Déclaration de M. Eric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur l'assurance des collectivités territoriales, à Paris le 14 avril 2025.

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  • Éric Lombard - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Discours introductif du Roquelaure de l'Assurabilité des territoires

Texte intégral

Monsieur le ministre des territoires et de la décentralisation, cher François Rebsamen,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le vice-président de l'association des maires de France, cher Alain Chrétien,
Madame la présidente de France Assureurs,
Chers élus,
Chers amis,


Avant toute chose je souhaitais te remercier, cher François, de nous avoir tous réunis sur cette problématique de l'assurabilité. Une problématique fondamentale à plus d'un titre, et dont nous n'avons pas toujours su saisir la teneur par le passé.

C'est le ministre de l'économie et des finances qui tient ce constat, mais aussi l'ancien patron de plusieurs grands assureurs, et l'ancien directeur de la Caisse des dépôts. Autant vous dire que c'est à un triple titre que je tiens pour primordial ce sujet qui nous ramène des grands enjeux macroéconomiques du monde à la vie concrète de nos territoires.

Merci donc au ministère de l'Aménagement des territoires et de la décentralisation, mais également aux rapporteurs Alain Chrétien et Jean-Yves Dages que le Gouvernement avait missionnés, ainsi qu'à la commission des finances du Sénat et à son président Jean-François Husson, et à l'Autorité de la Concurrence. Tous ont contribué par leur précieux rapports à porter un diagnostic clair et à proposer des solutions pertinentes.

1. Tout le secteur de l'assurance fait face à cette hausse des risques, environnementaux et sociaux.

Nous vivons assurément une époque singulière. Les troubles à l'échelle internationale que j'évoquais ne sont pas décorrélés des enjeux concrets de nos communes, dont le dérèglement climatique n'est qu'une des manifestations. Ce n'est pas un biais de l'information en continu que de voir que, partout sur le territoire français, les risques augmentent dans leur impact, dans leur probabilité, mais également dans leur caractère imprévisible, les rendant à la fois difficiles à modéliser et difficiles à anticiper.

Nous avons tous en tête le cyclone Chido qui a dévasté Mayotte en décembre, ou plus récemment en février dernier le cyclone Garance qui a profondément touché La Réunion. Mais chacun a aussi en mémoire les périls qui ont affecté plus précisément ses contrées, les tempêtes Eowin et Herminia en Ille-et-Vilaine en février, les mouvements de terrain dans l'Ain, les inondations dans le Calvados, ou la sécheresse dans la Drôme. De sorte qu'on évalue la majoration du seul risque climatique sur la décennie 2010-2020 à +38%.

Et pour démonstratives qu'elles soient, les catastrophes naturelles ne sont qu'une des causes de ce regain de sinistralité dans nos communes. Les émeutes, les violences urbaines en constituent une autre, avec des montants de sinistres comparables.

Celles, par exemple, que nous avons connues en 2023, notamment en Ile-de-France, ont occasionné 800M€ de dommages, dont 200M€ pour les seules collectivités. Les récentes émeutes en Nouvelle-Calédonie ont, elles, dépassé le milliard d'euro de dommages.

Cette hausse des risques, et des dommages qu'accompagne leur réalisation, les collectivités territoriales les vivent en première ligne. Elles sont heureusement accompagnées en deuxième ligne, par les Assureurs, dont je salue aujourd'hui les représentants. Je sais, pour en être issu, que le milieu assurantiel connaît une mutation de son modèle, lié à ces facteurs, à commencer par l'augmentation des coûts. Mais l'assurance des collectivités territoriales connaît des difficultés toutes particulières qui ne se réduisent pas au seul équilibre comptable.

Le secteur de l'assurance des collectivités territoriales est affecté au premier chef.

En premier lieu, les collectivités territoriales sont confrontées à des difficultés pour bien connaître, bien évaluer et bien assurer leur patrimoine, qui représente à l'échelle de la France plusieurs milliards d'euros. Et c'est elles, dont je rappelle qu'elles représentent en majorité des communes de moins de 5000 habitants, c'est elles et leurs groupements qui portent la quasi-totalité de leur assurance.

Or ce secteur connaît une rentabilité assez faible, avec peu de nouveaux entrants sur le marché. Cela entretient une intensité concurrentielle particulièrement morne, et donc provoque un déséquilibre dans la relation entre la commune cliente et l'assureur en situation d'oligopole.

Les règles de passation des marchés ne sont d'ailleurs pas toujours aidantes pour ce secteur, où les appels d'offre ne suffisent pas. Les experts doivent en effet pouvoir se déplacer, visiter les lieux et évaluer concrètement les risques encourus. Un quart des collectivités a ainsi passé un appel d'offres infructueux !

Enfin, dernier élément pour prendre conscience des imperfections structurelles de ce marché assurantiel : alors même que sur les dernières années le coût de la sinistralité augmentait, les dépenses réelles d'assurance par les collectivités diminuaient de 4% sur les 10 dernières années ! A l'heure du retour à la réalité du marché que demandent les assureurs, cette sous-tarification chronique augmente d'autant plus le ressenti très amer des communes, et je comprends les uns comme je comprends les autres.

2. Ce " Roquelaure de l'assurabilité " et les rapports qui l'ont précédé témoignent du bon esprit pour surmonter ces difficultés.

C'est pour cela qu'il était grand temps que nous nous retrouvions autour de la table, l'administration, les collectivités territoriales, et les assureurs. Des leviers d'amélioration du marché ont été identifiés. Et sans doute commencent-ils par introduire une meilleure coopération, afin de parler un même langage qui n'est pas nécessairement naturel pour des assureurs et des petites communes.

Il y aura nécessairement une éducation au risque à mener, une acculturation d'un côté, et à proposer une offre assurancielle sur mesure, de l'autre.

Les procédures d'appel d'offre publiques seront amenées à évoluer, mais les assureurs auront également à consentir un effort pour s'adapter au cadre spécifique de la commande publique.


En conclusion :

Je ne veux pas être plus long, car le constat est dressé. Il est sévère, mais il est concret et partagé, il n'est donc pas sans remède. La réunion de tous les acteurs autour de la table aujourd'hui, prouve que des solutions communes peuvent émerger. J'aurai grand plaisir à revenir sur les solutions possibles, et notamment celles proposées


source https://www.economie.gouv.fr, le 22 avril 2025