nous avancerons sur le décret relatif à la mise en accessibilité des locaux professionnels dans le neuf puis dans l'ancien.
M. le président
La parole est à M. Pierre Pribetich.
M. Pierre Pribetich (SOC)
À l'heure du devoir de vigilance écologique, quelle belle idée de reconstruire la ville sur elle-même ! Quelle belle démarche écologique ! Il convient d'éviter, voire d'interdire d'utiliser la pleine terre pour construire, pour la sauvegarder. Préserver les espaces agricoles, offrir à nos concitoyens des espaces verts en ville et permettre à la ville de respirer : à l'heure d'une nouvelle extinction de masse et de l'effondrement de la biodiversité, l'impératif de reconquérir la biodiversité en ville, tout comme celui d'aménager la ville en tenant compte de l'évolution des températures en ville pour créer des îlots de fraîcheur, s'impose à nous.
Tous ces objectifs vertueux dans le cadre de la lutte contre le changement climatique se heurtent à la réalité de la ville. Reconstruire la ville sur elle-même est difficile, en raison des terrains pollués, de la complexité de la déconstruction du bâti en site occupé, des fouilles archéologiques et du montage d'opérations d'aménagement. À cela s'ajoutent le chemin de croix que représente l'instruction des permis de construire par les services d'urbanisme des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ainsi que l'attente fébrile des divers avis des services compétents –? notamment, lorsque le projet se situe en secteur sauvegardé ou en covisibilité d'un monument classé monument historique, de la position du maître des lieux, l'architecte des bâtiments de France (ABF). Enfin, l'empilement de lois, de décrets et de normes retarde le début de la réalisation des opérations.
Or la construction de logements, en particulier de logements accessibles à loyers modérés, est nécessaire, alors que la construction de logements sociaux connaît une grave crise. Elle reste tributaire des équilibres économiques, d'une équation incluant les projets d'aménagement et la durée des procédures.
Comment l'État compte-t-il accompagner financièrement la démarche écoresponsable de reconstruction de la ville sur elle-même ? Entend-il mener une véritable révolution culturelle de l'instruction des permis de construire en rendant efficientes les procédures d'urbanisme pour favoriser l'écoconstruction ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Votre question est très large. Je me centrerai sur l'enjeu qui sous-tend les différents éléments que vous avez évoqués : la reconstruction de la ville sur elle-même. Elle est une nécessité. Différentes solutions s'offrent à nous pour transformer nos territoires et réemployer les espaces : la sobriété foncière, la reconquête des friches, notamment des entrées de ville –? je pense aux friches commerciales –, et la rénovation urbaine.
Leur mise en œuvre nécessite des démarches complexes. Pour accompagner les projets, il convient de s'appuyer, d'une part, sur les outils qui ont montré leur efficacité sur de nombreux projets, tels que nos établissements publics fonciers (EPF) et les établissements publics d'aménagement (EPA), et, d'autre part, sur de nouveaux outils comme les sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national (SPLAIN). Je le répète, cela demande de l'ingénierie, du savoir-faire et des outils adaptés.
Nous pouvons encore avancer dans certains domaines. D'abord, nous menons des expérimentations dans les territoires avec certains préfets et certains opérateurs pour voir comment nous pouvons améliorer, par exemple, notre capacité à reconquérir des entrées de ville –? nous identifions les méthodes qui fonctionnent et les bonnes expériences. Ensuite, une proposition de loi de simplification en matière de code de l'urbanisme et de l'habitat sera bientôt inscrite à l'ordre du jour de cette assemblée –? je l'espère. Ce texte vise précisément à faciliter les procédures afin d'accélérer les démarches et de mieux travailler sur ces solutions particulièrement compliquées, qui sont à la fois les plus vertueuses et les plus difficiles. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Nous essaierons de mobiliser tous les outils nécessaires pour y arriver.
M. le président
La parole est à M. Pierre Pribetich.
M. Pierre Pribetich (SOC)
Dans ma seconde question, je soulignerai l'inefficacité du DPE collectif en l'absence d'accompagnement financier. La loi « climat et résilience » du 22 août 2021 a généralisé, pour toutes les copropriétés construites avant 2013, l'obligation de réaliser un DPE collectif et de définir un plan pluriannuel de travaux, afin d'inciter à l'entretien et à la modernisation de l'habitat. C'est une démarche vertueuse qu'il nous faut conforter.
Or s'agissant des petits copropriétaires –? notamment les copropriétaires modestes ou très modestes –, le DPE collectif, qui était censé améliorer l'efficacité énergétique des copropriétés, se heurte à des contraintes financières importantes. Pour surmonter ces dernières, j'ai une proposition à vous faire. Alors que les dernières possibilités de construction se limitent à la reconstruction de la ville sur elle-même et aux dents creuses, la rénovation énergétique des copropriétés est cruciale pour la transition écologique. Il convient de concevoir un dispositif qui rende accessible la rénovation. Je vous suggère de mobiliser la Caisse des dépôts et consignations (CDC) afin de créer un modèle d'avance financière qui permette un plan de rénovation accessible aux revenus modestes et très modestes. Au-delà de l'incantation, l'enjeu réside dans la capacité à accompagner financièrement les copropriétaires qui ne peuvent engager une rénovation faute de ressources suffisantes à apporter à la copropriété.
Comptez-vous mettre en place un modèle d'avance financière de manière à embarquer l'ensemble des copropriétés dans la rénovation énergétique et à garantir une transition écologique efficace de ces dernières ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Inaki Echaniz
C'était très pointu ! Nous attendons une réponse précise !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Je vous remercie pour votre question, qui soulève la question du DPE collectif et plus largement du DPE et de ses évolutions. Compte tenu du fait que nous n'avons que quelques mois de recul sur le DPE collectif –? il est très récent –, il m'est difficile à ce stade de vous donner un avis éclairé –? nous commençons à peine à en mesurer les premiers effets.
Nous menons un travail de fiabilisation du DPE. Nous avons lancé un plan pour un DPE plus sécurisé et plus fiable –? nous voulons qu'il soit irréprochable. Nous souhaitons développer la formation initiale pour que les diagnostiqueurs montent en compétence et soient formés au bon niveau, renforcer la traçabilité pour les usagers et accroître le contrôle en utilisant l'intelligence artificielle –? nous nous appuierons sur la base de données de DPE de l'Ademe. Nous renforcerons les sanctions pour garantir que le DPE et les diagnostiqueurs soient irréprochables.
Chaque année, 70 000 DPE sont des diagnostics de complaisance : c'est 70 000 de trop. Nous devons tendre vers zéro. C'est le sens des dix mesures que nous avons annoncées il y a une semaine. Le DPE joue un rôle central dans la rénovation énergétique des logements ; nous voulons en faire un outil solide et fiable. Nous avons travaillé avec la banque de la rénovation ; le rapport qui sortira très prochainement apportera, en lien avec le secteur bancaire, des solutions aux copropriétés en matière de soutien financier. Nous essaierons également de présenter de nouvelles solutions de financement.
M. Pierre Pribetich
Cela demande d'embarquer la Caisse des dépôts !
Mme Valérie Létard, ministre
Elle est dans la boucle !
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup.
Mme Josiane Corneloup (DR)
Depuis quelques années, la crise du logement s'aggrave dans notre pays : les taux d'emprunt sont au plus haut depuis plus de dix ans, nous connaissons une pénurie persistante de matériaux et de main-d'œuvre, le coût des travaux augmente et le nombre de mises en chantier s'effondre. Ce cocktail détonnant fragilise d'abord l'accession à la propriété, qui devient hors de portée pour nombre de nos concitoyens. Mais n'oublions pas son autre effet, tout aussi préoccupant : il assèche gravement l'offre locative, déjà sous tension. Un chiffre résume à lui seul l'urgence : en deux ans, l'offre locative sur le territoire a chuté de 17%, alors que les besoins ne font qu'augmenter, du fait d'une population vieillissante qui cherche à se reloger dans de plus petites surfaces mais aussi du très grand nombre de familles monoparentales.
Dans ce contexte, la loi « climat et résilience », par l'interdiction progressive de la mise en location des passoires thermiques, a ajouté une pression supplémentaire. Depuis le 1er janvier 2025, les logements classés G sont interdits à la location. Je rejoins mon collègue sur ce point : le DPE, qu'il soit collectif ou individuel, est rigide. Il ne prend pas suffisamment en compte les réalités économiques des propriétaires, notamment en milieu rural. La rénovation énergétique représente un coût énorme, souvent inaccessible pour les ménages modestes ou les petits propriétaires. Un soutien financier est tout à fait nécessaire.
Le gouvernement a amorcé un mouvement positif en élargissant le prêt à taux zéro à tout le territoire national pour les logements neufs –? je m'en réjouis. Il est nécessaire, me semble-t-il, d'aller plus loin, en agissant de façon plus ambitieuse et plus ciblée. Je me réjouis de vous entendre dire qu'il faut redonner une attractivité à l'investissement locatif auprès des bailleurs privés –? ils sont découragés par l'ampleur des contraintes et des travaux à engager.
Il me semble également que nous devons faciliter l'accès au financement pour les primo-accédants dans l'ancien, en leur permettant de bénéficier, eux aussi, du PTZ, quelle que soit la zone. Ceci permettra à la fois de répondre aux besoins de logements et de revitaliser les territoires ruraux. Il convient aussi de simplifier et d'accélérer les procédures administratives liées aux rénovations énergétiques. Quelles sont les mesures qui vous paraissent prioritaires ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Je vous remercie pour votre question qui aborde un champ assez large. Elle soulève des questions essentielles, qui sont au cœur des préoccupations de nos concitoyens.
Je me concentrerai sur la question du prêt à taux zéro. Vous avez souligné l'intérêt de développer ce dispositif, qui facilite en effet l'accession à la propriété, en particulier la primo-accession. À partir du 1er avril 2025, les conditions pour bénéficier du prêt à taux zéro seront élargies. Seront éligibles, pour les primo-accédants, les achats de logement neuf sur tout le territoire national, qu'il s'agisse d'une habitation individuelle ou d'un logement en habitat collectif, ainsi que les achats de logement ancien dans les zones B2 et C, car ce sont… (Mme Josiane Corneloup s'exclame.) C'est une partie très importante du territoire –? cela correspond aux zones détendues, c'est-à-dire à une partie significative des zones périurbaines et rurales.
Dans ces zones, les primo-accédants seront éligibles au prêt à taux zéro ; ils seront également exonérés des DMTO –? leur augmentation n'aura donc pas de conséquence sur eux. En outre, grâce à un décret publié il y a quelques jours, les acheteurs de logement ancien pourront bénéficier de MaPrimeRénov' en complément du prêt à taux zéro. Les primo-accédants profiteront donc d'avantages assez importants, qui devraient faciliter l'accès à la propriété malgré le contexte difficile. En redonnant une respiration à l'accession à la propriété nous libérerons des logements dans le secteur locatif.
M. le président
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS)
Ma question porte sur la fin de l'expérimentation du dispositif d'encadrement des loyers.
Nous le savons, les loyers explosent, en particulier dans les grandes villes, mais pas seulement. C'est pourquoi l'encadrement des loyers se diffuse un peu partout sur le territoire. Depuis la loi Alur, portée par Cécile Duflo, de plus en plus de collectivités territoriales s'emparent de cet outil, qui a fait la preuve de son efficacité pour limiter les loyers abusifs. Plus de soixante-dix communes ont instauré l'encadrement des loyers, parmi lesquelles Bordeaux, où j'étais vendredi, qui mène un travail exemplaire sur la question du logement, mais aussi Paris, Grenoble, Lyon, Lille, Montpellier ou la communauté d'agglomération du Pays basque –? les villes dirigées par les écologistes ont été moteurs. Ces collectivités se sont saisies de ce dispositif pour protéger le pouvoir de vivre des locataires.
Et cela fonctionne ! D'après l'Observatoire de l'encadrement des loyers, le dispositif est de mieux en mieux respecté. Dans l'ensemble des villes qui ont mis en place l'encadrement, le nombre de loyers supérieurs au plafond a baissé de 4 % par rapport à 2022 –? c'est insuffisant, mais c'est un début. L'Atelier parisien d'urbanisme (Apur) estime que les locataires parisiens ont économisé 1 200 euros en 2023 grâce à ce dispositif.
Certains craignaient que l'instauration d'un encadrement des loyers réduise l'offre locative –? ce n'est pas le cas. L'offre locative se contracte, certes, mais dans toutes les villes, et pas plus dans les villes qui ont instauré un encadrement des loyers. Ainsi, Nice et Toulouse subissent une diminution de l'offre locative alors qu'elles n'ont pas expérimenté le dispositif.
Cette expérimentation prendra fin en novembre 2026. Nous ne savons toujours pas si le gouvernement soutiendra une éventuelle prolongation. Madame la ministre, vous avez annoncé une évaluation du dispositif, mais vous ne vous êtes pas prononcée sur le fond : l'évaluation ne doit pas servir d'excuse à l'inaction. Les locataires concernés sont inquiets, car ils pourraient perdre en pouvoir de vivre. Certaines communes ont créé des brigades du logement, pour garantir le respect du dispositif, alors qu'elles ne savent pas s'il perdurera. Ma question est donc simple : votre gouvernement soutiendra-t-il la prolongation de l'encadrement des loyers ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
Mme Danielle Simonnet
Bravo, c'est une question fondamentale !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Vous me demandez si je compte prolonger l'encadrement des loyers. Je vous le dis très sincèrement, pour l'instant je n'ai pas d'avis sur le sujet…
M. Inaki Echaniz
Oh !
Mme Valérie Létard, ministre
…ni dans un sens, ni dans l'autre.
M. François Piquemal
Pas à nous !
Mme Danielle Simonnet
Les locataires en ont un, eux !
Mme Valérie Létard, ministre
Oui mais il convient de regarder la situation dans sa globalité : il faudra peut-être améliorer le dispositif, le modifier en prenant en compte les expérimentations en cours. Le gouvernement a lancé une mission d'évaluation de l'expérimentation, qu'il a confiée à deux économistes, chargés de partager leurs conclusions en novembre 2025 –? cela correspondra au terme de l'expérimentation. En complément, des missions sont menées par les services de l'administration centrale, qui viendront nourrir une analyse et une évaluation fine du dispositif. Dans le Pays basque par exemple, M. Echaniz suit de près une expérimentation. Il existe peut-être des pistes d'amélioration. Il faut tirer des leçons pour la suite, déterminer si l'expérimentation doit être prolongée, élargie ou non –? je n'en sais rien.
Mme Danielle Simonnet
Si !
Mme Valérie Létard, ministre
Nous nous rendrons peut-être compte que le dispositif présente des inconvénients que nous n'avions pas mesurés.
En toute honnêteté, je vous répète que je ne suis à ce stade ni pour, ni contre ce dispositif. Je souhaite que nous disposions d'éléments objectifs et consensuels pour pouvoir en débattre, qui nous permettront de prendre une décision éclairée. Il faudra prendre en compte toutes les imperfections relevées et les pistes d'amélioration possibles. Je suis désolée de ne pas vous dire…
Mme Cyrielle Chatelain
En tout cas, les collectivités vous accueilleront avec plaisir !
Mme Valérie Létard, ministre
Eh bien nous nous déplacerons, madame Chatelain ! (Sourires.)
M. Inaki Echaniz
Nous savons qu'au fond de votre cœur vous êtes pour !
M. le président
La parole est à M. Lionel Vuibert.
M. Lionel Vuibert (NI)
Le logement représente bien plus qu'une ligne dans un budget ou un chiffre dans un plan local d'urbanisme. C'est un bien essentiel, qui permet à un jeune de quitter le foyer familial, à un couple de fonder une famille, à une personne âgée de vieillir chez elle. C'est un espace de sécurité, d'intimité et d'ancrage.
Pourtant, trop de Français sont mal logés. Trop de projets restent bloqués, trop de besoins ne sont pas comblés. Pour remédier durablement à cette situation, il me semble important de ne pas s'en tenir à une approche strictement comptable. Une politique du logement efficace doit embrasser la diversité des territoires, prendre en compte la pluralité des parcours de vie et s'adapter aux besoins concrets des habitants. Trop souvent, les collectivités qui prennent leurs responsabilités en matière de construction se retrouvent paradoxalement pénalisées –? perte de dotations, pression sur leurs équipements publics, tensions sociales.
La loi ZAN, en imposant une trajectoire uniforme, frappe indistinctement métropoles et communes rurales –? c'est injuste.
M. Stéphane Vojetta
Il a raison !
M. Lionel Vuibert
Des territoires peu artificialisés, qui ne subissent pas la pression de l'étalement urbain, se voient soumis aux mêmes contraintes que les zones les plus tendues, ce qui est absurde. Il faut inverser cette dynamique, en faisant du maire bâtisseur un acteur respecté, soutenu, écouté. Voilà une condition indispensable pour redonner du souffle à notre politique du logement.
La réconciliation de la sobriété foncière et du développement ne doit pas être un vœu pieux ; c'est une exigence de justice territoriale. Cela suppose des marges de manœuvre, de la souplesse et du discernement.
C'est ce que doit permettre la proposition de loi Trace, votée au Sénat, qui assouplit certaines règles du ZAN, et redonne aux élus un peu de liberté d'action. Nous devons aller plus loin : il faut complètement exonérer des règles du ZAN les territoires dont l'artificialisation ne dépasse pas 5%. Sommes-nous prêts à faire du logement non pas un problème, mais une solution, qui réconcilierait croissance, justice sociale et cohésion territoriale ?
M. Stéphane Vojetta
Excellent !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
En fin de compte, votre question porte sur les difficultés que peuvent rencontrer les maires dans l'exercice de leurs responsabilités en matière d'aménagement du territoire et d'accompagnement de la production de logements. Ils rencontrent beaucoup de complexité, d'obstacles et de difficultés. Je sais combien nous devons être à l'écoute et au rendez-vous.
Le gouvernement sera attentif à l'initiative parlementaire qui a conduit au dépôt de la proposition de loi Trace. Au côté de François Rebsamen, qui représentera le gouvernement, vous aurez l'occasion d'essayer de trouver les voies et moyens de donner de la souplesse pour prendre en compte les réalités qui remontent des territoires et des maires, sans remettre en question la loi " climat et résilience ". Il faudra aussi trouver des solutions de financement pour faire face aux nouveaux besoins qui naîtront de nos grands projets industriels, que ce soit en équipements ou en logements.
Vous avez aussi abordé la question des attributions de logement. Nous menons une réflexion sur ce sujet avec de nombreux acteurs, dont des élus. Il faut repenser le rôle joué par les maires en la matière puisque c'est effectivement un sujet qui les préoccupe beaucoup.
Au travers de l'aide aux maires bâtisseurs, voulue par le gouvernement, 100 millions d'euros seront affectés à l'accompagnement des maires qui feront l'effort d'accélérer la production de logement dans leur commune. Ces aides iront de 1 000 à 5 000 euros par logement. Cela permettra aussi d'accompagner les maires pour adapter l'environnement du logement. La taxe d'habitation était un élément dynamique pour les élus ; il faut trouver des solutions pour la compenser.
Voilà quelques pistes de réflexion parmi d'autres.
M. le président
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 28 mars 2025