Texte intégral
JOURNALISTE
C'est l'heure du rendez-vous politique de Télématin. Et c'est Catherine VAUTRIN, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, qui est votre invitée, Julien. Bonjour Madame et bienvenue.
JULIEN ARNAUD
Merci beaucoup d'être là, Catherine VAUTRIN, au lendemain de cette fameuse conférence sur le Budget. D'abord, petite réaction sur ce que vient de nous expliquer Axelle. On dit qu'on veut réindustrialiser la France, mais il y a des mairies ou des élus qui disent : "Nous, on n'en veut pas." Que pensez-vous de cette action des écologistes qui dégoute les industriels ?
CATHERINE VAUTRIN
Moi, je pense que c'est un enjeu de souveraineté absolument majeur. Quand on voit la situation industrielle, quand on voit surtout la situation mondiale, politique mondiale. Si la France veut être souveraine, il faut qu'elle ait des usines. Ces usines créent de l'emploi. Quand on crée de l'emploi, on crée de la richesse. Ça répond au sujet des finances publiques. Donc, vous voyez, c'est absolument indispensable.
JULIEN ARNAUD
Alors justement, les finances publiques. Le Premier ministre, hier, il a adressé un constat qui se voulait alarmant. François BAYROU, il a eu des mots forts, mais finalement, aucune annonce sur les mesures. Ça ressemble à un budget impossible, pour reprendre le titre des échos ce matin. Ça a servi à quoi finalement cette réunion, hier ? Est-ce que vous préparez les esprits au pire ?
CATHERINE VAUTRIN
Mais je crois qu'il est important que nous partagions avec les Français la situation financière de notre pays.
JULIEN ARNAUD
Mais ils le savent déjà, ça, les Français ?
CATHERINE VAUTRIN
Pas autant qu'on veut bien le dire. Effectivement, à longueur de JT, on explique le déficit… Vous avez des générations qui sont nées avec le déficit. Pour autant, quand on regarde les conséquences de ce déficit sur notre vie, c'est là qu'il est important que chacun le mesure, et que chacun mesure surtout qu'il peut être un acteur. Si on prend le domaine qui est le mien, celui de la santé, si vous faites de la prévention, vous êtes moins malades, pardonnez-moi, c'est très basique, mais c'est indispensable. Donc, il y a tout le sujet de comment chacun, collectivement, freine la dépense, comment on est prêt à adapter le modèle, c'est cela que le Premier ministre a voulu montrer hier.
JULIEN ARNAUD
Ce que les Français aimeraient savoir aussi, c'est comment ça va se passer quand on va rentrer dans le dur. La question des retraités, par exemple. On voit bien qu'elle est dans l'air et ça fait partie des pistes. Il y a les fameux 10 % d'abattement fiscal dont bénéficient les retraités. C'est quoi votre point de vue ? Il faut les supprimer ou pas ?
CATHERINE VAUTRIN
Mais vous savez. Je crois qu'il faut tout regarder. Notre situation aujourd'hui…
JULIEN ARNAUD
Donc, vous ne dites pas non ?
CATHERINE VAUTRIN
Moi, je ne dis non à rien. Notre travail aujourd'hui, il est d'examiner toutes les pistes. Les fameux 10 % auxquels vous faites allusion, pour qu'on soit clair sur ce que l'on évoque, c'est une déduction, un abattement fiscal de 4 200 Euros que peuvent avoir certains de nos concitoyens au moment où ils font leur déclaration de revenus. C'est un des éléments, une des pistes sur lesquelles on peut travailler. Ce qui est certain, c'est qu'aujourd'hui…
JULIEN ARNAUD
Ça, ce serait une hausse d'impôts, parce que si on dit "Pas de hausse d'impôts", ça, c'est une hausse d'impôts.
CATHERINE VAUTRIN
On n'a pas dit aujourd'hui qu'on allait le faire. On a dit aujourd'hui : "Il y a un constat". Ce constat, c'est un déficit qui est un déficit extrêmement important. Et surtout, ce qu'il faut avoir en tête, c'est le montant du coût de la dette. Le montant du coût de la dette, il est de 63 milliards. Ça va bientôt être le premier budget du pays. Comme dans n'importe quel ménage, au moment où vous avez des emprunts qui sont plus importants que le reste de vos dépenses, il y a un problème.
JULIEN ARNAUD
Ça se passe mal.
CATHERINE VAUTRIN
C'est ça le sujet de la France aujourd'hui.
JULIEN ARNAUD
Et vous ne dites donc pas non à la suppression de cet abattement. Est-ce que vous ne dites pas non, non plus, à une désindexation des retraites sur l'inflation ?
CATHERINE VAUTRIN
Moi, je crois qu'aujourd'hui, il faut que nous passions en revue, pas exclusivement la fiscalité. Nous sommes déjà le pays qui est le plus fiscalisé. Donc, la question qu'on peut se poser, c'est aussi : comment nous pouvons créer de la richesse ? Créer de la richesse, c'est travailler sur notre taux d'emploi, le taux d'emploi.
JULIEN ARNAUD
Mais la désindexation, pardon, la désindexation, c'est oui ou c'est non ?
CATHERINE VAUTRIN
Aujourd'hui, je ne vous dirai oui ou non à rien. Je vous dis "Nous sommes en train d'examiner chacune des pistes." Il y a d'un côté, qu'est-ce que nous pouvons créer comme richesse. Travailler plus, par exemple. D'un autre côté, comment on dépense moins. Ce sont les deux éléments qu'il faut regarder.
JULIEN ARNAUD
Vous êtes prudente, parce qu'évidemment, il y a un risque de censure permanent qui plane au-dessus de votre tête, notamment sur cette question de la retraite.
CATHERINE VAUTRIN
Mais il y a de toutes les manières, tous les jours, potentiellement, une menace de censure. Il n'y a pas de majorité. Nous sommes à la fois dans un monde politique nouveau, avec 11 groupes à l'Assemblée nationale, et dans un contexte international qui est particulièrement nouveau. Vous avez vu combien le coût de la dette a augmenté, parce que le contexte international, l'arrivée de TRUMP au mois de janvier, tous ces éléments ont généré des données nouvelles qui nécessitent que nous travaillions l'ensemble des sujets.
JULIEN ARNAUD
Sur la santé, il y a des pistes sur les dépenses de santé. D'abord, les arrêts maladie. On sait qu'ils ont explosé. La ministre du Budget en a parlé hier. Ce n'est plus tenable. Comment on fait pour mettre fin pour de bon à cette hausse exponentielle des arrêts maladie ?
CATHERINE VAUTRIN
On va se le dire, l'année dernière, les arrêts maladie représentent 17 milliards d'Euros. C'est 8 % d'augmentation par rapport à l'année 2024. Après, chacun d'entre vous, vous comme moi, nous sommes dotés d'un capital de santé. Ce capital, on a une responsabilité, c'est de l'entretenir. Je prends un exemple très simple. Évidemment, il y a l'hygiène de vie. Évidemment, il y a le sport. Et après, il y a des choses qui fonctionnent très bien. Ça s'appelle, par exemple, la vaccination. Si vous voulez éviter, par exemple, d'être malade, vous vous faites vacciner contre la grippe. C'est très simple. Et pour autant, c'est autant d'arrêts de travail au moins. Vous voyez, ça commence…
JULIEN ARNAUD
Est-ce que ça veut dire par exemple, si vous êtes malade, mais vous ne vous êtes pas vacciné, eh bien, vous ne serez pas indemnisé ?
CATHERINE VAUTRIN
Aujourd'hui, nous n'en sommes pas là. Et ce n'est pas ce que je vais vous annoncer ce matin. mais ce que je dis ce matin, c'est que chaque Français a une responsabilité, à la fois sur sa consommation, mais aussi sur ses usages. Et quand je parle d'usage, il y a aussi tout ce qu'on appelle le gaspillage. Qui n'a pas dans son armoire à pharmacie des boîtes de médicaments inutilisées.
JULIEN ARNAUD
On répète ça depuis des années. Pardon, ça fait des décennies qu'on entend ça.
CATHERINE VAUTRIN
Je vais vous dire une chose très concrète. Qui a signé un arrêté pour que l'ensemble des produits qui servent aux pansements, etc., soient limités à une durée de 7 jours ? C'est moi. Je l'ai fait quand ? Il y a un mois. Vous voyez, c'est concret, c'est simple, mais ça limite de sortir de chez le pharmacien avec des cartons comme ça et des boîtes de pansements, de bandes, etc. Ça commence par cela. Et ça, c'est l'effort de chaque Français. Ça n'est pas un renoncement aux soins, c'est juste une responsabilisation de l'usage.
JULIEN ARNAUD
Autre mesure qui serait explosive, mais qui est plutôt défendue par la Cour des Comptes et le ministre de l'Économie y est également favorable, ce serait la mise sous condition de ressources de certains remboursements de la Sécu, certains remboursements de santé. Est-ce que vous nous dites ; "Oui, c'est vrai, c'est dans les tuyaux" ?
CATHERINE VAUTRIN
Aujourd'hui, vous faites allusion au rapport qui a été rendu par la Cour des Comptes la semaine dernière.
JULIEN ARNAUD
Absolument.
CATHERINE VAUTRIN
Il a besoin d'être examiné, d'être regardé. Je vous le redis, toutes les pistes… Nous sommes dans une situation, on ne peut pas se dire a priori, nous allons éliminer telle ou telle piste. Toutes les pistes doivent être regardées.
JULIEN ARNAUD
Alors, sur les questions de santé, il y a un sujet qui est un petit peu annexe, mais en même temps… parce que c'est sur la situation à l'hôpital, on sait que c'est difficile. Il y a une plainte qui a été déposée à la cours de justice de la République contre vous et contre, également, Élisabeth BORNE, à la suite de suicides d'enseignants à l'hôpital. Vous réagissez comment à ce dépôt de plainte ?
CATHERINE VAUTRIN
Mon premier sujet, c'est d'abord, évidemment, de réagir vis-à-vis des familles et de dire combien toutes mes pensées vont vers les familles. Il n'y a rien de pire que de perdre un proche et, à fortiori, à cause de la vie professionnelle. Une fois que j'ai dit ça, sur l'hôpital, je voudrais quand même rappeler que depuis le Covid, il y a eu des revalorisations extrêmement importantes en termes de salaire. C'est le fameux Ségur dont on a beaucoup parlé. Et surtout, il y a eu 15 milliards d'investissements pour améliorer les conditions de travail, pour investir et pour travailler. L'hôpital est un joyau national, et bien évidemment, il faut continuer à investir pour les professionnels et pour les patients.
JULIEN ARNAUD
Il y a la question de la santé, il y a la question du travail, c'est aussi votre champ de compétences. Hier, le Premier ministre a dit que le problème numéro un, c'est ça : les Français ne travaillent pas assez. Comment les faire travailler plus ? Est-ce que… Évidemment, il y a l'emploi des seniors, ça, ce n'est pas nouveau, l'emploi des jeunes. Est-ce qu'il faut aussi lever certaines contraintes, peut-être, qui pèsent sur les employeurs ?
CATHERINE VAUTRIN
Je pense qu'il faut surtout avoir un taux d'emploi qui se rapproche, c'est-à-dire, le nombre de gens qui travaillent par rapport à la population en âge de travailler, qui se rapproche de la moyenne européenne. Si nous avions le taux d'emploi de l'Allemagne, nous n'aurions pas de problème de modèle social. Donc, on le voit aujourd'hui, le sujet, c'est d'un côté, effectivement, les jeunes, on a un taux extrêmement faible, 34 % sur les 18-24 ans, et les seniors restent un sujet. Aujourd'hui, on est à 56 %, quand on est à 74 % en Allemagne, 75 % aux Pays-Bas. Comment on fait ? On est probablement aussi incitatif, notamment pour les seniors, parce que travailler un an de plus, alors qu'on a ces années, c'est une rémunération qui peut intéresser.
JULIEN ARNAUD
Il y a aussi des messages sur le travail. On a l'impression que tout n'est pas fait pour encourager les Français au travail. Quand on regarde les choses très concrètes, vous avez vu dans ce mouvement du 1er mai, des boulangers, par exemple, il y en a qui sont empêchés de travailler. Les boulangers, ils voudraient ouvrir le 1er mai, ils ne peuvent pas, sauf dans des conditions très strictes. Est-ce qu'il faut changer les règles pour leur permettre de le faire ? Certains avaient été mis à l'amende, l'année dernière.
CATHERINE VAUTRIN
C'est une loi, il faut changer la loi, bien évidemment. Moi, je pense que, un, le pain, c'est une tradition française. Deux, ça s'achète pour beaucoup de nos concitoyens tous les jours. Trois, ce qu'une loi fait, seule une loi peut le défaire. Évidemment, je regarderai de façon extrêmement proche la proposition de loi qu'un certain nombre de Députés est en train de préparer, parce qu'il faut que les boulangers puissent effectivement travailler. Pour être clair, le 1er mai 2025, un boulanger qui, lui, est l'entrepreneur, peut travailler. Par contre, ses salariés, le 1er mai est un jour chômé. C'est le seul jour chômé payé. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, en tant que tel, un salarié ne peut pas travailler.
JULIEN ARNAUD
Donc, ça veut dire que rien ne change pour ce 1er mai là, c'est trop tôt. Est-ce que vous pouvez quand même dire s'il y en a qui ouvrent, ils ne seront pas mis à l'amende comme ça avait été le cas l'année dernière ?
CATHERINE VAUTRIN
Je ne peux pas dire ça, parce que c'est une responsabilité des inspecteurs du travail et je ne peux pas prendre le pas sur les inspecteurs du travail qui contrôlent l'application de la loi. mais je peux dire aux boulangers que mon engagement, c'est de travailler avec les parlementaires pour qu'on puisse faire bouger la loi, parce que ça fait partie de ces contraintes qui méritent d'être desserrées.
JULIEN ARNAUD
Et d'un mot, oui ou non, ça vous choque, le niveau de rémunération de Carlos TAVARES ?
CATHERINE VAUTRIN
Ce n'est pas mon sujet.
JULIEN ARNAUD
Eh bien, voilà la réponse. En revanche, le 1er mai, c'est votre sujet. Et on a entendu votre réponse. Ça ira mieux pour 2026. Merci beaucoup Catherine VAUTRIN.
CATHERINE VAUTRIN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 avril 2025