Déclaration de Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, sur le thème : " Comment nos politiques publiques peuvent-elles contribuer à relever les défis auxquels sont confrontées les zones rurales de notre pays ? ", au Sénat le 27 mai 2025.

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Circonstance : Débat organisé au Sénat à la demande du groupe Les Républicains

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, à la demande du groupe Les Républicains, sur le thème : " Comment nos politiques publiques peuvent-elles contribuer à relever les défis auxquels sont confrontées les zones rurales de notre pays ? "

(…)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Michel Masset et Bernard Buis applaudissent également.)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la ruralité représente 22 millions d'habitants, 88% de nos communes et 31% de l'industrie française, ce qui est considérable. Pourtant, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur Boyer, il arrive souvent qu'elle soit réduite à quelques clichés et que l'on manque son potentiel. Je me réjouis donc que le groupe Les Républicains ait inscrit ce débat à l'ordre du jour du Sénat ce soir.

Ce potentiel tient tout d'abord à la complémentarité qui existe entre les villes et la campagne. Celles-ci ne doivent pas être pensées en opposition.

Ce potentiel tient aussi au fait, comme vous le savez tous ici, que les ruralités sont de fabuleux lieux d'innovation, où foisonnent les " trucs qui marchent ", de l'exceptionnelle rénovation du bâti à Tréguier jusqu'à l'épicerie solidaire de Saint-Yrieix-la-Perche, en Haute-Vienne.

Pourtant, là où la ville semble être une évidence, la ruralité, ou plutôt les ruralités, tant elles sont diverses, ont longtemps été les grandes absentes de nos politiques publiques. Depuis quelques années, toutefois, nous avons parcouru bien du chemin, comme en témoigne la création d'un ministère dédié.

Grâce à votre engagement, mesdames, messieurs les sénateurs, et à celui de tous les élus, nous avons contribué à remettre la ruralité au cœur du débat public, avec des dispositifs ambitieux comme l'agenda rural, suivi par le plan France Ruralités en 2023. Je pense aussi au travail de qualité de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, présidée par Bernard Delcros, ainsi qu'à celui du groupe d'études Ruralités présidé par Jean-Jacques Lozach.

Dans la ruralité, tout – accéder à un professionnel de santé, se déplacer, trouver un logement, aller à l'université – peut relever du défi. L'objectif de France Ruralités, sur l'initiative d'Élisabeth Borne, était d'y répondre. Ma visite de trente-six départements, depuis mon arrivée au ministère, m'a permis de m'en rendre compte.

Avec François Rebsamen et l'ensemble du Gouvernement, j'ai déjà engagé des actions concrètes, à plusieurs niveaux.

Tout d'abord, en matière de santé, le plan France Ruralités a déjà permis de renforcer l'offre de soins, avec plus de 1 700 maisons de santé en ruralité et près de 90% du territoire couvert par une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Nous devons également inciter les jeunes médecins à s'installer en ruralité. C'est tout l'objet de la création d'une quatrième année d'internat. Celle-ci sera effective à la rentrée prochaine, avec l'arrivée de 3 700 docteurs juniors.

Néanmoins, nous devons aller plus loin. Tel est le sens du pacte pour lutter contre les déserts médicaux, annoncé par le Premier ministre le 25 avril dernier. Je tiens à saluer le travail du Sénat sur ce sujet. Je pense particulièrement à la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires du président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, ainsi qu'au travail de la rapporteure générale de la même commission, Élisabeth Doineau.

Ensuite, en ce qui concerne l'éducation, les inquiétudes des élus locaux concernant les fermetures de classe sont légitimes et doivent être entendues.

Cela étant, la création de 203 territoires éducatifs ruraux (TER) au bénéfice de près de 200 000 élèves a été très bien accueillie sur le terrain. Ce dispositif répond aux besoins des familles et des équipes éducatives, mais aussi des collectivités. En outre, nous avons voulu donner aux territoires une visibilité à trois ans de l'évolution démographique, en y associant les élus locaux. Je connais l'engagement de chacun d'entre vous sur ces sujets.

Par ailleurs, lors de mes déplacements, j'ai constaté l'émergence de la question du logement. Nous travaillons sur plusieurs fronts, afin de faciliter l'accès au logement pour tous, d'accélérer les rénovations énergétiques et de lutter contre la vacance.

Ainsi, l'extension du prêt à taux zéro (PTZ) sur l'ensemble du territoire est une avancée notable en vue de faciliter l'accès à la propriété en zone détendue.

MaPrimeRénov' a permis de rénover, en une année, 270 000 logements en zone rurale. Pas moins de 78% des communes sont couvertes par un programme de l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

Afin de lutter contre la vacance des logements, qui pénalise nos centres-bourgs, une prime de sortie de la vacance propre aux territoires ruraux a été dotée de crédits s'élevant à 12,5 millions d'euros.

Enfin, comme chacun le sait et comme vous l'avez dit, monsieur Boyer, rien n'est possible sans la mise en œuvre de solutions de mobilité dans nos territoires ruraux, la mobilité du premier kilomètre comme celle du dernier kilomètre.

La mesure Développement des mobilités durables en zones rurales du fonds vert a ainsi été dotée de 90 millions d'euros sur trois ans. Le 5 mai dernier, lors de la conférence Ambition France Transports, pilotée par le ministre Philippe Tabarot, j'ai rappelé l'importance de ce sujet et formulé quelques suggestions qui, je l'espère, vous conviendront.

Au-delà de ces mesures concrètes, d'autres dispositifs permettent, aujourd'hui, d'améliorer et de faciliter la vie des habitants.

Je pense ainsi aux 2 800 maisons France Services : il y en a une présente à vingt kilomètres de chacun de nous. Elles sont cruciales pour les particuliers. Je pense aussi aux 2 888 Villages d'avenir et aux 1 650 Petites Villes de demain (PVD), qui offrent un soutien essentiel et extrêmement apprécié en matière d'ingénierie à toutes nos petites communes. Celles-ci peuvent ainsi développer un projet de territoire porteur d'avenir.

Toutefois, je suis convaincue que nous devons aller plus loin. C'est la raison pour laquelle j'ai entrepris, dès septembre dernier, un tour de France des ruralités, afin d'évaluer ce plan avec ceux, que vous connaissez bien, qui le font vivre chaque jour sur le terrain et qui sont en mesure de formuler des suggestions.

Dans la continuité de ces actions, un comité interministériel à la ruralité sera réuni très prochainement pour dresser le bilan de France Ruralités, mais aussi pour poursuivre l'action engagée au travers de nouvelles propositions.

En effet, pour nos ruralités, je crois plus – et c'est la marque du Sénat – au sur-mesure du jardin à l'anglaise qu'à l'uniformité du jardin à la française. Ce n'est pas à Paris que nous pouvons déterminer une politique publique adaptée à nos territoires. Les réalités plurielles de nos territoires ruraux, comme les formidables initiatives locales, doivent inspirer le Gouvernement, mais aussi le législateur, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je suis convaincue que c'est seulement ensemble – État, parlementaires, élus – que nous construirons l'avenir de la ruralité. Un avenir où la ruralité pourra rester l'endroit d'où l'on vient, que l'on choisit de quitter, parfois pour mieux y revenir, mais aussi le lieu où l'on choisit de rester ou de s'installer même quand on n'en vient pas.

Monsieur le sénateur Boyer, pour compléter vos propos, si nous sommes tous des enfants de ruraux, je souhaite que nos enfants puissent être également des ruraux heureux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Antoinette Guhl et MM. Michel Masset et Bernard Buis applaudissent également.)


- Débat interactif -

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum, y compris pour l'éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à une réplique pendant une minute ; l'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Daniel Laurent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Denise Saint-Pé applaudit également.)

M. Daniel Laurent. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans nos territoires ruraux, la mobilité n'est ni un luxe ni une option. Elle est une condition de l'égalité des chances et de l'accès à l'emploi, aux soins, à la formation et à la culture. Elle est un droit et elle doit redevenir une priorité nationale.

À ce titre, une étude publiée l'an dernier par l'Institut Terram, avec Chemins d'avenirs et l'Ifop, était sans appel : les jeunes ruraux passent en moyenne deux heures trente-sept minutes par jour dans les transports, contre une heure cinquante-cinq minutes pour les urbains.

Pas moins de 69 % d'entre eux dépendent de la voiture au quotidien, et plus d'un sur deux a déjà renoncé à une activité ou à une formation faute de transports adaptés. Dans le même temps, 63% déclarent vouloir construire leur avenir en milieu rural. Mais comment le pourraient-ils, quand 70% des formations postbac sont en métropole, à plusieurs heures de route ?

Dans le secteur ferroviaire, la réalité est implacable : petites lignes et trains supprimés, gares désertées, réseaux dégradés, temps de trajets allongés, usagers découragés. L'absence d'une stratégie de l'État pour la régénération et la modernisation des lignes aggrave encore cette fracture.

Un territoire sans train est un territoire à l'arrêt ! Depuis le début de mon mandat, en 2008, j'ai interpellé une dizaine de ministres des transports sur ce sujet. Je le redis ici, les régions, même volontaristes, ne peuvent assumer seules la relance du ferroviaire rural.

Quant à l'Afit France, elle reste sous-dotée face aux enjeux. M. Farandou, président du groupe SNCF, a alerté sur les besoins financiers, estimés à 1 milliard d'euros par an, pour maintenir en état le réseau. Il a suggéré de profiter de la prochaine négociation sur les concessions autoroutières pour y intégrer une part de financement du réseau ferré et relancer l'écotaxe sur les camions étrangers.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Laurent. Alors que la conférence nationale Ambition France Transports vient de s'ouvrir sous la présidence de Dominique Bussereau, qui connaît bien notre territoire et nos attentes, comptez-vous enfin inscrire la mobilité rurale dans un plan national de financement ambitieux, lisible et équitable ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Laurent, je l'ai rappelé dans mon propos introductif, la mobilité est un enjeu essentiel pour les territoires ruraux.

Nous savons que le ferroviaire fait partie de ces outils de mobilité. De Beillant à Rochefort, deux communes de votre département, la desserte ferroviaire reste vitale pour assurer l'attractivité des territoires ruraux et lutter contre l'assignation à résidence.

Vous l'avez dit, les régions sont des acteurs moteurs pour préserver les lignes ferroviaires, mais elles ne sont pas les seules. Ainsi, dans le cadre du contrat de plan État-régions Mobilités 2023-2027, l'État a investi 104 millions d'euros en 2023, une enveloppe allouée de nouveau en 2024.

Tout en maintenant la plupart des lignes ferroviaires, nous devons aussi penser à des solutions de substitution sur des lignes ferroviaires à fréquentation trop faible. Je pense notamment à des projets de ligne légère, qui permettent de réutiliser des voies avec des normes assouplies et des contraintes adaptées. Un projet existe dans la région Grand Est avec la ligne Nancy-Contrexéville.

Préserver ce qui fonctionne, développer une vision stratégique avec les AOM et inventer le ferroviaire de proximité, comme vous le souhaitez : tel est le sens de la démarche défendue par Philippe Tabarot, qui m'a donné l'occasion d'exprimer la vision nécessaire pour la mobilité en ruralité.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la ministre, les territoires ruraux de notre pays et leurs habitants sont confrontés à de multiples défis. Les plus jeunes sont les premiers exposés, l'accès à l'enseignement supérieur restant un parcours semé d'embûches.

En effet, la répartition géographique du taux de diplômés révèle des inégalités territoriales d'accès à l'enseignement supérieur. Ce taux diminue à mesure que l'on s'éloigne des grandes villes. En témoignent les résultats d'une analyse menée il y a quelques semaines par le professeur des universités Olivier Bouba-Olga.

Cette étude, qui se concentre sur l'accessibilité de l'offre de formation de première année de l'enseignement supérieur, à l'exception des formations d'apprentissage, indique ceci : sur l'ensemble de la France hexagonale, l'exploitation des données de Parcoursup pour 2023 révèle que l'offre de formation s'élève à 77% dans les pôles urbains majeurs de notre pays.

Le maillage territorial des sites de formation supérieure constitue un levier majeur d'augmentation du niveau de formation, démontrant ainsi des liens forts entre les politiques d'aménagement du territoire et celles qui sont liées à l'enseignement supérieur.

Certains acteurs associatifs agissent quotidiennement pour lutter contre l'autocensure des jeunes ruraux, à l'image de la fédération Des Territoires aux Grandes Écoles.

Néanmoins, force est de constater que des inégalités d'accès à l'enseignement supérieur persistent. Les campus connectés, lancés en 2020 sous l'impulsion du Président de la République, en réponse au mouvement des « gilets jaunes », devaient permettre de réduire les fractures sociales et territoriales.

Si le dispositif a montré son utilité dans certains territoires, comme à Nevers, il peut encore être amélioré, selon les recommandations d'un rapport publié il y a quelques jours par la Banque des territoires.

Madame la ministre, au-delà des campus connectés, quelles actions envisagez-vous pour renforcer l'égalité des chances dans l'accès à l'enseignement supérieur pour tous les jeunes issus de la ruralité ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Vous posez une question essentielle, monsieur le sénateur, celle de l'accès des jeunes à un chemin professionnel et à un chemin de vie choisi. L'accès à l'enseignement supérieur reste un vrai sujet.

Jusqu'au collège, certains élèves des zones rurales réussissent aussi bien que les élèves des villes. Ensuite, les choses changent, car nombre d'enfants des zones rurales s'orientent vers des voies professionnelles, et trop peu accèdent à l'enseignement supérieur.

Face à cette réalité indéniable, il est impératif d'organiser les choses différemment. La ministre de l'éducation nationale, Élisabeth Borne, le ministre de l'enseignement supérieur, Philippe Baptiste, et moi-même avons lancé un travail important sur ce sujet, car nous partageons la nécessité d'avancer.

Tout d'abord, le Premier ministre a exprimé son souhait d'ouvrir une première année d'accès aux études de santé dans chaque département. C'est une première réponse aux difficultés que vous soulevez.

Ensuite, nous avons lancé une expérimentation des options santé et médecine dans certains lycées, qui devrait pouvoir être élargie.

Enfin, il conviendrait de développer de premiers cycles d'université dans des villes moyennes et des chefs-lieux de département.

Vous avez parlé des campus connectés. Je me suis rendu à celui de Nevers, qui est assez remarquable, les résultats des étudiants de première année de médecine étant supérieurs à la moyenne nationale. Les campus connectés doivent, pour certains, être améliorés, même si ce ne peut être une solution unique.

Pas plus tard que cet après-midi, Élisabeth Borne et moi-même avons discuté de la possibilité d'installer dans des lycées une première année de formation supérieure. L'idée est de proposer, au plus près des jeunes des territoires, une palette de formations supérieures qui leur ouvre une voie vers l'avenir et attire les habitants et les entreprises dans nos territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Madame la ministre, je me satisfais de ce débat sur la ruralité. Je connais votre attachement à ce sujet, comme vous connaissez celui du groupe RDSE.

J'appelle votre attention sur un sujet central, déjà évoqué il y a quelques instants, celui de la mobilité en milieu rural.

Vous le savez, les déplacements en transports en commun sont très marginaux chez nous, dans nos circonscriptions rurales. Bien que nous défendions le maintien des petites lignes de train, les trajets en voiture restent incontournables au quotidien pour se rendre sur son lieu de travail, déposer ses enfants à l'école, faire ses courses, accéder aux services publics ou aller chez le médecin, soit autant d'actions indispensables à la vie locale.

C'est la raison pour laquelle la voiture, donc le permis de conduire, représente toujours pour nous l'autre nom de la liberté.

Dans le Lot-et-Garonne, nous faisons face à un manque patent d'examinateurs. Cette situation relègue notre jeunesse et tous les candidats à des listes d'attente à rallonge et réduit le nombre d'inscriptions dans les auto-écoles, qui sont à leur tour durement affectées. Je veux donc tirer la sonnette d'alarme pour enrayer la désertification des mobilités en milieu rural, qui s'ajouterait à la désertification médicale, entre autres.

Ce problème doit faire l'objet d'une réelle prise de conscience, afin de ne pas entraver l'essor de nos ruralités, qui souffrent déjà du manque de services publics.

Madame la ministre, avez-vous identifié cette problématique précise ? Et quelles mesures d'urgence envisagez-vous de prendre en faveur de la mobilité ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Masset, je vous remercie d'avoir posé cette question essentielle. Vous avez raison de le rappeler : la voiture reste et restera dans nos territoires ruraux le mode de déplacement majoritaire, même si nous devons aller vers des modes de covoiturage et d'autopartage.

Nous le savons, l'outil de la liberté, c'est le permis de conduire, car il permet aux jeunes de ne plus être assignés à résidence. Or nous déplorons aujourd'hui un engorgement extrêmement fort, lié à une hausse des inscriptions dans les auto-écoles et au retard pris pendant la crise du covid-19.

Compte tenu de ces éléments, les postes budgétaires pour les inspecteurs du permis de conduire ont été priorisés. Nous avons ainsi recruté successivement 15 équivalents temps plein (ETP) en 2023 et 38 en 2024. Ils ont été répartis dans les départements où l'urgence était la plus forte.

Nous avons également autorisé, au titre de l'année 2025, l'ouverture exceptionnelle d'une seconde session de concours externe et interne pour le recrutement des inspecteurs.

D'autres leviers sont utilisés à l'échelon local. Ainsi, des inspecteurs retraités peuvent continuer à réaliser des examens sous couvert de conventions, tandis qu'un dispositif d'examen supplémentaire permet aux inspecteurs d'effectuer des examens pratiques en heures supplémentaires le samedi.

En 2024, ces mesures concrètes ont permis d'assurer 125 550 examens supplémentaires. Nous devons toutefois veiller à retrouver un flux plus accessible, afin que la situation ne se dégrade pas de nouveau.

Soyez assuré de notre attention sur ce sujet, monsieur le sénateur.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour la réplique.

M. Michel Masset. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J'appelle votre attention sur un document stratégique à mes yeux, qui devrait devenir la boussole de l'action publique locale et nationale en faveur de la ruralité : le schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public (SDAASP).

Ce document, introduit par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, présente un diagnostic territorial des services publics et privés sous-utilisés. Il devrait, selon moi, devenir un outil de pilotage des politiques publiques, afin que les territoires ruraux relèvent les défis qui se présentent à eux.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Le temps m'étant compté, je ne serai pas longue. Vous avez parfaitement raison, monsieur le sénateur ; le plan de développement des maisons France Services fait d'ailleurs partie de ce schéma.

Je suggérerai que, après les élections municipales, dans chaque département, un échange se tienne de nouveau avec collectivités et le préfet pour déterminer la manière dont ce document doit être mis en œuvre et peut évoluer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Madame ministre, vous le savez, la ruralité a toujours été au cœur de mon engagement.

Récemment, nous avons saisi le Conseil constitutionnel d'une proposition de loi dont nous redoutions l'inconstitutionnalité. Ce texte, qui étend l'application du scrutin paritaire à l'ensemble du bloc communal, est désormais promulgué.

Si l'objectif est louable, son application en milieu rural suscite de vives inquiétudes, car nos collectivités locales, premiers échelons de la République et véritables poumons de la ruralité, risquent l'asphyxie. Nous en avons pleinement conscience dans cet hémicycle, mais, reconnaissons-le, nos efforts demeurent insuffisants. Le défi est immense, et certaines mesures mal calibrées fragilisent ce tissu local.

Samedi dernier, lors de l'assemblée générale des maires du Doubs, plus des trois quarts des élus étaient absents. Parmi les présents, nombreux sont ceux qui ont exprimé leur incompréhension, voire leur rejet de ce texte.

À l'inverse, une autre initiative, d'origine sénatoriale, fait consensus : la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local. Ce texte porte en germe une réponse concrète à l'érosion de l'engagement que nous observons sur le terrain. Cette initiative, c'était la vôtre, madame Gatel, avant que vous ne deveniez ministre !

Comment étions-nous supposés agir ? Voilà plus d'un an que vous avez répondu à cette interrogation. Aujourd'hui, il reste une question essentielle : quand ?

Quand serons-nous capables de redonner vie aux territoires et de représenter la République dans chaque village ?

Quand votre proposition de loi sera-t-elle inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ?

Quand, en l'absence de procédure accélérée, la deuxième lecture de ce texte aura-t-elle lieu au Sénat ?

Si nous voulons rassurer les élus à la veille des élections municipales, nous devons leur faire confiance. Surtout, cessons de leur opposer un certain nombre d'obstacles : vu ce qu'on leur demande déjà, nous les mettrions davantage en difficulté, notamment dans les petites collectivités. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Vous connaissez ma franchise, monsieur le sénateur. Elle ne m'a pas quittée quand je suis entrée au Gouvernement.

Vous me posez deux questions précises : l'une sur la proposition de loi visant à généraliser le scrutin de liste paritaire à l'ensemble des communes dans le cadre des élections municipales, l'autre sur la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local.

Commençons par le premier texte, cher Jean-François Longeot. Nous en avons débattu et avons saisi le Conseil constitutionnel. Aujourd'hui, les choses sont ce qu'elles sont.

Pour ma part, je respecte l'avis de chacun sur ce sujet, qui ne peut pas recueillir d'unanimité. Depuis mon entrée en fonction, j'ai visité trente-six départements et rencontré tous les élus à chacun de mes déplacements. Certains d'entre eux m'ont dit que l'extension du scrutin de liste paritaire constituait encore une complication, à un an des élections municipales.

Je comprends leurs inquiétudes, mais, dans le même temps – je vous le dis avec ma conviction profonde –, j'ai accepté de défendre au banc des ministres cette proposition de loi, déposée par une députée, car je connais la souffrance des élus au sein du conseil municipal dans les communes de moins de 1 000 habitants.

Le scrutin de liste paritaire, bien qu'il semble difficile à mettre en place, m'est apparu comme une bonne solution ; les communes de 1 000 habitants et plus ne changeraient pas de régime.

Ensuite, concernant le statut de l'élu local, je serai rapide et claire. Je vous remercie de m'avoir posé votre question aujourd'hui, plutôt qu'il y a trois semaines, car je sais désormais que la proposition de loi sénatoriale, votée ici à l'unanimité, sera examinée à l'Assemblée nationale du 30 juin au 3 juillet – je précise bien qu'il s'agira de juillet 2025 ! (Sourires.) Et elle sera probablement de retour au Sénat en septembre prochain.

J'espère que ce texte prospérera, par respect pour tous les élus locaux, comme vous l'avez justement souligné. (M. Bernard Buis applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, les territoires ruraux couvrent 75% du territoire métropolitain et comptent 22 millions d'habitants, soit près du tiers de la population française. Ils concentrent 80% des communes et sont au cœur des transitions démographiques, écologiques, économiques et sociales.

Pour éviter les exclusions et le sentiment d'abandon qui nourrissent le populisme, nous devons renforcer les services publics – transports, santé, éducation, nouvelles technologies – et permettre l'égal accès de chacun aux besoins élémentaires, quel que soit son lieu de vie.

C'est en agissant sur le réel des habitants, pour réduire les inégalités, que nous trouverons le chemin du développement, car, au-delà de leurs paysages, les territoires ruraux sont des acteurs majeurs de l'aménagement du territoire.

La crise sanitaire a révélé le désir de campagne d'une partie de la population. L'enjeu, à l'avenir, serait de concilier le potentiel de développement, qui résulte notamment de l'objectif zéro artificialisation nette, avec le respect des aménités rurales, qui doivent être correctement rémunérées.

Aujourd'hui, les territoires ruraux fournissent alimentation, eau potable et forêts aux autres territoires, y compris les métropoles. Sont-ils rémunérés à leur juste valeur, alors qu'ils contribuent à la qualité de vie globale des habitants ?

Grâce à la commande publique, les collectivités en zone rurale peuvent soutenir l'agriculture, les circuits courts, la production et la consommation locale, ainsi que l'économie et le logement, par la réhabilitation des friches et du bâti ancien dans nos bourgs.

Nous devons renouer avec une stratégie nationale d'aménagement du territoire, en n'excluant pas les territoires ruraux d'un système concentré qui n'a pas produit le ruissellement attendu.

Il est urgent de redonner du sens au mandat des élus du dernier kilomètre et de prévoir les moyens adéquats pour faire de l'espace rural, non pas un oublié de la République, mais le fer de lance des transitions qui sont devant nous.

Aussi, madame la ministre, que pensez-vous d'une nouvelle loi d'aménagement du territoire, qui prendrait précisément en compte ces nouveaux défis et qui, bien sûr, serait assortie de moyens et d'une réforme de la fiscalité locale ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice, votre philosophie de la ruralité soulève de nombreuses questions. Aujourd'hui, je m'occupe de la ruralité avec beaucoup de conviction et de passion. Je pense, comme vous, qu'elle est la clé du développement durable et une chance pour notre pays.

Nous devons à la fois faire face aux difficultés et nous convaincre qu'il n'y a pas de fatalité. La ruralité doit être forte et vivante ; autrement dit, elle doit être productive et accueillir de nouveaux habitants.

On l'a dit, plusieurs difficultés se posent, notamment en matière d'accès aux soins, de mobilité et de logement. Toutefois, de nombreuses initiatives permettent d'y faire face. Encore une fois, chez les élus des trente-six départements que j'ai visités, je n'ai jamais entendu de résignation.

M. Alexandre Basquin. Oh !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. J'entends les difficultés, et nous devons les écouter, mais je vous invite à vous rendre, à mes côtés, à toutes les réunions organisées avec les élus locaux. Vous verrez qu'ils sont attachés à leur territoire et qu'ils se battent.

M. François Patriat. Très bien !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Il faut que nous les aidions, et c'est précisément ce que nous faisons. En effet, on compte désormais 2 888 programmes Villages d'avenir et 1 650 programmes Petites Villes de demain. Les maisons France Services et l'ingénierie que l'État a mise à disposition des collectivités rurales sont autant de changements de politique qu'il nous faut accompagner et poursuivre.

Nous avons aussi reconnu l'importance de la ruralité et ce qu'elle nous apporte avec les aménités rurales, que l'on appelait avant la dotation biodiversité. Entre 2023 et 2025, leur valorisation est passée de 40 millions à 110 millions d'euros. C'est la preuve que nous reconnaissons la valeur de nos territoires ruraux.

Je ne crois pas au père Noël, je ne suis pas naïve et je n'ignore pas les difficultés. Néanmoins, je sais l'énergie déployée par certains et j'ai conscience de la nécessité d'avancer ensemble.

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Quant à la fiscalité locale, je pense qu'elle doit être débattue, rebattue et peut-être même rabattue.

C'est un chantier qui, vu l'ordre du jour parlementaire, me semble difficile à envisager, mais il y a toujours un lendemain.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, alors que nous avons fêté, le 17 janvier dernier, les cinquante ans de la loi Veil, et un an après la constitutionnalisation de la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG), l'accès à ce droit fondamental reste largement inégal sur le territoire.

Pour les 11 millions de femmes vivant en zone rurale, il n'est toujours pas garanti. En juillet 2024, une étude de l'Ifop commandée par le Planning familial rappelait que plus de la moitié des femmes vivant en zone rurale et ayant eu recours à l'avortement faisaient part d'inégalités d'accès à l'IVG.

En 2021, l'excellent rapport d'information Femmes et ruralités, élaboré en partie par ma collègue Raymonde Poncet Monge, au nom de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, pointait déjà ces inégalités : déficit d'offres de soins en milieu rural, difficultés d'accès à l'IVG, impact préjudiciable sur la santé des femmes, etc.

Avorter en zone rurale se révèle encore aujourd'hui un véritable parcours de la combattante. Selon le Planning familial, 131 centres d'IVG ont fermé leurs portes sur le territoire au cours des quinze dernières années. Résultat, un allongement des délais entre la première demande de rendez-vous et la réalisation de l'IVG, une méthode d'avortement parfois imposée ou encore un allongement du temps de trajet.

En 2022, quelque 17% des femmes ayant eu recours à l'avortement se sont rendues hors de leur département. Dans les Hautes-Alpes ou dans l'Indre, départements limitrophes de l'Isère, ce taux dépasse les 40 %.

Le département de la Drôme a voté, en mars dernier, la fermeture de sept centres de santé sexuelle, dans un territoire qui en compte dix-huit au total, et acté la baisse de 20% des budgets alloués aux onze autres centres. La stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030, lancée par le Gouvernement, avait pourtant érigé la proximité comme principe d'action.

Alors que les 11 millions de femmes vivant en zone rurale portent nos territoires et qu'elles pallient chaque jour le désengagement croissant de l'État, elles sont les grandes oubliées de vos politiques publiques.

Aussi, madame la ministre, qu'allez-vous donc faire pour que le droit à l'avortement puisse être garanti partout et pour toutes ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le président Gontard, vous avez raison de rappeler que nous fêtons les cinquante ans de la loi Veil et que nous avons inscrit dans la Constitution le droit des femmes à recourir à l'IVG.

Votre question porte sur un sujet particulier, qui, de manière générale, doit être rattaché à la question de l'accès aux soins. Je rappellerai un seul chiffre : en France, on compte en moyenne 2,6 gynécologues pour 100 000 femmes en âge de consulter, ce qui est absolument insuffisant. La fin du numerus clausus permettra sans doute d'améliorer les choses. Notez que 77 départements sont en dessous de cette moyenne et que 13 ne comptent aucun gynécologue aujourd'hui.

Face à ces réalités, le Gouvernement n'est pas resté inactif, puisqu'il a apporté des réponses concrètes.

Depuis 2016, les sages-femmes, qui sont d'ailleurs désormais plus nombreuses à s'installer dans des territoires ruraux, peuvent prescrire et pratiquer l'IVG médicamenteuse. Depuis 2023, elles sont même autorisées à pratiquer l'IVG en établissement. Quant à la téléconsultation, elle permet désormais d'accéder à une IVG médicamenteuse sans se déplacer dans les délais légaux.

Ces mesures renforcent un réseau de proximité essentiel, grâce à l'engagement des sages-femmes et des pharmaciens.

Je souhaite également saluer une initiative exemplaire, le " gynécobus " des Ardennes. Ce dispositif mobile, piloté par une sage-femme et une auxiliaire de puériculture, propose un accès direct à la contraception, au dépistage et à l'information de l'IVG, dans un territoire sous-doté en professionnels de santé.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Mérillou.

M. Serge Mérillou. Madame la ministre, je souhaite vous interpeller sur une injustice criante de notre fiscalité, qui affecte gravement les communes rurales : la suppression de la taxe d'habitation (TH) et son corollaire, le coefficient correcteur.

Après la suppression de la TH, le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) a été transféré des départements aux communes. Toutefois, il n'est pas égal au montant de la ressource de TH perçu par la commune. Si ce montant est supérieur, on parle de communes surcompensées ; s'il est inférieur, de communes sous-compensées.

Le coefficient correcteur a pour objectif de compenser ces écarts communaux, mais il a des effets de bord regrettables. En effet, dans les départements ruraux, les montants de la taxe foncière dépassent en volume ceux de la suppression de la taxe d'habitation.

L'excédent collecté par les communes rurales se retrouve donc affecté à d'autres collectivités, essentiellement urbaines, où les revenus sont plus élevés.

En Dordogne, 498 communes sont dites surcompensées et 5 sous-compensées. La part de la taxe foncière reversée est donc très élevée : plus de 57 millions d'euros pour mon département, payés par les contribuables locaux et réaffectés à d'autres secteurs. Ainsi, Neuilly serait l'heureuse bénéficiaire de 6 millions d'euros !

L'Union départementale des maires et l'Association des maires ruraux de France (AMRF) dénoncent un mécanisme injuste et inéquitable, qui a accentué encore la fracture territoriale.

Avant d'envisager un nouvel impôt local, ne serait-il pas plus opportun de revenir sur ce mécanisme qui prive les territoires de moyens importants et rompt le lien fiscal entre l'habitat et sa commune ?

Madame la ministre, je souhaiterais savoir quelles mesures correctives le Gouvernement entend prendre à ce sujet.

Mme Marie-Claude Varaillas. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Mérillou, votre question touche à deux principes qui sont chers aux yeux de tous les élus locaux, me semble-t-il : la solidarité et la péréquation.

Lorsque le Gouvernement a supprimé la taxe d'habitation, il s'est engagé à compenser les collectivités concernées, ce qui est bien normal, en commençant par attribuer aux communes une part départementale de la taxe foncière.

Ensuite, ce seul transfert ne suffisant pas, il a fallu assurer l'équité entre les communes ; je pense que personne, ici, n'en voudra au Gouvernement, surtout les sénateurs issus de vos rangs.

Certaines communes ont été surcompensées, tandis que d'autres ont été sous-compensées. Voilà pourquoi nous avons instauré un mécanisme de coefficient correcteur, pour garantir l'équilibre de la compensation à l'euro près.

Certes, la péréquation fait des perdants et des gagnants, mais c'est le principe même de la solidarité. La vertu de ce dispositif est de permettre de nous adapter aux dynamiques des territoires, plutôt que de figer pour l'éternité des montants qui existaient lors de la suppression de la taxe d'habitation.

Par ailleurs, la liberté des communes est préservée. Je rappelle qu'elles peuvent user de leur pouvoir de taux sans que cette décision influe sur le coefficient correcteur.

Au-delà du remplacement de la taxe d'habitation par la part départementale de la TFPB, je rappelle que l'État participe à la compensation des collectivités à hauteur de 728 millions d'euros.

M. François Patriat. Parfait !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Brault. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Jean-Luc Brault. Madame la ministre, demain, pourra-t-on continuer à vivre dans nos campagnes ? Aujourd'hui, 40% des Français y résident. Pourtant, nos communes rurales, notamment dans le Loir-et-Cher – je vous remercie de vous y être rendue ce matin –, se trouvent parfois délaissées, déclassées, voire abandonnées.

Nombre de leurs habitants se sentent comme des citoyens de seconde zone, même si je sais très bien combien vous avez défendu les zones de revitalisation rurale (ZRR), ce dont je veux vous remercier.

Insertion professionnelle, accès à la formation, aux services publics, aux soins, mais aussi aux loisirs et aux activités culturelles : les besoins sont importants. En tant que chef d'entreprise, j'ai vu nombre d'apprentis parcourir chaque matin des dizaines de kilomètres en mobylette pour apprendre les métiers de plombier, de chauffagiste ou d'électricien.

La mobilité est un élément essentiel, la base de la satisfaction de tous ces besoins et la condition préalable au développement économique et social de nos campagnes. Un Français sur quatre a déjà refusé un emploi faute de moyen de transport.

Les politiques publiques doivent permettre le développement de transports complémentaires et alternatifs.

Si nous entendons désenclaver nos campagnes et empêcher que les jeunes soient assignés à résidence et les moins jeunes contraints à l'exode, il nous faut résorber la fracture entre les territoires en renforçant la mobilité.

Pour cela, avant de développer de nouvelles solutions, soutenons ce qui fonctionne. Je souhaite ainsi vous faire part du dernier cas concret d'absurdité sur mon territoire du Loir-et-Cher, dont Bernard Pillefer peut témoigner également : la décision unilatérale, voire condescendante, de la SNCF de supprimer le train de huit heures cinquante-deux à Vendôme, sur la ligne Poitiers-Châtellerault-Tours-Vendôme-Paris.

Lors de nos échanges avec la SNCF, il n'a jamais été question du quotidien des travailleurs, de ceux qui ont des enfants à faire garder, des élus qui se battent chaque jour pour maintenir les entreprises locales et en attirer de nouvelles. Il n'a été question que de chiffres et de courbes, jamais de la place de la mobilité dans les territoires ruraux !

Madame la ministre, demain, pourra-t-on continuer de vivre à la campagne ? Quelles sont les priorités du Gouvernement pour développer les mobilités, au pluriel, dans les territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Bernard Pillefer et Jean-Marc Boyer applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Jean-Luc Brault, permettez-moi de vous saluer chaleureusement, ainsi que le sénateur Bernard Pillefer, car nous avons passé la matinée ensemble sur votre territoire, et la question de la mobilité a été au cœur de nos échanges.

Je tiens à vous rassurer : oui, nous continuerons à vivre à la campagne. Je ne nourris aucune inquiétude à ce sujet, mais plutôt une ambition, qui me semble faire écho à la vôtre.

La problématique des mobilités est un vrai sujet, j'en suis pleinement consciente. Nous avons évoqué de multiples solutions, car celles-ci existent. Certaines d'entre elles sont très lourdes, mais à la campagne, ce sont surtout des micro-solutions qui s'imposent, car il n'est pas envisageable de mettre en place des lignes de bus cadencées comme en milieu urbain. L'enjeu est d'innover pour assurer la mobilité du premier et du dernier kilomètre.

Vous soulevez la question des trains. J'ai eu l'occasion de répondre au sénateur Daniel Laurent précédemment et je vous invite à suivre de près les travaux d'Ambition France Transports, pilotés par votre ex-collègue, le ministre Philippe Tabarot, et par Dominique Bussereau.

Vous appelez mon attention sur un sujet spécifique au Vendômois. L'évolution qui suscite votre contrariété, je l'entends, illustre parfaitement les adaptations que la SNCF, gestionnaire de ce service, se doit de mettre en œuvre. Le cœur du problème réside dans la saturation du premier TGV, qui arrive à Paris à huit heures trente-six. Ce train est pris d'assaut par les voyageurs, alors même que celui qui le suit affiche un taux de remplissage inférieur de moitié environ.

Face à ce constat, la SNCF souhaite expérimenter pendant six mois une nouvelle offre visant à accroître la capacité du train de huit heures trente-six en y adjoignant une seconde rame, ce qui implique la suppression du train de neuf heures trente-six, qui n'était qu'à moitié plein. Au total, cette réorganisation se traduira par une augmentation globale du nombre de places disponibles, à hauteur de 650 places supplémentaires sur l'ensemble de la matinée.

Cette expérimentation a été menée à la suite de discussions avec les élus locaux ; je vous encourage vivement à vous y associer et à prendre part à cette réflexion collective.

En toute sincérité, il ne me semble pas qu'une augmentation de capacité de 650 places aux heures de pointe puisse être interprétée comme le signe d'un abandon de la ruralité, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Demas. Madame la ministre, notre débat de ce soir m'invite à considérer la problématique sous l'angle du numérique et de l'accès aux services publics.

M. Patrick Chaize. Très bien !

Mme Patricia Demas. J'ai la conviction profonde que, si nous ne laissons personne au bord des chemins de la connexion dans la ruralité, alors nous pourrons affirmer avec certitude que nos politiques publiques sont efficientes.

L'accès au très haut débit par la fibre optique est essentiel pour la ruralité, nous le savons tous. Cependant, au-delà de la disponibilité de l'infrastructure, se pose avec acuité la question de l'accès effectif et abordable pour tous les foyers.

Pour ne prendre qu'un seul exemple, dans mon département, l'analyse de la situation sur un échantillon de huit communes rurales révèle que, bien que la couverture en fibre atteigne environ 96%, la somme des lignes filaires effectivement actives, en additionnant cuivre et fibre, n'atteint qu'environ 32%.

Cela signifie que 68% des logements de ces communes rurales ne disposent à ce jour d'aucun service filaire actif et devront, à l'avenir, se tourner vers la fibre optique pour répondre à leurs besoins.

Une question essentielle se pose aujourd'hui pour ces nombreux logements, dont le cas de figure est loin d'être isolé : alors que le réseau cuivre est voué à disparaître, quelles garanties le Gouvernement peut-il apporter quant à l'effectivité du raccordement des foyers restants au moment du décommissionnement et dans la période qui suivra ?

Plus précisément, comment s'assurer que ce raccordement s'opérera dans des conditions financières équitables et stables, y compris dans les cas techniques complexes, et que l'effort demandé aux citoyens de la ruralité pour accéder à ce service essentiel, notamment en lieu et place d'un service universel, demeurera maîtrisé et prévisible ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Patricia Demas, votre question porte sur un sujet important : il est primordial que la ruralité bénéficie aujourd'hui de ces technologies.

Force est de constater que la situation est très inégale selon les départements. Certains d'entre eux affichent une performance remarquable, tandis que d'autres, pour des raisons parfois indépendantes de la volonté de leurs élus, accusent un certain retard.

L'État a investi plus de 3,5 milliards d'euros dans le plan France Très Haut Débit. Vous l'avez souligné, certains raccordements se révèlent complexes, et il incombe à l'opérateur de les mettre en place. Un dispositif, piloté par la direction générale des entreprises (DGE), sera expérimenté à partir de septembre prochain dans 3 141 communes où la fermeture du réseau cuivre est prévue d'ici à 2027. Il vise à aider les très petites entreprises (TPE) et les particuliers les plus vulnérables à financer les travaux qui leur reviennent.

Par ailleurs, l'État a mis en place le dispositif Cohésion numérique des territoires, qui permet de financer l'équipement en solution de substitution hertzienne, par exemple par satellite, dans l'attente du déploiement de la fibre dans certains territoires.

S'agissant de la fermeture du réseau cuivre, il convient de rappeler qu'elle est soumise à de strictes conditions : la fibre optique doit être disponible sur la zone, des délais de prévenance suffisants doivent être respectés, enfin, une obligation de transparence sur le calendrier de fermeture et de partage d'informations s'applique. Au niveau local, des comités organisés sous l'égide des préfets assurent le suivi du plan de fermeture sur le territoire.

Je vous invite ainsi, madame la sénatrice, à contacter votre préfet pour suivre l'évolution des progrès que vous attendez et qui me paraissent légitimes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas, pour la réplique.

Mme Patricia Demas. Madame la ministre, j'appelle votre attention sur une pratique préoccupante de certains opérateurs qui imposent des coûts prohibitifs aux citoyens souhaitant se raccorder.

Le Gouvernement devrait assurer un suivi étroit de cette situation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.

Mme Denise Saint-Pé. Madame la ministre, je souhaite associer à ma question notre collègue Bernard Delcros, défenseur infatigable de la ruralité.

Avec plus de 70 % des trajets en milieu rural effectués en voiture individuelle, contre 54 % en milieu urbain, les territoires ruraux se caractérisent par une dépendance très forte à ce moyen de locomotion. Cette réalité est loin d'être anodine : les véhicules particuliers sont responsables de plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports, lequel représente lui-même environ un tiers des émissions annuelles de notre pays.

Cependant, les solutions de rechange à la voiture individuelle peinent à voir le jour dans le monde rural. Le maillage en transports en commun, plus coûteux qu'en zone urbaine, n'est pas satisfaisant ou trop irrégulier ; les mobilités actives, comme le vélo ou la marche, sont peu adaptées aux territoires concernés et à certains usagers ; enfin, les espaces clés pour la multimodalité sont souvent éloignés.

C'est pourquoi l'annonce en 2023 par le Gouvernement de la création d'un fonds de soutien de 90 millions d'euros sur trois ans à la mobilité en zone rurale, abrité dans le fonds vert, constituait une réponse intéressante. Cette ouverture budgétaire a permis d'accompagner les autorités organisatrices de la mobilité rurale et leurs partenaires, dont les associations, dans le déploiement d'une offre de mobilité durable, innovante et solidaire, dite du dernier kilomètre.

Alors que ces crédits ont été intégralement consommés pour 2024, je souhaite savoir, d'une part, madame la ministre, si vous êtes déjà en mesure d'apporter un éclairage sur l'utilisation de ce fonds, et, d'autre part, si celui-ci est menacé dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2026.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Denise Saint-Pé, je vous remercie de votre question, qui aborde la problématique de la mobilité et apporte des précisions à la fois sur les attentes des collectivités et sur l'action de l'État, rendue possible grâce au vote, notamment par le Sénat, des 90 millions d'euros du fonds vert qui sont dédiés aux expérimentations de mobilité.

Je le répète en toute lucidité : nous pouvons le regretter, mais la voiture reste, et restera longtemps encore, la solution du premier ou du dernier kilomètre dans les territoires ruraux.

L'enjeu est de développer des solutions innovantes d'autopartage et de covoiturage. C'est précisément l'objet de ces 90 millions d'euros, soit une enveloppe de 30 millions par an. Le plan France Ruralités constitue à ce titre un signal fort. Cette somme a été utilement dépensée pour accompagner cette mobilité du dernier kilomètre, souvent mise en place par les intercommunalités.

L'État a ainsi accompagné 225 projets en 2024, et une soixantaine d'autres sont encore en cours d'examen, pour un taux moyen de subvention par projet qui s'élève à 80 000 euros, afin d'initier un processus de solutions souples et agiles. Ce montant est significatif au regard du coût de mise en œuvre de ces solutions.

Vous connaissez bien cela, madame la sénatrice, puisque votre territoire a été tout à fait innovant dans ce domaine : la communauté de communes du Béarn des Gaves a sollicité le fonds vert et a obtenu 70 000 euros pour faciliter la mise en œuvre d'un dispositif qui fonctionne bien et donne satisfaction.

Je forme le vœu que nous continuions à soutenir ces solutions de mobilité, de même que le plan Vélo.

Par ailleurs, 20 millions d'euros sont prévus pour les autres projets en 2025. J'ai la conviction que de nouvelles solutions pour dégager des ressources existent.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. J'en ai parlé à Ambition France Transports et j'espère que le Sénat nous suivra sur cette voie.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrice Joly. Madame la ministre, nos territoires ruraux glissent inexorablement, d'élection en élection, vers le populisme, vers un vote de colère et de désespoir qui menace jusqu'aux fondements de notre République.

Pourquoi ? Parce que, même si le sujet des territoires ruraux est revenu dans le débat public ces dernières années, malgré de nouveaux dispositifs, la politique nationale ne prend pas suffisamment en compte notre ruralité française.

Les habitants des campagnes voient leurs écoles fermer, leurs commerces disparaître, leurs services publics s'éloigner ; ils voient leur avenir se rétrécir. Ce sentiment d'abandon n'est pas une simple impression ; il correspond à une réalité palpable.

Il n'agit non pas seulement d'une question de justice ou d'équité, mais de la survie de notre démocratie. À force de laisser ces territoires s'enfoncer dans la défiance et le ressentiment, nous ouvrons grand la porte à ceux qui prospèrent sur la colère, à ceux qui promettent tout et n'apportent rien, sinon la division et la haine.

Il est urgent d'agir, d'investir et de redonner espoir et perspectives à ces millions de Français.

Ne nous trompons pas de diagnostic : les territoires ruraux sont non pas des poids morts ou des freins au progrès, mais bien des atouts majeurs pour relever les défis du XXIe siècle. Ils nourrissent la France, ils produisent de l'énergie, ils préservent nos ressources naturelles. Ils inventent déjà les solutions de demain et, pour cela, ils ont besoin d'être soutenus, reconnus et valorisés.

Les dispositifs actuels, aussi louables soient-ils, comme Action cœur de villes, Petites Villes de demain ou encore Villages du futur, sont loin d'être suffisants. Ils apportent principalement un soutien en ingénierie, mais pas un euro de plus, ou si peu.

Il faut prendre des mesures fortes et courageuses en matière d'accès à la santé, de mobilité, de revitalisation économique, de logement, et accorder enfin des moyens à nos collectivités rurales.

Madame la ministre, le temps n'est plus aux demi-mesures.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur, je connais votre attachement à la ruralité, mais, avec tout le respect que j'ai pour vous, je ne partage pas la tonalité avec laquelle vous en parlez et ce que vous dites de l'absence de mesures de la part de l'État. Or je vous connais suffisamment bien pour savoir que nous pourrions partager une certaine objectivité à ce sujet.

Je me suis rendue dans votre département, en présence également de votre collègue Nadia Sollogoub. Comme moi, vous avez entendu les élus évoquer leurs difficultés. Vous m'avez entendue dire que celles-ci étaient réelles, mais j'ai aussi souligné combien les maisons France Services me semblaient utiles. En disconvenez-vous ?

Elles sont plébiscitées, avec 35 millions de demandes traitées et un taux de satisfaction de 95 %. C'est un service public qui n'a jamais existé auparavant, y compris dans les grandes villes.

Les Villages du futur, les Petites Villes de demain, les maisons de santé, etc., cela existe. Monsieur le sénateur, vous êtes honnête, comme moi. Vous ne pouvez donc pas soutenir que rien n'est fait et que nous nous contentons de pleurer sur le sort de la ruralité !

Souvenez-vous que nous avons constaté ensemble la réussite magnifique de l'entreprise Nexson, positionnée sur des niches exceptionnelles, que même les Chinois nous envient. Or celle-ci se trouve chez vous, en pleine ruralité ! Cela montre bien que ces zones recèlent des pépites. Si nous ne parvenons pas à les mettre en valeur, comment voulez-vous que des entreprises de ce calibre tout à fait exceptionnel souhaitent s'installer chez nous ?

Certes, des difficultés existent, admettons-le et retroussons nos manches. Pour autant, monsieur le sénateur, je ne sais certes pas chanter comme Jacques Brel, mais " gémir n'est pas de mise " !

Nous devons agir ensemble, et je compte sur vous, comme nous comptons les uns sur les autres, pour susciter de l'espérance pour nos territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.

M. Patrice Joly. Madame la ministre, je vous entends bien, et je n'ai pas gémi ! Je ne prétends aucunement que rien n'a été entrepris et je ne nie pas le dynamisme de nos territoires, bien au contraire.

Pour autant, nous sommes loin du compte, au regard des volumes et des engagements indispensables pour nos territoires ruraux.

L'enjeu n'est rien de moins que l'avenir de la République. Je le répète, nous assistons à un glissement inquiétant vers des votes qui remettent en cause ses fondements mêmes. Or elle ne saurait survivre sans les campagnes, c'est une évidence, mais elle ne saurait davantage perdurer sans justice territoriale.

Il est impératif d'agir à la hauteur des défis, et sans tarder, afin que la ruralité demeure une chance et non un risque pour notre avenir commun. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jeanne Bellamy.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. Madame la ministre, l'un des défis majeurs de notre ruralité est l'accès à l'éducation et à la culture.

À la rentrée 2024, près de 30% des élèves du premier degré étaient scolarisés en zone rurale. En dix ans, la ruralité a perdu 13% de ses effectifs, contre 3% en zone urbaine.

Je m'interroge sur le maillage territorial des établissements scolaires et sur les critères retenus pour l'établir. Ne pourrait-on pas mettre en place un principe de sectorisation, imposant aux familles de scolariser leurs enfants là où elles résident et non sur leur lieu de travail ?

Nos écoles rurales se vident, pas seulement en raison d'une baisse de vitalité, mais de plus en plus à cause d'un déplacement des populations. Or nos communes rurales ne doivent pas devenir de simples communes dortoirs.

Par ailleurs, en 2025, quelque 1 200 communes ont conservé le rythme scolaire de droit commun de quatre jours et demi, pour 600 000 élèves. L'État devait contribuer au financement de leurs activités périscolaires via un fonds dédié, lequel a été supprimé à la rentrée 2025.

Contrairement aux promesses de Gabriel Attal, cela n'a donné lieu à aucune concertation, et aucun dispositif recentré sur les communes qui en ont besoin n'a vu le jour. Nous connaissons celles-ci, pourtant : il s'agit des communes rurales et des écoles situées en zone d'éducation prioritaire, qui concentrent les indices de position sociale les plus bas.

Sans ce fonds, ces communes ne pourront pas maintenir ces activités, fragilisant encore davantage l'offre éducative et culturelle à destination des jeunes ruraux, qui souffrent déjà d'un accès limité à ces services.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir l'équité entre les territoires et maintenir, voire développer, une offre éducative et culturelle ambitieuse dans nos territoires ruraux ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Marie-Jeanne Bellamy, nous avons eu l'occasion d'aborder le sujet que vous évoquez lors de ma visite dans votre département de la Vienne. Vous l'avez souligné, le sujet de l'éducation est prioritaire. Il inclut l'école, mais aussi l'ensemble du périscolaire.

La loi avait institué l'obligation de nouveaux rythmes, l'État créditant les communes d'une aide à la mise en place de ce temps périscolaire. Cette obligation a été supprimée et la liberté rendue aux communes de décider, en concertation avec les parents et les équipes éducatives, de revenir au rythme ancien.

L'État a maintenu jusqu'à cette année une dotation destinée aux communes qui choisissaient librement de le faire, mais celle-ci va en effet être supprimée. J'entends parfaitement vos propos. Je tiens toutefois à rappeler que nous évoluons dans un contexte budgétaire global extrêmement difficile.

L'action en faveur de l'éducation des enfants demeure prioritaire. Je travaille, avec Élisabeth Borne, pour développer les territoires éducatifs ruraux, grâce auxquels une aide supplémentaire est apportée, afin de prendre en compte l'environnement périscolaire.

Pour renforcer l'école dans nos ruralités, comme je souhaite ardemment que nous le fassions, et garantir sa qualité, nous devons parvenir à rendre la ruralité encore plus attractive. Or 30 % de l'industrie y est déjà implantée ; il est impératif d'y attirer encore des habitants et, pour cela, plus d'entreprises. Ainsi, nous redynamiserons les écoles et nous offrirons aux enfants une éducation susceptible de leur ouvrir des perspectives.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. La pandémie de covid-19 a fait germer au sein du grand public l'idée d'un retour vers le rural, suscitant l'espoir, avec des projections de déménagement vers une ruralité de nouveau connotée positivement.

Cinq ans plus tard, le constat est plus terne : l'exode urbain s'est modestement matérialisé et le fameux " monde d'après " demeure très largement structuré autour des métropoles.

Parmi les raisons qui peuvent expliquer ce constat finalement peu enthousiasmant pour les campagnes, se trouve probablement le fait que la relégation au second plan de ces territoires persiste, voire s'accentue. Entre fermetures de classes, désertification médicale, offre de transport insuffisante et éloignement progressif de la plupart des services publics, les zones rurales subissent de plein fouet les effets de la rationalisation de l'État dans les territoires.

Il ne s'agit pas de prétendre que les politiques publiques d'accompagnement des territoires ruraux n'existent pas, mais plutôt de souligner qu'elles ne parviennent pas à enrayer le phénomène, le plus souvent en raison d'un sous-investissement.

Parmi les politiques publiques volontaristes qui semblent fonctionner, le dispositif France Ruralités Revitalisation (FRR) offre un véritable levier en termes d'attractivité. Toutefois, madame la ministre, ainsi que je vous l'ai écrit, le zonage établi fait apparaître de réelles disparités entre les territoires concernés, parfois au sein même d'une communauté de communes.

Dans le département de la Loire, par exemple, plusieurs communes des communautés de communes de Charlieu-Belmont et des Monts du Pilat ont été exclues du dispositif sans possibilité de rattrapage par le préfet, quand d'autres y participent. Il est pourtant clair que toutes ces communes partagent des réalités économiques, fiscales, sociales, démographiques et culturelles homogènes, qui justifient précisément leur appartenance à une communauté de communes.

Partant d'une idée louable, le dispositif FRR conduit, dans ces situations précises, à un dumping administratif et fiscal injuste. Je conviens que la réalisation d'un tel zonage n'est pas chose aisée, mais la situation actuelle n'est pas acceptable pour les communes écartées.

Aussi, madame la ministre, comptez-vous revoir les situations particulières issues du zonage FRR ? Que répondez-vous à ces communes délaissées ? Et envisagez-vous d'ajouter au dispositif un critère de continuité territoriale ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Tissot, je me doutais bien qu'il ne pouvait y avoir de débat sur la ruralité sans que soit abordée la question des ZRR et des zones FRR.

Parlons franchement : ce dispositif, qui comptait au départ 12 000 communes, en englobe aujourd'hui 19 000. La situation actuelle s'appuie sur une solution hybride qui ne donne pas entière satisfaction, puisque deux critères ont été retenus : au-delà des caractéristiques de chaque commune, le pôle de bassin de vie ou l'intercommunalité est pris en compte.

Ainsi, entre deux communes de même profil, l'une peut se retrouver classée FRR, tandis que l'autre ne le serait pas. Voilà ce que j'ai constaté en arrivant au ministère.

Nous le savons bien ici, la situation est tellement compliquée qu'il a été décidé de réintégrer dans ce dispositif 2 168 communes qui auraient dû en sortir, mais que l'on a maintenues au titre de la prolongation des ZRR jusqu'en 2027. Celles qui sont classées FRR, au nombre de 12 000, bénéficient, quant à elles, d'un dispositif courant jusqu'en 2029 et certaines sont classées FRR+. Leur liste sera très prochainement publiée, le décret ayant été examiné et approuvé par le Conseil national d'évaluation des normes.

Je m'y engage : il n'y aura pas de modifications concernant la carte adoptée, non plus que les deux dispositifs. Les communes ZRR pour lesquelles l'État s'est engagé jusqu'en 2027 ne seront pas touchées, tout comme celles qui bénéficient du dispositif jusqu'en 2029.

Cela dit, j'entends vos remarques. Il fut un temps où, quatre fois par semaine, un maire ou un sénateur m'appelait pour me dire : " Ce n'est pas normal, ma commune n'est pas classée ! ".

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Cela signifie que nous sommes face à un véritable problème. Je propose donc que nous procédions sereinement à une évaluation de ce dispositif, dont nous partagerons les résultats avec les parlementaires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, je souhaite profiter de ce débat pour évoquer les défis que doivent relever nos territoires ruraux depuis l'adoption de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, pour concilier les attendus de la rénovation énergétique et la sauvegarde du bâti ancien.

Face aux multiples défis que nous devons aujourd'hui relever, rénover le bâti ancien, tout le bâti ancien, qu'il soit protégé ou non, constitue, aux yeux de ceux qui en connaissent la valeur, une véritable assurance vie pour notre pays. Curieusement, nos politiques publiques ont du mal à le reconnaître, malgré les alertes incessantes que lance le Sénat.

Face aux atteintes trop souvent définitives portées au patrimoine au nom de la rénovation énergétique, il est urgent de cesser de subventionner des travaux uniformes et inadaptés pour répondre aux exigences de cette loi, laquelle n'a pas fini de nous poser question ; il est tout aussi urgent de traiter avec respect ce qu'il reste de notre bâti ancien, des paysages et du cadre de vie propre à la ruralité française, qui raconteront bien mieux que nous l'histoire de notre si beau pays.

Madame la ministre, sans l'État, sans l'appui des politiques publiques, nous n'y parviendrons pas. À cette fin, il convient a minima d'identifier le plus vite possible le bâti non protégé de notre pays, afin de lui permettre de bénéficier d'un traitement particulier lors de l'instruction des autorisations d'urbanisme.

Il est ainsi nécessaire de créer un diagnostic de performance énergétique (DPE) spécifique, qui prenne en compte les qualités thermiques du bâti traditionnel, de majorer les aides financières, pour aider à financer les surcoûts inhérents à une rénovation respectueuse du bâti vernaculaire, et, enfin, de valoriser les métiers et les gestes du patrimoine qui s'éteignent faute de pouvoir s'exercer.

En 1832, Victor Hugo écrivait : " Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous, à moi, à nous tous. Donc, le détruire c'est dépasser son droit. "

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Sabine Drexler. Dans cet hémicycle où il a lui-même siégé, il m'en voudrait de ne pas le rappeler ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Votre question me touche, madame la sénatrice Sabine Drexler, car elle porte sur l'identité de notre ruralité, la diversité de notre territoire et les spécificités du bâti dans le département dont vous êtes élue, qui diffère du bâti que l'on trouve dans la Creuse ou en Bretagne.

Alors que nous devons muscler et rénover le bâti de nos centres-villes et de nos centres-bourgs, il faut reconnaître que le DPE, qui est adapté aux logements modernes, ne prend pas en compte les performances thermiques estivales du bâti que vous évoquez. L'application du DPE à ce type de bâti est même nuisible – je le dis comme je le pense –, car elle entraîne la prescription de travaux de rénovation avec des matériaux incompatibles avec l'existant, et cause de ce fait des " maladies " du bâti.

Dans les Vosges, l'AMRF a créé un laboratoire de la ruralité qui travaille notamment sur le bâti ancien.

Il nous faut prendre des moyens pour rénover le bâti ancien de manière adaptée et qualitative – je l'ai observé hier, lors d'un déplacement à Jarnac, comme dans bien d'autres territoires.

Soyez donc assurée de mon soutien, madame la sénatrice : comme les sénateurs, qui sont – je l'imagine – très sensibles aux difficultés que vous soulevez, j'appelle de mes vœux une réponse positive à votre question.

Dans le département dont vous êtes élue, la réhabilitation exceptionnelle de la ferme de Niefergold, à Durmenach, constitue un exemple d'adaptation réussie d'un bâti ancien. Il nous faut encourager de telles initiatives, car les néoruraux étant attachés à la qualité du bâti ancien, elles contribuent à renforcer l'attractivité de nos territoires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Martine Berthet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je salue la volonté réaffirmée d'accompagner les dynamiques économiques dans les territoires, au plus près de nos entreprises, et plus particulièrement de nos industries, notamment dans le cadre du dispositif Territoires d'industrie.

La mise en œuvre des projets se heurte toutefois régulièrement à des actions contradictoires des services de l'État. Les dossiers portés localement se voient en effet freinés, voire bloqués, par un manque de coordination entre, d'une part, des services de l'État facilitateurs au niveau local et, d'autre part, les arbitrages souvent défavorables rendus au niveau régional, notamment par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal).

Il est temps de clarifier les responsabilités et de réaffirmer qu'en tant que représentant de l'État dans les départements, le préfet doit avoir le dernier mot pour garantir la cohérence, la rapidité et l'efficacité de l'action publique, tout en s'appuyant bien évidemment sur l'expertise régionale. Au fait des réalités locales, il travaille en effet avec ses services au plus près des collectivités, et il est le garant de l'équité territoriale.

En Savoie, des projets essentiels se trouvent aujourd'hui menacés par des décisions techniques prises au niveau régional, lesquelles n'ont fait l'objet d'aucune concertation ni information, et alors même qu'en parallèle, les projets avancent localement. Une étude de reclassement en zone humide compromet ainsi l'extension de la zone d'activité de Terre Neuve III, sur l'aérodrome d'Albertville, au sein de laquelle la belle entreprise SAF Hélicoptères souhaite construire un nouveau bâtiment aux normes demandé par ses clients, notamment par Airbus.

Cette situation illustre l'écart persistant entre les ambitions portées localement et une approche administrative parfois déconnectée des réalités de terrain. Je pourrais, hélas ! citer plusieurs situations comparables.

Ma question est donc la suivante, madame la ministre : quand les préfets seront-ils enfin dotés de l'autorité nécessaire pour s'opposer au blocage par les services régionaux de l'État de décisions structurantes pour l'aménagement et l'activité économique de nos territoires ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Nous connaissons tous, dans nos territoires, les effets économiques des difficultés que vous soulevez et les fortes contrariétés qui en découlent, madame la sénatrice Martine Berthet.

Les services de l'État, pour lesquels travaillent des personnels de grande valeur, fonctionnent malgré tout en silo, sans vision d'ensemble, ce qui les amène parfois à émettre des injonctions contradictoires.

Le Gouvernement, tout comme le Sénat et – je l'espère – l'Assemblée nationale, souhaite donc renforcer les pouvoirs du préfet de département. En raison de sa proximité avec le terrain – le Sénat l'a souvent soulignée –, il doit être le chef d'orchestre de tous les services et agences de l'État. Autrement dit, une fois l'avis de chacune des administrations pris en compte, il doit être en mesure d'arbitrer et de hiérarchiser les urgences en vue de l'intérêt général.

Le Gouvernement souhaite également donner au préfet un pouvoir d'appréciation de la norme, car pour légitime qu'elle soit, elle ne peut parfois pas être appliquée de la même manière dans une grande et une petite entreprise, ou au nord et au sud de la France. En raison de la judiciarisation croissante de notre société, qui fait parfois figure de nouveau sport national, nous ne pouvons toutefois pas donner cette liberté à un représentant de l'État sans en sécuriser juridiquement l'exercice au préalable.

En tout état de cause, j'estime et j'espère que nous approchons du but, madame la sénatrice. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Martine Berthet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Madame le ministre, chère Françoise Gatel, de tous les maux qui rongent notre société, l'un des plus sournois et des plus redoutables est probablement la fonte de la natalité qui touche notre pays – triste peau de chagrin ! –, dont l'horizon s'embrume et qui, entre consumérisme et égocentrisme, s'endort à bas bruit.

Les raisons en sont certes nombreuses. Parmi celles-ci figure l'abandon de toute politique familiale digne de ce nom. Si l'on fait des enfants par amour, l'accueil d'un nouveau-né est toujours facilité, notamment pour les couples modestes, par des aides, ainsi que par la mise en place de solutions de garde permettant de concilier vie professionnelle et parentalité.

Or l'accueil de la petite enfance, notamment dans les zones rurales, constitue un angle mort de nos politiques publiques. Les collectivités territoriales prennent certes le problème à bras-le-corps en subventionnant l'installation et l'aménagement de crèches et de maisons d'assistants maternels (MAM). Mais, hélas ! l'État accompagne ces initiatives de subventions bien trop timides.

De ce fait, les campagnes vieillissent, s'engourdissent, alors même qu'un cadre de vie verdoyant et un foncier bon marché sont autant d'appels à l'installation de jeunes familles.

Madame le ministre, quelle est la vision de l'État face à cette dénatalité conjuguée au vieillissement de nos campagnes souvent vides, où les structures d'accueil de la petite enfance sont beaucoup trop rares ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Ne disposant que de deux minutes pour refaire la société française avec vous, monsieur le sénateur Paccaud, vous me pardonnerez de développer une pensée qui, pour être sincère, n'en sera pas moins réductrice ! (Sourires.)

Si les enfants se font à mon avis plutôt par amour que par décret,…

M. Olivier Paccaud. Je l'ai dit !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. … il faut que l'ensemble des territoires proposent des solutions de garde et d'accueil pour les enfants. En effet, les parents travaillent, certaines familles sont monoparentales et, dans tous les cas, il faut offrir au plus tôt aux enfants la possibilité d'évoluer dans un cadre collectif.

Dans le département très rural qu'est la Mayenne, des maisons d'assistants maternels ont vu le jour. Ces structures privées, qui n'ont pas nécessairement besoin du soutien des collectivités locales, proposent une solution collective. Les microcrèches peuvent également être le fait d'initiatives privées ou associatives.

Dans la Somme, le département dont votre collègue M. Somon est élu, pour faire face à la baisse de la démographie, des communes ont par ailleurs inventé un dispositif extraordinaire assurant un accueil mutualisé des enfants, y compris sur le temps périscolaire.

Il nous faut accompagner l'élaboration de telles solutions, car elles sont très attendues. Tel est l'engagement de l'État. Tels sont aussi l'engagement et la mission des départements, des caisses d'allocations familiales (CAF) et des caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA).

Je souhaite en particulier que les CAF s'assurent que les collectivités pourront assumer les charges, parfois très lourdes, qu'emportent les normes qu'elles imposent. Je souhaite également – et je vous invite à mener ce combat à mes côtés, monsieur le sénateur – qu'au sein des caisses d'allocations familiales départementales, une représentante des élus accompagne la mise en œuvre des solutions d'accueil de la petite enfance. (M. Bernard Buis applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.

M. Olivier Paccaud. Il serait bon que, dans le cadre de l'affectation de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), des crédits soient alloués de manière prioritaire aux projets de crèches ou de maisons d'assistants maternels. Or ce n'est pas toujours le cas.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Facile ! (Sourires.)


source https://www.senat.fr, le 3 juin 2025