Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Il est 7h41 et vous êtes bien sur RMC et RMC Story. Quel financement pour notre modèle social ? C'est le débat qu'a relancé le président de la République hier soir, Emmanuel MACRON, qui a réclamé une conférence sociale, je cite, avec comme objectif : " Mieux rémunérer le travail et en contrepartie peut-être augmenter la TVA ". Bonjour Amélie De MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes la ministre des Comptes publics, c'est le retour de la TVA sociale ?
AMELIE DE MONTCHALIN
En fait, c'est le retour d'un débat, je pense, que les Français attendent. Comment, quand on travaille en France, on gagne plus ? Comment ça fait plus sur la feuille de paye ? Comment ça fait plus à la fin du mois ? Et c'est un débat essentiel parce que ce qu'on a vu hier, et je pense que les Français le savent, la moitié de nos dépenses aujourd'hui, c'est ce qu'on appelle notre modèle social. C'est des choses qui font notre fierté. C'est notre modèle de retraite, c'est notre santé, c'est la politique familiale. Le seul problème, c'est qu'il y a 80 ans, comme le dit le président, c'était financé par une population très nombreuse et très jeune. Aujourd'hui, on est de moins en moins nombreux à travailler par rapport à la population, parce que les gens vivent plus longtemps, et c'est une bonne nouvelle. Mais du coup, on finance de moins en moins nombreux des dépenses de plus en plus grandes. Et donc, la clé, c'est quoi ? Comment on fait que le travail paye plus ? Comment on fait pour que les chefs d'entreprise, il y en a qui nous écoutent ce matin, ils voient les charges. Ça les désincite à embaucher. Et donc, ça veut dire qu'on a du chômage, ça veut dire qu'on a des entreprises qui ne grandissent pas assez. Il n'y a pas de solution magique, c'est clair. Mais il y a un débat qu'on peut ouvrir. Comment, évidemment, on doit maîtriser la dépense, parce que le but, ce n'est pas d'avoir des impôts et des impôts face à des dépenses qui ne sont pas contrôlées, mais surtout, comment on répartit l'effort ? Et la TVA, il y a plein d'autres solutions. Vous avez vu beaucoup de propositions ces derniers jours. Comment on répartit mieux l'effort ? Il y a des gens qui vous disent, peut-être qu'il faut regarder les successions, les grosses étapes. Il y a des gens qui vous disent, peut-être qu'il faut regarder la taxation d'un certain nombre de biens immobiliers. Moi, ce que je veux surtout, c'est que nous ayons le débat. Est-ce qu'on veut garder le système exactement comme aujourd'hui, avec tous les inconvénients et les avantages que ça a ? Ou est-ce qu'on est prêt à changer le système ? Et ce qu'a dit le président, c'est que c'est aux partenaires sociaux, c'est aux parlementaires. Nous, on n'a pas de solution magique. Mais on sait que si on ne fait pas ce débat, en fait, si on s'interdit tous les débats, à la fin, il n'y a pas de solution.
APOLLINE DE MALHERBE
Amélie De MONTCHALIN, ce que je veux quand même comprendre, c'est que vous dites, le travail ne paye pas assez, donc vous actez le fait qu'il va falloir baisser les charges patronales, salariales, pour quoi, rapprocher le brut du net ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement. Et surtout, vous savez, aujourd'hui, si vous êtes un jeune au SMIC, c'est votre premier job, si on veut que vous ayez cent euros de plus à la fin du mois, ça coûte plus de 200 euros à votre patron. On a quand même un problème, c'est que les gens, ils veulent être augmentés, les patrons, ils sont prêts à augmenter. Mais si, quand ils mettent de l'argent, ça fait aussi peu à la fin, et en plus, vous avez des aides sociales qui parfois, quand vous êtes augmenté, diminuent, et donc, les gens ne s'y retrouvent pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça vous coûte de vous mettre à bosser ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, tout le système en France fait que, quand vous avez un euro de plus sur la feuille de paye, il y a plus d'euros à la fin du mois, mais il n'y en a pas assez. Donc, notre enjeu, c'est, est-ce qu'à la fin, on veut que tout ça repose sur les travailleurs français, qui en ont ras-le-bol, et je pense qu'on peut le dire et l'accepter ?
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, vous savez quoi ? On va les écouter, les travailleurs français.
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, il y a des solutions qui font payer les entreprises étrangères qui importent. Est-ce qu'on veut faire payer les entreprises chinoises, étrangères, du bout du monde, qui nous vendent plein de choses ? Ou est-ce qu'on veut faire travailler les jeunes travailleurs français ? Je pense que c'est un débat qui se pose. Il n'y a pas de solution magique.
APOLLINE DE MALHERBE
Et moi, je suis quand même surprise qu'on en soit toujours à débattre. J'ai reçu hier, à ce même micro, le patron de DARTY FNAC. Il dit : " Mais, en fait, on en est encore à débattre, quand on voit que nos commerces sont en train de crever ". Il dit « Vous êtes encore à aller à Roissy, à attendre les colis, en disant qu'il va falloir les taxer davantage ».
AMELIE DE MONTCHALIN
Attendez, Apolline De MALHERBE. Moi, je suis ministre du Budget depuis quatre mois. J'ai annoncé qu'on allait faire, avec les Européens, une redevance forfaitaire sur tous les petits colis, parce que ça, effectivement…
APOLLINE DE MALHERBE
Quand ? Quand ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je parle cette semaine à mon homologue polonais. J'ai eu la semaine dernière mon homologue néerlandais. J'aurai dans les prochains jours mon homologue allemand. On fait une réunion européenne, on y va. Là, vous me dites…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est en ce moment qu'ils sont en train de fermer les commerces français.
AMELIE DE MONTCHALIN
2026, on serait le pays, et on est aujourd'hui en train d'accélérer massivement le calendrier. Sinon, ce qui était prévu, c'était 2028. C'est dans trop longtemps. Deuxième sujet, vous me dites qu'on débat. Oui, on débat. Pourquoi ? Parce que si on veut faire des grands choix, aujourd'hui, si on pense qu'on impose et on y va, ça ne marche pas. On n'a pas de majorité absolue, on a un pays fragmenté, on a des partenaires sociaux qui veulent aller sur le sujet, on autorise le débat, on ouvre le débat, et on va trouver des solutions.
APOLLINE DE MALHERBE
Et pendant ce temps-là, les chefs d'entreprise, ils attendent ces solutions. Il y a Lucas, qui nous appelle de Chaumont, en Haute-Marne. Bonjour, Lucas. Vous êtes chef d'entreprise dans le médical. La ministre du Budget vous écoute.
LUCAS, CHEF D'ENTREPRISE DANS LE MEDICAL A CHAUMONT, EN HAUTE-MARNE
Bonjour Apolline, bonjour Madame la Ministre. Je vous appelle, en fait, j'ai écouté le débat d'hier. Ce que je regrette, c'est qu'on va encore taxer. On va encore taxer. Je travaille dans le médical, sur des implants, qui sont remboursés par la Sécurité sociale. Vous allez décider, là, de baisser le prix des tarifs. Les voitures sont taxées. On nous taxe l'IS. On nous taxe sur tout. On est en permanence en train d'avoir une nouvelle taxe qui sort. Même pour se mettre à jour maintenant, pour être au courant de tout ce qui sort comme nouvelle taxe, ça devient infernal. Et on a quand même une grosse crise du travail où, nous, on a pris le parti d'augmenter les salaires. On l'a fait. Les salariés sont revenus vers nous en nous disant que ce n'était pas si avantageux que ça parce qu'ils sautent deux tranches. La deuxième chose, c'est qu'ils veulent travailler moins. On a une grosse crise du travail aujourd'hui où les gens veulent du 60%, du 80%, mais être payés à 100%, en fait. Il est là, le problème, aujourd'hui. On a un gros souci aussi. Moi, je travaille à l'hôpital où il n'y a que des administratifs. En fait, on n'a pas de courage politique en France de se dire, en fait, plutôt que de taxer les entreprises, les gens, de se dire qu'il faut réduire nos charges.
APOLLINE DE MALHERBE
Lucas, je voudrais qu'un ministre puisse vous répondre précisément aussi là-dessus.
AMELIE DE MONTCHALIN
Depuis quatre mois que je suis ministre du Budget, c'est exactement pour vous répondre que je travaille. On ne veut pas augmenter les impôts sur les classes moyennes et les classes populaires. On veut baisser les impôts sur les TPE, PME. Comment on va faire ? On va réduire la dépense. On va faire le ménage dans notre organisation. J'ai annoncé un tiers des opérateurs et des agences supprimés, fusionnés. On fait le ménage. On va réduire la dépense sur les choses qui ne sont pas des priorités. Il faut qu'on se dise la vérité.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a plein de choses dans ce que dit Lucas. Il y a aussi cette question des soignants. Vous avez commencé cette interview, Amélie DE MONTCHALIN, en disant : " Tout ce qui fait notre fierté, le modèle social, tout ce qui fait notre fierté ". Vous avez cité notamment le rapport aux soins, les services publics. Ça fait encore votre fierté ? Aujourd'hui, vous trouvez que ça fonctionne bien ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui fait notre fierté, c'est… Ce que je veux dire, c'est qu'on est un des rares pays où, quand on a une maladie grave dans notre pays, indépendamment de notre revenu, on est très bien soigné. On n'a pas une médecine à deux vitesses. Et ça, je pense que c'est un acquis. Et les Français le veulent. Il y a des choses maintenant que les Français voient aussi. C'est qu'il y a des déserts médicaux et que parfois, il y a des gaspillages. Et donc nous, avec le Premier ministre, il avait dit : la vérité permet d'agir. Ce que dit le chef d'entreprise, que je remercie pour son témoignage, il résume en trois minutes notre feuille de route. On veut libérer la capacité des chefs d'entreprise à embaucher, à investir, à grandir.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand il augmente ses salariés, ses salariés lui disent : j'y perds.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais c'est pour ça que, on doit, un, rendre le système plus lisible. Le président de la République hier a dit : je veux faire le versement social unique, la solidarité à la source. À tout moment, vous devez savoir comment marche le système, et vous devez de manière prévisible savoir que si votre patron vous augmente, vous avez plus à la fin du mois et vous savez combien. Et aujourd'hui, notre système, il est trop complexe, ça ne marche pas comme ça. Mais vraiment, ma feuille de route, celle du Premier ministre, celle de tout ce Gouvernement, c'est de dire : on arrête d'augmenter les impôts. Nous sommes les champions du monde des impôts.
APOLLINE DE MALHERBE
Pardon, mais l'augmentation de la TVA, c'est une augmentation des impôts.
AMELIE DE MONTCHALIN
À la fin, s'il y a moins de charges, notre but, ce n'est pas de remplir les caisses avec la TVA. Et je ne dis pas que ce sera la TVA. Je dis qu'à la fin, il faut qu'on arrive à ce que le travail paye plus, que les entreprises puissent plus embaucher, que la croissance augmente.
APOLLINE DE MALHERBE
Quand Emmanuel MACRON dit qu'il faudra taxer plus la consommation, ça veut dire la TVA. Vous avez d'autres moyens de taxer plus la consommation ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est un sujet. Mais ce que je dis, c'est qu'à la fin, le but, ce n'est pas de remplir les caisses de l'État pour payer encore plus de dépenses avec la TVA. Est-ce que la solution, c'est de taxer davantage les produits qui viennent d'ailleurs ? Et c'est évidemment taxer davantage les produits qui viennent d'ailleurs. C'est évidemment taxer les industriels qui produisent d'ailleurs. Et la fameuse... si on baisse les charges d'un côté, et que certains impôts augmentent pour qu'à la fin, ça fasse le même argent, mais que c'est réparti différemment, et que ça nous permet de faire contribuer ce qui importe dans notre pays, je pense que c'est un débat qui mérite d'être ouvert. Je dis aujourd'hui : ce n'est pas le Gouvernement tout seul dans son coin qui, de manière autoritaire, va dire : c'est comme ça. On a besoin des entreprises, des chefs d'entreprise.
APOLLINE DE MALHERBE
Le sentiment que ça donne, c'est que Emmanuel MACRON dit : je souhaite, vous vous dites : on verra, on ouvre le débat.
AMELIE DE MONTCHALIN
Je vous dis : on discute, et on décide. Et on décide quand ? Au budget. Et on décide comment ? Par le compromis. On décide comment ? En associant les Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y aura donc pas de référendum sur le budget, sur les finances publiques.
AMELIE DE MONTCHALIN
Le Président l'a dit. Le budget, c'est le travail des parlementaires. La Constitution permet de faire des référendums sur les…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais ça, c'est ce qu'avait dit le Premier ministre…
AMELIE DE MONTCHALIN
Le premier ministre dit : si j'ai un plan, et qu'il y a des réformes qui sont difficiles, et des réformes qui demandent que les Français dans leur ensemble puissent donner leur avis, ça peut être une solution. Ce que dit le Président, c'est la même chose. Il dit : le budget, c'est le métier des parlementaires. Moi, je parle toute la journée avec les parlementaires. Parce qu'à la fin, on veut quoi ? On veut éviter la censure. On veut éviter le blocage. Et sur tous les sujets, on n'est pas en train de se dire : on fait du blabla. On a deux ans pour agir. Les Français de 2027, ils voteront à la présidentielle. D'ici là, nous avons une responsabilité. Poser sur la table les sujets, décider, trouver des consensus, et nous mettre dans un mode collectif, où soit on regarde les trains passer, soit on agit. Donc, tous ces sujets, un par un : les petits colis qui arrivent de l'étranger, on trouve une solution. Le travail qui paye plus, on trouve une solution. Mais on trouve une solution, pas tout seul. On trouve une solution avec les Français, et je pense que les Français, d'ailleurs, dans leur vote, il y a quelques mois, ils nous ont dit : voilà, le Parlement, il doit nous représenter. Et s'il nous représente, il est fragmenté. On doit trouver des compromis, on doit trouver des majorités, et c'est notre boulot.
APOLLINE DE MALHERBE
Et en attendant, Lucas, il galère.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, moi, ce que je vous dit, c'est que la galère, ce serait que je vous dise : il n'y a rien à faire. Il n'y a pas rien à faire. Il y a du courage à avoir, de la méthode et des compromis, et c'est ça qui nous…
source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2025