Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Valérie LETARD.
VALERIE LETARD
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
Votre prédécesseur, redevenu député, Guillaume KASBARIAN, a proposé avec l'un de ses collègues un texte pour durcir les conditions de maintien dans un logement social. Le texte a été rejeté en commission cette semaine. C'est une bonne nouvelle ou pas ?
VALERIE LETARD
Je pense qu'aujourd'hui la commission a rejeté le texte, mais le débat va avoir lieu en séance et qu'il va falloir évidemment approfondir ce sujet. Mais vous le savez, derrière cette question, peut-être que le titre allait un peu au-delà de la réalité.
SALHIA BRAKHLIA
Le titre du texte est vouloir mettre fin au logement social à vie.
VALERIE LETARD
La réalité c'est que déjà aujourd'hui la loi prévoit que lorsque vous êtes à 150% du plafond haut de revenu qui permet d'accéder au logement social, vous devez quitter les lieux. La loi le prévoit, les bailleurs doivent le faire. Et l'agence de contrôle des bailleurs sociaux qui s'appelle l'ENCOLS et dont l'émission de contrôle qui sont les siennes auprès des bailleurs sociaux déjà mandatée pour pointer du doigt, critiquer et sanctionner.
JEROME CHAPUIS
Mais est-ce que c'est appliqué ? Les chiffres ?
VALERIE LETARD
L'ENCOLS, croyez-moi, tous ceux qui savent, aujourd'hui, comment fonctionne l'ENCOLS savent que c'est une autorité d'une exigence et d'une... Enfin voilà, les sanctions pèsent, peuvent être très lourdes, il y a des bailleurs sociaux qui peuvent avoir quelques millions d'euros de sanctions.
JEROME CHAPUIS
Mais est-ce qu'on a des chiffres sur le nombre de Français, le nombre d'habitants qui quittent leur logement social chaque année ?
VALERIE LETARD
Aujourd'hui, pour tout vous dire, c'est marginal. Parce qu'en fait, les gens qui sont dans le parc de logement social en payant des surloyers, c'est vraiment plutôt très francilien, très parisien ou dans les très grandes métropoles, ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas ailleurs, mais c'est marginal. Et ce que propose la loi de Guillaume KASBARIAN, c'est de baisser ce seuil de 150% à 120%. Ce qui veut dire que 30 000 ménages en France seraient concernés au départ, c'est la fourchette, l'évaluation qu'on fait, en stock. Et qu'ensuite, annuellement, ça devrait représenter à peu près 3 000 personnes, 3 000 ménages concernés.
SALHIA BRAKHLIA
Donc ce que vous êtes en train de nous dire, Madame la Ministre, c'est que cette proposition de loi, en fait, elle ne va concerner pas grand-monde. Votre collègue Juliette MEADEL, elle, elle se félicite, elle se réjouit que le texte ait été rejeté en commission. Elle dit : " Les habitants des quartiers demeurent défavorisés socialement et s'ils vivent un peu mieux, tant mieux pour le quartier. Nous voulons de la mixité sociale, pas des ghettos ". Vous êtes d'accord avec elle ?
VALERIE LETARD
Ce que dit Juliette MEADEL, c'est que dans les quartiers politiques de la ville, et je rejoins cette position, dans les quartiers politiques de la ville, on a besoin de mixité sociale. On a besoin de gens qui ont un revenu un peu plus élevé, parce que ce que Jean-Louis BORLOO a porté, par exemple, dans la rénovation urbaine, c'est de dire : " On lutte contre les ghettos, on n'assigne pas dans certains quartiers que les ménages les plus modestes. Et donc, dans ces quartiers politiques de la ville, faisons peut-être en sorte d'exonérer de cette réalité ". De toute façon, quand vous avez 8 000 euros par mois de revenus, vous ne choisissez pas un quartier politique de la ville. Mais pour autant, la loi que propose Guillaume KASBARIAN donne un signal quand même sur la nécessité, lorsqu'on atteint un niveau de revenu supérieur pendant plus de deux ans, et au-dessus de 120%, c'est ça qu'il dit, on peut considérer que c'est un signal qui va dans le bon sens quand on a du mal à entrer dans le logement social et qu'on est en pénurie de logements. Par contre, il faut éviter d'aller trop loin dans les dispositions.
SALHIA BRAKHLIA
C'est-à-dire ?
VALERIE LETARD
Dans les quartiers politiques de la ville, il faut continuer à exonérer. En fait, Guillaume KASBARIAN voulait supprimer cette disposition, qui quand même favorise la Mixité sociale, c'est un exemple. Il voulait sanctionner les bailleurs sociaux, or c'est l'ENCOLS qui fait ce travail, il n'y a pas de raison de sanctionner directement les bailleurs sociaux, c'est l'agence.
JEROME CHAPUIS
Vous avez compris, lundi prochain, quand le texte va arriver dans sa version initiale, vous, comme ministre du logement, vous ne demanderez pas le retour de cette disposition qui était portée par votre prédécesseur, Guillaume KASBARIAN. On va en rester là, en fait.
VALERIE LETARD
Non, non, moi je suis d'accord pour faire un effort, je demande simplement à corriger les dispositions qui vont trop loin, ou qui sont déjà appliquées, ou qui auront des difficultés d'application. Mais sur le principe, et sur ces 30 000 ménages qu'il souhaite libérer, pour lesquels il souhaite libérer les logements, pour des gens qui ont moins de revenus, moi je partage cette idée.
SALHIA BRAKHLIA
Donc lui, il veut abaisser le seuil à partir duquel…
VALERIE LETARD
En fait, il faut trouver un compromis rédactionnel, il faut trouver quelque chose qui soit peut-être mieux bordé, mieux sécurisé, et ne pas toucher, par exemple, vous savez, dans les logements sociaux, il y a trois catégories de logements sociaux : PLS plus PLAI. PLAI, en clair, en français, c'est les logements les plus sociaux. Il faut faire attention que ce plafond l'applique aux PLS, aux logements de plus haut revenu.
SALHIA BRAKHLIA
Donc vous demandez plus de précisions sur ça, sur ce seuil que lui souhaite abaisser. Il y a une autre mesure dans ce texte qui, justement, divise le Gouvernement, si un bailleur social découvre qu'un de ses locataires est par ailleurs propriétaire d'un logement, je cite : " Adapté à ses besoins, ou susceptible de lui procurer des revenus suffisants pour accéder à un logement du parc privé, il pourra mettre fin au bail du locataire ". Là-dessus, vous êtes sur quelle ligne, vous ?
VALERIE LETARD
Déjà, la ligne, c'est donner les possibilités à un bailleur d'avoir tous les éléments d'information, ce n'est pas la direction des services fiscaux, donc il faut qu'il puisse avoir accès à ces situations, et après, il va falloir définir dans quelles conditions, car il n'y a pas une réalité, une seule, chaque citoyen est dans une réalité particulière par rapport à sa propre réalité.
SALHIA BRAKHLIA
Non, mais pour faire simple, ceux qui nous écoutent et qui sont peut-être concernés, s'ils héritent d'un bien qui est, par exemple, dans la Creuse, alors qu'ils habitent en région parisienne, en fait, ils peuvent se voir refuser un logement social à cause de ça ?
VALERIE LETARD
C'est ça qui doit faire l'objet du débat, parce qu'aujourd'hui, ce n'est pas très clair, il faut que le rapporteur, en tout cas du texte, nous explique dans quelles mesures il veut poser cette disposition, comment il l'aborde, et c'est ça qui définira justement jusqu'où on va. Ce que vous dites est un exemple parfait, c'est-à-dire quand on est très éloigné de son lieu d'habitation, qu'on est propriétaire de son bien, est-ce que pour autant, si on a des revenus modestes, on doit effectivement ne pas avoir accès au logement social ? C'est un débat qu'il faut qu'on ait, et peut-être que ça renverra à un décret qui nous permettra de préciser tranquillement ce que ça veut dire, justement affiné, parce qu'il n'y a pas une réalité et une seule.
JEROME CHAPUIS
Deux chiffres pour clore ce sujet sur le logement social. Aurélie TROUVE, qui est députée La France Insoumise et présidente de la commission des affaires économiques à l'Assemblée, vous avez rappelé hier qu'il y a près de trois millions de personnes qui attendent un logement social, 82 000 nouveaux logements sociaux financés pour l'année 2024, 82 000 seulement, c'est le pire résultat depuis vingt ans, comment en sort-on ?
VALERIE LETARD
Écoutez, je m'y suis employée dès mon arrivée au Gouvernement, en essayant de porter un budget qui aille dans le sens d'une relance du logement, de la production de logement, en agissant sur deux volets. Le premier, la relance de l'accession à la propriété. Vous avez vu qu'on a élargi l'accès aux prêts à taux zéro pour les ménages modestes.
SALHIA BRAKHLIA
Mais là, on parle des logements sociaux.
VALERIE LETARD
Sur les logements sociaux, je me suis battue pour qu'on rende des fonds propres aux bailleurs sociaux. Vous savez, chaque année, on ponctionne les fonds propres des bailleurs. Pour la première fois depuis 2017, j'ai obtenu dans le budget qu'on réduise cette ponction, rendre des fonds propres, et que la part du taux du livret A qui est disponible cette année pour les bailleurs, c'est 850 millions de liquidités. En contrepartie, un engagement entre les bailleurs et le gouvernement et le ministère du Logement a été signé avec Emmanuel COSSE et toutes les fédérations de logement pour s'engager dans 116 000 agréments neufs, nouveaux en 2025, et 120 000 rénovations thermiques. C'est un geste ambitieux qui est possible grâce à des financements qui ont été mobilisés au travers de ce budget. Ça n'est pas arrivé depuis très longtemps, mais il faut les réaliser.
JEROME CHAPUIS
Le livret A, l'épargne des Français, qui finance pour une bonne part le logement social à l'heure où on parle d'orienter cette épargne vers la défense, vers les armées, est-ce que ça ne risque pas de faire baisser les moyens, encore une fois, des logements sociaux ?
VALERIE LETARD
Écoutez, est-ce que ce sera le livret A, est-ce que ce sera autre chose ? Moi, ce que je pense et ce que je défends, c'est que le logement, c'est le coeur des préoccupations de nos concitoyens, que c'est un bien essentiel et que pour ma part, en ce qui me concerne, tout en faisant l'effort, comme je l'ai fait l'année dernière, de contribution à la réduction de la dette publique, on doit être ambitieux. Ce qu'on a fait dans le budget pour les logements sociaux, et donc, je me battrai pour que la part du livret A qui va au logement social soit préservée. Il y a d'autres solutions.
SALHIA BRAKHLIA
Il faut de l'argent, Madame la Ministre.
VALERIE LETARD
Pour tout vous dire, l'année dernière, c'est quelques milliards d'euros de contribution du logement à la réduction du déficit public.
SALHIA BRAKHLIA
Non, mais ce que je voulais dire, c'est qu'il faut de l'argent, Madame la Ministre, pour faire du logement social, mais il faut aussi de la volonté. Et là-dessus, les maires, en fait, ils sont obligés. Il y a une loi qui les oblige à construire du logement social.
VALERIE LETARD
Bien sûr.
SALHIA BRAKHLIA
Le nombre de communes ne respecte pas cette loi. Ils préfèrent payer des amendes.
VALERIE LETARD
Écoutez, aujourd'hui, on a essayé de mettre en place des dispositions. Il y a un contrat qui s'appelle le contrat de mixité sociale, qui permet en fait une signature d'un engagement entre un préfet et un maire pour atteindre des objectifs triennaux. Et ce projet-là permet aux maires de n'avoir qu'un niveau de sanction au lieu d'eux, parce que les maires qui ne construisent pas payent. Mais beaucoup de maires s'engagent dans ces dispositions. Ils sont aidés, en contrepartie, pour accompagner cette production de logement. Le Gouvernement, par ailleurs, a, dans son budget aussi, mis en place une enveloppe de cent millions d'euros pour aider les maires bâtisseurs, pour accompagner tout ce qui tourne autour du logement.
SALHIA BRAKHLIA
Pour les inciter, en plus de la loi qui les oblige.
VALERIE LETARD
Oui, mais il faut les deux. Parce que beaucoup de maires sont contraints dans leur foncier pour produire du logement. Ce n'est pas de la mauvaise volonté.
SALHIA BRAKHLIA
On va en reparler.
JEROME CHAPUIS
Autre dossier, parce que le logement social, il doit permettre aux plus modestes de sortir du mal-logement. Plus de quatre millions de personnes mal logées, 350 000 qui sont à la rue, c'est un record. C'est dans le rapport annuel de la Fondation pour le Logement, ex-Fondation Abbé Pierre. Et on se rappelle évidemment la promesse d'Emmanuel MACRON en 2017 : " Plus d'un homme, plus d'une femme dans la rue ". La situation est encore pire en 2025 qu'en 2017. Ça veut dire que ce n'était pas une priorité ces dernières années pour les Gouvernements qui se sont succédés ?
VALERIE LETARD
Écoutez, si tripler le budget en dix ans n'est pas une priorité, nous sommes aujourd'hui à plus de 2,9 milliards d'euros d'investis dans l'hébergement de gens.
JEROME CHAPUIS
Alors comment expliquez-vous ce résultat ?
VALERIE LETARD
Parce que vous voyez qu'il y a une réalité aussi européenne et de réalité de crise économique qui fait qu'on a une progression de la part des populations fragiles qu'il faut prendre en charge et que malgré cet effort conséquent, il y a toujours une tension et un besoin. Et pour pouvoir prendre à bras-le-corps cela, on continue, nous, non pas à réduire le budget, parce que c'est ce qu'on nous demande, non pas de réduire le budget, mais de le maîtriser, voire de diminuer les dépenses publiques dans le domaine de l'hébergement d'urgence. Même si, je suis d'accord, on peut toujours faire plus, mais ce que je veux dire c'est qu'on est loin de diminuer les crédits. Cette année, on remet 29 millions d'euros supplémentaires pour le logement d'abord. On va avoir une enveloppe de vingt millions pour les femmes et les enfants à la rue qui vont être sanctuarisées pour créer des places supplémentaires. Et juste vous dire que depuis 2017, c'est 650 000 personnes qui ont été amenées de la rue au logement grâce au plan logement d'abord et c'est 2,9 milliards d'euros. Donc oui, on peut aller plus loin. Oui, on a besoin des collectivités pour accompagner cette tension sur la situation et on a besoin d'associations qui sont mobilisées. Mais dire que le Gouvernement ne fait rien, non. Simplement, on fait face, dans toute l'Union européenne, à des besoins qui sont exponentiels. On est au rendez-vous et croyez-moi, on va continuer. Et une des solutions, vous l'avez dit monsieur, vous l'avez dit madame, c'est d'être ambitieux dans la production de logements sociaux, redonner de la fluidité et l'accession à la propriété, le prêt à taux zéro, permet à des gens…
SALHIA BRAKHLIA
On va en reparler, oui.
JEROME CHAPUIS
Encore beaucoup de questions à vous poser, Valérie LETART, ministre de Logement, invitée, ce matin, de France Info. On vous retrouve dans une minute, juste après le Fil Info, 8 h 45, Étienne CHOLEZ.
(…)
SALHIA BRAKHLIA
Valérie LETARD, la ministre du logement et de la rénovation urbaine, on manque de logements sociaux, on l'a dit, parce qu'on n'en construit pas assez, on manque de logements en général, mais ce qu'il faut dire c'est que depuis le Covid, notamment, les entreprises ont laissé des millions de mètres carrés de bureaux vides. 5 millions de mètres carrés, rien qu'en Ile-de-France. On fait quoi avec ces mètres carrés perdus ?
VALERIE LETARD
Et comme vous venez de le dire, effectivement, ces 5 millions uniquement en Ile-de-France, c'est 9 millions en France. Ça représente, sur l'Ile-de-France, un potentiel de création de 70 000 logements. Donc, vous voyez bien cette réalité, elle vient juste par un changement des habitudes de notre société. C'est que depuis le Covid, le télétravail a pris une place significative et l'organisation du travail, en fait, a changé.
JEROME CHAPUIS
Mais ce n'est pas si simple de transformer des bureaux en logements.
VALERIE LETARD
On est d'accord et ça nécessite que, justement, nous lancions un plan d'accompagnement, en tout cas des solutions, des outils à trouver pour transformer ces bureaux en logements. Première chose, il y a un texte de loi qui nécessite de passer en Commission mixte paritaire. Il faut donner le dernier petit coup de pouce et ça sera courant avril que ça se fera. C'est la proposition de loi de monsieur DAUBIE qui vise à changer les documents d'urbanisme pour simplifier le changement d'usage de ces bâtiments qui n'étaient pas faits pour faire du logement. En donnant des possibilités de permis multi-usages, en facilitant effectivement la transformation dans les documents d'urbanisme.
SALHIA BRAKHLIA
C'est-à-dire dans un quartier particulier, s'il y a une construction ou un changement de…
VALERIE LETARD
Il faut changer le règlement d'urbanisme de la collectivité pour que ce soit possible de transformer en logements. Et donc, il faut changer la loi pour que ce soit plus facile, plus accessible et qu'on puisse y arriver. Donc, ça c'est le premier point, il faut changer les règles du jeu, en tout cas les faciliter, les simplifier. La deuxième chose, il y a des expérimentations qui vont être menées sous l'autorité du préfet d'Ile-de-France pour justement s'appuyer sur des bonnes pratiques, sur une expérimentation sur le terrain pour voir comment avec tous les acteurs, les financeurs, on peut trouver des solutions qui vont alimenter deux groupes de travail. Un qui va travailler sur comment on arrive à boucler les financements parce que ça coûte cher de transformer les bureaux en logement et comment on simplifie plus encore les procédures. Et donc, un groupe qui va travailler sur les simplifications, un groupe de travail qui va plancher sur le financement. C'est une mécanique extrêmement complexe sur laquelle on avance très vite parce qu'on veut y aller.
JEROME CHAPUIS
Comment vous allez convaincre les promoteurs qui disent que ce n'est pas facile de transformer techniquement un bureau en logement parce qu'il y a plein de choses, il y a des colonnes d'eau pour les salles de bain, par exemple, et puis, il y a aussi les habitants qui n'ont pas forcément envie d'habiter dans les quartiers de bureau.
VALERIE LETARD
En tout cas moi, je peux vous dire qu'il y a déjà, et vous verrez tout à l'heure, je vais me rendre à Rueil Malmaison sur un projet exemplaire qui a été réalisé de transformation de bureau en logement qui est la preuve qu'on peut faire des choses remarquables en transformant des bâtiments qui n'étaient pas faits pour un usage différent et cet exemple montre que c'est possible.
SALHIA BRAKHLIA
Clairement, il va y avoir des aides ou pas ?
VALERIE LETARD
C'est tout l'objectif du plan qu'on va développer sur l'année 2025, c'est de voir qui mettons autour de la table, quelles solutions nous trouvons. C'est plein d'acteurs qui devront se mettre autour de la table mais très honnêtement, nous avançons là-dessus à pas de géant, il fallait commencer par changer la loi et maintenant, concrètement sur le terrain, on a des exemples, comment on fait, comment on améliore et ça c'est parti et croyez-moi, on va s'investir là-dessus.
JEROME CHAPUIS
Vous nous parlez des aides, il y a la question des aides aussi à la rénovation, notamment à la rénovation thermique. Tout à l'heure, vous disiez que vous aviez fait des efforts dans votre budget en 2025, si vous en refaites en 2026, est-ce que vous allez avoir les moyens de continuer à aider les copropriétés notamment qui ont besoin de rénover leur logement ?
VALERIE LETARD
Alors sur les copropriétés, ils font partie intégrante de ce que l'Agence Nationale d'Amélioration de l'Habitat porte et finance, aujourd'hui. Pour tout vous dire, on a devant nous des chantiers, beaucoup de copropriétés dégradées effectivement en France qu'il faut, maintenant, prendre à bras le corps, c'est lourd, c'est long, il y a une loi Habitat dégradée qui a été votée juste avant l'été dernier, de nombreux décrets sont à sortir, compliqués, qui vont permettre plein d'outils qui vont simplifier la rénovation des copropriétés dégradées.
JEROME CHAPUIS
Il y a la simplification, il y a la question de l'argent tout simplement parce qu'à la fin, jusqu'à présent, il y a des enveloppes.
VALERIE LETARD
Franchement, il y a beaucoup d'outils, aujourd'hui et de procédures qui sont compliquées et sur l'argent, quand même, au travers des financements de l'Anna, 4 milliards d'euros pour la rénovation thermique, pour Ma Prime Rénov' et l'accompagnement des copropriétés dégradées. Il faut continuer l'effort et dans le cadre aussi du futur de la rénovation urbaine, il faudra regarder avec attention la place des copropriétés dégradées aussi dans les programmes de rénovation urbaine.
SALHIA BRAKHLIA
Au-delà de ça, sur la rénovation énergétique, depuis le 1er janvier 2025, il est donc interdit, en théorie, de louer un logement classé G. Dans les faits, certains logements sont toujours à louer ou occupés par des locataires. Il n'y a pas suffisamment de contrôle ?
VALERIE LETARD
Sur les autorisations louées, aujourd'hui, au Sénat, sur le bureau du Sénat, il y a une proposition de loi qui traite du calendrier DPE.
SALHIA BRAKHLIA
Non mais c'est déjà interdit, les logements classés G, c'est déjà interdit depuis le 1er janvier 2025. Sauf que dans les faits, ils sont toujours loués.
VALERIE LETARD
Aucun logement n'est interdit à la location. Mais tous les logements sont contraints par la loi. C'est-à-dire qu'en fait, vous pouvez louer votre logement même s'il est indécent. Par contre, si vous ne le faites pas, vous êtes susceptible d'avoir un recours de votre locataire et qui peut vous assigner au tribunal, obtenir que vous fassiez les travaux et le locataire peut se voir restituer le montant des charges excessives qu'il a liées au chauffage. Le travail de la proposition de loi qui est portée actuellement au Sénat et qui a été déposée par Madame GACQUERRE vise justement à préciser les conditions de mise en oeuvre de ce calendrier et de dire dans quelles mesures vous devez vous engager et à quel moment tout cela prend effet.
SALHIA BRAKHLIA
Parce que vous voyez bien ce qui se passe. Les propriétaires qui ne sont pas forcément de mauvaise foi pour rénover leur logement doivent se dire, en fait, " Je n'ai pas les moyens de rénover mon logement donc je vais laisser mes locataires à l'intérieur ". Les locataires qui ne peuvent pas trouver d'autre logement puisqu'on en manque et il n'y a pas assez de construction, c'est une boucle finalement. Et vous, vous proposez Ma Prime Rénov'. Ma Prime Rénov' permet d'avoir des aides pour rénover les logements qui sont soit des passoires thermiques, on parle d'un ménage sur dix qui vit dans des passoires thermiques. Ce budget-là de Ma Prime Rénov', est-ce qu'il va être mis en difficulté dans le budget 2026 qui, on le rappelle, va être un cauchemar selon les mots de la porte-parole du gouvernement ?
VALERIE LETARD
Aujourd'hui, je peux vous dire que ma volonté et ce que je porte, c'est bien sûr de maintenir ce budget, évidemment.
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous le garantissez ou pas ?
VALERIE LETARD
Pour l'instant, je ne lis pas dans le mar de café. Le budget n'a pas été débattu. Moi, je porte le budget du logement, je vais le défendre bec et ongle et je suis allée, il y a quelques jours, voir le nouveau commissaire européen au logement qui va mobiliser des moyens, doubler les moyens qui vont être mis à disposition des Etats membres pour venir accompagner les efforts en matière de rénovation thermique, de rénovation urbaine et j'ai bien l'intention d'aller chercher les solutions qui permettront de compléter peut-être les efforts que l'Etat français doit faire.
SALHIA BRAKHLIA
C'est-à-dire demander de l'argent au niveau européen ?
VALERIE LETARD
Bien sûr, nous contribuons au budget de l'Europe, nous pouvons aller chercher sur les priorités de l'Union Européenne. S'il y a un commissaire au logement, aujourd'hui, qui n'existait pas, c'est bien parce que l'Europe a envie de faire un effort. Tous les Etats membres, aujourd'hui, sont en difficulté face à la crise du logement et à l'objectif de transition vers un logement et un habitat qui soient moins énergivores. En tout cas, sachez qu'on va travailler là-dessus et que je me battrai pour maintenir mon budget sur la rénovation thermique et que sur le calendrier énergétique, des dispositions seront prises aussi pour que, par exemple, dans une copropriété, un propriétaire de bonne foi qui se retrouve dans une copropriété où les travaux n'ont pas été votés par la majorité ne soit pas puni parce que la copropriété n'a pas voulu le faire. Mais, il y aura des exigences, il y aura un calendrier qui devrait être appliqué et auquel nous serons très attentifs.
JEROME CHAPUIS
La racine de tout cela, c'est cette crise de la construction. Seulement 250 000 nouveaux logements mis en chantier en 2024, là encore niveau le plus bas depuis les années 50 où la France comptait 20 millions d'habitants en moins. Comment est-ce que vous expliquez cette crise de la construction ? Comment est-ce que vous relancez la construction ?
VALERIE LETARD
Comment on l'explique ? Vous savez que depuis le démarrage du conflit russo-ukrainien, il y a eu une explosion des coûts de l'énergie. La trajectoire et l'évolution des normes pour aller vers des logements décarbonés a augmenté le coût des matériaux de construction, le coût des travaux, le foncier coûte plus cher. Il y a plein d'éléments structurels qui font qu'aujourd'hui, produire un logement coûte beaucoup plus cher avec un foncier plus rare. Tout cela fait qu'effectivement, il y a eu, pendant quelques années, une attrition du marché dans l'investissement dans la pierre locative et dans la capacité à produire du logement social. C'est pour ça que là, on a décidé de s'embarquer. Je vous ai parlé du logement social sur lequel on a fait des gros efforts pour accompagner les bailleurs sociaux pour atteindre des objectifs ambitieux. On va aider l'accession à la propriété de nos ménages modestes et des classes moyennes à deux mesures. Le Prêt à taux zéro élargi à tout le territoire pour construire du neuf.
JEROME CHAPUIS
Sur la construction, est-ce qu'il faut simplifier ? Je vous entendais parler des normes. Est-ce qu'il faut simplifier les normes et notamment sur les normes environnementales ?
VALERIE LETARD
Les normes environnementales, ce n'est pas trop dans mon champ puisque c'est plutôt le champ de ma collègue Agnès PANNIER-RUNACHER.
JEROME CHAPUIS
Vous voyez bien le climat qu'il y a en ce moment, d'ailleurs encore hier, sur un tout autre sujet qui évidemment ne dépend pas de vous. Les zones à faible émission, on voit qu'il y a un recul. Est-ce qu'il pourrait y avoir un recul sur les normes de rénovation thermique notamment ?
VALERIE LETARD
En tout cas, ce que moi je défends en tant que ministre du Logement qui est d'un côté, nécessiter d'accompagner la transition écologique, la transition de nos bâtiments pour qu'ils soient moins énergivores et le pouvoir d'achat des ménages, c'est d'alerter quand même et d'être vigilant sur un objectif qui est 2050 qu'il faut atteindre mais une trajectoire qui fasse que les efforts trop brutaux qu'on peut avoir sur les normes fassent décrocher des ménages qui, de par leur pouvoir d'achat, ne savent plus embarquer le coût et l'augmentation du prix du logement. Donc moi, la seule alerte que je fais c'est attention de ne pas faire décrocher l'un par rapport à l'autre et que la trajectoire de décarbonation soit soutenable par les ménages. Moi, j'ai ce regard-là, il est essentiel quand on traite du logement social, du logement, et c'est aussi pour ça que nous on donne des moyens supplémentaires.
SALHIA BRAKHLIA
Donc, le Prêt à taux zéro élargit, mais il n'y a pas que ça ?
VALERIE LETARD
Il n'y a pas que ça, on a aussi les donations mais sur le Prêt à taux zéro, on a encore sorti des mesures nouvelles par décret, vous pouvez, un ménage modeste, il peut acheter dans le neuf, partout sur le territoire, individuels, collectifs, dans l'ancien, en dehors des grandes métropoles tendues, c'est-à-dire dans le périurbain et le rural.
SALHIA BRAKHLIA
Ce n'est pas que dans le neuf ?
VALERIE LETARD
Pas que dans le neuf, dans l'ancien, et dans l'ancien vous avez une exonération d'augmentation des frais de notaire qui s'impactent tous les autres pour les primo-accédants et vous pouvez cumuler avec une aide de Ma Prime Rénov', votre Prêt à taux zéro. Donc, vraiment les ménages modestes, on leur crée des conditions pour pouvoir accéder à leur propriété. Plus des donations pour les ménages moyens. Pourquoi ? Parce que ça génère de la production de logements nouveaux, ça libère du locatif, et derrière, on travaille sur le statut du bailleur privé. Pour 2026, on a deux parlementaires, un député, un sénateur, monsieur DAUBRESSE et monsieur CAUSSON, à qui, on a demandé de regarder comment redonner une attractivité à l'investissement de nos concitoyens dans la pierre locative, parce qu'aujourd'hui il y a une désaffection.
SALHIA BRAKHLIA
Donc, vous voulez donner envie aux français de devenir propriétaires pour justement relancer la construction, mais sauf que l'un des arguments des maires qui refusent de donner des permis de construire, c'est la ZAN, la Zéro Artificialisation Net, qui empêche donc, la construction sur certains terrains dans un but écologique. La semaine dernière, les sénateurs ont adopté une proposition de loi visant à supprimer l'objectif de réduction de 50% d'artificialisation des sols d'ici 2031. Vous êtes d'accord avec ça ? On recule sur l'écologie. Vous êtes d'accord avec ça ?
VALERIE LETARD
En fait, ils ne suppriment pas. L'objectif, c'est toujours zéro artificialisation en 2050. C'est juste que le calendrier, en fait, c'est faire moins 50% entre 2011 et 2021, en disant, par exemple, dans les régions, si on a consommé 20 000 hectares, 2021-2031, il faut en consommer 10 000, deux fois moins. Mais dans le même temps, il faut faire la transition industrielle, créer des logements pour les salariés là où on va poser des industries. Donc, à un moment, il faut ajuster la trajectoire. Il ne faut pas y renoncer, mais il faut la lisser. C'est un peu ce que propose le Sénat. C'est de 2021-2031, on passe à 2024-2034 parce qu'on se rend compte que sinon, on ne sait pas poser les entreprises, on ne sait pas faire les logements pour les salariés et que ça, c'est un vrai sujet. Donc, on ne renonce pas, mais il y a la vraie vie. Comment on accompagne la vraie vie ?
JEROME CHAPUIS
Merci Valérie LETARD, ministre du Logement, invitée de France Info, ce matin.
VALERIE LETARD
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 mars 2025