Texte intégral
SONIA DEVILLERS
Bonjour Élisabeth BORNE,
ÉLISABETH BORNE
Bonjour,
SONIA DEVILLERS
Vous êtes ici pour parler d'un projet qui vous tient à cœur depuis longtemps, la place des filles dans les filières scientifiques en France. mais juste avant d'entrer dans ce studio, vous m'avez confié, Madame la Ministre, que vous avez reçu hier les parents de Cécile KOHLER. Cécile KOHLER, elle est les professeurs de français. Elle a été arrêtée en Iran le 7 mai 2022, c'est-à-dire que ça fait trois ans, aujourd'hui, qu'elle est en captivité. Et vous êtes inquiète.
ÉLISABETH BORNE
Oui, moi je suis inquiète après avoir échangé avec ses parents. Et je vous l'avais dit, ça fait maintenant trois ans que Cécile KOHLER et Jacques PARIS sont arbitrairement détenus en Iran. Moi, je veux, ce 7 mai, dire à nouveau que la France met tout en œuvre pour obtenir leur libération, les assurer de notre soutien total. Et puis, dire aussi qu'aujourd'hui, sur le ministère de l'éducation nationale, on affichera les portraits de Cécile KOHLER et de Jacques PARIS pour dire qu'on ne les oublie pas.
SONIA DEVILLERS
Bien. Alors je le disais, c'est un sujet qui vous tient à cœur depuis longtemps. En France, les filles sont trop peu nombreuses dans les spécialités scientifiques au lycée, pire dans les filières scientifiques post-bac, pire encore dans les métiers d'ingénieur, par exemple. C'est un problème pour qui concrètement ? Pour les filles ou pour ces secteurs d'activité ?
ÉLISABETH BORNE
Alors pour les deux. C'est un problème pour les filles parce que, du coup, elles accèdent à des emplois qui sont moins bien rémunérés, elles ont moins de perspectives de carrière. Et puis, c'est un problème pour notre pays parce qu'on ne forme pas assez d'ingénieurs, pas assez de techniciens. On sait qu'il manque de l'ordre, enfin plus de 20 000 ingénieurs chaque année, 60 000 techniciens. Et donc, c'est un enjeu pour notre compétitivité.
SONIA DEVILLERS
Oui c'est ça, donc mécaniquement, si on augmente le nombre de filles dans ces filières, on augmentera le nombre d'ingénieurs et techniciens.
ÉLISABETH BORNE
Je dis bien qu'effectivement l'idée, c'est d'avoir plus de filles et pas moins de garçons. C'est d'augmenter globalement le nombre d'ingénieurs et techniciens.
SONIA DEVILLERS
Vous lancez le plan "Filles et Maths" dont la première action sera de former tous les professeurs de la primaire au lycée. Quel est le problème avec les profs concrètement ? Est-ce qu'ils transmettent les stéréotypes qu'ils ont eux-mêmes subis à leur génération ? Est-ce qu'ils perpétuent consciemment ou inconsciemment le système ?
ÉLISABETH BORNE
Oui, je pense que c'est important d'avoir cette sensibilisation et ces formations qui vont se mettre en place à partir de la rentrée 2025. Parce qu'on voit que les biais, les stéréotypes ne reculent pas, voire se renforcent dans la société et donc dans nos classes. Et donc, on constate au fur et à mesure de la scolarité que le goût des filles pour les maths baisse par rapport aux garçons. Et donc, l'objectif c'est vraiment d'éviter de reproduire ces stéréotypes.
SONIA DEVILLERS
Franchement vous annoncez, par exemple, que vous allez faire afficher une charte en salle des professeurs, ça va les salles des professeurs aux primaires mais ça va également pour le collège et le lycée. On se demande qu'est-ce qu'il va y avoir écrit sur cette charte ?
ÉLISABETH BORNE
Par exemple, que vous voyez les filles ont moins confiance en elles et moins confiance en elles dans les maths. Et donc, elles lèvent moins la main quand on fait un cours de maths. Et si on n'est pas attentif à ça, on interroge tout le temps les garçons et pas les filles. On envoie les garçons au tableau et pas les filles. Et puis quand on regarde les appréciations, les filles on leur dit qu'elles sont consciencieuses et les garçons on leur dit qu'ils sont brillants. Donc vous voyez, ça n'encourage pas.
SONIA DEVILLERS
Tout ça c'est documenté ?
ÉLISABETH BORNE
Tout ça c'est documenté.
SONIA DEVILLERS
Vous annoncez également, ce matin Madame la Ministre, la création de classes spécialisées sciences en 4ème et en 3ème. Alors comment elles vont fonctionner ces classes ? Est-ce que c'est des classes dans lesquelles il y aura plus d'heures d'enseignement et plus d'heures d'enseignement en maths, en physique et en SVT ?
ÉLISABETH BORNE
Alors donc, je veux effectivement créer des classes aménagées maths et sciences en 4ème et en 3ème. Ce sont des dispositifs qui existent aujourd'hui, pour la musique, pour le théâtre par exemple. Et l'objectif, c'est de développer aussi la culture scientifique et technique. Donc, d'avoir des activités supplémentaires pour découvrir les sciences, les maths autrement avec des chercheurs, avec des partenaires que les chefs d'établissement, les recteurs sont en train de rechercher. Et donc, de pouvoir sensibiliser des jeunes à la recherche, à l'expérimentation dans les sciences.
SONIA DEVILLERS
Des jeunes autant de filles que de garçons ?
ÉLISABETH BORNE
Et alors du coup ces classes, le cahier des charges si je peux dire, c'est qu'elles doivent accueillir 50 % de filles.
SONIA DEVILLERS
Quota ? C'est-à-dire qu'on en vient au quota ?
ÉLISABETH BORNE
C'est une présence équilibrée de filles et de garçons dans ces futures classes à horaires aménagés pour les maths et les sciences.
SONIA DEVILLERS
Qui existeront là dès la rentrée ?
ÉLISABETH BORNE
On va expérimenter dans cinq académies dès la rentrée. On veut le généraliser, c'est-à-dire avoir au moins une classe aménagée de ce type, à horaires aménagés de ce type, dans chaque département à la rentrée suivante.
SONIA DEVILLERS
Et quota encore dans les classes préparatoires aux grandes écoles ?
ÉLISABETH BORNE
Alors, il faut agir à tous les niveaux. J'ai dit le collège, le lycée, on pourra y revenir, c'est d'avoir plus de filles qui vont vers les spécialités maths et vers les maths experts. Et effectivement, moi ce que je constate, c'est qu'en classe prépa, la part des filles ne progresse pas. Et qu'on a même certaines classes prépa dans lesquelles il y a moins de 10 % de filles. Les filles, quand elles voient des formations où il y a aussi peu de filles, où il y a autant de garçons, on va le dire, elles n'y vont pas.
SONIA DEVILLERS
Et que des profs de maths et de physique qui sont des hommes.
ÉLISABETH BORNE
Et que des profs de maths aussi qui sont des hommes, donc, il faut aussi agir sur ce point. Les filles hésitent à aller. Et moi, j'entends ces témoignages de jeunes filles qui disent : "Je ne veux pas aller dans une filière qui est trop masculine."
SONIA DEVILLERS
Alors combien de filles dans les classes préparatoires aux grandes écoles ?
ÉLISABETH BORNE
L'objectif c'est d'avoir, à partir de la rentrée 2026, au moins 20 % de filles dans chaque classe préparatoire et de viser 30 % en 2030.
SONIA DEVILLERS
Bien, et c'est une polytechnicienne qui nous parle, qui peut passer par ces classes-là. Il y a d'autres dossiers bouillants sur votre bureau, Élisabeth BORNE. Notamment l'accueil des chercheurs étrangers dans les labos et les universités françaises. Ça a fait grincer des dents, cette semaine. C'est-à-dire que d'un côté, l'Europe et Emmanuel MACRON ont annoncé des enveloppes très conséquentes pour attirer les scientifiques, particulièrement menacés aux États-Unis. Et on ne peut que s'en réjouir. En revanche, ça a été pointé par l'intersyndicale et par beaucoup de représentants de ce secteur. En ce moment, le Gouvernement supprime, par décret, des budgets conséquences, eux aussi alloués à la recherche. Est-ce que ça n'est pas là le grand écart ? D'un côté, on supprime des budgets alloués à la recherche, de l'autre côté, on ouvre des enveloppes pour accueillir des scientifiques étrangers.
ÉLISABETH BORNE
Aucun organisme de recherche, aucune université n'a vu une baisse de son budget et on a annulé des crédits qui étaient en réserve. Et je voudrais rappeler que depuis qu'on a lancé la loi de programmation de la recherche, c'est 6 milliards d'euros de plus pour la recherche. Donc, on est très engagés, parce que la recherche, c'est l'avenir de notre pays, pour la recherche en France. Et c'est très important, vous voyez, à un moment où la recherche est menacée dans de nombreux pays dans le monde, et on voit ce qui se passe aux États-Unis, d'être une terre d'accueil pour ces chercheurs.
SONIA DEVILLERS
Il y a néanmoins de grandes universités françaises qui sont dans le rouge, dont les budgets sont dans le rouge, et gravement dans le rouge.
ÉLISABETH BORNE
Il y a des cas particuliers et on peut l'examiner avec elles, mais globalement, je peux vous assurer qu'on a augmenté les crédits de la recherche et accueillir ces chercheurs qui sont menacés, dont les travaux sont menacés, pouvoir héberger les données qui sont aussi menacées, c'est important, parce que quand la science vacille aux États-Unis, c'est un peu toute la science mondiale qui est en danger.
SONIA DEVILLERS
Et alors, dans ces dossiers majeurs, on ne s'attendait probablement pas à avoir une convention citoyenne sur les temps de l'enfance. C'est le président de la République qui l'a annoncé. Est-ce que c'était une urgence ?
ÉLISABETH BORNE
C'est un sujet qui le préoccupe depuis longtemps, et je pense qu'on peut tous le constater. Vous savez, moi, quand je vais dans un collège, je rencontre des collégiens qui me disent "Quand est-ce qu'on aura des journées moins chargées ?" Des collégiens aussi, dont malheureusement, ils peuvent se coucher peut-être tard, et ils sont longtemps sur leurs smartphones, sur leurs écrans, qui sont fatigués. Je pense que c'est important qu'on puisse réfléchir ensemble, et donc, c'est ce qui sera demandé aux citoyens de la convention citoyenne, à un meilleur respect des rythmes biologiques de l'enfant.
SONIA DEVILLERS
Et pourquoi passer par une convention citoyenne ? C'est vraiment là la question qui a émergé, notamment du côté des professeurs et des enseignants.
ÉLISABETH BORNE
Alors, passer par une convention citoyenne, ça veut dire écouter tous les Français sur un sujet qui nous concerne tous, mais ce qui est très clairement dit dans la lettre de saisine pour cette convention citoyenne, c'est que les mesures feront l'objet d'une concertation, si elles doivent être retenues. Donc, il y aura bien une concertation avec ceux qui sont directement concernés.
SONIA DEVILLERS
Donc les profs.
ÉLISABETH BORNE
Donc les profs.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 mai 2025