Texte intégral
JULIEN ARNAUD
Et merci d'être avec nous, monsieur le ministre. Bonjour,
BRUNO RETAILLEAU
Oui, bonjour à vous,
JULIEN ARNAUD
Peut-être, peut-on commencer par donner des nouvelles si vous en avez, de ces deux pompiers qui sont portés disparus à Laon, dans l'Aisne, à la suite d'une intervention sur un incendie.
BRUNO RETAILLEAU
Non, ce sont deux jeunes pompiers volontaires. Actuellement, beaucoup de sapeurs-pompiers sont mobilisés pour tenter de les rejoindre parce qu'ils ont été ensevelis. Le feu, en réalité, a attaqué la structure du bâtiment et s'est affaissé sur eux. Donc, je pense à la famille, je pense à eux. Mais il y a encore un espoir. Il faut absolument que la colonne des serpents pieds parvienne précisément jusqu'à eux. Je veux simplement dire que la semaine dernière, il y a exactement huit jours, à Bergerac, un sapeur-pompier est mort au moment d'un exercice. Donc, j'ai vraiment une pensée pour toute cette grande famille des sapeurs-pompiers qui passent leur temps, finalement, à donner beaucoup d'eux-mêmes, parfois jusqu'au sacrifice de leur vie pour nous, pour ceux qu'ils veulent secourir.
JULIEN ARNAUD
Et c'est le quotidien du ministre de gérer ces circonstances et bien sûr, dont on espère qu'elles ne seront pas dramatiques.
BRUNO RETAILLEAU
Mais ça permet quand même de rappeler quelque chose de fondamental, c'est la force du don de soi plutôt que le chacun pour soi. C'est une leçon de civisme.
JULIEN ARNAUD
Il y a aussi, dans l'actualité, beaucoup de politiques. Et évidemment, je voudrais vous entendre sur une petite phrase qui a fait beaucoup de bruit du président. C'était ce week-end. Il a dit à propos des... Il parlait des reculs sur les mesures écologiques, mais il dit ceci " Certains préfèrent brainwasher (faire un lavage de cerveau en français sur l'invasion du pays et les derniers faits divers ", la violence, les violences notamment. Après la victoire du PSG. Est-ce que vous reprendriez ça ? Est-ce que ce sont de simples faits divers, ces faits de violence qui touchent le pays ?
BRUNO RETAILLEAU
Je ne le pense pas. Un fait divers, c'est un fait qui surgit dans l'actualité, qui est imprévisible par définition et surtout contre lequel on ne peut rien. Et je pense que l'accumulation de faits divers, on le voit bien, crée du sens. Malheureusement, ce sont des faits de société.
JULIEN ARNAUD
Ils sont choquants ces propos du président ?
BRUNO RETAILLEAU
En tout cas, parce que je suis ministre de l'intérieur, je vois bien l'insécurité qui monte, qui monte. Cette violence, cette ensauvagement, cette barbarie comme j'ai pu la dénoncer. On ne peut pas s'y résigner. Accepter ces faits là comme des faits divers, ça voudrait dire que, en fait, on accepte la fatalité. Et moi, je ne crois pas à la fatalité. Il faut, pour les jeunes mineurs, une révolution pénale, il faut aussi pour les étrangers. Le désordre migratoire aboutit à des désordres d'insécurité. J'ai les statistiques avec les liens malheureusement, et je pense que précisément, il faut lutter pied à pied. C'est ce qu'attendent les Françaises et les Français de nous.
JULIEN ARNAUD
Et quand on vous entend, on a l'impression que vous pourriez reprendre exactement ces propos, même si ce ne sont pas vous qui les avez prononcés, c'est Marine LE PEN. " Le détachement indécent et cette indifférence aux souffrances des Français montre à quel point Emmanuel MACRON s'enferme dans le déni, dans l'aveuglement et dans le mépris qui caractérise sa présidence ". Est-ce que vous pourriez retirer une virgule à ça ?
BRUNO RETAILLEAU
Je ne veux pas rentrer dans ce genre de polémique identitaire. Marine LE PEN.
JULIEN ARNAUD
Mais est ce qu'il y a du déni ? Est-ce qu'il y a de l'aveuglement, voire du mépris du président ?
BRUNO RETAILLEAU
Je ne le pense pas, en tout cas, Marine LE PEN, je l'ai bien vu. Je suis le premier qu'elle critique. Et parce qu'il y a une forme de laxisme en cela. D'ailleurs, on l'a bien vu sur le match PSG, il y a eu les Insoumis et le Rassemblement national. Ils m'ont désigné comme le fauteur de troubles. Les deux. Les uns parce qu'ils me trouvent, finalement, trop répressif et les autres pas suffisamment répressifs. Mais en fait, ce qu'ils ignorent, c'est que la réponse sécuritaire, c'est une chose. Il faut aller chercher aussi ailleurs. Il faut une des sanctions judiciaires qui soit beaucoup plus ferme. Il faut adopter le principe casseur payeur. Ces jeunes ou moins jeunes qui cassent, on doit les faire payer, y compris leur famille.
JULIEN ARNAUD
Elle vous fait, c'est vrai, un procès en impuissance, Marine LE PEN. Elle dit que vous parlez beaucoup, mais vous ne faites pas grand-chose. Rien ne montre, dit-elle, que la dégradation du pays soit enrayée. On aurait pu prendre un vrai cap, des actes forts. Il n'y a que des mots. Les mots n'arrêtent ni les voyous, ni les criminels. Et c'est vrai que ce qui s'est passé après la victoire du PSG a permis de nourrir cette polémique et ses propos de son point de vue. En tout cas, ce soir, le préfet de police, il sera auditionné à l'Assemblée sur le sujet. Vous, ce sera le 18 juin, sauf erreur. Avec le recul, est-ce que vous diriez qu'on aurait dû faire les choses un peu différemment ou bien on ne pouvait pas mieux faire ?
BRUNO RETAILLEAU
Non, franchement, je pense que la réponse policière, la réponse sécuritaire a été au rendez-vous. Maintenant, il faut être très, très clair. Moi, je me n'en satisfais pas parce qu'on ne pourra pas demain, évidemment, placer un cordon de CRS devant chaque magasin, devant chaque vitrine.
JULIEN ARNAUD
Et c'est terrible, ce que vous dites, parce que vous dites que la réponse policière a été au rendez-vous. Et regardez les images. Mais l'arrêt, parce que... On ne peut pas mieux faire, on ne peut pas mieux faire que ça.
BRUNO RETAILLEAU
Si, on peut beaucoup mieux faire. Parce qu'il faut dissuader. Dissuader, c'est sanctionner. J'ai été surpris, par exemple, d'un certain nombre de sanctions qui sont beaucoup trop faibles. Quand un jeune, un jeune majeur de 19 ans, a un sac à dos bourré de feux d'artifice, on sait que ce sont des armes par destination, qu'il frappe à deux reprises un policier. Eh bien, je pense qu'aujourd'hui et demain, si on veut vraiment dissuader, il faudrait que dès lors qu'on s'en prend un sapeur-pompier. On parlait des sapeurs-pompiers. Vous savez qu'il y a eu des sapeurs-pompiers qui ont été blessés, des gendarmes, des policiers. Eh bien, à chaque fois qu'on blesse un sapeur-pompier, quelqu'un en uniforme, c'est la case prison.
JULIEN ARNAUD
Mais c'est parce que les juges sont laxistes ou c'est parce que les textes ne sont pas assez durs ?
BRUNO RETAILLEAU
Les textes, parfois, ne sont pas assez durs. Je pense à la justice des mineurs. Je pense qu'il faut une révolution pénale sur la justice des mineurs avec des courtes peines, c'est fondamental, d'une semaine, de deux semaines, dans des prisons qui ne sont pas les mêmes que là où on enferme les narcotrafiquants, qui sont des prisons appropriées. Et il faut aussi faire payer les casseurs. On ne fait pas payer les casseurs.
JULIEN ARNAUD
Il y a du laxisme sur les juges ou pas ?
BRUNO RETAILLEAU
Pas tous, mais il peut y en avoir. Écoutez, quand il n'y a pas de peine de prison alors qu'on frappe des policiers, ça n'est pas possible. Dans d'autres pays européens, on sait bien que quand on s'attaque à l'uniforme, alors c'est la case prison. Tant qu'on n'aura pas compris cela, je pourrais aligner mais des milliers et des milliers de policiers et de gendarmes. Ils seront submergés par la vague de ces barbares.
JULIEN ARNAUD
Vous nous dites ça, mais on a l'impression que ce diagnostic, il n'est pas partagé au sein du Gouvernement. On a vu les paroles du président lui-même qui parle de faits divers. Elisabeth BORNE également, elle entend les mesures dont vous parlez, dont parle également Gérald DARMANIN. Et elle dit ce week-end dans Le Parisien, " Ce serait bien d'éviter la surenchère des mesures éculées qu'on trouve sur l'étagère à chaque actualité dramatique ". Vous lui répondez quoi, votre collègue ?
BRUNO RETAILLEAU
Chacun son parcours. Elisabeth BORNE vient de la gauche. Ça n'est pas mon cas, mais je le dis aujourd'hui. Il faut être aveugle pour ne pas voir l'ensauvagement d'une partie de la jeunesse.
JULIEN ARNAUD
Il y a un aveuglement chez Elisabeth BORNE, chez Emmanuel MACRON ? C'est ce que vous nous dites.
BRUNO RETAILLEAU
Pas de polémique. Écoutez, oui, vous cherchez à créer une forme de polémique entre des membres du Gouvernement. Simplement, ce que je sais, moi, je suis ministre de l'Intérieur. Ce que je dis, c'est qu'il y a un ensauvagement, une décivilisation. Même le président de la République l'avait reconnu. Alors qu'est-ce qu'on fait ? On reste les bras ballants, on ne fait rien. Moi, j'attends à ce que, finalement, ces sauvages-là blessent des policiers et des gendarmes. Il y en a des centaines, des milliers de blessés. Chaque année, on peut s'en satisfaire ? Non. Moi, je veux changer les règles et ce qu'en font d'autres pays européens. Quand ça marche. Pourquoi est-ce que nous, on ne le ferait pas ? Pourquoi on ne le ferait pas ? Quant à Marine LE PEN, simplement, ce que je veux dire, c'est que j'ai déjà des résultats. En matière de rodéo, par exemple, de confiscation des véhicules, plus 50%. En matière d'immigration, 24%. Plus d'éloignement forcé, 24% de régularisation en moins. 14% en moins de naturalisation. Sans qu'il y ait eu d'autres lois, puisqu'on n'a pas la majorité à l'Assemblée nationale. Avec les limites, les contraintes qui me sont données. Mais les Français ne sont pas fous. Ils ont du bon sens.
JULIEN ARNAUD
Vous avez entendu, hier, que le Président a dit que la dissolution, une nouvelle dissolution, ce n'était pas complètement écarté. C'est quelque chose que vous pourriez appeler de vos voeux pour qu'il y ait une majorité, peut-être, qui vous soutienne de ce point de vue-là ?
BRUNO RETAILLEAU
Non, je pense que la dissolution, en réalité, on l'a bien vu, la dissolution a créé une forme d'instabilité. Je ne souhaite pas, évidemment, qu'il y ait à nouveau une dissolution demain. Il faut assurer au pays une forme de stabilité. Parce que sans stabilité, ce sera une crise financière. Et ce sera les Français les plus faibles et les plus vulnérables qui trinqueront d'abord.
JULIEN ARNAUD
On va essayer d'en dire un mot. Peut-être, d'abord, dites-nous, demain, il y a l'extraction de Mohamed AMRA. Vous vous êtes érigé contre cette décision. Est-ce que sur le plan sécuritaire, tout est prêt ? Est-ce que les moyens déployés sont colossaux, demain ?
BRUNO RETAILLEAU
Tout sera prêt. Mais moi, ça me révolte parce que ça coûte cher, alors qu'on aurait pu faire en sorte que les juges se déplacent dans la prison.
JULIEN ARNAUD
La procureure dit " Non, ce n'est pas possible parce qu'il y a plein de scellés à lui présenter. Il vaut mieux qu'ils viennent dans le bureau des juges ".
BRUNO RETAILLEAU
Écoutez, les juges, pour l'affaire Kim KARDASHIAN, ils sont allés aux États-Unis. Voilà. Donc ça, c'est beaucoup d'argent, mais c'est encore plus que de l'argent. Ce sont des risques, à chaque fois qu'on extrait un individu très dangereux, alors ce sont des risques qu'on fait prendre aux forces de l'ordre. Et pour AMRA, je pense que chacun en mémoire les deux agents de la pénitentiaire qui ont été froidement abattus.
JULIEN ARNAUD
Vous avez parlé des risques financiers et il nous reste quelques secondes pour l'évoquer parce que la ministre du Budget, Amélie DE MONTCHALIN, va recevoir tous les ministres, dont vous. Est-ce que vous allez accepter de réduire votre budget ? Est-ce qu'il y a du gras au ministère de l'Intérieur ?
BRUNO RETAILLEAU
Ici, à l'intérieur, c'est de la masse salariale, ce sont des policiers, ce sont des gendarmes. On ne peut pas baisser les salaires des policiers et des gendarmes. Mais je ferai des propositions aussi à la ministre du Budget. Je pense que chacun doit être mise à contribution à une juste contribution, parce qu'il n'y a rien de pire que le rabot. La sécurité intérieure doit rester une priorité.
JULIEN ARNAUD
Et en tant que président LR, quelles sont vos lignes rouges en matière de rabot ou d'économies, ou de nouveaux impôts peut être, puisque le Premier ministre a dit que tous les Français devront faire un effort. Si vous mettez votre autre casquette, vous mettez lignes rouges où ?
BRUNO RETAILLEAU
Ce à quoi je crois, c'est que l'État ne doit pas faire la poche des Français avant qu'il ne se soit, lui-même, serrer la ceinture. Voilà, il y a du gras.
JULIEN ARNAUD
Des économies et pas de nouveaux impôts pour dire les choses. Est-ce que vous pourriez démissionner ? Si oui, évidemment, il faut voir où vous mettez le curseur. Parce que s'il y a des nouveaux impôts, des nouvelles dépenses fiscales, par exemple, si on rabote les niches fiscales, ce sont des impôts en plus.
BRUNO RETAILLEAU
Nous sommes rentrés au Gouvernement pour éviter le chaos. Si la France et si la droite française avait dit non. Et même MACRON aurait dû se tourner vers la gauche mélenchonisée. Mais nous en sommes là, nous voulons la stabilité. Mais attention, il ne faut pas que nos convictions profondes soient atteintes. Il ne faut pas que les intérêts supérieurs de la nation soient blessés. Donc, c'est en fonction de ces critères là que nous aurons à voir, à regarder au cas par cas.
JULIEN ARNAUD
La réponse de Bruno RETAILLEAU sur la phrase d'Emmanuel MACRON à propos des faits divers c'était, ce matin, dans les 4 V, ainsi que de nombreux sujets comme on vient de l'entendre. Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 juin 2025