Texte intégral
ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Juliette MEDAEL, vous êtes la ministre de la Ville dont le budget a baissé cette année de 3,4% à l'heure où l'État doit serrer la ceinture. Est-ce que vous avez aujourd'hui l'assurance que François BAYROU, qui en ce moment prépare le nouveau budget, ne baissera pas à nouveau le budget de votre ministère ?
JULIETTE MEADEL
On n'est jamais sûr de rien dans la vie, surtout en politique, mais je me bats pour préserver ce budget. Je l'ai déjà bien préservé par rapport à ce qui a été prévu dans le projet de loi de finances sous Michel BARNIER. On m'avait promis moins 15% de baisse. Je me suis battue. J'ai été soutenue par le Premier ministre et par François REBSAMEN. Bon, moins 3%, ce n'est pas terrible, mais c'est quand même mieux que moins 15%. Donc à l'avenir, je continuerai à me battre parce que je crois qu'on a besoin d'une politique de la Ville, parce qu'on a besoin de lutter contre la précarité et puis aussi contre ce sentiment d'exclusion que ressentent presque 6 millions de nos concitoyens qui vivent dans ces quartiers fragiles.
ALIX BOUILHAGUET
Pour remplir les caisses, vous en parliez à l'instant, votre ministre de tutelle, François REBSAMEN, a évoqué, alors je cite, l'instauration d'une contribution modeste pour renouer le lien entre les citoyens et leurs communes. En clair, ça fait comme si on remettait la taxe d'habitation. C'était une erreur de sa part ?
JULIETTE MEADEL
Moi, je ne suis pas favorable au retour de la taxe d'habitation. Le Gouvernement l'a dit et François REBSAMEN l'a dit aussi, qu'il n'y aurait pas de taxe d'habitation. C'est la position du Gouvernement.
ALIX BOUILHAGUET
Oui mais ça s'apparentait quand même à ça.
JULIETTE MEADEL
On est dans un moment où chacun a bien le droit d'évoquer des idées. En ce moment, on est dans une phase de discussion avec les collectivités locales et toutes les idées remontent. Bon, probablement que les maires, et on peut aussi les comprendre, ont besoin de financer leur service public. Donc en ce moment, c'est un peu la foire aux idées et c'est ça qu'a voulu le Premier ministre, c'est-à-dire qu'on a un délai de débat. Et puis quand on sera au moment de la préparation du projet de loi de finances dans le dur, c'est-à-dire à la fin de cet été, c'est là qu'on verra la vérité des prix.
ALIX BOUIOLHAGUET
Sauf que vous dites que c'est la foire aux idées, c'est ce que souhaite François BAYROU. Sauf que lundi, il a quand même recadré les ministres en disant qu'il y avait peut-être un peu trop de créativité au sein du Gouvernement.
JULIETTE MEADEL
Écoutez, ce n'est pas mal qu'il y ait un peu de la créativité dès lors que ça s'apparente à des opinions personnelles. Et je crois que c'est ainsi que d'autres ministres ont présenté leurs idées.
ALIX BOUILHAGUET
Mais est-ce que ça ne donne pas le sentiment quand même aux Français, finalement, qu'on veut leur faire les poches, alors que François BAYROU dit depuis le départ que ce budget, c'est avant tout à l'État de se serrer la ceinture ?
JULIETTE MEADEL
Mais c'est ce que fait l'État. Il n'y a aussi pas que l'État. C'est vrai qu'il y a aussi les collectivités locales. Mais les collectivités locales, c'est elles qui décident. Donc ce n'est pas anormal de discuter, de réfléchir, d'évoquer des pistes. De toute façon, on sait très bien qu'on est en dette, on est très endettés, que d'ici 2 ans, le montant total des intérêts de la dette, ça sera hélas pratiquement le budget de l'Éducation nationale, c'est-à-dire presque 60 milliards d'euros. Donc tout le monde sait très bien que de toute manière, il va falloir faire attention à tous les échelons.
ALIX BOUILHAGUET
Et la ministre des Comptes publics, Amélie DE MONTCHALIN, avait dans cette foire à idées, évoqué la suppression éventuelle de l'abattement fiscal des retraités 10%. Ça aussi s'est écarté ?
JULIETTE MEADEL
Oui. Alors attendez. C'était aussi une idée comme ça qui avait été lancée, plus ou moins soutenue par le COR, qui est l'organisme des retraites. Ça n'est pas la position du Gouvernement. Et d'ailleurs, Amélie DE MONTCHALIN n'a pas dit ça. Elle a évoqué son idée. Moi, je ne suis pas du tout favorable à ce qu'on supprime cet abattement de 10% sur les retraités et en particulier sur les plus fragiles. Vous voyez, aujourd'hui, il y a des retraités qui, grâce à cet abattement, ne payent pas d'impôt. Donc si on le réinstalle, ça veut dire qu'on va les faire rebasculer dans l'impôt sur le revenu…
ALIX BOUILHAGUET
Mais certains retraités ont un niveau de vie qui est supérieur à celui des actifs aussi.
JULIETTE MEADEL
C'est pour ça que toutes les idées sont là, qu'il faut réfléchir éventuellement à un ciblage si on voulait le faire. Mais moi, je ne suis pas ministre du Budget. La seule chose que je dis, moi, en tant que ministre de la Ville, c'est que n'attaquons pas les plus précaires et les plus fragiles, parce qu'on en a besoin pour assurer la cohésion du pays.
ALIX BOUILHAGUET
La santé mentale des jeunes est de plus en plus questionnée dans des drames comme celui de l'attaque au couteau dans un lycée de Nantes. Vous souhaitez mettre en place un accompagnement de ces jeunes dans les quartiers avec des évaluations psychologiques. Pour qui ? Selon quels critères ? Comment ça peut se dérouler ?
JULIETTE MEADEL
Moi, je souhaite qu'on ait une politique beaucoup plus soutenante sur les enfants et sur les adolescents dans les quartiers, bien sûr, dont je m'occupe. En réalité, partout. C'est pour ça que la proposition de Gabriel ATTAL est très intéressante sur les écrans. Il faut que toute la société protège les enfants. Ça veut dire une priorité politique. Ça veut dire que toute la société est responsable d'un enfant et qu'il faut tout un village et toute une ville pour s'occuper d'un enfant. Je suis en train de travailler en effet avec Yannick NEUDER sur l'accompagnement psychologique à partir de l'école. On y travaille aussi avec Elisabeth BORNE et dans les quartiers. Ça veut dire un cocon protecteur autour de l'enfant, la présence de psychologues cliniciens bien formés. Je vous donnerai le détail de l'annonce le 15 mai lors du comité interministériel…
ALIX BOUILHAGUET
Je suis un peu curieuse, ça veut dire que c'est valable pour tout le monde, pour tous les jeunes, pour tous les ados quand ils sont scolarisés ou est-ce qu'il y aura quand même des critères ?
JULIETTE MEADEL
Moi, je souhaiterais que ça soit évidemment valable pour tous les ados, mais en tant que ministre de la Ville, je vais commencer par les quartiers politiques de la Ville dans lesquels je dispose déjà et de moyens et de dispositifs qui s'appellent les cités éducatives, sans vouloir être trop technique. Dans ce cadre-là, nous allons mettre plus de psychologues, plus d'éducation, puis surtout, on va réorganiser les moyens de l'État et des collectivités locales autour de l'enfant. Parce que vous savez, les drames auxquels nous avons assisté, les assassinats, les drames, tout ça, ça frappe les enfants. La violence sur les réseaux, partout, dans la rue. J'étais hier encore à Sevran. J'ai assisté à une scène qui m'a un peu choquée sur un enfant qui était très violent à l'âge de 10 ans. Tout ça frappe les enfants et ce sont des indicateurs de leur mal-être. Donc il faut s'en occuper dès la petite enfance. Pour ça, il faut des adultes bienveillants, bien formés, à l'école, dans les centres de loisirs, avec des psychologues scolaires. Et c'est comme ça qu'on préviendra la violence et, en particulier, la délinquance.
ALIX BOUILHAGUET
Mais je reviens au concret. Les professionnels disent déjà que certains centres médicaux, psychopédagogiques ont déjà des listes d'attente énormes. Donc comment est-ce qu'on passe au crible tous les enfants, tous les adolescents ?
JULIETTE MEADEL
Précisément, les CMPP, qui sont les centres médicaux psychologiques, effectivement, il n'y a pas assez de pédopsychiatres en France. C'est un drame. Donc je le dis chez vous. Il faut tirer la sonnette d'alarme. Je l'avais fait dans d'autres fonctions. Nous avons un drame. Nous n'avons pas assez de pédopsychiatres. Mais nous avons des psychologues cliniciens formés dans la psychologie infanto-juvénile. Ceux-là, ils sont soutenus en particulier financièrement par le Gouvernement, qui a mis en place un dispositif dédié qui s'appelle Mon soutien psy. Avec eux, on va pouvoir faire du travail. Mais il n'y a pas que les psychologues cliniciens. Un enfant a besoin de paroles, d'accompagnement. On n'est pas encore dans la phase où vous avez diagnostiqué un trouble psychique qui nécessiterait une intervention, comme vous dites, d'un CMPP. C'est dans l'hôpital. On n'en est pas là. On est sur des adultes bien formés à la psychologie infanto-juvénile qui savent parler aux enfants, leur tendre la main, être à l'écoute et déceler d'éventuelles problématiques dans la famille.
ALIX BOUILHAGUET
J'en reviens au nerf de la guerre. L'argent, les caisses sont vides.
JULIETTE MEADEL
Mais les caisses sont vides, peut-être. Vous avez raison de le dire. Et on y veillera. Mais il y a quand même une grande volonté politique et peut-être une certaine dispersion des moyens parfois. En matière de politique de la Ville, je ne dis pas qu'on a assez d'argent, mais on a beaucoup de dispositifs qui existent. Le président de la République, d'ailleurs, a augmenté les budgets, a créé ces cités éducatives, ces programmes de réussite éducative. Vous savez, ce sont plusieurs dizaines de millions d'euros. Moi, je veux les utiliser mieux pour les concentrer sur l'enfant.
ALIX BOUILHAGUET
François BAYROU engage ce matin des consultations des partis des groupes parlementaires sur l'instauration de la proportionnelle aux législatives. Est-ce que, d'une part, c'est opportun ? Et est-ce que vous y êtes favorable, à titre personnel ou gouvernemental ? Je ne sais plus comment on dit.
JULIETTE MEADEL
Je vais vous dire, c'est quand même une demande maintenant générale de tous les partis politiques. C'est aussi un peu une demande qu'on sent dans le pays. Donc comme on a besoin que la démocratie fonctionne mieux, moi, je suis favorable à ce qu'on examine le principe de l'introduction de la proportionnelle dans le scrutin. Bon, après, il y a 36 nuances possibles de proportionnelle…
ALIX BOUILHAGUET
Voilà. Intégrale, départementale, régionale, 50 nuances. Chaque parti veut la sienne. Vous, ce serait laquelle ?
JULIETTE MEADEL
Ah non. Moi, je ne vais pas prendre position sur un peu, beaucoup, passionnément, à la folie de la proportionnelle. Un peu plus de proportionnelle, très bien. Les modalités, je pense qu'il faut laisser ça aux partis politiques. C'est eux qui ont le nez sur les calculs électoraux. Moi, je dis simplement aux Français que plus de proportionnelle, plus de démocratie, oui. Attention quand même. La Ve République est une République qui sait fonctionner même avec le régime majoritaire. Donc attention de ne pas tout déstabiliser.
ALIX BOUILHAGUET
La droite... Edouard PHILIPPE, dans le bloc central, il est opposé. Laurent WAUQUIEZ aussi. Alors eux, leur principal argument, c'est de dire que finalement, d'une certaine manière, ça va institutionnaliser le chaos qu'on connaît aujourd'hui, c'est-à-dire le morcellement, c'est-à-dire pas de majorité, donc des difficultés pour avancer.
JULIETTE MEADEL
On ne peut pas dire que la majorité actuelle ne soit pas morcelée, vous voyez, sans proportionnelle. Donc non, je crois que c'est un faux débat. Il faut apprendre aussi à travailler en coalition. Donc pourquoi pas ?
ALIX BOUILHAGUET
Oui mais cette culture-là, vous savez bien qu'on ne l'a pas en France. Même le bloc central, le parti de Gabriel ATTAL, voilà, s'interroge sur la pertinence d'instaurer un changement de scrutin.
JULIETTE MEADEL
On a peut-être besoin de ce débat sur les proportionnels pour mettre les responsables politiques en face de la responsabilité, c'est-à-dire qu'ils soient capables de se mettre d'accord indépendamment d'un régime parlementaire.
ALIX BOUILHAGUET
On voit bien que depuis la dissolution 2024, ils sont incapables de se mettre d'accord.
JULIETTE MEADEL
Ça avance quand même. On a un budget. On avance. Mais je vous le concède, il faut réinventer la stabilité tous les jours.
ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup, Juliette MEADEL. Bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mai 2025